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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
CHAPITRE XVIII.
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
AUCUN DON DE DIEU NE L'EMPORTE SUR LA CHARITÉ.
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
Ce don est le plus grand des dons de Dieu. Lui seul sépare les fils du royaume éternel des enfants de l'éternelle perdition. D'autres dons sont distribués par l'Esprit-Saint mais ils sont inutiles sans la charité. Par conséquent personne ne peut passer de gauche à droite, si l'Esprit-Saint ne lui inspire l'amour de Dieu et du prochain. Ce n'est qu'à ce point de vue de la charité que l'Esprit est proprement appelé le Don. Celui qui ne l'a pas, parlât-il les langues des hommes et des anges, est comme un airain sonnant et une cymbale retentissante; et quand il aurait le don de prophétie, qu'il connaîtrait tous les mystères et toute la science; quand il aurait toute la foi, au point de transporter les montagnes, il n'est rien, et quand il distribuerait tout son bien et qu'il livrerait son corps pour être brûlé cela ne lui servirait de rien (I Cor; XIII, 1-3 ). Qu'il est donc grand ce bien, sans lequel de si grands biens ne sauraient conduire personne à la vie éternelle!
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Or, cet amour ou cette charité deux expressions pour la même chose même quand celui qui le possède ne parle pas les langues, n'a pas le don de prophétie, ne connaît pas tous les mystères et toute la science, ne distribue pas tout son bien aux pauvres soit parce qu'il n'en a point à distribuer, soit parce que ses propres besoins s'y opposent ne livre pas son corps pour être brûlé, faute d'occasion de subir ce supplice ; cet amour, dis-je, le conduit au royaume éternel, et donne à la foi même tout son prix. Car, sans la charité, la foi peut exister, mais non être utile. Ce qui fait dire à l'apôtre Paul: « Dans le Christ Jésus ni la circoncision ni l'incirconcision ne servent de rien ; mais la foi qui agit par la charité (Gal; V, 6 ) » : distinguant ainsi cette foi de celle des démons qui croient et tremblent (Jac; II, 19 ). Donc l'amour qui est de Dieu et Dieu, est proprement l'Esprit-Saint par qui est répandue en nos coeurs la charité de Dieu, en vertu de laquelle la Trinité tout entière habite en nous. Voilà pourquoi le Saint-Esprit, quoique Dieu, est à très-juste titre appelé aussi Don de Dieu. Et ce don, quel peut-il être au fond, sinon la charité qui conduit à Dieu, et sans laquelle aucun autre don de Dieu ne conduit à Dieu?
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CHAPITRE XIX.
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LES ÉCRITURES APPELLENT LE SAINT-ESPRIT DON DE DIEU. LE SAINT-ESPRIT EST PROPREMENT APPELÉ CHARITÉ, QUOIQU' IL NE SOIT PAS SEUL CHARITÉ DANS LA TRINITÉ.
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Faut-il aussi prouver que les saintes lettres appellent le Saint-Esprit Don de Dieu? Si on y tient, nous trouvons dans l'Evangile selon saint Jean ces paroles du Seigneur (561) Jésus-Christ: « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. Celui qui croit en moi comme dit l'Ecriture, des fleuves d'eau vive couleront de son sein ». Et aussitôt l'Evangéliste ajoute: « Il disait cela de l'Esprit que devraient recevoir ceux qui croiraient en lui (Jn 7, 37-39 ) » - Ce qui fait dire à l'apôtre Paul: « Nous avons tous été abreuvés d'un seul Esprit (1100o 12, 13 ) » Mais on demande si c'est cette eau qui a été appelée don de Dieu, le don qui n'est autre que le Saint-Esprit. Eh bien ! si nous voyons ici le Saint-Esprit désigné par l'eau, nous trouvons ailleurs, dans l'Evangile même, que cette eau est appelée don de Dieu. En effet, le Seigneur conversant près du puits avec la femme Samaritaine et lui ayant dit: « Donnez-moi à boire », celle-ci lui répondit que les Juifs n'avaient point de commerce avec les Samaritains ; sur quoi Jésus reprit la parole et dit: « Si vous saviez le don de Dieu et qui est celui qui vous dit: Donnez-moi à boire, peut-être lui en eussiez-vous demandé vous-même, et il vous aurait donné d'une eau vive. La femme lui répondit: Seigneur, vous n'avez pas même avec quoi puiser, et le puits est profond ; d'où auriez-vous donc de l'eau vive? etc.... Jésus répliqua et lui dit: Quiconque boit de cette eau aura encore soif; au contraire, qui boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura jamais soif; mais l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une fontaine d'eau jaillissante jusque dans la vie éternelle (Jn 4, 7-14 ) ». Or, cette eau vive étant l'Esprit-Saint, d'après l'Evangéliste, l'Esprit-Saint est donc le don de Dieu, dont le Sauveur dit: « Si vous saviez le don de Dieu et qui est celui qui vous dit: Donnez-moi à boire, peut-être lui en eussiez-vous demandé vous-même, et il vous aurait donné d'une eau vive ». Et ce qu'il a dit ailleurs: « Des fleuves d'eau vive couleront de son sein, équivaut à ce qu'il
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dit ici: « L'eau que je lui donnerai deviendra en lui une fontaine d'eau jaillissante jusque dans la vie éternelle ».
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Paul l'apôtre dit à son tour: « A chacun de nous a été donnée la grâce selon la mesure du don de Jésus-Christ», et pour faire voir que le Saint-Esprit est ce don du Christ,
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il ajoute : « C'est pourquoi l'Ecriture dit: Montant au ciel, il a conduit une captivité captive; il a donné des dons aux hommes (Ep 4, 7, 8 ) ». Or, il est à la connaissance de tout le monde que le Seigneur Jésus étant monté au ciel après sa résurrection d'entre les morts, a donné le Saint-Esprit, et que les fidèles remplis de cet Esprit parlaient toutes les langues. Peu importe que l'Apôtre ait dit « des dons » et non un don : il citait ce passage du Psalmiste: « Vous êtes monté au ciel, vous avez conduit une captivité captive, vous avez reçu des dons pour les hommes (Ps 67, 19 ) ». Car c'est ainsi que portent beaucoup d'exemplaires, notamment chez les Grecs, et c'est la traduction de l'hébreu : Apôtre a donc dit, comme le Prophète, « des dons » et non un don; seulement comme le Prophète avait dit: « Vous avez reçu des dons pour les hommes », l'Apôtre a préféré dire: « Il a donné des dons aux hommes», pour que, de ces deux mots, l'un prophétique, l'autre apostolique, mais tous les deux appuyés sur l'autorité divine, il résultât un sens plus complet. Car tous les deux sont vrais: le Christ a donné aux hommes, le Christ a reçu pour les hommes. Il a donné aux hommes, comme le chef donne à ses membres; il a reçu pour les hommes, c'est-à-dire pour ses membres, pour ces mêmes membres en faveur desquels il a crié du haut du ciel : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu (Ac 9, 4 )?» et dont il a encore dit ailleurs: « Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits d'entre mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait (Mt 25, 40 ) ».
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Ainsi donc le Christ a donné du haut du ciel, et reçu sur la terre. Or, le Prophète et l'Apôtre ont dit tous les deux «des dons», parce que, par le don qui est le Saint-Esprit, bien commun de tous les membres du Christ, une multitude de dons propres sont distribués à chaque fidèle en particulier. Car tous n'ont pas les mêmes; les uns ont ceux-ci, les autres ceux-là, quoique tous possèdent le don duquel tous les dons particuliers dérivent, c'est-à-dire l'Esprit-Saint. En effet, l'Apôtre ayant énuméré ailleurs beaucoup de ces dons, ajoute « Or, tous ces dons, c'est le seul et même Esprit qui les opère, les distribuant à chacun comme il le veut (1100o 12, 11 ) ». Expression qui se retrouve encore dans l'épître aux Hébreux où on lit: « Dieu ayant rendu témoignage par des miracles, par des prodiges, par différents effets de sa puissance et par les dons que le Saint-Esprit a distribués (Héb; 2, 4 ) ». Et ici, après (562) avoir dit : « Montant au ciel, il a conduit une captivité captive; il a donné des dons aux hommes », il ajoute : « Mais qu'est-ce : Il est monté, sinon qu'il est descendu auparavant dans les parties inférieures de la terre? Celui qui est descendu, est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin qu'il remplît toutes choses. Et c'est lui qui a fait les uns apôtres, les autres prophètes, d'autres évangélistes, d'autres pasteurs et docteurs». Voilà pourquoi il a dit: «Des dons»; parce que, comme il le dit ailleurs : «Tous sont-ils apôtres? Tous sont-ils prophètes (1100o 12, 29 )? »Mais ici il ajoute : « Pour la perfection des saints, pour l'oeuvre du ministère, pour l'édification du corps du Christ (Ep 4, 7-12 )». Voilà la maison qui, comme le chante le Psalmiste, se bâtit après la captivité (Ps 126, 1 ) », parce que cette maison du Christ, qui s'appelle l'Eglise, est construite, formée de ceux qui ont été arrachés à l'empire du démon, dont ils étaient prisonniers. Or, cette captivité, celui qui a vaincu le démon, l'a conduite captive. Et, de peur que le démon n'entraînât avec lui au supplice éternel ceux qui devaient être un jour les membres de ce chef sacré, celui-ci l'a enchaîné d'abord avec les liens de la justice, puis avec ceux de la puissance. Et c'est-le démon même qui porte ici le nom de captivité, de celle qu'a conduite captive celui qui est monté au ciel, qui a donné des dons aux hommes ou qui a reçu des dons pour les hommes.
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De son côté, Pierre l'apôtre, comme on le lit dans le livre canonique où sont écrits les Actes des Apôtres, entendant les Juifs touchés de componction, dire « Que ferons-nous, mes frères? Faites-le nous savoir », leur répondit: « Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé au nom du Seigneur Jésus-Christ en rémission de vos péchés, et vous recevrez le don de l'Esprit-Saint ( Ac 2, 37, 38 ) ». On lit encore dans ce livre que Simon le magicien offrit de l'argent aux Apôtres pour acheter d'eux le pouvoir de donner l'Esprit-Saint par l'imposition des mains. Pierre lui répondit : « Que ton argent soit avec toi en perdition, parce que tu as estimé que le don de Dieu peut s'acquérir avec de l'argent (Ac 8, 18-20 ) ». Et dans un autre endroit du même livre, après avoir raconté que Pierre parlait à Corneille et à ceux qui étaient avec lui, annonçant et prêchant le Christ, l'écrivain ajoute : « Pierre parlant encore, l'Esprit-Saint descendit sur tous ceux qui écoutaient la parole, et les fidèles circoncis, qui étaient venus avec Pierre, s'étonnèrent grandement de ce que le don de l'Esprit-Saint était aussi répandu sur les gentils. Car ils les entendaient parlant diverses langues et glorifiant Dieu ( Ac 41-46 ) ». Plus tard Pierre rendant raison de ce fait, d'avoir baptisé des incirconcis, parce que l'Esprit-Saint, pour trancher le noeud de la question, était descendu sur eux, même avant qu'ils fussent baptisés, rendant, dis-je, raison de ce fait à ses frères qui étaient à Jérusalem et qui avaient appris cela avec étonnement, finit en ces termes: « Lorsque j'eus commencé de leur parler, l'Esprit-Saint descendit sur eux, comme sur nous au commencement. Alors je me souvins de la parole du Seigneur, lorsqu'il disait : Jean a baptisé dans l'eau, mais vous, vous serez baptisés dans l'Esprit-Saint. Si donc Dieu leur a fait le même don qu'à nous, qui avons cru au Seigneur Jésus-Christ; qui étais-je, moi, pour m'opposer à ce que Dieu leur donnât. le Saint-Esprit (Ac 11, 15-17 ) ? » Il y a encore bien d'autres passages des Ecritures, qui s'accordent à dire que l'Esprit-Saint est le Don de Dieu, en tant qu'il est donné à ceux qui aiment Dieu par lui. Mais il serait trop long de les citer tous.
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Et comment contenter ceux qui ne se contenteraient pas de ceux que nous avons rapportés?
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Du reste, puisqu'ils voient que le Saint-Esprit a été appelé Don de Dieu, il faut les avertir que ces mots: « Don de l'Esprit-Saint», doivent s'entendre dans un sens analogue à ceux-ci: « Par le dépouillement du corps de chair (100ol 2, 11 ) ». En effet, comme le corps de chair n'est pas autre chose que la chair, de même le Don de l'Esprit-Saint n'est pas autre chose que l'Esprit-Saint. Il est donc Don de Dieu en tant qu'il est donné à ceux à qui il est donné. Mais en lui-même il est Dieu, quand même il ne serait donné à personne, parce qu'il était Dieu coéternel au Père et au Fils, avant d'être donné à qui que ce soit. Et bien que le Père et le Fils le donnent, quoique donné, il ne leur est point inférieur: car il est donné comme Don de Dieu, de manière à ce qu'il se donne lui-même comme Dieu. En effet, il est impossible de nier qu'il soit Maître de lui-même, (563) puisqu'on dit de lui : « L'Esprit souffle où il veut (Jn 3, 8 ) »; et dans ce passage de l'Apôtre que j'ai déjà cité : « Tous ces dons, c'est le seul et même Esprit qui les opère, les distribuant à chacun comme il veut ». Il n'y a point ici dépendance chez celui qui est donné, supériorité chez ceux qui donnent, mais parfait accord entre celui qui est donné et ceux qui donnent.
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Donc, si la sainte Ecriture proclame que « Dieu est charité »; si la charité est de Dieu; si elle fait que nous demeurions en Dieu et Dieu en nous, et si nous connaissons par là qu'il nous a donné de son Esprit: donc le Saint-Esprit est Dieu-charité. Ensuite, si la charité l'emporte sur tous les dons de Dieu et qu'il n'y ait pas de don de Dieu plus grand que le Saint-Esprit, quoi de plus logique que d'appeler charité celui qui est en même temps Dieu et de Dieu? Et si l'amour dont le Père aime le Fils et dont le Fils aime le Père, fait voir leur ineffable union, quoi de plus convenable que d'appeler proprement charité l'Esprit qui est commun aux deux? Car la foi saine, le sens droit nous dictent que l'Esprit-Saint n'est pas seul charité dans la Trinité, mais qu'il est à juste titre appelé proprement charité, pour les raisons que nous avons dites. De même qu'il n'est pas non plus seul esprit et seul saint dans cette même Trinité, puisque le Père est Esprit et le Fils aussi, puisque le Père est saint et le Fils aussi, ce que toute âme pieuse croit sans hésiter; et cependant c'est avec raison qu'on l'appelle proprement Esprit-Saint. En effet, puisqu'il est commun aux deux, il porte proprement le- nom de ce qui est commun aux deux. Autrement si, dans cette souveraine Trinité, l'Esprit-Saint était seul charité, il en résulterait que le Fils ne serait pas seulement Fils du Père, mais aussi du Saint-Esprit. En effet, les textes nombreux où on lit que le Fils est le fils unique du Père, n'ôtent rien à la vérité de ce que l'Apôtre dit de Dieu le Père: « Qui nous a arrachés de la puissance des ténèbres et transférés dans le royaume du Fils de son amour (Col; I, 13 )». Il ne dit pas: de son Fils, ce qui serait de la plus parfaite vérité et ce qu'il a souvent dit, mais : « Du Fils de son amour ». Donc, si l'Esprit-Saint était seul charité dans la Trinité, le Fils serait le Fils du Saint-Esprit. Or, si c'est Jà le comble de l'absurdité, il faut conclure que l'Esprit-Saint n'est pas seul charité dans la Trinité, mais que c'est là son nom propre, comme je l'ai assez démontré. Quant à ces paroles: « Du Fils de son amour », il n'y faut voir d'autre sens que celui de Fils bien-aimé, et, en résumé, de Fils de sa substance. Car l'amour du Père, qui est dans sa nature d'une ineffable simplicité, n'est autre chose que sa nature même et sa substance, comme je l'ai dit tant de fois et ne crains pas de le répéter. Conséquemment le Fils de son amour n'est pas autre chose que celui qui a été engendré de sa substance.
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CHAPITRE XX.
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
CONTRE EUNOMIUS QUI PRÉTEND QUE LE FILS N'EST PAS FILS PAR NATURE, MAIS PAR ADOPTION. RÉSUMÉ DE CE QUI AÉTÉ DIT PLUS HAUT.
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C'est donc un ridicule raisonnement que celui d'Eunomius, le père de l'hérésie qui porte son nom, lequel ne pouvant comprendre ou ne voulant pas croire que le Verbe unique de Dieu, par qui tout a été fait (Jn 1, 3 ), est Fils de Dieu par nature, c'est-à-dire engendré de la substance du Père, a prétendu qu'il n'est point le Fils de la nature ou de la substance ou de l'essence de Dieu, mais Fils de sa volonté, entendant par là que la volonté par laquelle Dieu engendrerait son Fils ne serait qu'un simple accident, analogue à ce qui se passe chez nous quand nous voulons ce que nous ne voulions pas d'abord : comme si ce n'était pas une preuve de l'inconstance de notre nature, ce que la foi nous défend absolument d'admettre en Dieu. Car ce texte : « Les pensées se multiplient dans le coeur de l'homme, mais la pensée du Seigneur subsiste éternellement (Pr 19, 21 ) », n'a pas d'autre but que de nous faire comprendre et croire que, Dieu étant éternel, sa volonté est aussi éternelle et par conséquent immuable comme lui. Or, ce qui se dit des pensées peut avec autant de vérité se dire des volontés : les volontés se multiplient dans le coeur de l'homme, mais la volonté de Dieu subsiste éternellement. Quelques-uns ne voulant point appeler le Verbe unique fils de la pensée ou de la volonté de Dieu, ont prétendu qu'il est la pensée même ou la volonté. Mais il vaut mieux, selon moi, dire qu'il est pensée de pensée, volonté de volonté, comme il est substance de substance, sagesse de sagesse, pour ne pas retomber dans l'absurdité que (564) nous avons déjà réfutée : que le Fils donne la sagesse ou la volonté, vu que le Père n'a ni pensée ni volonté dans sa propre substance.
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Un hérétique astucieux demandait un jour si c'est de bon ou de mauvais gré que le Père engendre son Fils? Son but était, si on admettait le second cas, d'en déduire une misère infinie dans Dieu, et, dans le premier cas, d'en tirer cette conclusion nécessaire que le Fils n'est point Fils de la nature, mais de la volonté. Quelqu'un , qui n'était pas moins rusé que lui, lui demanda à son tour si c'est de bon ou de mauvais gré que le Père est Dieu? Dans le second cas, il en aurait aussi déduit que Dieu est infiniment misérable, hypothèse absolument extravagante, et, dans le premier, qu'il n'est pas Dieu par nature, mais par volonté. Que restait-il à l'hérétique, sinon de garder le silence et de se voir pris dans ses propres filets? Du reste, s'il faut attribuer à l'une des personnes de la Trinité le nom propre de volonté, c'est surtout à l'Esprit-Saint qu'il convient, comme on lui attribue la charité. Car qu'est-ce que l'amour, sinon la volonté?
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Je pense que ce que j'ai dit de l'Esprit-Saint dans ce livre, d'après les saintes Ecritures, suffit aux fidèles qui savent déjà que l'Esprit-Saint est Dieu, qu'il n'est point d'une autre substance ni moins grand que le Père et le Fils, comme je l'ai démontré dans les livres précédents, toujours selon ces mêmes Ecritures. En parlant de la création, nous avons aussi aidé de tout notre pouvoir ceux qui aiment à se rendre raison de ces choses, à comprendre, autant qu'ils le pourront, les perfections invisibles de Dieu par les choses qui ont été faites (Rm 1, 20 ), et surtout par la créature raisonnable ou intelligente, qui a été faite à l'image de Dieu; espèce de miroir où ils découvriront, s'ils le peuvent et autant qu'ils le pourront, le Dieu-Trinité, dans notre mémoire, notre intelligence et notre volonté. Quiconque voit clairement ces trois choses créées par Dieu même dans son âme, et comprend quelle grande chose c'est pour elle de pouvoir par là se rappeler, voir, aimer la nature éternelle et immuable, se la rappeler par la mémoire, la contempler par l'intelligence, s'y attacher par l'amour : celui-là aperçoit évidemment une image de la Trinité. C'est à se rappeler cette très-parfaite Trinité pour s'en souvenir, à la voir pour la contempler, à l'aimer pour y trouver son bonheur, qu'il doit consacrer tout ce qu'il a de vie. Mais, qu'il se garde bien de comparer à cette même Trinité et de regarder comme lui étant semblable en tout point, l'image qu'elle a créée elle-même, et qui s'est dégradée par sa propre faute. Nous lui avons assez fait voir qu'elle immense différence il trouvera dans cette imparfaite ressemblance.
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CHAPITRE XXI.
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DE LA RESSEMBLANCE DU PÈRE ET DU FILS DÉCOUVERTE DANS NOTRE MÉMOIRE ET NOTRE INTELLIGENCE. DE LA RESSEMBLANCE DU SAINT-ESPRIT DANS NOTRE VOLONTÉ OU NOTRE AMOUR.
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J'ai pris soin de montrer que Dieu le Père et Dieu le Fils, c'est-à-dire le Dieu engendrant qui a exprimé en quelque sorte tout ce qu'il a substantiellement dans son Verbe qui lui est coéternel, et son Verbe qui est Dieu et n'a ni plus ni moins en substance que ce -qui est en Celui qui l'a, non faussement, mais véritablement engendré, j'ai, dis-je, pris soin de les faire voir, non pas face à face, mais par ressemblance et en énigme (I Cor; XIII, 12 ) ?a utant que je l'ai pu et à l'aide de conjectures dans la mémoire et l'intelligence de notre âme; attribuant à la mémoire tout ce que nous savons même sans y penser, et à l'intelligence la faculté « d'informer » notre pensée d'une manière propre et particulière. C'est en effet surtout quand nous pensons à une vérité que nous avons découverte, que nous sommes dits comprendre, et, cette vérité, nous la laissons ensuite dans notre mémoire. Et c'est dans ces intimes profondeurs de la mémoire où nous avons d'abord découvert par la pensée, que le verbe intime, qui n'appartient à aucune langue, est engendré comme science de science et vision de vision. Là aussi l'intelligence qui fait son apparition dans la pensée est engendrée de l'intelligence qui était déjà dans la mémoire, muais y restait cachée. Du reste, si la pensée n'avait pas elle-même une certaine mémoire, elle ne retournerait pas vers ce qu'elle a laissé dans la mémoire, vu qu'elle s'en irait ailleurs.
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Pour ce qui regarde le Saint-Esprit, j'ai montré que rien, dans cette énigme, n'en offre la ressemblance, sinon notre volonté, ou l'amour ou dilection, qui est la volonté la plus (565) puissante; parce que notre volonté, qui fait partie de notre nature, éprouve des affections diverses, suivant que nous sommes attirés ou repoussés par les objets qui se présentent à elle ou lui sont offerts par le hasard. Mais quoi? dirons-nous que notre volonté, quand elle est droite, ne sait que désirer, ni qu'éviter? Si elle le sait, elle a donc une certaine science propre qui suppose nécessairement la mémoire et l'intelligence. Ou bien prêterons-nous l'oreille à celui qui affirmera que la charité, qui ne fait pas le mal, ne sait pas ce qu'elle a à faire? Ainsi donc cette mémoire principale, où nous trouvons tout prêt et comme mis en réserve de quoi occuper notre pensée, cette mémoire a déjà l'amour, aussi bien que l'intelligence: car nous les y trouvons tous deux, quand nous découvrons par la pensée que nous comprenons et que nous aimons quelque chose, et nous voyons qu'ils y étaient, même quand nous n'y pensions pas; et cette intelligence qui se forme par la pensée, elle a l'amour, comme elle a la mémoire: et ce verbe vrai, nous l'exprimons intérieurement sans le secours d'aucune langue, quand nous disons ce que nous connaissons; car le regard de notre pensée ne se retourne vers quelque chose que par la mémoire, et il ne prend soin d'y retourner que par l'amour. De même l'amour qui unit comme père et fils la vision qui a son siége dans la mémoire et la vision de la pensée qui en est formée, ne saurait ce qu'il doit raisonnablement aimer s'il n'avait la science de désirer, qui suppose nécessairement la mémoire et l'intelligence.
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CHAPITRE XXII.
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COMBIEN EST GRANDE LA DIFFÉRENCE ENTRE L'IMAGE DE LA TRINITÉ QUE NOUS DÉCOUVRONS EN NOUS ET LA TRINITÉ ELLE-MÊME.
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Ces trois choses, mémoire, intelligence, amour, se trouvant dans une seule personne , telle qu'est l'homme, on peut nous dire : Elles sont à moi, et non à elles-mêmes; ce n'est pas pour elles, mais pour moi, qu'elles font ce qu'elles font, ou plutôt c'est moi qui agis par elles. En effet, je me souviens par la mémoire, je comprends par l'intelligence, j'aime par l'amour; et quand je tourne vers ma mémoire le regard de ma pensée, que je dis en mon coeur ce que je sais et que le verbe vrai est engendré de ma science, verbe et science, tous les deux sont à moi. Car c'est moi qui sais, c'est moi qui dis en mon coeur ce que je sais. Et quand, réfléchissant, je trouve dans ma mémoire que je comprends déjà, que j'aime déjà quelque chose, cette intelligence et cet amour qui étaient là même avant que j'en formasse ma pensée, je trouve dans ma mémoire même, que c'est mon intelligence, celle par laquelle je comprends; mon amour, celui par lequel j'aime, et qu'ils ne s'appartiennent pas. De même, quand ma pensée se souvient et veut retourner à ce qu'elle avait laissé dans la mémoire, le comprendre, le considérer et le dire intérieurement, c'est ma mémoire qui se souvient, c'est de ma volonté qu'elle veut et non de la sienne. Enfin mon amour lui-même, quand il se souvient et comprend ce qu'il doit désirer, ce qu'il doit éviter, se rappelle par ma mémoire et non par la sienne, comprend par mon intelligence et non par la sienne, tout ce qu'il aime avec intelligence. En deux mots, on peut dire: c'est moi qui, par ces trois choses, me souviens, comprends et aime, moi qui ne suis ni mémoire, ni intelligence, ni amour, mais qui possède ces trois choses. On peut donc dire que ces trois choses appartiennent à la personne qui les possède, mais non que la personne qui les possède soit ces trois choses. Or, dans la simplicité de cette nature souveraine qui est Dieu, bien qu'il n'y ait qu'un seul Dieu, il y a trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
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CHAPITRE XXIII.
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ENCORE DE LA DIFFÉRENCE QU'IL Y A ENTRE LA TRINITÉ QUI EST DANS L'HOMME ET LA TRINITÉ QUI EST DIEU. ON VOIT MAINTENANT, A L'AIDE DE LA FOI, LA TRINITÉ A TRAVERS UN MIROIR, POUR MÉRITER DE LA VOIR UN JOUR PLUS CLAIREMENT FACE A FACE SELON LA PROMESSE.
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
Autre chose est donc la Trinité substantielle, autre chose l'image de la Trinité dans un objet étranger. C'est à cause de cette image qu'on donne aussi le nom d'image à l'être même où sont ces trois choses; comme on appelle image tout à la fois et le tableau et ce qui est peint dessus; mais le tableau ne porte le nom d'image qu'à cause de la peinture qu'il présente. Or, dans cette souveraine Trinité, incomparablement supérieure à tout ce qui (566) existe, l'indivisibilité est telle que, tandis qu'on ne peut pas dire qu'une trinité d'hommes soit un homme, là on peut dire qu'il y a un seul Dieu, et il n'y en a qu'un réellement; on ne doit pas même dire que cette Trinité est en un seul Dieu, mais bien qu'elle est un seul Dieu. En elle encore, il n'en est pas comme dans l'homme, son image, où une seule personne possède les trois choses; mais il y a trois personnes, le Père du Fils, le Fils du Père et l'Esprit du Père et du Fils. Car, quoique la mémoire de l'homme, surtout celle qui est refusée aux animaux, c'est-à-dire celle qui renferme les objets intellectuels, les objets qui ne lui viennent pas par l'entremise des sens, quoique cette mémoire offre une ressemblance, bien faible, il est vrai, incomparablement inférieure, mais enfin une ressemblance quelconque avec le Père; quoique, également, l'intelligence de l'homme, celle qui est formée par l'attention de la pensée, quand on dit ce que l'on sait parole du coeur qui n'appartient à aucune langue quoique cette intelligence présente aussi , sauf une immense différence, une ressemblance quelconque avec le Fils ; enfin quoique l'amour de l'homme, procédant de la science, unissant la mémoire et l'intelligence, et commun à cette espèce de père et de fils, sans être lui-même ni père ni fils, quoique cet amour offre aussi, avec une différence très-grande, quelque ressemblance avec le Saint-Esprit: cependant, tandis que dans cette image de la Trinité, ces trois choses ne sont pas un homme, mais appartiennent seulement à un homme, dans la souveraine Trinité dont celle-ci est l'image, les trois choses n'appartiennent pas à un seul Dieu, mais sont un seul Dieu, ne sont pas une seule personne, mais trois personnes. Et c'est une chose merveilleusement ineffable ou ineffablement merveilleuse que, tandis que l'image de la Trinité ne forme qu'une seule personne, la Trinité elle-même renferme trois personnes, et que cette Trinité de trois personnes soit bien plus indivisible que la trinité d'une seule personne. En effet, cette souveraine Trinité dans la nature de la divinité, ou pour mieux dire de la déité, est ce qu'elle est, est immuablement et éternellement égale en elle-même; en aucun temps elle n'a pas été, ou n'a été autrement; jamais elle ne sera plus, ou ne sera autrement. Au contraire les trois choses qui sont dans son imparfaite image, si elles ne sont pas séparées totalement vu qu'elles ne sont pas des corps diffèrent cependant entre elles pendant cette vie, sous le rapport de l'étendue. En effet, bien qu'elles ne soient pas des choses matérielles, nous n'en voyons pas moins que la mémoire est plus grande que l'intelligence chez l'un, qu'elle est moindre chez l'autre; que chez un troisième égales ou non entre elles, elles sont surpassées en étendue par l'amour. Ainsi ou deux l'emportent sur une, ou une sur deux, ou l'une sur l'autre, et les plus petites cèdent aux plus grandes. Fussent-elles, du reste, égales entre elles et guéries de toute maladie, même alors, on ne pourrait égaler à une chose immuable par nature une chose qui ne devra qu'à la grâce de ne plus changer; parce que la créature n'est point égale au Créateur, et que par le fait même qu'elle sera guérie de toute maladie, elle subira un changement.
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