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La Trinité 14 image de dieu dans l'homme/Saint Augustin
Mais, comme nous l'avons dit, vers la fin de ce même livre dix, l'âme se souvient toujours d'elle-même, elle se comprend et s'aime toujours elle-même, quoiqu'elle ne pense pas toujours qu'elle est différente des êtres qui ne sont pas ce qu'elle est. Il faut donc chercher comment l'intelligence appartient à la pensée, tandis que nous disons que la connaissance (529) d'un objet quelconque, qui est dans l'âme, même quand elle n'y pense pas, appartient exclusivement à la mémoire. Car, s'il en est ainsi, elle ne réunissait pas les trois conditions, se souvenir d'elle-même, se comprendre et s'aimer: elle n'avait d'abord que le souvenir d'elle-même; puis, quand elle a commencé à penser, elle s'est comprise et s'est aimée.
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La Trinité 14 image de dieu dans l'homme/Saint Augustin
CHAPITRE VII.
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ÉCLAIRCISSEMENT PAR UN EXEMPLE. PROCÉDÉ POUR AIDER L'INTELLIGENCE DU LECTEUR.
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Examinons donc plus attentivement l'exemple que nous avons cité pour montrer qu'autre chose est de ne pas connaître un objet, autre chose de n'y pas penser, et qu'un homme peut fort bien connaître une chose à laquelle il ne pense pas, dans le-moment où son esprit est fixé ailleurs. Un homme donc versé dans deux sciences ou davantage, et qui ne pense qu'à une, ne laisse pas pour cela de connaître l'autre ou les autres, bien qu'il n'y pense pas. Pouvons-nous cependant raisonnablement dire: Ce musicien connaît la musique, il est vrai, mais maintenant il ne la comprend pas, car il n'y pense pas pour l'heure, au contraire, il comprend actuellement la géométrie, puisqu'il y pense actuellement? C'est là, ce me semble, un raisonnement absurde. Et que sera-ce si nous disons : Ce musicien connaît certainement la musique, mais il ne l'aime pas maintenant, puisqu'il n'y pense pas; pour le moment seulement il aime la géométrie, puisqu'il y pense? Le raisonnement sera-t-il moins absurde? Ce sera au contraire avec la plus grande raison que nous dirons : Cet homme que vous voyez disputer sur la géométrie, est aussi un parfait musicien; car il se souvient de cette science, il la comprend et il l'aime ; mais quoiqu'il la connaisse et qu'il l'aime, il n'y pense pas maintenant, occupé qu'il est à disputer sur la géométrie.
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Ceci nous fait voir qu'il existe, dans les replis de l'âme, certaines connaissances de certains objets, lesquelles se produisent en quelque sorte et se mettent plus en évidence sous les yeux de l'âme, quand elle y pense; et qu'il se trouve ainsi qu'elle se rappelle, qu'elle comprend et qu'elle aime des choses auxquelles elle ne pensait même pas, parce que sa pensée était ailleurs. Quant aux choses auxquelles nous n'avons pas pensé depuis longtemps et auxquelles nous ne pourrions plus penser si on ne nous les rappelait, je ne sais par quel étrange mystère, nous ignorons que nous les savions, si on peut parler ainsi. Du reste, c'est avec raison que celui qui les rappelle dit à celui à qui il les rappelle : Tu sais cela et tu ne sais pas que tu le sais ; je t'en ferai souvenir, et tu te convaincras que tu sais ce que tu croyais ignorer. C'est là l'effet des livres écrits sur les choses dont le lecteur, guidé par la raison, reconnaît la vérité : non pas la vérité qui se fonde sur la confiance en celui qui écrit, comme cela arrive pour l'histoire, mais la vérité que lui-même découvre ou en lui, ou dans la vérité qui est la lumière de l'esprit. Quant à l'homme qui, malgré l'instruction qu'on lui donne, ne peut pas voir ces choses par suite d'un grand aveuglement du coeur, il est plongé dans les ténèbres de la plus profonde ignorance, et il a besoin d'un prodige de grâce pour pouvoir parvenir à la véritable sagesse.
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Voilà pourquoi j'ai voulu donner un exemple quelconque, afin de démontrer comment le regard de la pensée se forme d'après ce que contient la mémoire, et comment il se produit dans l'homme qui pense quelque chose de semblable à ce qui existait déjà en lui avant qu'il pensât : vu qu'il est plus facile de distinguer quand les choses arrivent successivement, et que le père a précédé le fils dans l'ordre du temps. Car si nous nous rattachons à ces trois points : la mémoire intérieure de l'âme, qui fait qu'elle se souvient d'elle-même; l'intelligence intérieure par laquelle elle se comprend, et la volonté intérieure par laquelle elle s'aime; si nous supposons que ces trois choses existent toujours, qu'elles n'ont jamais cessé- d'être depuis qu'elles existent, soit qu'on y pensât, soit qu'on n'y pensât pas: cette image de la souveraine Trinité semblera d'abord n'appartenir qu'à la mémoire. Mais comme la parole ne peut s'y séparer de la pensée nous pensons en effet tout ce que nous disons, même avec cette parole intérieure qui n'appartient à aucune langue on reconnaîtra que l'image de la Trinité consiste plutôt dans ces trois choses: mémoire, intelligence, volonté. Par intelligence, j'entends ici celle par laquelle nous comprenons quand nous pensons, alors que notre pensée se forme d'après les choses qui étaient présentes à la mémoire, mais auxquelles nous ne pensions pas; (530) et par volonté j'entends l'amour ou dilection qui unit ce père et ce fils, et leur est en certaine façon commune à tous deux. Voilà comment j'ai pu, dans le onzième livre, venir en aide aux lecteurs peu intelligents, au moyen d'exemples tirés des objets extérieurs et visibles pour les yeux du corps. Puis je suis entré avec eux chez l'homme intérieur, où règne cette faculté qui raisonne sur les choses temporelles, mais en prenant soin d'y distinguer une partie principale et dominante, qui s'applique à la contemplation des choses éternelles. Ç'a été la matière de deux livres: dans le douzième, j'ai établi la différence entre la partie supérieure et la partie inférieure, qui doit être soumise à l'autre ; dans le treizième, j'ai parlé le plus solidement et le plus brièvement possible de la fonction de la partie inférieure, qui s'étend à la science utile des choses humaines et nous apprend à user de cette vie passagère en vue d'acquérir la vie éternelle : sujet compliqué, très-riche, illustré parles grands et nombreux travaux d'une foule de grands hommes, mais que j'ai dû resserrer en un seul livre, pour y faire voir une trinité qu'on ne peut cependant pas encore appeler l'image de Dieu.
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CHAPITRE VIII.
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C'EST DANS LA PARTIE PRINCIPALE DE L'ÂME QU'IL FAUT CHERCHER LA TRINITÉ QUI EST L'IMAGE DE DIEU.
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Nous voici maintenant arrivé à ce point de la discussion, où nous devons, d'après notre plan, étudier la partie principale de l'âme humaine, celle par laquelle elle connaît Dieu ou peut le connaître, afin d'y découvrir l'image de Dieu. Car, bien que l'âme humaine ne soit pas de même nature que Dieu, cependant l'image de la plus parfaite de toutes les natures doit se chercher et se trouver dans ce qu'il y a de plus parfait dans notre nature. Mais d'abord, il faut considérer l'âme en elle-même, avant toute participation à la divinité et y trouver l'image de Dieu. Nous avons dit que, quoique privée par sa faute de l'amitié de Dieu, quoique dégradée et difforme, elle est cependant restée l'image de Dieu ( Ch; IV. ). Elle est en effet son image par le seul fait qu'elle est capable de le connaître et de le posséder avantage immense qu'elle ne doit qu'à l'honneur d'être l'image de Dieu. Voilà donc que l'âme se souvient d'elle-même, qu'elle se comprend, qu'elle s'aime : dès lors nous découvrons une trinité, non pas Dieu encore, mais son image. La mémoire n'a pas tiré du dehors ce qu'elle contient; l'intelligence n'a pas trouvé au dehors ce qu'elle voit, à l'instar de l'oeil du corps ; la volonté n'a pas uni au dehors ces deux choses, comme cela arrive pour les objets matériels et l'impression qu'ils produisent dans le regard du spectateur. Il ne s'agit pas non plus de l'image d'une chose extérieure saisie au vol, cachée dans la mémoire, que la pensée trouve quand elle se tourne de ce côté-là, et d'où se forme le regard du souvenir, image et regard que là volonté unit, elle troisième. Tout cela avait lieu dans ces espèces de trinités que nous avons découvertes dans les objets matériels, ou qui sont violemment introduites par eux dans l'homme intérieur au moyen des sens corporels, et dont nous avons parlé dans le onzième livre (Ch; II et suiv. ). Il n'est pas davantage question de ce qui se passait ou semblait se passer quand nous parlions de la science déjà établie sur les opérations de l'homme intérieur, mais distincte de la sagesse : science qui renferme ce que l'âme acquiert; soit par la connaissance de l'histoire, comme les faits et les paroles qui ont pris place dans le temps en passant; soit ce qui tient à la nature des choses dans des lieux et des pays particuliers; soit ce qui prend naissance dans l'homme lui-même, ou par un enseignement étranger, ou en vertu de ses propres pensées, comme la foi par exemple dont nous avons beaucoup parlé dans le livre treizième ou les vertus par lesquelles, si elles sont vraies, cette vie mortelle est réglée de manière à mériter l'immortalité bienheureuse que Dieu nous a promise. Toutes ces choses et d'autres du même genre ont leur place dans le temps, et nous ont aidé à voir plus clairement la trinité formée de la mémoire, de la vision et de l'amour. En effet, quelques-unes d'entre elles existent avant d'être connues de ceux qui les apprennent, elles sont susceptibles d'être connues même avant d'être connues, et elles engendrent leur propre connaissance chez ceux qui les apprennent. Les unes sont dans un lieu fixe, les autres ont passé avec le temps. Au fait celles qui ont passé avec le temps n'existent réellement plus ; il n'en reste que certains signes pour la vue ou (531) pour l'ouïe et qui attestent qu'elles ont été et qu'elles ne sont plus. Ces signes sont fixés ou dans un lieu, comme les monuments funéraires et autres de ce genre; ou dans des écrits dignes de foi, comme le sont les histoires composées par des auteurs sérieux et recommandables; ou dans l'âme de ceux qui les connaissent déjà. Connues des uns dans ce dernier cas, elles sont susceptibles de l'être pour d'autres, à la connaissance desquels elles sont antérieures, mais qui peuvent les connaître d'après l'enseignement de ceux qui les connaissent.
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Toutes ces choses, même quand on les apprend, forment une certaine trinité, par leur nature même qui est susceptible d'être connue, même avant d'être connue, puis par la connaissance qu'en acquiert celui qui les apprend, laquelle commence au moment où il les apprend, et enfin par la volonté qui survient en tiers pour unir ces deux termes. Puis quand elles sont connues, il se forme de leur souvenir, dans l'intérieur de l'âme, une autre trinité qui se compose : de leurs images, imprimées dans la mémoire au moment où on les apprenait ; de l'impression qui en résulte dans la pensée, quand le regard du souvenir se tourne vers elles, et de la volonté qui vient en tiers unir ces deux choses. Quant à celles qui prennent leur origine dans l'âme même où jusqu'alors elles n'existaient pas, comme la foi par exemple, et autres choses de ce genre, bien qu'elles semblent accidentelles comme venant par l'enseignement, elles ne sont cependant point extérieures ni locales comme les objets mêmes à l'existence desquels on croit ; mais elles ont leur origine au plus intime de l'âme. En effet, la foi n'est pas ce que l'on croit, mais ce par quoi l'on croit l'objet de la foi est cru, la foi est vue. Cependant comme la foi est dans l'âme et que l'âme existait avant que la foi y fût, celle-ci semble quelque chose d'accidentel, et sera rangée parmi les choses passées, quand elle aura disparu devant la claire vue. Maintenant elle forme une trinité par sa présence, puisque elle est conservée dans la mémoire, vue et aimée. Dans l'autre vie, elle en formera une autre par certaines traces qu'elle aura laissées dans la mémoire en passant, ainsi que nous l'avons déjà dit plus haut.
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CHAPITRE IX.
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LA JUSTICE ET LES AUTRES VERTUS CESSENT-ELLES D'EXISTER DANS LA VIE FUTURE?
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On demande si les vertus qui règlent cette vie mortelle, qui prennent naissance
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dans l'âme puisque l'âme existait avant de les avoir cesseront d'exister, lorsqu'elles
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l'auront conduite au bonheur éternel? Quelques-uns l'ont pensé, et leur opinion se comprend, s'il s'agit des trois vertus de prudence, de force et de tempérance; quant à la justice, elle est immortelle, et dans le ciel elle se perfectionnera en nous plutôt qu'elle ne cessera. Voici cependant ce que le prince de l'éloquence, Cicéron, a dit des quatre vertus dans son dialogue intitulé Hortensius : « S'il nous est donné, au sortir de cette vie, de vivre immortels dans ides îles fortunées, comme la fable nous le dit, à quoi bon l'éloquence, puisqu'il n'y aura plus de tribunaux? A quoi bon même les vertus? En effet, nous n'aurons plus besoin de force là où il n'y aura plus ni travail ni péril; plus de justice, là où il n'y aura plus de bien étranger à convoiter; plus besoin de tempérance pour modérer des passions qui n'existeront plus; ni enfin de prudence, là où il n'y aura plus à choisir entre le bien et le mal. Nous serons heureux tous ensemble par la connaissance de la nature et la science, le seul privilège à reconnaître dans la vie même des dieux. Ce qui fait voir clairement que lui seul est désiré par la volonté, tandis que tout le reste tient à la nécessité ».
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Ainsi ce grand orateur, en vantant la philosophie, en rappelant ce qu'il avait appris des philosophes et l'expliquant avec talent et modération, prétend que ces quatre vertus ne sont nécessaires que pour cette vie, où les misères et les douleurs abondent sous nos yeux, et point du tout dans l'autre vie, s'il est donné d'y être heureux au sortir de celle-ci; mais que les âmes vertueuses y trouveront le bonheur uniquement dans la connaissance et dans la science, c'est-à-dire dans la contemplation de la nature la plus parfaite et la plus aimable, qui n'est autre que celle qui a créé et établi toutes les autres natures. Or, si la justice consiste à être soumis à son empire, évidemment la justice est immortelle; elle ne cessera pas d'être au sein de cette félicité, mais elle y atteindra son plus haut degré de (532) perfection et de grandeur. Peut-être encore les trois autres vertus y subsisteront-elles aussi: la prudence, sans aucun danger d'erreur; la force, sans la nécessité de supporter les maux; la tempérance, sans la lutte contre les passions. La prudence alors consisterait à ne préférer ou à n'égaler aucun bien à Dieu; la force, à s'attacher à lui avec une fermeté inébranlable; la tempérance, à ne se complaire en rien de défectueux et de coupable. Mais quant à la fonction propre de la justice, de venir au secours des malheureux; à celle de la prudence, de se précautionner contre les embûches; à celle de la force, de supporter les événements fâcheux; à celle de la tempérance, de réprimer les jouissances illicites, il n'en sera plus question là où tout mal sera inconnu. Par conséquent, les opérations de ces vertus, nécessaires pour cette vie mortelle, seront, comme la foi même à laquelle elles se rattachent, rangées parmi les choses passées. Maintenant elles forment une trinité quand elles sont présentes à notre mémoire, que nous les voyons et que nous les aimons; mais elles en formeront une autre alors, quand, à l'aide de certaines traces qu'elles auront laissées chez nous en passant, nous verrons qu'elles ne sont plus, mais qu'elles ont été trinité qui se composera de ce vestige quelconque conservé dans la mémoire, de la connaissance exacte que nous en aurons et de la volonté qui viendra en tiers unir ces deux choses entre elles.
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CHAPITRE X.
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COMMENT LA TRINITÉ SE FORME DANS L'ÂME QUI SE SOUVIENT D'ELLE-MÊME, SE COMPREND ET S'AIME.
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Parmi les choses temporelles dont nous avons parlé et qui font l'objet de la science, il en est qui sont susceptibles d'être connues avant qu'on ne les connaisse; comme, par exemple, les choses sensibles qui existent en réalité avant qu'on en ait connaissance; ou encore celles qui sont connues par l'histoire. Il en est d'autres qui commencent dans le moment même, comme quand, par exemple, un objet visible qui n'existait pas du tout, surgit tout à coup devant nos yeux, et n'est évidemment pas antérieur à la connaissance que nous en avons; ou encore quand un son se fait entendre, et commence et finit en même temps que l'audition de celui qui l'écoute. Mais les unes et les autres, soit antérieures à la connaissance, soit simultanées, engendrent leur connaissance et n'en sont point engendrées. Et quand une fois connues et renfermées dans la mémoire, elles sont revues, qui ne voit que ce classement dans la mémoire est antérieur à la vision résultant du souvenir et à la réunion des deux, formée par la volonté ? Mais dans l'âme il n'en est pas ainsi : l'âme n'est pas accidentelle pour elle-même, comme si elle était telle par elle-même et qu'il lui vînt d'ailleurs une autre elle-même qu'elle n'était pas d'abord, ou du moins comme si, sans venir du dehors, il lui naissait dans elle-même qu'elle était, une autre elle-même qu'elle n'était pas, par exemple, comme la foi qui n'était pas dans l'âme, et naît dans l'âme qui était déjà âme auparavant ; ou comme quand, postérieurement à la connaissance qu'elle a d'elle-même, elle se voit, par le souvenir, établie en quelque sorte dans sa propre mémoire, comme si elle n'y eût pas été avant de s'y connaître, bien que certainement depuis qu'elle a commencé d'être, elle n'ait jamais cessé de se souvenir d'elle-même, de se comprendre et de s'aimer, ainsi que nous l'avons déjà fait voir. Par conséquent lorsqu'elle se tourne vers elle-même par la connaissance, il se forme une trinité où déjà on peut découvrir le verbe : car il est formé de la pensée, et la volonté les unit l'un à l'autre. C'est donc là surtout qu'il faut reconnaître l'image que nous cherchons.
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CHAPITRE XI.
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SE SOUVIENT-ON MÊME DES CHOSES PRÉSENTES?
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Mais, dira-t-on, que l'âme se souvienne d'elle-même alors qu'elle est toujours présente à elle-même, ce n'est pas de la mémoire. C'est au passé qu'appartient la mémoire, et non au présent. En effet, ceux qui ont traité des vertus, entre autres Cicéron, ont divisé la prudence en trois parties : la mémoire, l'intelligence, la prévoyance, attribuant au passé la mémoire, au présent l'intelligence, et à l'avenir la prévoyance qui n'est infaillible que chez ceux qui connaissent les choses futures : privilège refusé aux hommes, à moins qu'il ne leur vienne d'en haut comme aux prophètes. Aussi le sage, en parlant des hommes, a dit: « Les pensées des hommes sont timides, et nos (533) prévoyances sont incertaines (Sg 9, 14 ) ». Mais la mémoire est certaine du passé et l'intelligence du présent, du présent immatériel, bien entendu : car les objets corporels sont présents aux yeux du corps. Quant à celui qui prétend qu'on ne se souvient pas du présent, qu'il veuille bien écouter ce qu'en ont dit les écrivains profanes eux-mêmes, plus occupés de la justesse des expressions que de l'exactitude des pensées: du style que de la vérité : « Ulysse ne peut souffrir de telles horreurs, et il ne s'oublie point lui-même dans un danger si pressant (Enéide, liv; 3, 5. 628, 629 ) ». En disant qu'Ulysse ne s'oublia pas lui-même, Virgile a-t-il entendu dire autre chose sinon qu'il se souvint de lui-même? Et cependant, si la mémoire ne s'appliquait pas aux choses présentes, Ulysse n'aurait pu se souvenir de lui, puisqu'il était toujours présent à lui-même. Ainsi donc, comme, par rapport au passé, on appelle mémoire la faculté d'y revenir par la pensée et de s'en souvenir; de même, par rapport au présent ce que l'âme est toujours pour elle-même on peut avec raison appeler mémoire la faculté d'être présente à elle-même de manière à ce qu'elle puisse être comprise par sa propre pensée, et à ce que ces deux choses soient unies entre elles par l'amour qu'elles se portent.
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CHAPITRE XII.
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LA TRINITÉ QUI SE FORME DANS L'AME EST L'IMAGE DE DIEU QUAND L'ÂME SE SOUVIENT DE DIEU, LE COMPREND ET L'AIME : CE QUI FORME PROPREMENT LA SAGESSE.
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Ce n'est pas parce que l'âme se souvient d'elle-même, se comprend et s'aime elle-même, que la trinité qu'elle renferme est l'image de Dieu; mais parce qu'elle peut aussi se souvenir de Celui qui l'a créée, le comprendre et l'aimer. C'est par là qu'elle devient sage. Si elle ne le fait pas, elle a beau se souvenir d'elle-même, se comprendre et s'aimer elle-même, elle est insensée. Qu'elle se souvienne donc du Dieu à l'image duquel elle a été faite, qu'elle le comprenne et qu'elle l'aime; en deux mots, qu'elle honore le Dieu incréé, qui l'a créée capable de le comprendre et qu'elle peut posséder. C'est pour cela qu'il est écrit: « Honorer le Seigneur, voilà la sagesse (Jb 28, 28 ) ». Ce n'est point par sa propre lumière que l'âme sera sage, mais par participation à cette lumière souveraine; et, là où elle sera immortelle, elle règnera au sein du bonheur. Ainsi entendue, la sagesse de l'homme n'est autre chose que la sagesse de Dieu. C'est alors seulement qu'elle est vraie; car la sagesse humaine n'est que vanité. Mais ce n'est point dans le même sens que Dieu est sage: car il ne l'est pas par participation à lui-même, comme l'âme l'est par participation à Dieu. Mais comme on appelle justice de Dieu, non-seulement celle par laquelle il est juste, mais encore celle qu'il communique à l'homme quand il justifie l'impie celle dont parle l'Apôtre quand il dit, à propos de certains juifs: « Ignorant la justice de Dieu et cherchant à établir la leur, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu (Rm 10, 3 ) » ainsi peut-on dire de certains hommes: Ignorant la sagesse de Dieu et cherchant à établir la leur, ils ne se sont pas soumis à la sagesse de Dieu.
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Il y a donc une nature incréée, qui a créé toutes les natures grandes et petites, plus parfaite, sans aucun doute, que tout ce qu'elle a créé, et, par conséquent, que cette nature raisonnable et intelligente dont nous parlons et qui est l'âme de l'homme, créée à l'image de son auteur. Or, cette nature, plus parfaite que toutes les autres , c'est Dieu. Et « Dieu n'est pas loin de chacun de nous », comme dit l'Apôtre, qui ajoute aussitôt : « car c'est en lui que nous vivons, que nous nous mouvons et que nous sommes (Ac 17, 27, 28 ) ». S'il s'agissait ici du corps, on pourrait comprendre que l'Apôtre parle du monde matériel : Car là aussi notre corps vit, se meut et existe. C'est donc de l'âme faite à l'image de Dieu qu'il faut entendre ces paroles, dans un sens plus digne, qui n'ait pas trait au monde visible, mais au monde invisible. Car est-il une créature qui ne soit en Celui dont les divines Ecritures nous disent: «Puisque c'est de lui, et par « lui et en lui que sont toutes choses (Rm 11, 36 ) ? » Or, si tout est en lui, en qui peut vivre ce qui vit, et se mouvoir ce qui se meut, sinon en Celui en qui tout est? Cependant tous les hommes ne sont pas avec lui comme y était celui qui lui disait : « Je suis toujours avec vous (Ps 72, 23. )». Ni lui-même n'est point avec tous dans le sens où nous disons: « Le Seigneur soit avec vous ». C'est donc un grand malheur pour l'homme de ne pas être avec Celui sans lequel il ne peut être. Car (534) il ne peut évidemment être sans Celui en qui il est; et cependant s'il ne s'en souvient pas s'il ne le comprend pas et ne l'aime pas, il n'est pas avec lui. Or il n'est pas possible de rappeler à quelqu'un ce qu'il a complètement
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oublié.
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CHAPITRE XIII.
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COMMENT ON PEUT OUBLIER DIEU ET S'EN SOUVENIR.
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Prenons un exemple dans le monde visible. Quelqu'un que tu ne reconnais pas te dit: Tu me connais, et pour fixer ton esprit, il te rappelle où, quand et comment tu l'as connu. Si tu ne le reconnais pas après toutes les indications propres à réveiller ta mémoire, c'est que tu l'as oublié au point que tout souvenir en est effacé dans ton esprit. Il ne te reste pas autre chose à faire que de croire, sur sa parole, que tu l'as réellement connu; et encore faut-il pour cela que celui qui te parle te paraisse digne de foi. Mais si tu t'en souviens, tu rentres immédiatement dans ta mémoire, et tu y trouves ce que l'oubli n'avait pas encore entièrement effacé.
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