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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
Toutefois cette souveraine Trinité, qui n'est pas seulement immatérielle, mais absolument indivisible et véritablement immuable, nous la verrons bien plus clairement et avec beaucoup plus de certitude que son image qui est en nous, quand viendra cette vision face à face qui nous est promise. Cependant ceux qui voient à travers ce miroir et en celte énigme autant qu'il est donné de voir en cette vie ne sont pas ceux qui voient dans leur âme ce que nous avons expliqué et fait ressortir; mais ceux qui voient leur âme comme une image, afin de pouvoir rapporter à Celui dont elle est l'image ce qu'ils voient, comme ils le voient, et entrevoir par conjecture ce qu'ils découvrent par image, puisqu'ils ne peuvent pas encore contempler face à face. Car l'Apôtre ne dit pas Nous voyons maintenant un miroir, mais « Nous voyons maintenant à travers un miroir (I Cor; XIII, 12 ) ».
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
CHAPITRE XXIV.
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INFIRMITÉ DE L'ÂME HUMAINE.
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
Ainsi donc ceux qui- voient leur âme comme elle peut être vue, qui découvrent en elle la trinité que j'ai envisagée, autant qu'il m'a été possible, sous bien des faces, et ne croient pas ou ne comprennent pas qu'elle est l'image de Dieu, ceux-là voient sans doute un miroir, mais ils voient si peu à travers ce (567) miroir Celui qu'il faut y voir pendant cette vie, qu'ils ne savent pas même que le miroir qu'ils voient est un miroir, c'est-à-dire une image. S'ils le savaient, peut-être comprendraient-ils qu'il faut chercher et voir, provisoirement et d'une manière quelconque, à travers ce miroir Celui même dont il est le miroir, une foi non feinte purifiant les coeurs (1Tm 1, 5 ), pour qu'on puisse un jour voir face à face Celui qu'on voit maintenant à travers un miroir. Or, en dédaignant cette foi qui purifie les coeurs, que gagnent-ils à comprendre de subtiles discussions sur la nature de l'âme humaine, sinon de se faire condamner par le témoignage même de leur intelligence? Ils n'auraient pas ces peines ni tant de difficultés d'arriver à quelque chose de certain, s'ils n'étaient enveloppés de ténèbres justement méritées, et chargés de ce corps de corruption qui appesantit l'âme (Sg 9, 15 ). Or, qui nous a attiré ce malheur, sinon le péché? Eclairés par une si cruelle expérience, ils devraient donc bien suivre l'Agneau qui ôte les péchés du monde (Jn 1, 29 ).
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CHAPITRE XXV.
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C'EST SEULEMENT AU SEIN DE LA BÉATITUDE QU'ON COMPREND POURQUOI LE SAINT-ESPRIT N'EST PAS ENGENDRÉ, ET COMMENT IL PROCÈDE DU PÈRE ET DU FILS.
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Une fois dégagés des liens du corps à la fin de cette vie, les fidèles appartiennent à Dieu, eussent-ils été d'ailleurs bien moins intelligents que ces philosophes et les puissances jalouses n'ont plus le droit de les retenir. Ces puissances, l'Agneau innocent immolé par elles, les a vaincues par la justice du sang avant de les vaincre par la vertu de la puissance. Dès lors, délivrés du pouvoir du démon, ces justes sont reçus par les saints anges, affranchis enfin de tous les maux par le Médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus homme (1Tm 2 5 ) puisque, d'après le témoignage unanime des divines Ecritures, anciennes et nouvelles, qui ont prédit et annoncé le Christ, « nul autre nom n'a été donné dans le ciel, par lequel les hommes doivent être sauvés (Ac 4, 12 ) ». Purifiés donc de toute tache de corruption, ils sont établis dans de paisibles demeures, jusqu'à ce qu'ils reprennent leurs corps, mais cette fois incorruptibles et devenus leur ornement et non plus leur fardeau. Car ç'a été le bon plaisir du très-bon et très-sage Créateur, que l'esprit de l'homme humblement soumis à Dieu domine heureusement son corps, et que ce bonheur n'ait pas de fin.
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
Là nous verrons la vérité sans aucune difficulté et nous jouirons de sa contemplation, parfaitement éclairés et dégagés de toute incertitude. Nous n'aurons plus besoin de raisonnements, mais nous verrons intuitivement pourquoi le Saint-Esprit n'est pas Fils du Père, bien qu'il en procède. Au sein de cette lumière, il n'y n plus de question à résoudre. Mais ici j'ai si bien vu par expérience la difficulté du sujet et sans aucun doute mes lecteurs studieux et intelligents la verront comme moi que m'étant engagé dans le second livre de cet ouvrage (Ch. III ) à m'expliquer ailleurs, toutes les fois que j'ai voulu montrer quelque trait de ressemblance entre la créature humaine et cette souveraine Trinité, ma parole n'a pu exprimer les idées quelconques que j'avais conçues. J'ai même senti qu'il y avait dans mon intelligence plus d'efforts que de succès. J'ai trouvé dans l'homme, qui n'est qu'une personne, une image de cette souveraine Trinité; et pour mieux faire comprendre les trois divines personnes dans l'être sujet à changement, j'ai essayé, surtout dans le neuvième livre, de procéder par degrés successifs. Mais trois choses appartenant à une seule personne ne sauraient répondre au désir de l'homme, et donner une idée juste des trois personnes divines, ainsi que nous l'avons démontré dans ce quinzième livre.
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
CHAPITRE XXVI.
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
LE SAINT-ESPRIT PROCÈDE DU PÈRE ET DU FILS, ET NE PEUT ÊTRE APPELÉ LEUR FILS.
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
Au surplus, dans cette souveraine Trinité qui est Dieu, il n'y a aucun intervalle de temps, qui permette de croire ou au moins de demander, si le Fils est d'abord né du Père, et si c'est postérieurement que le Saint-Esprit a procédé des deux. Car celui dont l'Apôtre a dit : « Parce que vous êtes enfants, Dieu a envoyé dans vos coeurs l'Esprit de son Fils (Gal; 4, 6 ). » est le même que celui dont le Fils a dit: « Car ce n'est pas vous qui parlez, mais l'Esprit de votre Père qui parle en vous (Mt 20 ) ». Beaucoup d'autres témoignages des divines (568) Ecritures prouvent que celui qu'on appelle proprement Esprit-Saint dans la Trinité , est l'Esprit du Père et du Fils; celui dont le Fils lui-même a dit : « Celui que je vous enverrai du Père (Jn 15, 26 )» ; et ailleurs: « Celui que mon Père enverra en mon nom (Jn 14, 26 )». Ce qui prouve qu'il procède des deux, c'est que le Fils lui-même a dit : « Il procède du Père »; puis après sa résurrection d'entre les morts, apparaissant à ses disciples, il souffla sur eux et leur dit: « Recevez le Saint-Esprit (Jn 20, 22 )», pour faire voir qu'il procède aussi de lui. Et c'est là cette « vertu » qui « sortait de lui », comme on le voit dans l'Evangile, « et les guérissait tous (50c 6, 19 ) ».
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
Mais pourquoi a-t-il d'abord donné le Saint-Esprit sur la terre après sa résurrection (Jn 20, 22), puis l'a-t-il ensuite envoyé du ciel (Ac 2, 4 )? C'est, je pense, parce que la charité, qui nous fait aimer Dieu et le prochain, est répandue en nos coeurs par ce Don même (Rm 5, 5 ), pour accomplissement des deux commandements auxquels se rattachent toute la loi et les prophètes (Mt 22, 37-40 ). C'est ce que le Seigneur Jésus a voulu faire entendre en donnant deux fois le Saint-Esprit: une fois sur la terre, pour indiquer l'amour du prochain, et une seconde fois du haut du ciel en vue de l'amour de Dieu. Que si on peut expliquer autrement ce double envoi de l'Esprit-Saint, tout au moins nous ne pouvons douter que c'est bien le même Esprit que Jésus a donné après avoir soufflé et dont il a dit aussitôt : « Allez, baptisez toutes les nations au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit (Mt 13, 19 )»; paroles où la souveraine Trinité est si formellement indiquée. C'est donc le même Esprit qui a été donné du ciel le jour de la Pentecôte, c'est-à-dire dix jours après que le Seigneur fut monté au ciel. Comment donc ne serait-il pas Dieu, celui qui donne l'Esprit- Saint? Ou plutôt quel grand Dieu que celui qui donne un Dieu! Car aucun de ses disciples n'a jamais donné l'Esprit-Saint. ils priaient pour le faire descendre sur ceux à qui ils imposaient les mains, mais ils ne le donnaient pas. Et cet usage, l'Eglise le maintient encore par ses pontifes. Simon le magicien lui-même, en offrant de l'argent aux Apôtres, ne dit pas : « Donnez-moi aussi ce pouvoir », afin que je donne le Saint-Esprit, mais « afin que tous ceux à qui j'imposerai les mains, reçoivent l'Esprit-Saint ». Et plus haut, l'Ecriture n?avait pas dit: Simon voyant que les Apôtres donnaient l'Esprit-Saint, mais bien: « Or, Simon voyant que, par l'imposition des mains des Apôtres, l'Esprit-Saint était donné (Ac 8, 19, 18 ) ». Aussi le Seigneur Jésus n'a pas seulement donné le Saint-Esprit comme Dieu, mais il l'a encore reçu comme homme; c'est pourquoi on le dit plein de grâce (Jn 1, 14 ), et de l'Esprit-Saint (50uc; 11 ; 52, 4, 1 ). On écrit encore de lui en termes plus clairs : « Parce que Dieu l'a oint de l'Esprit-Saint (Ac 10, 38 ) »; non certes avec de l'huile visible, mais par le don de la grâce, symbolisé par le parfum dont l'Eglise oint les baptisés. Mais le Christ n'a pas été oint par le Saint-Esprit au moment de son baptême, quand le Saint-Esprit descendit sur lui en forme de colombe (Matt. 3, 16 ) circonstance où il a daigné figurer d'avance son corps, c'est-à-dire l'Eglise dont les membres reçoivent le Saint-Esprit principalement dans le baptême mais il faut entendre qu'il a reçu l'onction mystérieuse et invisible, quand le Verbe de Dieu a été fait chair (Jean 1, 14 ), c'est-à-dire quand la nature humaine, sans l'avoir mérité par aucunes bonnes oeuvres précédentes, a été unie au Verbe-Dieu dans le sein d'une Vierge, de manière à ne former avec lui qu'une personne. Voilà pourquoi nous confessons qu'il est né du Saint-Esprit et de la Vierge Marie. Car ce serait le comble de l'absurdité de croire qu'il n'a reçu le Saint-Esprit qu'à trente ans âge auquel il a été baptisé par Jean (50c 3, 21-23 ). Nous devons croire, au contraire, que, s'il est venu au baptême sans aucune espèce de péché, il n'y est certainement pas venu sans l'Esprit-Saint. En effet, s'il est écrit de son serviteur et précurseur Jean : « Il sera rempli du Saint-Esprit dès le sein de sa mère (50c 1, 15 ) », parce que, quoique engendré d'un homme, il a cependant reçu le Saint-Esprit dès sa formation dans le sein maternel; que faudra-t-il penser, que faudra-t-il croire de l'Homme-Christ, dont la chair n'a point été conçue charnellement, mais spirituellement? Et quand on écrit qu'il a reçu de son Père la promesse du Saint-Esprit et qu'il l'a répandu (Ac 2, 33 ), on nous montre par là même qu'il a les deux natures, la nature humaine et la nature divine, puisqu'il a reçu (569) le Saint-Esprit comme homme et l'a répandu comme Dieu. Quant à nous, nous pouvons recevoir ce don dans la mesure de notre faiblesse, mais nous ne pouvons le répandre sur les autres; seulement nous prions Dieu, l'auteur du don, de le répandre lui-même.
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
Pouvons-nous donc demander si, quand le Fils est né, le Saint-Esprit avait déjà procédé du Père, ou non, et s'il a procédé des deux, après la naissance du Fils, là où il n'y a pas de temps; absolument comme nous avons pu, là où le temps existe, examiner si la volonté procède en premier lieu de l'âme humaine, pour chercher ensuite l'objet qui, une fois découvert, prendra le nom de fils; lequel fils étant enfanté ou engendré, la volonté se complète, et trouve le repos en atteignant sa fin, en sorte que ce qui était désir quand elle cherchait, devienne amour quand elle jouit : amour procédant de deux choses, c'est-à-dire de l'âme qui joue le rôle de père en enfantant, et de la connaissance qui joue le rôle de fils comme étant enfantée? Non assurément, on ne peut poser de telles questions là où rien ne commence avec le temps pour s'achever dans le temps. Ainsi donc, que celui qui peut comprendre que le Fils est éternellement engendré du Père, comprenne que le Saint-Esprit procède aussi éternellement des deux. Que celui encore qui peut comprendre, d'après ces paroles du Fils : « Comme le Père a la vie en lui-même, ainsi il a donné au Fils d'avoir en lui-même la vie (Jn 5, 28 )», comprendre, dis-je, que le Père n'a pas donné la vie à un Fils jusque-là sans vie, mais qu'il l'a engendré en dehors du temps, en sorte que la vie que le Père a donnée au Fils en l'engendrant est coéternelle à la vie même du Père qui l'a donnée; que celui-là comprenne aussi que, comme il est dans la nature du Père que le Saint-Esprit procède de lui, de même il a donné à son Fils que le même Saint-Esprit procède aussi de lui, double procession également éternelle; et que, quand on dit que le Saint-Esprit procède du Père, on l'entend en ce sens que le Père a aussi donné au Fils que le Saint-Esprit procède du Fils. En effet, si le Fils tient du Père tout ce qu'il a, il en tient aussi que le Saint-Esprit procède de lui. Mais, qu'on exclue ici toute idée du temps, qui renferme celle d'antériorité et de postériorité; car il n'y en a pas l'ombre.
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
Comment donc ne serait-il pas souverainement absurde d'appeler le Saint-Esprit fils des deux, puisque, comme, par sa génération du Père, le Fils possède une essence éternelle et immuable, de même, par sa procession des deux, le Saint-Esprit possède une nature éternelle et immuable? Voilà pourquoi, si nous ne disons pas que le Saint-Esprit est engendré, nous n'osons cependant le dire non engendré: évitant d'employer cette expression pour ne pas laisser croire ou qu'il y a deux pères dans la Trinité, ou qu'il y a deux personnes qui ne sont pas d'une autre. Car le Père seul n'est pas d'un autre; voilà pourquoi seul il est appelé non engendré, sinon dans les Ecritures, au moins dans le langage usuel de ceux qui discutent un si haut mystère et s'en expliquent comme ils peuvent. Le Fils est né du Père; et le Saint-Esprit procède principalement du Père, et, sans aucun intervalle de temps, tout à la fois du Père et du Fils. Or, on l'appellerait fils du Père et du Fils, si ce que tout homme de bon sens rejette avec horreur tous les deux l'avaient engendré. L'Esprit des deux n'a donc pas été engendré par les deux, mais il procède des deux.
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
CHAPITRE XXVII.
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
POURQUOI ON NE DIT PAS QUE L'ESPRIT EST ENGENDRÉ ET POURQUOI L'ON DIT DU PÈRE SEUL QU'IL N'EST PAS ENGENDRÉ ? CE QUE DOIVENT FAIRE CEUX QUI NE COMPRENNENT PAS CES MYSTÈRES.
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
Mais, comme dans cette coéternelle, égale, incorporelle, merveilleusement immuable et indivisible Trinité, il est très-difficile de distinguer la génération de la procession, que ceux dont l'intelligence ne saurait s'élever plus haut, se contentent de ce que nous avons dit un jour dans un sermon adressé au peuple chrétien et que nous avons écrit ensuite. Après avoir, entre autres choses, cité des témoignages des saintes Ecritures pour prouver que le Saint-Esprit procède des deux, je disais: « Si donc le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, pourquoi le Fils a-t-il dit: Il procède du Père (Jn 15, 26 )? Pourquoi, pensez-vous, sinon à raison de l'habitude qu'il a de rapporter tout ce qui lui appartient à ce lui de qui il est? C'est ainsi qu'il a dit : Ma doctrine n'est pas de moi, mais de celui qui (570) m'a envoyé (Jn 7, 16 ). Si donc on entend ici qu'il s'agit de sa doctrine, bien qu'il dise qu'elle n'est pas de lui, mais de son Père; à combien plus forte raison doit-on comprendre que le Saint-Esprit procède aussi de lui, alors qu'il dit: Il procède du Père, sans dire : Il ne procède pas de moi ? Or, celui de qui il tient d'être Dieu car il est Dieu de Dieu c'est aussi celui de qui il tient que le Saint-Esprit procède de lui: par conséquent le Saint-Esprit tient du Père lui-même de procéder du Fils comme il procède du Père. C'est ainsi qu'on peut comprendre d'une manière quelconque autant que peuvent comprendre des êtres tels que nous pourquoi on ne dit pas que le Saint-Esprit est engendré, mais bien qu'il procède; parce que si on l'appelait Fils, il serait Fils des deux, ce qui serait une énorme absurdité. Car pour être fils des deux, il faut avoir un père et une mère, et loin de nous la pensée de supposer rien de ce genre entre Dieu le Père et Dieu le Fils. Bien plus, un fils des hommes ne procède pas même de son père et de sa mère en même temps: car quand il procède du père dans la mère, il ne procède pas de la mère, et quand il procède de la mère pour paraître au jour, il ne procède pas du père. Or, le Saint-Esprit ne procède pas du Père dans le Fils, puis du Fils pour sanctifier la créature; tuais il procède à la fois de l'un et de l'autre, quoique le Père ait donné au Fils que le Saint-Esprit procède de lui comme du Père. En effet, nous ne pouvons pas dire que le Saint-Esprit ne soit pas vie, quand le Père est vie et le Fils aussi; par conséquent, comme le Père a la vie en lui-même, et a donné au Fils d'avoir aussi la vie en lui-même, ainsi il lui adonné que la vie procède de lui, comme elle procède du Père ( Sur l'Evang. Selon S. Jn traité 99e, n. 8, 9. ) ». J'ai transcrit ici ce passage de mon sermon; mais c'est à des fidèles, et non à des infidèles, que je m'adresse.
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
Mais s'ils ne sont pas capables de voir l'image créée, de constater combien sont vraies ces trois facultés qui sont dans leur âme, qui sont trois sans être trois personnes, qui appartiennent toutes les trois à un homme qui n'est qu'une personne : pourquoi ne croient-ils pas ce que les saintes lettres nous disent de la souveraine Trinité, plutôt que de demander une explication parfaitement claire d'un mystère qui dépasse notre faible et impuissante raison humaine? Appuyés sur une foi inébranlable aux saintes Ecritures, ces témoins infaillibles, qu'ils cherchent par la prière, par l'étude et une vie vertueuse à éclairer leur intelligence, c'est-à-dire à voir, autant que possible, des yeux de l'esprit ce qu'ils admettent avec la certitude de la foi. Qui les empêche de faire cela? ou plutôt qui ne les y exhorte pas? Mais s'ils pensent qu'il faut nier ces mystères, parce que leur aveugle intelligence ne peut les pénétrer, faudra-t-il que les aveugles de naissance nient aussi l'existence du soleil? La lumière luit donc dans les ténèbres, et si leurs ténèbres ne la comprennent pas (Jn 1, 5 ), qu'ils soient d'abord éclairés par le don de Dieu pour devenir fidèles et qu'ils commencent à être lumière en comparaison des infidèles; puis, ce fondement établi, qu'ils soient édifiés vers ce qu'ils croient, afin de mériter de voir un jour. Car il est des choses que l'on croit avec la certitude de ne jamais les voir. Par exemple, on ne reverra plus le Christ sur la croix ; et cependant si on ne croit pas cet événement, qui s'est passé, qui s'est vu, mais qu'on doit désespérer de voir se reproduire, on ne saurait parvenir au Christ tel qu'il doit être vu pendant l'éternité. Pour ce qui concerne cette souveraine, ineffable, immatérielle et immuable nature qu'il faut voir d'une manière quelconque par les yeux de l'intelligence, nulle part le regard de l'âme humaine ne s'y exerce mieux, sous la simple direction de la règle de foi, que dans ce que l'homme lui-même a dans sa nature qui l'élève au-dessus des autres animaux et qui est supérieur aux autres parties de son âme, c'est-à-dire dans son intelligence car à l'intelligence il est accordé de voir jusqu'à un certain point dans les choses invisibles; c'est à elle, faculté intérieure et juge assise sur un siége élevé et honorable, que les sens apportent toutes les questions à décider, et elle n'a pas de supérieur à qui elle doive soumission et obéissance, si ce n'est Dieu.
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Mais au milieu des longues discussions auxquelles je me suis livré et où j'ose confesser que je n'ai rien dit qui soit digne de cette souveraine et ineffable Trinité, mais que la science divine est merveilleusement élevée au-dessus de moi et que je n'y puis atteindre (Ps 138, 6 ) : au milieu de tout cela, dis-je, où donc, ô mon âme, où donc crois-tu être, où es-tu (571) prosternée, où es-tu debout , en attendant que celui qui a pardonné toutes tes iniquités guérisse toutes tes langueurs (Ps 102, 3 )? Tu reconnais sans doute, que tu es dans cette hôtellerie où le charitable Samaritain conduisit celui qu'il trouva percé de mille coups par les voleurs et à demi mort (50uc; 10, 30-34 ). Et cependant tu as vu bien des vérités, non avec les yeux qui voient les objets sensibles, mais avec ceux que demandait celui qui disait: « Que mes yeux voient l'équité (Ps 16, 2 ) ». Oui, tu as vu bien des vérités et tu les as discernées à l'aide de la lumière même qui te les a fait voir; élève maintenant tes yeux jusqu'à cette lumière même et fixe-les-y, si tu peux. Là tu verras quelle différence il y a entre la naissance du Verbe de Dieu et la procession du Don de Dieu; pourquoi le Fils unique a dit que le Saint-Esprit n'est pas engendré du Père autrement il serait son frère mais qu'il en procède. D'où il suit que l'Esprit des deux étant une certaine communication consubstantielle du Père et du Fils, il ne peut loin de nous cette erreur être appelé leur fils. Mais tu ne peux fixer là ton regard, pour distinguer nettement, clairement, ce mystère; je le sais, tu ne le peux. Je dis la vérité, je me la dis à moi-même, je sais ce qui m'est impossible cependant ce même regard te découvre en toi trois choses où tu peux reconnaître une image de cette souveraine Trinité, que tu ne saurais encore contempler d'un oeil fixe. Il te démontre qu'il y a en toi un verbe vrai, quand il est engendré de ta science, c'est-à-dire quand nous disons ce que nous savons, bien que nous ne prononcions ni des lèvres ni de la pensée aucune parole appartenant à aucune langue; seulement notre pensée se forme de ce que nous connaissons, puis il se produit dans le regard de la pensée une image parfaitement semblable à la pensée même que la mémoire renfermait, et ces deux choses, comme qui dirait le père et le fils, sont unies par la volonté ou l'amour qui vient se poser en tiers.
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Mais que cette volonté procède de la pensée car personne ne veut ce dont il ignore absolument l'existence ou la nature et que cependant elle ne soit pas l'image de la pensée; par conséquent qu'on retrouve dans cette chose tout intellectuelle la différence entre la naissance et la procession, puisque voir par la pensée n'est pas la même chose que désirer, ou jouir par la volonté : c'est ce que voit et distingue celui qui en a la faculté. Cette faculté, tu l'as eue, ô mon âme, quoique tu n'aies pu et ne puisses encore exprimer suffisamment par le langage ce que tu as péniblement aperçu à travers le brouillard des images matérielles qui ne cessent d'obséder les pensées humaines. Mais cette lumière, qui n'est pas toi, t'a aussi fait voir qu'il y a une différence entre les images immatérielles des objets matériels et la vérité qui apparaît à l'intelligence quand nous les avons écartées. Cela et d'autres choses également certaines, cette lumière les a fait briller à ton regard intérieur. Qu'est-ce qui t'empêche donc de la contempler elle-même d'un oeil fixe, sinon ton infirmité? Et d'où vient cette infirmité, sinon de l'iniquité? Par conséquent, qui guérira toutes tes langueurs, sinon Celui qui a pardonné toutes tes iniquités ? Il vaut donc mieux terminer ce livre par la prière que par la discussion.
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CHAPITRE XXVIII.
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
CONCLUSION DU LIVRE. PRIÈRE. EXCUSES.
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
Seigneur notre Dieu, nous croyons en vous, Père, Fils et Saint-Esprit. La vérité n'aurait pas dit: « Allez, baptisez toutes les nations au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit (Mt 28, 19 ) », si vous n'étiez pas Trinité. D'autre part, la voix divine n'aurait pas dit: « Ecoute, Israël : le Seigneur ton Dieu est un Dieu un (Dt 6, 4 ) », si, en même temps que Trinité, vous n'étiez un seul Seigneur Dieu. Et si vous, Dieu le Père, étiez tout à la fois Dieu le Père, et le Fils votre Verbe Jésus-Christ et votre Don le Saint-Esprit, nous ne lirions pas dans les lettres de vérité : « Dieu a envoyé son Fils (Gal; 4, 4 ; Jn 3, 17 )» ; et vous, ô Fils unique, vous n'auriez pas dit du Saint-Esprit : « Celui que le Père enverra en mon nom (Jn 14, 26 ) » , et encore : « Celui que je vous enverrai du Père (Jn 15, 26 ) ». Dirigeant mon intention sur cette règle de foi, je vous ai cherché, autant que je l'ai pu ; autant que vous m'avez donné de le pouvoir, j'ai désiré voir des yeux de l'intelligence, ce que je croyais ; j'ai discuté longuement, j'ai pris bien de la peine, Seigneur mon Dieu, mon unique espérance, exaucez-moi ; ne souffrez pas que la fatigue m'empêche de vous (572) chercher; faites au contraire que je cherche toujours votre présence avec ardeur (Ps 104, 4 ). Donnez-moi la force de vous chercher, vous qui m'avez fait vous trouver ét m'avez donné l'espoir de vous trouver de plus en plus. Devant vous est ma force et ma faiblesse; conservez l'une, guérissez l'autre. Devant vous est ma science et mon ignorance; là où vous m'avez ouvert la porte, laissez-moi entrer , là où vous me l'avez fermée, ouvrez-moi quand je frappe; que je me souvienne de vous, que je vous comprenne, que je vous aime. Augmentez en moi ces deux choses, jusqu'à ce que vous m'ayez réformé en entier. Je sais qu'il est écrit: « Tu n'échapperas pas au péché dans « l'abondance des paroles (Pr 10, 19 ) ». Mais plût au ciel que je n'ouvrisse la bouche que pour prêcher votre parole et chanter vos louanges! Non-seulement j'éviterais le péché, mais j'acquerrais de précieux mérites, même dans l'abondance des paroles. Car cet homme que vous avez béatifié n'aurait jamais voulu conseiller le mal au fils qu'il avait enfanté dans la foi et à qui il écrivait: « Annonce la parole, insiste à temps et à contre-temps (2Tm 4, 2 ) ». Faut-il dire qu'on ne peut accuser d'avoir trop parlé celui qui annonçait votre parole, Seigneur, non-seulement à temps, mais encore à contre-temps? Il n'y avait rien de trop, puisqu'il n'y avait que le nécessaire. Délivrez-moi, Seigneur, de l'abondance des paroles que je subis à l'intérieur, dans mon âme si misérable à vos yeux, mais cherchant refuge dans le sein de votre miséricorde. Car, quand ma bouche se tait, ma pensée ne reste pas en silence. Si, du moins, je ne pensais qu'à ce qui vous est agréable, je ne vous prierais pas de me délivrer de l'abondance des paroles. Mais beaucoup de mes pensées, telles que vous les connaissez, sont des pensées d'homme, puisqu'elles sont vaines (Ps 93, 11 ). Faites-moi la grâce de n'y pas consentir, de les réprouver même quand elles me font plaisir et de ne pas m'y appesantir dans une espèce de sommeil. Et qu'elles ne prennent jamais sur moi assez d'empire, pour exercer quelque influence sur mes actions; mais que, sous votre sauvegarde, mon jugement soit en sécurité et ma conscience à l'abri. Un sage, parlant de vous dans son livre intitulé l'Ecclésiastique, a dit: « Nous multiplions les paroles, et nous n'aboutissons pas; mais tout se résume en un mot : Il est lui-même tout ( Si 43, 29) ». Quand donc nous serons parvenus jusqu'à vous, « ces paroles que nous multiplions sans aboutir », cesseront, et vous serez seul à jamais tout en tous (1100o 15, 28 ) ; et nous tiendrons sans fin un seul langage, vous louant tous ensemble, et unis tous en vous. Seigneur Dieu un, Dieu Trinité, que vos fidèles admettent tout ce qui m'est venu de vous dans ces livres; et, s'il y a quelque chose de mon propre fond, pardonnez-le-moi, vous et les vôtres. Ainsi soit-il !
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Fratelli tutti/Eglise Catholique
« Fratelli tutti »,[1] écrivait saint François d’Assise, en s’adressant à tous ses frères et sœurs, pour leur proposer un mode de vie au goût de l’Évangile. Parmi ses conseils, je voudrais en souligner un par lequel il invite à un amour qui surmonte les barrières de la géographie et de l’espace. Il déclare heureux celui qui aime l’autre « autant lorsqu’il serait loin de lui comme quand il serait avec lui ».[2] En quelques mots simples, il exprime l’essentiel d’une fraternité ouverte qui permet de reconnaître, de valoriser et d’aimer chaque personne indépendamment de la proximité physique, peu importe où elle est née ou habite.
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Fratelli tutti/Eglise Catholique
Ce Saint de l’amour fraternel, de la simplicité et de la joie, qui m’a inspiré l’écriture de l’encyclique Laudato si´, me pousse cette fois-ci à consacrer la présente nouvelle encyclique à la fraternité et à l’amitié sociale. En effet, saint François, qui se sentait frère du soleil, de la mer et du vent, se savait encore davantage uni à ceux qui étaient de sa propre chair. Il a semé la paix partout et côtoyé les pauvres, les abandonnés, les malades, les marginalisés, les derniers.
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Fratelli tutti/Eglise Catholique
Sans frontières
Il y a un épisode de sa vie qui nous révèle son cœur sans limites, capable de franchir les distances liées à l’origine, à la nationalité, à la couleur ou à la religion. C’est sa visite au Sultan Malik-el-Kamil, en Égypte, visite qui lui a coûté de gros efforts du fait de sa pauvreté, de ses ressources maigres, de la distance et des différences de langue, de culture et de religion. Ce voyage, en ce moment historique marqué par les croisades, révélait encore davantage la grandeur de l’amour qu’il voulait témoigner, désireux d’étreindre tous les hommes. La fidélité à son Seigneur était proportionnelle à son amour pour ses frères et sœurs. Bien que conscient des difficultés et des dangers, saint François est allé à la rencontre du Sultan en adoptant la même attitude qu’il demandait à ses disciples, à savoir, sans nier leur identité, quand ils sont « parmi les sarrasins et autres infidèles … de ne faire ni disputes ni querelles, mais d’être soumis à toute créature humaine à cause de Dieu ».[3] Dans ce contexte, c’était une recommandation extraordinaire. Nous sommes impressionnés, huit-cents ans après, que François invite à éviter toute forme d’agression ou de conflit et également à vivre une ‘‘soumission’’ humble et fraternelle, y compris vis-à-vis de ceux qui ne partagent pas sa foi.
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Il ne faisait pas de guerre dialectique en imposant des doctrines, mais il communiquait l’amour de Dieu. Il avait compris que « Dieu est Amour [et que] celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu » (1Jn 4, 16). Ainsi, il a été un père fécond qui a réveillé le rêve d’une société fraternelle, car « seul l’homme qui accepte de rejoindre d’autres êtres dans leur mouvement propre, non pour les retenir à soi, mais pour les aider à devenir un peu plus eux-mêmes, devient réellement père ».[4] Dans ce monde parsemé de tours de guet et de murs de protection, les villes étaient déchirées par des guerres sanglantes entre de puissants clans, alors que s’agrandissaient les zones misérables des périphéries marginalisées. Là, François a reçu la vraie paix intérieure, s’est libéré de tout désir de suprématie sur les autres, s’est fait l’un des derniers et a cherché à vivre en harmonie avec tout le monde. C’est lui qui a inspiré ces pages.
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Les questions liées à la fraternité et à l’amitié sociale ont toujours été parmi mes préoccupations. Ces dernières années, je les ai évoquées à plusieurs reprises et en divers endroits. J’ai voulu recueillir dans cette encyclique beaucoup de ces interventions en les situant dans le contexte d’une réflexion plus large. En outre, si pour la rédaction de Laudato si´ j’ai trouvé une source d’inspiration chez mon frère Bartholomée, Patriarche orthodoxe qui a promu avec beaucoup de vigueur la sauvegarde de la création, dans ce cas-ci, je me suis particulièrement senti encouragé par le Grand Imam Ahmad Al-Tayyeb que j’ai rencontré à Abou Dhabi pour rappeler que Dieu « a créé tous les êtres humains égaux en droits, en devoirs et en dignité, et les a appelés à coexister comme des frères entre eux ».[5] Ce n’était pas un simple acte diplomatique, mais une réflexion faite dans le dialogue et fondée sur un engagement commun. Cette encyclique rassemble et développe des thèmes importants abordés dans ce document que nous avons signé ensemble. J’ai également pris en compte ici, dans mon langage personnel, de nombreuses lettres et documents contenant des réflexions, que j’ai reçus de beaucoup de personnes et de groupes à travers le monde.
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Les pages qui suivent n’entendent pas résumer la doctrine sur l’amour fraternel, mais se focaliser sur sa dimension universelle, sur son ouverture à toutes les personnes. Je livre cette encyclique sociale comme une modeste contribution à la réflexion pour que, face aux manières diverses et actuelles d’éliminer ou d’ignorer les autres, nous soyons capables de réagir par un nouveau rêve de fraternité et d’amitié sociale qui ne se cantonne pas aux mots. Bien que je l’aie écrite à partir de mes convictions chrétiennes qui me soutiennent et me nourrissent, j’ai essayé de le faire de telle sorte que la réflexion s’ouvre au dialogue avec toutes les personnes de bonne volonté.
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De même, quand je rédigeais cette lettre, a soudainement éclaté la pandémie de la Covid-19 qui a mis à nu nos fausses certitudes. Au-delà des diverses réponses qu’ont apportées les différents pays, l’incapacité d’agir ensemble a été dévoilée. Bien que les pays soient très connectés, on a observé une fragmentation ayant rendu plus difficile la résolution des problèmes qui nous touchent tous. Si quelqu’un croit qu’il ne s’agirait que d’assurer un meilleur fonctionnement de ce que nous faisions auparavant, ou que le seul message que nous devrions améliorer les systèmes et les règles actuelles, celui-là est dans le déni.
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