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La Trinité 05 réfutation des ariens/Saint Augustin
On appelle accident tout ce qu'un sujet peut perdre par changement, ou par altération. Quelques accidents, il est vrai, sont inséparables du sujet; c'est pourquoi les Grecs les nomment intrinsèques. Ainsi la couleur noire est intrinsèque à la plume du corbeau. Toutefois celle-ci cesse d'être noire du moment qu'elle n'est plus une plume de corbeau. C'est que la matière elle-même est sujette au changement; et ainsi dans l'exemple que j'ai cité, le corbeau ou la plume, ou même tous deux éprouvent tantôt un changement partiel et tantôt une transformation entière, en sorte que ni l'un ni l'autre ne retiennent plus la couleur noire. D'autres accidents sont dits séparables, quoiqu'en réalité ils ne soient dans le sujet qu'un simple changement, ou une pure altération. Ainsi les cheveux de l'homme sont (425) naturellement noirs; mais parce qu'ils peuvent blanchir tant qu'ils adhèrent à la tête, on dit qu'en eux la noirceur est un accident séparable. Cependant avec un peu de réflexion, il est facile de voir que dans ce cas rien n'émigre au dehors, et que le noir de nos cheveux ne se retire point, je ne sais où, pour faire place à la blancheur. Ici les cheveux n'éprouvent qu'un changement de couleur.
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Mais il n'y a en Dieu aucun accident, parce qu'en lui il n'y a rien de muable, rien d'amissible. On peut aussi nommer accident l'intensité, ou la diminution d'une qualité que le sujet ne saurait perdre. Ainsi notre âme est immortelle, en sorte qu'elle vivra tant qu'elle existera; mais parce qu'elle existera toujours, elle vivra toujours. Néanmoins le développement ou l'affaiblissement de la raison fait que cette âme, sans cesser de vivre, reçoit une communication plus ou moins abondante de la vie. C'est le phénomène de la folie qui nous ôte le bon sens, et nous laisse la vie. Mais on ne peut rien concevoir de semblable en Dieu, parce qu'il est souverainement immuable.
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La Trinité 05 réfutation des ariens/Saint Augustin
CHAPITRE V.
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La Trinité 05 réfutation des ariens/Saint Augustin
DES RELATIONS DIVINES.
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La Trinité 05 réfutation des ariens/Saint Augustin
Nous venons de voir qu'aucune notion d'accident ne peut convenir à Dieu, parce qu'il n'est soumis à aucun changement; et cependant il ne faut pas en conclure que tout ce qui s'énonce de lui se rapporte à la substance. Sans doute, quand il s'agit des créature muables et changeantes, ce qui ne se dit pas de la substance, se dit de l'accident, car en elles tout est accidentel, la grandeur et les autres qualités, puisque ces qualités sont susceptibles de plus et de moins. Ce principe est général et il s'applique aux diverses relations de l'amitié de la famille et de la domesticité, non moins qu'à celles de la ressemblance et de l'égalité. On le retrouve même dans la position et le maintien du corps, dans l'espace et la durée, dans l'action et la passion. Mais en Dieu il n'y a rien d'accidentel, parce qu'il est souverainement immuable, et néanmoins tout ce qui s'énonce de lui, ne s'énonce point de la substance. Ainsi nous distinguons en Dieu le Père d'avec le Fils, et le Fils d'avec le Père; et toutefois nous ne, disons pas qu'en eux cette distinction soit accidentelle, parce qu'éternellement l'un est Père, et l'autre est Fils.
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La Trinité 05 réfutation des ariens/Saint Augustin
Cependant ce mot, éternellement, ne doit pas être pris dans ce sens que le Fils étant une fois engendré, ne peut pas plus cesser d'être Fils que le Père d'être Père, mais en ce sens que la génération du Fils a toujours existé, et que jamais elle n'a commencé. Et en effet, si la génération du Fils avait eu un commencement, ou si elle pouvait avoir une fin, elle ne serait en lui qu'un accident. De même encore, si le Père était dit Père par rapport à lui-même, et non par rapport au Fils, et si le Fils était dit Fils en excluant toute relation de paternité et de filiation, l'affirmation tomberait sur la substance. Mais il n'en est pas ainsi, parce que le Père n'est Père qu'autant qu'il a un Fils, et que le Fils n'est Fils qu'autant qu'il a un Père : c'est pourquoi ces expressions, Père et Fils, n'expriment en eux qu'une relation de personne à personne; et toutefois cette relation n'est pas en eux un accident, parce que dans le Père et le Fils la paternité et la filiation sont éternelles et immuables. Sans doute autre chose est d'être Père et d'être Fils; cependant cette diversité d'action n'affecte point en Dieu la substance, parce qu'elle s'affirme uniquement de la relation entre les personnes divines. Mais d'autre part, cette relation n'est point en Dieu un pur accident, parce qu'elle est immuable.
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La Trinité 05 réfutation des ariens/Saint Augustin
CHAPITRE VI.
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La Trinité 05 réfutation des ariens/Saint Augustin
CHICANES DES ARIENS SUR LES MOTS engendré ET non-engendré.
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La Trinité 05 réfutation des ariens/Saint Augustin
Ici les Ariens élèvent contre ce langage une difficulté qu'ils croient péremptoire, et ils raisonnent ainsi : Il est vrai que le Père est dit Père par rapport au Fils, comme le Fils est dit Fils par rapport au Père, ce qui n'empêche pas que les termes, non-engendré et engendré, doivent s'affirmer en eux de la substance et non de la relation, car père et non. engendré ne sont point synonymes, puisqu'en supposant que le Père n'eût pas engendré de fils, il n'en serait pas moins lui-même non-engendré, à l'opposé de ce qui arrive dans le monde où nous voyons que le père qui engendre un fils, ne peut se dire lui-même non engendré, parce que toute la race humaine ne se produit et ne se propage que par la génération. Résumons ce raisonnement : les mots père et fils supposent une relation entre les personnes divines, tandis que ceux de non-engendré et d'engendré tombent sur la personnalité elle-même, et s'entendent de la substance. Or être engendré et n'être pas engendré sont deux choses absolument différentes; donc en Dieu il y a diversité de substance.
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Voilà bien le langage des Ariens; mais en parlant ainsi, ils ne comprennent point qu'ils énoncent ici sur le Père une proposition à laquelle ils devraient réfléchir avec plus de soin, car, même sur la terre tout homme n'est point père parce qu'il n'est point engendré, ni non-engendré, parce qu'il est père. Ainsi le terme de non-engendré n'est pas un terme de relation, tandis qu'il y a relation, mais ils sont trop aveuglés pour le voir, à être engendré. Et en effet, si l'on est fils, c'est qu'on a été engendré, et on a été engendré parce qu'on est fils. Or, c'est cette double relation de la paternité et de la filiation qui dans la Trinité relie le Père au Fils et le Fils au Père; c'est-à-dire la personne qui engendre, à la personne qui est engendrée. Aussi concevons-nous sous deux idées différentes que le Père engendre, et que lui-même n'est point engendré. Toutefois nous ne l'affirmons de Dieu le Père que par relation avec le Fils; ce que nient nos adversaires qui veulent que la propriété d'être non-engendré tombe sur la personnalité même du Père. Ils disent donc: Une chose s'affirme du Père, et ne peut s'affirmer du Fils, et cette chose affecte directement la substance divine. Et en effet le Père possède personnellement la propriété de n'être point engendré, tandis que le Fils en est privé; donc il est non-engendré selon sa substance, et parce qu'on ne saurait le dire également du Fils, celui-ci n'est pas consubstantiel au Père.
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Il me suffit, pour répondre à cette chicane, de presser mes adversaires de nous dire en quoi le Fils est égal au Père, est-ce par identité de nature, ou bien seulement par relation de personne à personne? La seconde proposition n'est pas admissible, parce qu'elle confondrait en Dieu toute notion de paternité et de filiation, et que de plus la même personne divine n'est point tout ensemble Père et Fils. Au reste dans la Trinité le Père et le Fils ne sont point entre eux, comme sur la terre sont les amis et les voisins. L'amitié n'existe d'homme à homme que par relation; et si deux amis s'aiment avec la même cordialité, on dit qu'il y a entre eux égalité de sentiments. De même entre voisins, ce sont des relations de bienveillance; et quand cette bienveillance est réciproque, on dit qu'il y a entre eux égalité de bons rapports. Mais ici le Fils n'est point Fils parce qu'il est Dieu, mais parce qu'il est engendré du Père, en sorte que ne pouvant lui être égal en raison même de cette filiation, il ne saurait l'être qu'en nature. Or, tout ce qui se dit de la nature, s'affirme de la substance : donc le Fils est consubstantiel au Père. Observons aussi qu'en disant que le Père n'est pas engendré, nous disons bien moins ce qu'il est que ce qu'il n'est pas; et remarquons encore qu'en Dieu la négation d'une relation quelconque n'atteint point la substance, parce que ces deux choses sont entièrement distinctes.
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La Trinité 05 réfutation des ariens/Saint Augustin
CHAPITRE VII.
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La Trinité 05 réfutation des ariens/Saint Augustin
EXPLICATION DE CETTE DOCTRINE.
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La Trinité 05 réfutation des ariens/Saint Augustin
Je m'explique par quelques exemples. Et d'abord j'affirme que les mots, fils et engendré, n'ont qu'une seule et même signification. Car en Dieu, le Verbe est Fils parce qu'il est engendré, et il est engendré parce qu'il est Fils. Lors donc que nous affirmons du Père qu'il n'est pas engendré, nous disons simplement qu'il n'est pas fils. Mais les mots engendré et non-engendré sont d'un usage plus facile, parce que la langue latine, qui admet le mot fils, rejette celui de non-fils. Cependant la pensée est indépendante de cet usage, et elle comprend le mot non-fils de même qu'elle entend celui de non-engendré qu'on emploie quelquefois pour inengendré. Ainsi encore les mots, voisin et ami, ont leurs corrélatifs dans notre esprit, quoique la langue qui dit ennemi, ne dise point invoisin. Il est donc bien utile dans toute discussion dogmatique de considérer moins ce que nous permet, ou nous refuse le sens habituel des mots, que les idées mêmes qu'ils renferment.
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Ainsi nous ne dirons pas que le Père est inengendré, quoiqu'à la rigueur Je génie de notre langue nous le permette, mais nous dirons dans le même sens qu'il n'est pas engendré, c'est-à-dire qu'il n'est pas le Fils; car l'effet de toute particule négative n'est point de faire retomber sur la substance même de l'être ce qu'elle ne nie en lui que relativement. Ici donc, comme dans tous les autres (427) attributs, nous nions seulement ce qui sans la négation serait vrai. Prenons pour exemple cette proposition : voilà un homme; en l'énonçant je marque la substance de l'être auquel je la rapporte ; et quand je dis: ce n'est pas un homme, je me borne à nier dans le sujet la qualité d'homme, mais je ne lui applique aucun autre attribut. Lors donc que je dis : voilà un homme, l'affirmation tombe sur la substance; et pareillement, lorsque je dis ce n'est pas un homme, la négation tombe sur la substance. Si vous me demandez ensuite combien un être a de pieds, et si je vous réponds : quatre, j'énonce seulement le nombre de ses pieds, de même qu'en disant qu'il n'est point quadrupède, je ne prétends nier en lui qu'une seule chose, à savoir qu'il n'a pas quatre pieds.
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C'est encore dans le même sens tour à tour affirmatif et négatif que selon la couleur je dis : il est blanc, et il n'est pas blanc; que selon la relation, je dis : il est proche, et il est éloigné; que selon la position, je dis : il est couché, et il est levé; et qu'enfin selon l'extérieur et les dehors je dis : il est armé, et il est désarmé, c'est-à-dire qu'il n'a point d'armes. Pareillement par rapport au calcul du temps, je dis : aujourd'hui et hier; par rapport à la distance des lieux, je dis : il est à Rome, et il n'est pas à Rome; et par rapport à l'action, je dis: il frappe, ou bien, il ne frappe pas, énonçant seulement par là qu'il ne fait pas l'action de frapper. Et de même, quand je dis : il est frappé, j'affirme, que le sujet souffre l'action marquée par le verbe frapper, ce qui est le contraire, quand je dis: il n'est point frappé. C'est qu'en effet il n'est point d'attribut ou de qualificatif que nous ne puissions détruire soudain en le faisant précéder d'une particule négative.
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D'après ces principes, si j'appliquais le mot Fils à la substance divine, je nierais cette substance en disant: Non-Fils. Mais comme je n'affirme dans le Verbe la filiation que relativement au Père; de même je ne nie dans le Père cette même filiation que par relation au Fils, en sorte que je veux seulement prouver qu'il est à lui-même son propre principe. Concluons donc que puisque le mot Fils, ainsi que je l'ai dit ci-dessus, a le même sens que le mot engendré, l'expression non-engendré, équivaut à celle-ci : il n'est pas Fils. Ainsi, soit que nous disions : Non-Fils, ou non-engendré, la négation ne tombe, dans notre pensée, que sur les relations de personne à personne. Car le qualificatif inengendré est absolument synonyme de non-engendré. Concluons donc encore qu'en disant qu'il est inengendré, nous ne lui appliquons que par relation cet attribut négatif. Et en effet, en disant du Fils qu'il est engendré, nous faisons abstraction de la substance ou nature divine, et nous affirmons seulement qu'il procède du Père: et de même, quand nous disons du Père qu'il est non-engendré, nous ne prétendons prouver qu'une seule chose, à savoir qu'il n'a point de père. Il est vrai qu'ici l'attribut relatif offre une double signification, mais parce qu'il est toujours pris dans un sens relatif, il ne tombe jamais sur la substance. Ainsi, quoique ce soit deux choses bien différentes que d'être engendré, et de n'être pas engendré, ces deux qualificatifs n'indiquent point diversité de substance. Car comme le mot Fils se réfère au mot Père, et le mot non-Fils au mot non-Père, ainsi devons-nous rapporter le terme engendré au terme générateur, et le terme non-engendré au terme non-générateur.
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La Trinité 05 réfutation des ariens/Saint Augustin
CHAPITRE VIII.
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La Trinité 05 réfutation des ariens/Saint Augustin
TOUT CE QUI SE DIT DE LA NATURE DIVINE, EST PROPRE AUX TROIS PERSONNES DE LA SAINTE TRINITÉ.
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La Trinité 05 réfutation des ariens/Saint Augustin
C'est pourquoi nous posons en principe que tout ce qui se dit de la nature, s'affirme de la substance même de Dieu, et que tout ce qui se dit des relations, ne tombe que sur la personne, et non sur l'essence de l'Etre divin. Bien plus, l'unité de substance est si forte dans le Père, le Fils et l'Esprit-Saint, que nous exprimons au singulier tous les attributs collectifs qui leur conviennent. Ainsi nous disons que le Père est Dieu, que le Fils est Dieu, et que le Saint- Esprit est Dieu, expression qui ne peut s'entendre que de la substance divine. Toutefois nous ne disons pas que les trois personnes de l'auguste Trinité sont trois Dieux, mais un seul et même Dieu. Autant le Père est grand, autant le Fils est grand, autant le Saint-Esprit est grand ; et cependant ce ne sont pas trois Dieux souverainement grands, mais un seul Dieu souverainement grand. Car ce n'est point du Père seul, comme les Ariens le soutiennent malignement, mais du Père, du Fils et du Saint-Esprit qu'il est écrit au livre des Psaumes : « Vous êtes le seul grand Dieu (Ps 85, 10 ) » (428)
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La Trinité 05 réfutation des ariens/Saint Augustin
eillement le Père est bon, le Fils est bon et l'Esprit-Saint est bon. Toutefois ce ne sont point trois Dieux bons, mais le Dieu unique dont Jésus-Christ n dit : « Nul n'est bon que Dieu seul ». Observez en effet que si cette expression : « Bon Maître » ne s'adressait, dans l'intention du jeune homme dont parle saint Luc, qu'à Jésus-Christ comme homme, celui-ci voulut par sa réponse élever ses pensées jusqu'à sa divinité. C'est pourquoi il ne lui dit pas: Nul n'est bon que le Père, mais, « Nul n'est bon que Dieu seul (50c 18, 18, 19 ) ». S'il eût dit le Père, il n'eût en réalité nommé que le Père, mais en disant Dieu seul, il nommait le Père, le Fils et le Saint-Esprit, parce que ces trois personnes ne sont qu'un seul et même Dieu. S'agit-il au contraire de termes qui expriment la position et le vêtement du corps, le temps et le lieu? ils ne doivent s'entendre de Dieu que par métaphore et non dans le sens propre et direct. C'est ainsi que par rapport à la position et au vêtement, le psalmiste nous dit que « Dieu est assis sur les chérubins, et quel abîme l'enveloppe comme un vêtement (Ps 79, 2 ; 103, 6 ). » Il dit également par rapport au temps et au lieu : « Seigneur, vos années ne finiront jamais»; et, « si je m'élève vers le ciel, vous y êtes ( Ps 101, 28 ; 138, 8 )».
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Mais tout ce qui se rapporte à la puissance d'action se dit vraisemblablement de Dieu seul. Car Dieu seul agit ou n'agit pas, et en tant qu'il est Dieu, il est indépendant de toute passivité. C'est pourquoi le Père est tout-puissant, le Fils est tout-puissant et le Saint-Esprit est tout-puissant. Toutefois. ce ne sont pas trois Dieux également tout-puissants, mais un seul Dieu tout-puissant, et « tout est de lui, tout est par lui , tout est en lui (Rm 11, 36 ) ». Ainsi tout ce qui atteint directement la nature de l'Etre divin se dit au nombre singulier de chacune des trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit; et c'est encore en ce même nombre singulier, et non au pluriel, que nous appliquons les mêmes expressions à la Trinité entière. Et, en effet, être et être grand ne sont pas en Dieu deux choses, mais une seule et même chose. Aussi, par la même raison que nous ne reconnaissons pas en lui trois essences, nous ne lui attribuons pas trois grandeurs.
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CHAPITRE IX.
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DES PERSONNES DIVINES.
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J'emploie ici le mot essence , qui est un terme de la langue grecque, et qui répond dans la nôtre à celui de substance. Les Grecs disent également l'hypostase; mais quelle différence mettent-ils entre l'essence et l'hypostase? Ceux qui ont écrit en grec sur la Trinité disent communément une seule essence et trois hypostases, expressions qui signifient en latin une essence et trois substances. Quoi qu'il en soit, l'usage a prévalu parmi nous d'attacher au mot essence le sens du mot substance; aussi n'oserai-je point dire une seule essence et trois substances, mais une seule essence ou substance et trois personnes. Ce langage est celui qu'ont adopté plusieurs auteurs latins bien recommandables; et ils l'ont employé , n'en trouvant pas de meilleur pour exprimer par la parole ce qu'ils comprenaient sans le secours de la parole. Et, en effet, puisque le Père n'est pas le Fils, que le Fils n'est pas le Père, et que le Saint-Esprit qui est aussi appelé le don de Dieu, n'est ni le Père, ni le Fils, il faut nécessairement reconnaître trois personnes en un seul Dieu. C'est pourquoi Jésus-Christ a dit au pluriel : « Le Père et moi nous sommes un (Jn 10, 30 ) ». Les Sabelliens traduisent au singulier : Le Père et moi est un; tandis que le Sauveur a dit: « Nous sommes un ». Il y a donc trois personnes en Dieu . Mais s'agit-il de définir ce qu'est une personne divine, soudain toute parole humaine devient impuissante. Aussi disons-nous trois personnes, moins pour dire quelque chose que pour ne pas garder un silence absolu.
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CHAPITRE X.
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TOUT CE QUI SE RAPPORTE A LA NATURE DIVINE, SE DIT AU SINGULIER DES TROIS PERSONNES.
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De même donc que nous ne disons point qu'il y a en Dieu trois essences, nous ne reconnaissons pas en lui trois grandeurs, ni trois êtres souverainement grands. Car dans les choses qui ne sont grandes que relativement, il faut distinguer la grandeur, de la chose elle-même. C'est ainsi que nous disons une grande maison, une grande montagne et un grand esprit. Mais dans ces trois exemples la (429) grandeur n'est pas la chose même qui est grande, en sorte que la maison, si grande qu'elle soit, n'est pas la grandeur elle-même. Nous concevons en effet la grandeur comme indépendante soit de la maison, ou de la montagne que nous nommons grandes, soit de tout autre objet auquel nous appliquons une idée et une relation de grandeur. Ainsi la grandeur est autre que les objets qui lui empruntent leur grandeur; et cette grandeur, principe premier de toute grandeur, surpasse excellemment tous les sujets sur lesquels elle se réfléchit.
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Or, Dieu n'est point grand d'une grandeur qui ne lui appartienne point en propre, en sorte qu'il soit obligé de lui emprunter celle dont il jouit. Autrement nous concevrions la grandeur comme étant au-dessus de Dieu, tandis qu'il est l'Etre premier et souverain. Donc Dieu n'est grand que parce qu'il possède par lui-même toute grandeur. C'est pourquoi nous ne disons point qu'il y a en lui trois grandeurs, pas plus que nous n'affirmons en lui trois substances. Car Dieu est grand par cela seul qu'il est Dieu. Et de même nous ne disons point que les trois personnes divines sont trois êtres souverainement grands, mais un seul et même Dieu souverainement grand, parce que Dieu n'est point grand d'une grandeur étrangère et empruntée, mais qu'il est grand par lui-même, et qu'il est lui-même le principe unique de sa grandeur. Nous tenons également le même langage quand nous parlons de la bonté, de l'éternité et de la toute-puissance de Dieu, et en général de tous les attributs qui se rapportent à la nature divine, et qui sont exprimés dans un sens propre et direct, et non point dans un sens accommodatif et métaphorique. Mais que peut exprimer la parole de l'homme, lorsqu'elle veut expliquer l'essence même de Dieu?
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CHAPITRE XI.
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