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La Trinité 13 trinité dans la foi/Saint Augustin
POINT DE BONHEUR SANS L'IMMORTALITÉ.
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La Trinité 13 trinité dans la foi/Saint Augustin
Puisque tous les hommes désirent être heureux, si ce désir est sincère, ils veulent aussi être immortels : car sans cela ils ne pourraient être heureux. Du reste, quand on les interroge sur l'immortalité, ils répondent, comme pour le bonheur, qu'ils la désirent tous. Mais c'est en cette vie qu'on cherche, ou plutôt qu'on rêve un bonheur quelconque plus nominal que réel, tandis qu'on désespère de l'immortalité sans laquelle le vrai bonheur est impossible. En effet, comme nous l'avons dit et suffisamment prouvé plus haut, celui-là seul vit heureux qui vit comme il veut et ne veut rien de mauvais. Or, ce n'est pas vouloir une chose mauvaise que de vouloir l'immortalité, si, par la grâce de Dieu, l'âme humaine en est capable; et si l'âme humaine n'en est pas capable, elle ne l'est pas non plus du bonheur. Car pour que l'homme vive heureux, il faut qu'il vive. Or, comment la vie continuera-t-elle à être heureuse chez celui qui meurt et que la Vie abandonne? Mais quand la vie l'abandonne, ou c'est malgré lui, ou il y consent, ou i1 y est indifférent. Dans le premier cas, comment appeler heureuse une vie à laquelle on tient et dont on n'est pas maître? Et si l'homme ne peut être heureux quand il désire sans posséder, à combien plus forte raison ne pourra-t-il l'être quand il se verra privé, non des honneurs, ou des biens, ou de tout autre objet, mais de la vie heureuse elle-même, puisque toute vie aura cessé pour lui? Et quoiqu'il n'ait plus le sentiment de ses maux car la vie heureuse ne cesse que parce que toute vie a disparu il est cependant malheureux tant qu'il sent, parce qu'il sait qu'il perd malgré lui ce pourquoi il aime tout le reste et ce qu'il aime par-dessus tout le reste. La vie ne peut donc tout à la fois être heureuse et quitter quelqu'un malgré lui: car personne n'est heureux malgré lui. Par conséquent combien ne rend-elle pas plus malheureux l'homme qu'elle quitte malgré lui , elle qui le rendrait déjà malheureux si elle s'imposait à lui contre son gré?
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Que s'il consent à la perdre, comment l'appellera-t-on heureuse, quand celui qui la possède désire la voir finir ? Reste le troisième cas, l'indifférence de l'homme heureux: c'est-à-dire l'hypothèse où, toute vie lui faisant défaut, la vie heureuse l'abandonne, sans qu'il le désire, sans qu'il s'y refuse, son coeur restant paisible et prêt à tout. Mais ce n'est pas encore là la vie heureuse, puisqu'elle mie mérite pas même l'amour de celui qu'elle rend heureux. Est-ce en effet une vie heureuse, celle que n'aime pas celui qui la possède ? Et comment aimerait-on une vie à la conservation ou à la perte de laquelle on est indifférent ? A moins que les vertus mêmes que nous aimons en vue du bonheur, n'aillent jusqu'à nous détourner de l'amour du bonheur. Dans ce cas, nous cessons de les aimer elles-mêmes, puisque nous n'aimons plus la seule chose, pour laquelle nous les aimions. Ensuite que deviendra cet axiome si senti, si réfléchi, si clair, si certain, que tous les hommes désirent être heureux, si ceux qui sont heureux ne tiennent pas à l'être? Que s'ils y tiennent, comme la vérité le crie, comme l'exige impérieusement la nature eu qui le Créateur souverainement bon et immuablement heureux en a mis le besoin, si, dis-je ceux qui sont heureux veulent être heureux , évidemment ils ne veulent pas que leur bonheur s'use et périsse. Or, ils ne peuvent être heureux qu'en vivant; ils ne veulent donc pas que leur vie cesse. Donc tous ceux qui sont heureux ou veulent l'être, désirent être immortels. Or on n'est pas heureux, si l'on n'a pas ce que l'on veut; donc la vie ne peut absolument être heureuse, si elle n'est immortelle. (513)
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CHAPITRE IX.
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CE N'EST PAS LE RAISONNEMENT HUMAIN, MAIS LA FOI QUI NOUS DONNE LA CERTITUDE DE L'IMMORTALITÉ DANS LE BONHEUR.
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La nature humaine est-elle capable de ce bonheur qu'elle reconnaît comme si désirable? voilà une grave question. Mais si l'on consulte la foi qui anime ceux à qui Jésus a donné le pouvoir d'être faits enfants de Dieu, tout doute disparaît. Parmi ceux qui ont essayé d'appuyer cette thèse sur des raisonnements humains, un bien petit nombre, doués d'un grand génie, ayant beaucoup de loisirs, très-versés dans les subtilités des sciences, ont pu parvenir à trouver des preuves de l'immortalité de l'âme seulement. Néanmoins ils n'ont pu découvrir pour elle un bonheur permanent, c'est-à-dire véritable : car ils ont prétendu qu'après avoir goûté ce bonheur, elle rentrait dans les misères de cette vie. Et ceux qui n'ont pas osé partager cette opinion, mais qui ont cru que l'âme, une fois purifiée, jouirait sans son corps d'un bonheur éternel, ont émis sur l'éternité du monde des idées tout à fait contradictoires à leur opinion sur l'âme. Il serait long d'en donner ici la preuve; mais nous croyons nous être suffisamment étendu sur ce sujet dans le douzième livre de la Cité de Dieu (Ch; XX).
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la foi chrétienne se fonde sur l'autorité de Dieu, et non sur le raisonnement humain, pour promettre l'immortalité , et par conséquent le vrai bonheur, à l'homme tout entier, à l'homme composé d'une âme et d'un corps. Voilà pourquoi, après que l'évangéliste a dit que Jésus a donné « le pouvoir d'être faits enfants de Dieu à ceux qui l'ont reçu»c'est-à-dire, comme il l'explique en peu de mots, « à ceux qui croient en son nom » après avoir ajouté comment seront faits enfants de Dieu ceux « qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu » : pour ne pas nous décourager par la comparaison d'une si haute dignité avec ce poids d'infirmité humaine que nous voyons et que nous portons, il se hâte de dire : « Et le Verbe a été fait chair et il a habité parmi nous (Jn 1, 12, 14 ) » ; pour nous convaincre, par le contras(e, d'une chose qui eût semblé incroyable. En effet, si Celui qui est par nature Fils de Dieu, est devenu fils de l'homme par compassion pour les enfants des hommes et cela est, puisque « le Verbe a été fait chair et a habité parmi nous» hommes combien n'est-il pas plus croyable que ceux qui sont par nature enfants des hommes, soient faits enfants de Dieu par la grâce de Dieu, et habitent en Dieu, en qui et par qui seul ils peuvent être heureux, en participant à son immortalité ? C'est pour nous convaincre de cette vérité que le Fils de Dieu a daigné revêtir notre nature mortelle.
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CHAPITRE X.
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AUCUN MOYEN N'ÉTAIT PLUS CONVENABLE QUE L'INCARNATION DU VERBE POUR DÉLIVRER L'HOMME DES MISÈRES DE CETTE VIE MORTELLE. NOS MÉRITES SONT DES DONS DE DIEU.
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C'est peu de réfuter ceux qui disent: Dieu n'avait-il donc pas d'autre moyen de délivrer l'homme des misères de cette vie mortelle, que d'exiger que son Fils unique, Dieu éternel comme lui, se fît homme, en prenant une âme et un corps semblables aux nôtres, devint mortel et souffrît la mort? c'est peu, dis-je, de leur répondre en affirmant que ce moyen était bon, que Dieu, en daignant nous délivrer par Jésus-Christ homme et Médiateur entre Dieu et les hommes, a agi d'une manière conforme à sa dignité. Il faut aussi leur prouver que si Dieu, dont le domaine sur toutes choses est absolu, ne manquait pas d'autres moyens également possibles, il n'y en avait pas, et n'y en pouvait avoir de plus convenable pour guérir notre misère. Etait-il rien, en effet, de plus nécessaire, pour ranimer notre espérance, pour relever nos âmes abattues sous le fardeau de notre condition mortelle, les empêcher de désespérer de l'immortalité, que de nous faire voir combien Dieu nous estimait, et combien il nous aimait? Or, était-il possible d'en donner une preuve plus claire, plus éclatante que celle-là: le Fils de Dieu, immuablement bon, restant ce qu'il était en lui-même, prenant de nous et pour nous ce qu'il n'était pas; daignant, sans rien perdre de sa propre nature, revêtir la nôtre; portant le poids de nos péchés, sans en avoir commis aucun; et aussitôt que nous croyons à l'étendue de son amour, et que nous rentrons dans nos espérances perdues, nous versant ses dons, par pure générosité, sans que nous les ayons mérités en rien par (514) des bonnes oeuvres, après même que nous nous en sommes rendus indignes par nos fautes?
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Car ce que nous appelons nos mérites, ne sont pas autre chose que ses dons. En effet, pour que la foi agisse par la charité (Gal; 5, 6 ), « la charité de Dieu est répandue en nos coeurs par l'Esprit- Saint qui nous a été donné (Rm 5, 5) ». Or l'Esprit nous a été donné après que Jésus a été glorifié par sa résurrection. Il avait promis de l'envoyer alors, et il l'a envoyé (Jn 20, 22, 7, 39, 15, 26. ) ; parce que c'était alors que s'était vérifié ce qui avait été écrit et prédit de lui: « Montant au ciel, il a conduit une captivité captive : il a donné des dons aux hommes ( Ep 4, 8 ; Ps 67, 19 ) ». Ces dons, ce sont nos mérites, à l'aide desquels nous parvenons au souverain bien, l'immortelle félicité. « Dieu », dit l'Apôtre, « témoigne son amour pour nous en ce que, dans le temps où nous étions encore pécheurs, le Christ est mort pour nous. Maintenant donc, justifiés par son sang, nous serons, à plus forte raison, délivrés par lui de la colère ». Ceux qu'il appelait d'abord pécheurs, il les appelle ensuite ennemis de Dieu; ceux qu'il disait justifiés parle sang du Christ, il les dit ensuite réconciliés par la mort du Fils de Dieu; ceux qu'il faisait voir délivrés par lui de la colère, il les montre ensuite délivrés par sa vie. Ainsi, avant d'avoir reçu cette grâce, nous n'étions pas des pécheurs quelconques, mais pécheurs jusqu'à être ennemis de Dieu. Or, plus haut le même Apôtre nous avait appliqué, à nous pécheurs et ennemis de Dieu, deux expressions, dont l'une semble un terme radouci, mais dont l'autre est un terme effrayant, quand il disait: « En effet, le Christ, lorsque nous étions encore infirmes, est mort, au temps marqué, pour des impies (Rm 5, 6-10 ) ». Ces infirmes, il les appelle impies. Sans doute l'infirmité est peu grave par elle-même; mais elle peut aller jusqu'à s'appeler impiété. Or, s'il n'y avait pas d'infirmité, il n'y aurait pas besoin de médecin; et c'est le sens du mot hébreu « Jésus », en grec Soter en latin « Salvator ». La langue latine ne connaissait pas ce mot; elle pouvait se le donner, et elle l'a pris dès qu'elle l'a voulu. Mais ces mots de l'Apôtre: « Lorsque nous étions encore infirmes, il est mort, au temps marqué, pour « des impies », se rattachent étroitement aux deux expressions de pécheurs et d'ennemis de Dieu qui viennent ensuite, comme s'il eût voulu rapprocher l'infirmité et le péché, l'inimitié de Dieu et l'impiété.
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CHAPITRE XI.
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DIFFICULTÉ : COMMENT SOMMES-NOUS JUSTIFIÉS PAR LE SANG DU FILS DE DIEU?
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Mais qu'est-ce que cela veut dire: «Justifiés par son sang? » Quelle est donc, je vous demande, la puissance de ce sang, pour que les croyants soient justifiés par lui? et que signifient ces mots: « Réconciliés par la mort de son Fils? » Serait-ce que Dieu le Père irrité contre nous, aurait déposé sa colère en voyant son Fils mourir pour nous? serait-ce que son Fils était déjà si bien réconcilié avec nous, qu'il ait daigné mourir pour nous, tandis que le Père était encore irrité au point de ne pardonner qu'à condition que son Fils mourrait pour nous? Et que signifie cet autre passage du Docteur des nations: « Que dirons-nous donc après cela? si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? lui qui n'a pas épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous aurait-il pas donné toutes choses avec lui (Rm 8, 31, 32 )? » Est-ce que si le Père n'eût pas été déjà apaisé il aurait livré son propre Fils pour nous, sans aucun ménagement ? Tout cela n'a-t-il pas l'air de se contredire ? d'une part, le Fils meurt pour nous, et par sa mort le Père se réconcilie avec nous; d'autre part, comme si le Père eût été le premier à nous aimer, par égard pour nous il n'épargne pas son Fils et le livre pour nous à la mort. Je vois même que le Père nous a aimés plus tôt encore, non-seulement avant que son Fils mourût, mais même avant de créer le monde, ainsi que l'Apôtre en rend témoignage en disant: « Comme il nous a élus en lui avant la fondation du monde (Ep 1, 4 )». Et le Fils, que le Père ménage si peu, n'a pas été livré pour nous malgré lui; car c'est de lui qu'on a dit: « Qui m'a aimé et s'est lui-même livré pour moi (Gal; 2, 29 ) ». Donc le Père et le Fils et leur Esprit commun font tout ensemble et dans un parfait accord. Néanmoins nous avons été justifiés par le sang du Christ, et nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils. C'est ce que je vais expliquer du mieux que je pourrai et autant que cela me paraîtra nécessaire. (515)
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CHAPITRE XII.
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PAR LE PÉCHÉ D'ADAM, TOUS LES HOMMES ONT ÉTÉ LIVRÉS AU POUVOIR DU DÉMON.
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En vertu d'un certain décret de la justice divine, le genre humain a été livré au pouvoir du démon, le péché du premier homme se transmettant originellement chez tous ceux qui naissent de l'union de l'homme et de la femme, et la dette des premiers parents engageant tous leurs descendants. Cette tradition est consignée en premier lieu dans la Genèse, où après avoir dit au serpent: «Tu mangeras de la terre », Dieu a dit à l'homme : « Tu es terre et tu retourneras en terre (Gn 3, 14, 19 ) ». Ces mots: « Tu retourneras en « terre», contiennent un arrêt de mort contre le corps, qui n'aurait pas dû mourir, si l'homme eût persévéré dans l'état de justice où il avait été créé; mais en disant à l'homme vivant: « Tu es terre » , Dieu indique que l'homme tout entier a subi une déchéance. En effet: « Tu es terre », est l'équivalent de: « Mon esprit ne demeurera pas dans ces hommes, parce qu'ils sont chair (Gn 6, 3 ) ». Le Seigneur faisait donc voir par là que l'homme était livré à celui à qui il avait été dit: « Tu mangeras de la terre ». C'est ce que l'Apôtre explique plus clairement quand il dit: «Et vous, il vous a vivifiés, lorsque vous étiez morts par vos offenses et par vos péchés, dans lesquels autrefois vous avez marché, selon la coutume de ce monde, selon le prince des puissances de l'air, de l'esprit qui agit efficacement à cette heure sur les fils de la défiance, parmi lesquels nous tous aussi nous avons vécu, selon nos désirs charnels, faisant la volonté de la chair et de nos pensées; ainsi nous étions par nature enfants de colère comme tous les autres (Ep 2, 3 ) ». Les fils de défiance sont les infidèles: et qui ne l'a pas été avant d'être fidèle ? C'est pourquoi tous les hommes sont originellement sous le prince des puissances de l'air, « qui agit efficacement sur les fils de défiance ». Et quand je dis originellement, j'entre dans la pensée de l'Apôtre qui s'accuse d'avoir été « par nature » comme les autres: par la nature dégradée par le péché, et non plus dans l'état de justice où elle avait été créée. Quant à la manière dont l'homme a été livré au pouvoir du démon, il ne faut pas entendre que ce soit par un acte ou un ordre de Dieu, mais seulement par sa permission, juste pourtant. Dès qu'il a eu abandonné le pécheur, l'auteur du péché a fait irruption. Et encore Dieu n'a pas tellement abandonné sa créature qu'il n'ait continué à lui faire sentir son action créatrice et vivifiante, et qu'il n'ait mélangé de beaucoup de biens les maux qui sont la peine du péché: car il n'a pas enchaîné sa miséricorde dans sa colère (Ps 76, 10 ). Et en permettant que l'homme fût au pouvoir du démon, il n'a pas pour cela perdu ses droits sur lui : puisque le démon lui-même n'est pas soustrait au pouvoir du Tout-Puissant, pas même à sa bonté. Car de qui les mauvais anges tiennent-ils leur existence, quelle qu'elle soit, sinon de celui qui donne la vie à tout? Si donc, par un juste effet de la colère de Dieu, l'acte du péché a jeté l'homme sous l'empire du démon; par la bienveillante réconciliation de ce même Dieu, la rémission des péchés arrache l'homme à l'esclavage du démon.
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CHAPITRE XIII.
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CE N'EST PAS PAR UN ACTE DE PUISSANCE, MAIS PAR UN ACTE DE JUSTICE, QUE L'HOMME A DU ÊTRE ARRACHÉ AU POUVOIR DU DÉMON.
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Ce n'est pas par la puissance, mais par la justice de Dieu que le démon a dû être vaincu. Cependant qu'y a-t-il de plus puissant que le Tout-Puissant? quelle puissance créée peut être comparée à la puissance du Créateur? Mais le démon, par l'effet de sa propre perversité, étant devenu avide de pouvoir, et ayant abandonné et combattu la justice; et les humains suivant son exemple d'autant plus près qu'ils abandonnent ou haïssent davantage la justice, pour s'attacher au pouvoir, se réjouir de l'avoir acquis ou brûler du désir de l'obtenir: Dieu a pensé que pour arracher l'homme au pouvoir du démon, il fallait vaincre celui-ci, non par la puissance, mais par la justice, afin que les hommes, à l'imitation du Christ, vainquissent le démon par la justice, et non par la puissance. Non qu'il faille rejeter la puissance comme un mal: mais il faut rester dans l'ordre, qui assigne à la justice le premier rang. Et au fait, quel peut être le pouvoir des mortels? qu'ils restent fidèles à la justice tant qu'ils sont mortels: le pouvoir leur viendra quand ils seront immortels. Comparé à celui-ci, le pouvoir des hommes (516) qu'on appelle ici-bas des puissants, quelque grand qu'il puisse être, n'est qu'une faiblesse ridicule; et là où les méchants semblent pouvoir davantage, la fosse se creuse pour le
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pécheur. Le juste au contraire chante et dit : « Heureux l'homme que vous instruisez, Seigneur, et que vous éclairez par votre loi. Il sera en paix aux jours de l'infortune, quand la fosse se creusera pour le pécheur. Car le Seigneur ne rejettera pas son peuple, et il ne délaissera pas son héritage, jusqu'à ce que la justice revienne au jugement, et près d'elle sont tous ceux qui ont le coeur droit (Ps 93, 12-15 )».
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Ainsi donc, si l'époque où le peuple de Dieu sera puissant est encore différée, Dieu « ne rejettera pas son peuple et il ne délaissera pas son héritage», quelques rigueurs, quelques indignités que celui-ci éprouve dans son humilité et dans sa faiblesse, « jusqu'à ce que la justice », à laquelle les hommes pieux restent fidèles dans leur infirmité, « revienne au jugement », c'est-à-dire reçoive le pouvoir de juger: honneur réservé aux justes, quand la puissance succédera en son temps à la justice qui l'aura précédée. En effet, la puissance
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accordée à la justice, ou la justice appuyée sur la puissance, constitue le pouvoir judiciaire. Or, la justice appartient à la bonne volonté ; ce qui a fait dire aux anges lors de la naissance du Christ: « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et, sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté (Luc; II, 14 ) ». Mais la puissance doit suivre la justice, et non la précéder; voilà pourquoi elle a sa place dans la prospérité, (res secund?, secund? venant de sequor). En effet, deux choses, comme nous l'avons expliqué plus haut, constituent le bonheur: vouloir le bien et pouvoir ce que l'on veut. Or, ce serait un désordre, et ce désordre est impossible, si, comme nous l'avons également exposé, l'homme avait le choix de pouvoir ce qu'il veut, sans s'inquiéter de ce qu'il doit vouloir : tandis qu'au contraire il doit d'abord avoir une bonne volonté et ensuite un grand pouvoir. Or, une bonne volonté doit être exempte des vices dont l'effet est, quand ils dominent l'homme, de l'entraîner à vouloir le mal. Alors que deviendrait sa bonne volonté? Il faut donc désirer aussi le pouvoir, mais le pouvoir de triompher des vices. Or, ce n'est pas pour vaincre leurs vices que les hommes désirent être puissants, mais pour dominer leurs semblables. Et à quoi bon, sinon pour être de vrais vaincus et de faux vainqueurs; pour être réputés vainqueurs, sans l'être réellement? Que l'homme désire donc être prudent, qu'il désire être fort, tempérant, juste, et qu'il souhaite le pouvoir de le devenir sérieusement; qu'il ambitionne d'être puissant en lui-même, et chose étrange t contre lui-même pour lui-même. Quant aux autres avantages qu'il a raison de désirer, mais qu'il ne peut encore posséder, comme l'immortalité, par exemple, et le bonheur véritable et parfait, qu'il ne cesse de les poursuivre de ses voeux et de les attendre avec patience.
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CHAPITRE XIV.
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LA MORT VOLONTAIRE DU CHRIST A SAUVÉ LES HOMMES CONDAMNÉS A MORT.
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Quelle est donc la justice qui a vaincu le démon? Pas d'autre que celle de Jésus-Christ. Et comment le démon a-t-il été vaincu? Parce que ne trouvant rien en Jésus-Christ qui méritât la mort, il l'a néanmoins fait mourir. Evidemment il est donc juste que les débiteurs qu'il enchaînait soient libérés, quand ils croient en Celui qu'il a fait mourir quoiqu'il ne dût rien. Voilà en quel sens on dit que nous sommes justifiés par le sang du Christ (Rm 5, 9 ). Ainsi ce sang innocent a été répandu pour la rémission de nos péchés. Voilà aussi pourquoi le Christ se dit, par la voix du Psalmiste, libre entre les morts (Ps 87, 6 ). Car seul il est mort affranchi de la dette de la mort. C'est ce qui lui fait dire dans un autre psaume: « J'ai payé ce que je ne devais pas (Ps 68, 5 ) » : et par dette ici il entend le péché, espèce de rapine commise contre la loi. Aussi a-t-il dit de sa propre bouche, d'après l'Evangile : « Voilà que le « prince de ce monde est venu, et il n'a rien trouvé en moi », c'est-à-dire il n'y a trouvé aucun péché; « mais afin que tous sachent que je fais la volonté de mon Père, levez-vous, sortons d'ici (Jn 14, 30, 31 ) ». Et il s'en va à sa passion, pour acquitter, lui qui ne devait rien, la dette que nous avions contractée. Ce droit si bien fondé sur l'équité aurait-il triomphé du démon, si le Christ eût voulu agir en vertu de la puissance, et non par la (517) justice? Mais il a rejeté au second rang ce qu'il pouvait, pour mettre au premier rang ce qu'il fallait. Voilà pourquoi il fallait qu'il fût homme et Dieu. S'il n'eût pas été homme, il n'aurait pu être mis à mort; s'il n'eût pas été Dieu, on n'aurait pas cru qu'il ne voulait pas ce qu'il pouvait, mais bien qu'il ne pouvait pas ce qu'il voulait; nous ne croirions pas qu'il a préféré la justice à la puissance, mais bien que la puissance lui aurait fait défaut. Mais maintenant il a enduré pour nous des souffrances humaines, parce qu'il était homme; et s'il ne l'eût pas voulu, il aurait pu ne pas souffrir, parce qu'il était Dieu. La justice a emprunté des charmes à l'abaissement, parce qu'il aurait pu, s'il l'eût voulu, ne pas supporter cet abaissement, en vertu du pouvoir qui est si grand dans la divinité. C'est ainsi qu'en mourant, quoique armé d'une si grande puissance, il nous a fait apprécier, à nous mortels impuissants, la justice et la puissance qu'il nous a promises. Il a fait l'un en mourant, et l'autre en ressuscitant. En effet, qu'y a-t-il de plus juste que de souffrir pour la justice jusqu'à la mort de la croix? Et qu'y a-t-il de plus puissant que de ressusciter d'entre les morts et de monter au ciel avec la chair même dans laquelle il a été immolé? Il a donc vaincu le démon d'abord par la justice, ensuite par la puissance : par la justice, puisqu'il était sans péché et que le démon a commis une souveraine injustice en le faisant mourir; par la puissance, puisqu'étant mort, il est ressuscité pour ne plus jamais mourir (Rm 6, 9 ). Cependant il aurait vaincu le démon par la puissance, quand même il n'aurait pu être tué par lui : quoique au fait c'est une pins grande preuve de puissance de vaincre la mort même en ressuscitant, que de l'éviter en vivant. Mais c'est pour une autre raison que nous sommes justifiés par le sang du Christ, quand nous sommes arrachés au pouvoir du démon par la rémission des péchés : et cette raison, c'est que le Christ a vaincu le démon par la justice, et non par la puissance. En effet, c'est en vertu de l'infirmité qu'il a revêtue en prenant notre chair mortelle, et non en vertu de sa puissance immortelle, que le Christ a été crucifié. Et l'Apôtre dit de cette infirmité : « Ce qui est faiblesse en Dieu est plus fort que les hommes (2100o 1, 25 )».
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CHAPITRE XV
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SUITE DU MÊME SUJET.
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Il n'est pas difficile de voir que le dé. mon est vaincu, du moment que celui qu'il a tué est ressuscité. Il y a quelque chose de plus grand, d'une raison plus profonde, à voir ce même démon vaincu, alors qu'il croyait tenir la victoire, c'est-à-dire quand le Christ était mis à mort. Car alors ce sang, appartenant à un homme absolument innocent, était répandu pour la rémission de nos péchés: en sorte qua le démon était obligé de relâcher ceux qu'il enchaînait à juste titre, les coupables qu'il tenait sous l'empire de la mort, de les relâcher, dis-je, et à bon droit, par celui qu'il avait fait mourir quoiqu' innocent de tout péché. C'est par cette justice que le fort a été vaincu, c'est par ce lien qu'il a été enchaîné, afin qu'on pût ravir ce qu'il possédait (Mc 3, 27 ), et changer en vases de miséricorde les vases de colère qui étaient chez le démon, avec lui et avec ses anges (Rm 9, 22, 23 ). Ce sont les paroles mêmes que Notre-Seigneur Jésus-Christ fit entendre à l'apôtre Paul, au premier moment de sa vocation, d'après le récit de l'Apôtre lui-même. En effet, entre autres choses qu'il entendit voici ce qu'il rapporte : «Je ne t'ai apparu que pour t'établir ministre et témoin des choses que je t'ai fait voir et de celles pour lesquelles je t'apparaîtrai encore, te délivrant des mains du peuple et de celles des gentils vers lesquels je t'envoie maintenant, pour ouvrir les yeux des aveugles, afin qu'ils se convertissent des ténèbres à la lumière et de la puissance de Satan à Dieu, et qu'ils reçoivent la rémission des péchés et une part entre les saints par la foi en moi (Ac; 26, 16-18 )». Voilà pourquoi la même Apôtre, exhortant les fidèles à rendre grâces à Dieu le Père, leur disait: « Qui nous a arrachés de la puissance des ténèbres et transférés dans le royaume du Fils de sa dilection, en qui nous avons la rédemption pour la rémission des péchés (100ol 1, 13, 14 ) ». Dans cette rédemption le sang du Christ a été donné pour nous comme rançon, mais une rançon qui enchaîne le démon au lieu de l'enrichir, tellement que nous sommes dégagés de ses chaînes, et qu'il ne peut plus entraîner avec lui, dans le filet du péché, à l'abîme de la seconde (518) mort, qui est la mort éternelle (Ap 21, 8 ), aucun de ceux que le Christ, exempt de toute dette, a rachetés au prix de son sang versé pour nous sans qu'il y fût obligé. Désormais ils meurent dans la grâce du Christ à laquelle ils appartiennent, connus, prédestinés et élus avant la fondation du monde (1P 1, 20 ), puisque le Christ est mort pour eux de la mort de la chair seulement, et non de celle de l'esprit.
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CHAPITRE XVI.
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