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La Trinité 14 image de dieu dans l'homme/Saint Augustin
Nous avons maintenant à traiter de la sagesse, non pas de la sagesse de Dieu qui est Dieu même, puisque le Fils unique de Dieu est appelé sagesse de Dieu (Eccl; XXIV, 5 ; I Cor; I, 24 ); mais de la sagesse de l'homme, de la vraie sagesse qui est selon Dieu, qui forme son culte véritable et principal, ainsi que les Grecs l'expriment par un seul mot Theosebeia . Les Latins voulant aussi, comme nous l'avons déjà dit, renfermer l'idée sous une seule expression, lui ont donné le nom de piété, que les Grecs appellent ordinairement eusebeia mais faute de pouvoir rendre en un seul mot le sens de Theosebeia, ils en emploient deux et disent le culte de Dieu : Dei cultus.
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Or, que cette sagesse de l'homme existe, cela est démontré, comme nous l'avons déjà posé en principe au douzième livre de cet ouvrage (100h; 14.), par le témoignage de la sainte Ecriture, au livre du serviteur de Dieu, Job, où on lit que la Sagesse divine dit à l'homme : « La piété, voilà la sagesse; la fuite du mal, voilà la science (Jb 28, 28 ) », ou la doctrine (disciplina), comme quelques-uns traduisent le mot grec disciplina venant de disco, ce qui
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permet de lui donner le nom de science. En effet, on n'apprend que pour savoir. Sous un
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autre point de vue, on appelle aussi discipline les maux que le pécheur subit pour ses fautes
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et en vue de sa correction. C'est en ce sens qu'on lit dans l'épître aux Hébreux: « Car quel est le fils à qui son père ne donne pas la discipline?» Et plus clairement encore un peu plus bas .
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out châtiment (disciplina) paraît être dans le présent un sujet de tristesse et non de joie; mais ensuite il produit pour ceux qu'il a exercés un fruit de justice plein de paix (Héb; 12, 7, 11 ) ». Dieu est donc la souveraine sagesse; et la sagesse de l'homme, dont il est ici question, est le culte de Dieu. Car « la sagesse de ce siècle est folie devant Dieu (100or; 3, 19) ». Et c'est à propos de cette sagesse, qui est le culte de Dieu, que l'Ecriture sainte dit: « La multitude des sages est « le salut du monde (Sg 6, 26 ) ».
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Mais s'il n'appartient qu'aux sages de parler de la sagesse, que ferons-nous? Oserons-nous, pour ne pas être accusés d'impudence, faire profession de sagesse? Ne reculerons-nous pas, à l'exemple de Pythagore qui n'osa se dire sage, mais répondit simplement qu'il était philosophe, c'est-à-dire ami de la sagesse? Formation de mots, qui fut tellement bien accueillie par la postérité , que tout homme qui passait à ses propres yeux ou aux yeux des autres pour exceller dans la doctrine de la sagesse, ne porta désormais plus d'autre nom que celui de philosophe. Serait-ce qu'aucun de ces hommes n'osait se déclarer sage, parce qu'ils croyaient que le sage doit être exempt de tout péché? Ce n'est pas ce que nous dit l'Ecriture, où nous lisons « Reprenez le sage et il vous aimera (Pr 9, 8 ) ». Or, elle suppose coupable celui qu'elle conseille de reprendre. Pour moi, je n'ose pas me dire sage en ce sens. Il me suffit et personne ne peut nier ceci qu'il appartienne au philosophe, c'est-à-dire à l'ami de la sagesse, de discuter sur la sagesse. C'est ce que n'ont pas laissé de faire ceux qui se sont déclarés amis de la sagesse plutôt que sages.
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Or, dans leurs discussions sur ce sujet, ils ont défini la sagesse: La science des choses humaines et divines. C'est ce qui m'a fait dire plus haut qu'on peut appeler indifféremment sagesse ou science, la connaissance des choses divines et humaines (Liv; III, ch. I, XIX. ). Mais d'après la distinction établie par l'Apôtre : « A l'un est donnée la parole de sagesse, à un autre la parole de science (I Cor; XII, 8 ) », il faut (525) partager la définition, donner proprement le nom de sagesse à la science des choses divines, et réserver celui de science à la connaissance des choses humaines. J'ai parlé de celle-ci dans le livre treizième, en lui attribuant, non tout ce qu'on peut savoir en fait de choses humaines où une si grande part est faite à une vanité stérile et à une coupable curiosité mais seulement ce qui produit, entretient, défend et fortifie cette foi si salutaire qui conduit au vrai bonheur : science rare chez les fidèles, même chez ceux qui sont pleins de foi. En effet, autre chose est de savoir simplement ce que l'homme doit croire pour obtenir la vie heureuse , qui est nécessairement immortelle; autre chose de savoir comment ce que l'Apôtre semble appeler proprement science est utile aux fidèles et doit être défendu contre les impies. En parlant de celle-ci plus haut, j'ai surtout insisté sur la foi elle-même, établissant en peu de mots la distinction entre les choses de l'éternité et celles du temps, et ne m'occupant, là, que de ces dernières. Je me réservais de traiter dans le livre quatorzième des choses éternelles, et j'ai démontré ( Liv; XIII, ch. VII ) que la foi même aux choses éternelles appartient au temps, qu'elle habite temporellement dans le coeur des croyants et qu'elle est cependant nécessaire pour obtenir le bonheur de l'éternité. J'ai également fait voir que pour parvenir à ce bonheur, il faut aussi croire à tout ce que l'Eternel a fait et souffert pour nous, sous la forme humaine qu'il a revêtue dans le temps et qu'il a introduite dans la demeure éternelle; en outre, que les vertus mêmes qui nous apprennent à bien vivre ici-bas, la prudence, la force, la tempérance et la justice, ne sont point de véritables vertus, si elles ne sont rattachées à cette même foi, qui, quoique propre au temps, conduit néanmoins à l'éternité (Id; ch. XX. )
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CHAPITRE II.
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DANS LE SOUVENIR, LA VUE ET L'AMOUR DE LA FOI TEMPORELLE, ON DÉCOUVRE UNE CERTAINE TRINITÉ QUI N'EST CEPENDANT PAS ENCORE L'IMAGE DE DIEU.
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Comme il est écrit: « Pendant que nous sommes dans ce corps, nous voyageons loin du Seigneur: car c'est par la foi que nous marchons, et non par une claire vue (2100o 5, 6, 7 ) », il s'ensuit que tant que le juste vit de la foi (Rm 1, 17 ), bien qu'il vive selon l'homme intérieur et qu'à l'aide de la foi temporelle il tende à la vérité et aux biens éternels, néanmoins l'espèce de trinité qui résulte du souvenir, de la vue et de l'amour de la foi temporelle, ne peut pas encore être appelée image de Dieu. On serait exposé à fonder sur les choses du temps ce qui ne peut être établi que sur celles de l'éternité. En effet, l'âme humaine en voyant sa propre foi, qui lui fait croire ce qu'elle ne voit pas, ne voit point une chose éternelle. Car ce n'est point une chose éternelle, celle qui cessera d'être, quand, au terme de ce pèlerinage où nous voyageons loin du Seigneur et où il faut marcher par. la foi, viendra cette claire vue où nous verrons face à face (1100o 13, 12 ); tout comme aujourd'hui, en croyant sans voir, nous méritons de voir et de nous réjouir de la claire vue où la foi nous aura conduits. Car là, la foi qui croit sans voir n'existera plus, mais bien la claire vue qui fera voir ce qu'on croyait. Et alors le souvenir de cette vie mortelle et de la foi aux choses que nous ne voyions pas, sera compté parmi les choses passées et éphémères, et non parmi les choses présentes et immortelles. Par conséquent la trinité qui consiste dans le souvenir, la vue et l'amour de cette foi qui subsiste présentement ici-bas, ne sera pas davantage permanente, mais une chose à jamais passée ; d'où il résulte que si cette trinité est déjà une image de Dieu, il faut aussi considérer cette image comme une chose transitoire et non immortelle.
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A Dieu ne plaise que, la nature de l'âme étant immortelle et ne pouvant plus cesser d'être, dès qu'elle a commencé d'exister, ce qu'elle a de meilleur ne partage pas son immortalité. Or, qu'y a-t-il de meilleur dans sa nature que d'avoir été faite à l'image de son Créateur (Gn 1, 27 )? Ce n'est donc pas dans le souvenir, la vue et l'amour d'une foi passagère, mais dans ce qui durera toujours qu'il faut trouver ce qu'on doit proprement appeler l'image de Dieu.
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CHAPITRE III.
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SOLUTION D'UNE OBJECTION.
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Pénétrerons-nous encore plus avant dans cette question abstraite? On peut objecter en effet que si la foi passe, cette trinité ne passe (526) point avec elle : car, comme nous la conservons par le souvenir, la voyons par la pensée et l'aimons par la volonté, dans cette vie présente ; de même, dans l'autre vie, le souvenir et la vue que nous en conservons, étant unis par la volonté se posant en tiers, ce sera toujours la même trinité, Et si elle n'avait laissé chez nous aucune trace en passant, nous n'en aurions évidemment rien conservé dans notre mémoire à quoi pût se rattacher un souvenir, et la volonté ne pourrait en aucune façon former le lien entre ces deux choses, à savoir ce qui était dans la mémoire quand nous n'y pensions pas, et la vue qui s'en forme quand nous y pensons.
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Mais celui qui soulève cette difficulté ne fait pas attention que la trinité qui se forme actuellement quand nous conservons, voyons et aimons en nous notre foi présente, n'est point celle qui se formera dans l'avenir, quand nous verrons par le souvenir, non plus la foi elle-même, mais sa trace imaginaire, pour ainsi dire, renfermée dans la mémoire, et que nous unirons par la volonté ces deux choses: ce qui existait dans la mémoire et l'impression qui en résulte dans le regard de la pensée appliquée au souvenir. Pour rendre ceci intelligible, prenons un exemple dans ces mêmes choses matérielles dont j'ai parlé assez longuement dans le onzième livre (Ch; II et suiv. ). En effet, en montant des choses inférieures aux choses supérieures, ou en rentrant du dehors au dedans, nous trouvons une première trinité dans le corps qui est vu, dans l'impression que son aspect produit dans l'oeil de celui qui le voit et dans l'attention de la volonté qui les unit, Etablissons-en une analogie dont les termes seront : la foi renfermée dans notre mémoire comme ce corps l'est dans l'espace; le regard de la pensée qui se forme de la mémoire, comme l'impression de l'oeil se forme du corps qui est vu; puis, pour compléter la trinité, la volonté se posant en tiers afin d'unir et de lier la foi conservée dans la mémoire et son image imprimée dans le regard du souvenir, comme elle unit, dans la trinité de la vision corporelle, la forme du corps visible et l'image ressemblante qui s'en forme dans l'oeil du spectateur.
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Supposons maintenant que ce corps visible a disparu et qu'il n'en reste rien nulle part à quoi le regard puisse recourir : parce que l'image de cet objet matériel disparu reste dans la mémoire, que de cette image se forme le regard de la pensée au moyen du souvenir, et que la volonté, elle troisième, les unit l'un à l'autre, dira-t-on que c'est la même trinité que celle qui existait quand le corps était réellement présent? Non certes; il y a une très-grande différence, au contraire; car outre que l'une était extérieure et que l'autre est intérieure, celle-là avait pour principe la présence de l'objet matériel, tandis que celle-ci est fondée sur l'image du passé. Ainsi en est-il dans le cas qui nous occupe, et pour l'éclaircissement duquel nous avons produit cet exemple; la foi qui est maintenant dans notre âme, comme ce corps était dans l'espace forme une espèce de trinité tant qu'elle est possédée, vue et aimée; mais ce ne sera plus la même trinité, quand cette foi aura disparu de notre âme, comme ce corps a disparu de l'espace. Et celle que nous posséderons alors au souvenir de celle-ci, sera tout à fait différente. L'une en effet a pour principe une chose présente et fixée dans l'âme des croyants; tandis que l'autre ne sera établie que sur le souvenir d'une chose passée, représentée à l'imagination par la mémoire.
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CHAPITRE IV.
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C'EST DANS L'IMMORTALITÉ DE L'ÂME RAISONNABLE QU'IL FAUT CHERCHER L'IMAGE DE DIEU. COMMENT LA TRINITÉ SE FAIT VOIR DANS L'ÂME.
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Ainsi donc la trinité qui n'est pas maintenant l'image de Dieu, ne le sera pas davantage un jour, et celle qui doit cesser un jour, ne l'est pas davantage: c'est dans l'âme de l'homme, c'est-à-dire dans l'âme raisonnable et intelligente, qu'il faut trouver l'image du Créateur: empreinte immortelle sur une substance immortelle. Car, de même que l'immortalité de l'âme doit s'entendre avec certaine restriction puisque l'âme a aussi son genre de mort, lorsqu'elle est privée de la vie bienheureuse qui est sa véritable vie et que cependant on l'appelle immortelle parce que, quelle que soit sa vie, fût-elle entièrement malheureuse, elle ne cessera jamais de vivre : ainsi quoique la raison ou l'intelligence paraisse tantôt assoupie, tantôt petite, tantôt grande, chez elle; cependant elle ne laisse jamais d'être une âme raisonnable ou intelligente. Donc si elle (527) a été faite à l'image de Dieu en ce sens qu'elle peut user de sa raison ou de son intelligence pour comprendre Dieu et le contempler, il est évident que dès l'instant qu'elle a commencé à être cette si grande et si merveilleuse nature, elle ne cessera pas de l'être, soit que cette image soit affaiblie et presque réduite à rien, soit qu'elle s'obscurcisse ou se déforme, soit qu'elle reste pure et belle. C'est cette difformité et cette dégradation que l'Ecriture déplore, quand elle dit : « Quoique l'homme marche en image (in imagine), cependant il s'agite en vain, il amasse des trésors et ne sait qui les recueillera après lui (Ps 38 ) ». Le psalmiste n'attribuerait pas la vanité à l'image de Dieu, s'il ne la voyait déformée. Et pourtant il laisse assez voir que cette difformité ne saurait lui ôter le caractère d'image de Dieu, puisqu'il dit: « Quoique l'homme marche en image (in imagine) ». Ainsi des deux côtés la pensée est juste : comme on a dit: « Quoique l'homme marche en image, cependant il s'agite en vain » ; de même on peut dire : Quoique l'homme s'agite en vain, cependant il marche en image.
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En effet, quoique sa nature soit grande, elle a cependant pu être viciée, et quoiqu'elle ait pu être viciée parce qu'elle n'est pas la nature souveraine, cependant, :étant capable de connaître la nature souveraine et d'y participer, elle est une grande nature. Cherchons donc, dans cette image de Dieu, une certaine trinité propre (sui generis), avec l'aide de Celui qui nous a faits à son image; car autrement nous ne pourrions entreprendre ces recherches d'une manière utile, ni rien découvrir selon la sagesse qui vient de lui. Mais si le lecteur a bien retenu ce que nous avons dit de l'âme ou de l'intelligence humaine dans les livres précédents, notamment dans le dixième, ou s'il veut bien se reporter à ces passages et les relire attentivement, le point qui nous occupe, malgré son importance, n'exigera pas de trop longs développements.
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Nous avons donc dit, entre autres choses, dans le livre dixième, que l'âme humaine se connaît elle-même (Ch. VII. ). En effet, l'âme ne connaît rien autant que ce qui lui est présent; or rien n'est plus présent à l'âme que l'âme même. Nous avons encore donné d'autres preuves, aussi nombreuses que nous l'avons jugé à propos, et propres à établir cette vérité avec toute certitude.
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CHAPITRE V.
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L'AME DES ENFANTS SE CONNAÎT-ELLE?
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Mais que dire de l'âme de l'enfant encore en bas âge et plongé dans cette profonde ignorance de toutes choses qui inspire une si vive horreur à tout homme parvenu a un degré quelconque de connaissance? Faut-il croire qu'elle se connaît, mais qu'absorbée par les impressions des sens d'autant plus vives qu'elles sont plus nouvelles, si elle ne peut s'ignorer du moins, elle n'est pas capable de réfléchir? On peut conjecturer de la force qui l'entraîne vers les objets sensibles par le seul fait de son avidité à voir la lumière : avidité telle que si, par inattention ou par imprévoyance des suites, on place une lumière pendant la nuit près du lit où repose un enfant, dans un endroit où il puisse jeter obliquement les yeux sans pouvoir tourner la tête, son regard s'y fixe avec tant de ténacité que quelquefois il en contracte ce que nous appelons le strabisme, les yeux conservant la direction imprimée par l'habitude à cet organe encore tendre et délicat. Ainsi en est-il des autres sens; ces jeunes âmes s'y portent avec toute l'impétuosité que permet leur âge, s'y concentrent, pour ainsi dire, n'ont de répulsion que pour ce qui blesse la chair, d'attrait que pour ce qui la flatte. Quant à leur intérieur, elles n'y songent pas, et il n'est pas possible de les y faire songer: car elles ne comprennent pas encore la valeur d'un avertissement, puisqu'elles ignorent le sens des mots aussi bien que tout le reste, et que c'est surtout par des mots qu'un avertissement se manifeste. Du reste, nous avons fait voir dans le livre précité ( Liv; X, ch. V. ) qu'il y a une différence entre ne pas se connaître et ne pas penser à soi.
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Mais laissons-là le jeune âge à qui on ne peut demander compte de ce qui se passe en lui et dont nous avons nous-même complètement perdu le souvenir. Qu'il nous suffise de savoir avec certitude que puisque l'homme peut réfléchir sur la nature de son âme et découvrir la vérité, il ne la découvrira qu'en lui. Or, il découvrira, non ce qu'il ignorait, mais ce à quoi il ne pensait pas. Car que saurons-nous, si nous ne savons pas ce qui est dans notre (528) âme, puisque nous ne pouvons savoir que par elle tout ce que nous savons?
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CHAPITRE VI.
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COMMENT IL SE TROUVE UNE CERTAINE TRINITÉ DANS L'ÂME QUI RÉFLÉCHIT SUR ELLE-MÊME. QUEL RÔLE LA PENSÉE JOUE DANS CETTE TRINITÉ.
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Telle est la puissance de la pensée, que l'âme n'est en sa propre présence que quand elle pense à elle-même ; par conséquent il n'y a de présent à l'âme que ce qu'elle pense, à tel point que l'âme elle-même ; par laquelle se pense tout ce qui se pense, ne peut être en sa propre présence, que quand elle se replie sur elle-même par la pensée. Mais comment se fait-il que l'âme n'est pas en sa propre présence, à moins de penser à elle-même, quand nous savons qu'elle ne peut être sans elle-même, qu'il n'y a pas de différence entre elle et sa propre présence? C'est là un mystère qui m'échappe. Cela se comprend pour l'oeil du corps: il occupe une place fixe dans le corps, sa vue se dirige sur les objets extérieurs et peut s'étendre jusqu'aux astres. Mais il n'est pas en sa propre présence, puisqu'il ne se voit pas lui-même, sinon à l'aide d'un miroir, comme nous l'avons déjà dit (Liv; X, ch. III. ): ce qui n'a pas lieu quand l'âme se met en présence d'elle-même par la pensée. Serait-ce donc que, quand elle se voit par la pensée, une partie d'elle-même verrait une autre partie d'elle-même, comme certains de nos organes, nos yeux par exemple, voient d'autres de nos organes qui sont exposés à leur regard? On ne saurait dire ni penser rien de plus absurde, A qui l'âme est-elle donc enlevée, sinon à elle-même? Et où se met-elle en sa propre présence, sinon devant elle-même? Donc quand elle n'est plus en sa propre présence, elle n'est plus où elle était: car elle était là, et elle en a été enlevée. Mais si l'âme à voir a émigré, où demeure-t-elle pour se voir? Est-elle double, de manière à être ici et là, c'est-à-dire où elle puisse voir et où elle puisse être vue; en elle-même, pour voir, et devant elle, pour être vue? Si nous consultons la vérité, elle ne nous répondra rien là-dessus; parce que cette façon de penser repose sur des images matérielles que nous nous figurons et qui n'ont rien de commun avec notre âme, comme le savent avec une parfaite certitude le petit nombre de ceux qui peuvent consulter la vérité sur ce point.
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Il reste donc à dire que la vue d'elle-même est quelque chose qui appartient à sa nature et qui, lorsqu'elle pense à elle-même, lui revient, non par un déplacement local, mais par un mouvement immatériel; et cette vue, lorsque l'âme ne pense pas à elle-même, ne lui est pas présente, ne devient pour elle le but d'aucun regard, bien qu'elle se reconnaisse encore et qu'elle soit en quelque sorte pour elle-même sa propre mémoire. C'est ainsi que chez l'homme instruit dans beaucoup de sciences, ce qu'il sait est renfermé dans sa mémoire, et que rien cependant n'est présent à son âme que ce à quoi il pense, tout le reste est caché dans ce secret arsenal qui s'appelle la mémoire. Or, pour former cette trinité, nous plaçions dans la mémoire ce qui forme le regard de la pensée, puis nous donnions comme son image l'impression conforme qui en résulte, et en troisième lieu venait l'amour ou la volonté pour unir ces deux choses. Donc, quand l'âme se voit par la pensée, elle se comprend et se reconnaît; par conséquent elle engendre cette intelligence et sa propre connaissance. En effet, comprendre une chose immatérielle c'est la voir, et c'est en la comprenant qu'on la connaît. Et quand l'âme se comprend par la pensée et se voit, elle n'engendre pas sa propre connaissance comme si auparavant elle ne s'était pas connue; mais elle se connaissait, comme on connaît ce qui est enfermé dans la mémoire, alors même qu'on n'y pense pas; dans le sens où nous disons qu'un homme connaît les lettres alors. qu'il pense à toute autre chose qu'aux lettres. Or ces deux choses, ce qui engendre et ce qui est engendré, sont unies par un tiers, l'amour, qui n'est pas autre chose que la volonté désirant posséder un objet ou le possédant déjà. Voilà pourquoi nous avons cru pouvoir exprimer cette espèce de trinité par ces trois mots: mémoire, intelligence, volonté.
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