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La Trinité 14 image de dieu dans l'homme/Saint Augustin
Revenons maintenant au sujet que nous avons voulu éclaircir par cette comparaison, tirée de la société humaine. Entre autres choses, nous lisons dans le psaume neuvième: « Que les impies soient précipités dans l'enfer, toutes les nations qui oublient Dieu (Ps 9, 18 ) »;d'autre part on lit dans le psaume vingt et unième: « Tous les peuples de la terre se souviendront et se tourneront vers le Seigneur (Ps 21, 28 ) ». Ces nations n'avaient donc pas oublié Dieu jusqu'au point qu'on ne pût en réveiller le souvenir chez elles. Mais en oubliant Dieu, comme si elles eussent oublié leur vie, elles s'étaient tournées vers la mort, c'est-à-dire vers l'enfer. Puis, se souvenant, elles se tournent vers le Seigneur, comme si elles eussent revécu, en se rappelant leur vie qu'elles avaient oubliée. On lit encore dans le psaume quatre-vingt-treizième: « Comprenez maintenant, vous qui êtes insensés au milieu du peuple; hommes stupides, devenez donc enfin sages. Quoi ! Celui qui forma l'oreille, n'entendra pas (Ps 93, 8, 9 )? etc.... » Ceci s'adresse à ceux qui, faute de comprendre Dieu, en disent des choses qui n'ont point de sens.
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CHAPITRE XIV.
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L'AME, EN S'AIMANT CONVENABLEMENT, AIME DIEU; SI ELLE NE L'AIME PAS, ON DOIT DIRE QU'ELLE SE HAIT ELLE-MÊME. QU'ELLE SE TOURNE VERS DIEU POUR SE SOUVENIR DE LUI, LE COMPRENDRE, L'AIMER, ET, PAR LA MÊME, ÊTRE HEUREUSE.
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Nous trouvons, dans les divines Ecritures, une multitude de textes sur l'amour de Dieu. Là aussi on comprend parfaitement ces deux points : que personne n'aime ce dont il ne se souvient pas, ni ce qu'il ignore entièrement. De là ce commandement principal et si connu : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu (Dt 6, 5 ). » Telle est la nature de l'âme humaine, que toujours elle se souvient d'elle-même, que toujours elle se comprend et s'aime elle-même. Mais comme celui qui hait quelqu'un cherche à lui nuire, ainsi a-t-on raison de dire que l'âme se hait quand elle se nuit. Elle se veut du mal sans le savoir, ne pensant pas que ce qu'elle veut lui est nuisible; et cependant elle se veut réellement du mal, quand elle veut ce qui lui nuit. Voilà pourquoi il est écrit: «Celui qui aime l'iniquité, hait son âme (Ps 10 ; 6 ) ». Celui donc qui sait s'aimer, aime Dieu; mais celui qui n'aime pas Dieu, s'aimât-il d'ailleurs c'est l'instinct de la nature peut passer à juste titre pour se haïr, puisqu'il agit contre son intérêt et se poursuit lui-même comme un ennemi. Erreur effrayante ! tous veulent ce qui leur est avantageux, et beaucoup ne font que ce qui leur est le plus funeste ! Le poète a décrit une maladie semblable chez les animaux muets : « Grands Dieux, épargnez aux bons et gardez aux méchants de pareilles erreurs ! Ces malheureux se mordaient et se déchiraient les membres d'une dent forcenée (Géorg; 3, 5. 513, 514 )». Ce n'était là qu'une maladie du corps; pourquoi le poète l'appelle-t-il une erreur, sinon parce que tout animal est porté par la nature à se protéger autant qu'il le peut, et que, sous l'empire de ce mal, ceux-là déchiraient les membres mêmes qu'ils auraient voulu conserver?
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Or, quand l'âme aime Dieu, et par conséquent, comme nous l'avons dit, se souvient de lui, et le comprend, on lui donne avec raison l'ordre d'aimer son prochain comme soi-même, Car ce n'est plus d'un amour vicieux, mais raisonnable, qu'elle s'aime quand elle aime Dieu : Dieu qui non-seulement l'a faite à son (535) image, mais la renouvelle en détruisant le vieil homme, la réforme quand elle était déformée, la rend heureuse de malheureuse qu'elle était. Eh bien ! qu'elle s'aime tellement que, dans l'alternative, elle aimerait mieux perdre tout ce qui est au-dessous d'elle que de périr elle-même, cependant en abandonnant Celui qui est au-dessus d'elle pour qui seul elle pourrait conserver sa force afin de jouir de sa lumière, comme le chante le Psalmiste: « Je conserverai ma force pour vous (Ps 58, 10 ) », et ailleurs : « Approchez-vous de lui, et vous serez éclairés (Ps 33, 6 )» en l'abandonnant, dis-je, elle est devenue si faible, si ténébreuse, que descendant au-dessous d'elle-même à des choses qui ne sont pas ce qu'elle est et auxquelles elle est supérieure, elle s'est misérablement prostituée à des amours qu'elle ne peut vaincre et à des erreurs dont elle ne sait plus se dégager. Ce qui fait que, pénitente par l'effet de la compassion divine, elle s'écrie par la voix du Psalmiste: « Ma force m'a abandonné et la lumière de mes yeux n'est plus avec moi (Ps 37, 11 ) ».
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Cependant au milieu de ces tristes suites de l'infirmité et de l'erreur, elle n'a pu perdre ce que la nature lui a donné : la faculté de se souvenir , de se comprendre et de s'aimer. Voilà pourquoi le Psalmiste a pu dire ce que je citais plus haut: « Quoique l'homme marche en image, cependant il s'agite en vain ; il amasse des trésors et il ne sait qui les recueillera (Ps 38, 7 )». Pourquoi en effet amasse-t-il des trésors, sinon parce que sa force l'a abandonné, cette force par qui il possédait Dieu et n'avait besoin de rien? Et pourquoi ne sait-il pour qui il amasse, sinon parce que la lumière de ses yeux n'est plus avec lui? C'est pourquoi il ne voit pas ce que dit la vérité: « Insensé, cette « nuit même on te redemandera ton âme, et ce que tu as amassé, à qui sera-t-il (50uc; 12, 20 )? »Cependant, comme cet homme marche encore en image, et comme son âme conserve toujours la mémoire, l'intelligence et l'amour de soi-même : si on lui disait qu'il ne peut tout garder et qu'on le mît dans l'alternative ou de perdre les trésors qu'il a amassés, ou de perdre son âme, serait-il donc assez fou pour ne pas préférer son âme à ses trésors? Les trésors trop souvent corrompent l'âme; mais l'âme que les trésors n'ont pas corrompue, vit plus facilement et plus librement sans trésors. Et peut-on posséder des trésors autrement que par l'âme ? Si l'enfant au berceau, quoique né au sein de l'opulence et maître de tout ce qui lui appartient de droit, ne possède rien parce que son âme est aux langes, comment quelqu'un privé de son âme pourra-t-il rien posséder? Mais pourquoi parler de trésors que tout le monde, dans l'alternative, aimera mieux perdre que de perdre, son âme? Il n'est personne qui les mette au dessus, personne même qui les estime à l'égal des yeux du corps, qui ne sont pas une propriété rare comme celle de l'or, mais en vertu desquels tout homme possède le ciel : car, par les yeux du corps, tout homme prend possession de tout ce qui lui fait plaisir à voir. Qui donc dans le cas où il ne pourrait garder les uns et les autres et serait obligé de perdre ses yeux ou ses trésors, ne sacrifierait ses trésors à ses yeux ? Et pourtant, s'il était placé dans la même alternative pour ses yeux et son âme, qui ne voit qu'il préférerait son âme à ses yeux? L'âme sans les yeux est encore une âme humaine, et sans l'âme les yeux de la chair sont des yeux de bête. Or qui n'aimerait mieux être un homme privé de la vue, qu'un animal doté de la vue?
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Je dis tout ceci pour faire comprendre en peu de mots aux personnes les moins intelligentes qui pourraient lire ou entendre lire ces pages, combien l'âme s'aime elle-même, encore qu'elle soit faible et qu'elle s'égare à aimer et à poursuivre à tort ce qui est au-dessous d'elle. Or elle ne pourrait pas s'aimer si elle s'ignorait absolument, c'est-à-dire si elle ne se souvenait pas d'elle-même, et ne se comprenait pas; et ce titre d'image de Dieu lui donne une telle puissance qu'elle peut s'attacher à Celui dont elle est l'image. Car tel est son rang, non dans l'espace local, mais dans la hiérarchie des natures, qu'elle n'a que Dieu au-dessus d'elle. Et quand elle lui est parfaitement unie, elle ne fait plus qu'un esprit avec lui, ainsi que l'atteste l'Apôtre, quand il dit: « Celui qui s'unit au Seigneur, est un seul esprit avec lui (100or; 6, 17 ) ». En ce cas, elle s'élève jusqu'à participer à la nature, à la vérité et au bonheur de Dieu, sans que pour autant Dieu croisse en nature, en vérité et en bonheur. Quand donc elle sera heureusement unie à cette nature, elle vivra dans l'immutabilité, et tout ce qu'elle verra sera immuable pour elle. (536) C'est alors que, suivant la promesse de la divine Ecriture, ses désirs seront rassasiés de bonheur (Ps 102, 5 ), et d'un bonheur immuable, au sein de la Trinité, son Dieu, dont elle est l'image et pour que cette image ne puisse plus être altérée, elle sera cachée dans le secret de la face divine (Ps 30, 21 ), et remplie par elle d'une telle abondance qu'elle n'éprouvera plus jamais de plaisir à pécher. Mais, ici-bas, quand elle se voit, elle ne voit point une chose immuable.
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CHAPITRE XV.
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QUOIQUE L'ÂME ESPÈRE LE BONHEUR, ELLE NE SE SOUVIENT CEPENDANT PAS DE CELUI QU'ELLE A PERDU, MAIS BIEN DE DIEU ET DES LOIS DE LA JUSTICE.
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L'âme ne met certainement pas en doute qu'elle est malheureuse et qu'elle espère être heureuse, et elle n'espère le bonheur que parce qu'elle est sujette au changement. Si elle n'y était pas sujette, elle ne pourrait pas passer de la misère au bonheur, comme elle tombe du bonheur dans la misère. Et qui aurait pu la rendre misérable sous un Dieu tout-puissant et bon, sinon son péché et la justice de son Maître? Et qui peut la rendre heureuse, sinon son propre mérite et la récompense de son Seigneur? Mais son mérite est l'effet de la grâce de Celui-là même dont le bonheur sera sa récompense. Elle ne peut en effet se donner à elle-même la justice qu'elle a perdue et qu'elle n'a plus. L'homme l'avait reçue au moment de sa création, et il l'a perdue par son péché. Il la reçoit donc, pour mériter par elle de recevoir le bonheur. Ainsi c'est en toute vérité que l'Apôtre dit à l'âme, comme si elle commençait à se glorifier d'un avantage qui lui fût propre : « Et qu'as-tu que tu n'aies reçu? que si tu l'as reçu, pourquoi t'en glorifies-tu comme si tu ne l'avais pas reçu (1100o 4, 7 )?» Mais quand elle se souvient bien de Dieu, après avoir reçu son Esprit, elle sent parfaitement car elle l'apprend par une communication intime du Maître ?qu'elle ne peut se relever que par un effet gratuit de son amour, et qu'elle n'a pu tomber que par l'abus de sa propre volonté. A coup sûr, elle ne se souvient pas de son bonheur; ce bonheur a été et n'est plus; elle l'a complètement oublié, et voilà pourquoi le souvenir ne peut en être réveillé. Mais elle s'en rapporte là-dessus aux Ecritures de son Dieu, si dignes de foi, écrites par son prophète, racontant la félicité du paradis, et exposant, d'après la tradition historique, le premier bonheur et la première chute de l'homme. Seulement elle se souvient du Seigneur son Dieu : car celui-là est toujours; il n'a pas été pour ne plus être, il n'est pas pour cesser d'être un jour; mais comme jamais il ne cessera d'être, ainsi a-t-il toujours existé. Et il est tout entier partout; c'est pourquoi l'âme vit, se meut et est en lui (Ac 17, 28 ), c'est pourquoi aussi elle peut se souvenir de lui. Non qu'elle s'en souvienne pour l'avoir connu dans Adam, ou quelque autre part avant cette vie, ou quand il la formait pour animer le corps : non, elle ne se rappelle rien de cela, tout cela est effacé par l'oubli.
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Mais elle s'en souvient pour se tourner vers le Seigneur comme vers la lumière qui la frappait encore en un certain sens même quand elle se détournait de lui. Voilà comment les impies eux-mêmes pensent à l'éternité, et blâment et approuvent avec raison bien des choses dans la conduite des hommes. Or, d'après quelles règles jugent-ils, sinon d'après celles qui enseignent à bien vivre, bien qu'eux-mêmes ne vivent pas comme ils le devraient? Et où les voient-ils, ces règles? Ce n'est pas dans leur propre nature, puisque évidemment ces sortes de choses se voient par l'âme, et que leurs âmes sont sujettes à changement, tandis que ces règles sont immuables, comme le voit quiconque est capable de le lire en elles-mêmes. Ce n'est point non plus dans l'état de leur âme, puisque ce sont des règles de justice et qu'il est constant que leurs âmes vivent dans l'injustice. Où ces règles sont-elles écrites? où l'homme injuste reconnaît-il ce qui est juste? Où voit-il qu'il faut avoir ce qu'il n'a pas? Oui, où sont écrites ces lois, sinon dans le livre de cette lumière qu'on appelle la vérité? C'est de là que dérive toute loi juste et qu'elle se transporte dans le coeur de l'homme qui pratique la justice, non par déplacement, mais par une sorte d'empreinte, comme l'image de l'anneau passe dans la cire et ne la quitte plus. Quant à celui qui ne pratique pas et voit cependant ce qu'il faut pratiquer, c'est lui qui se détourne de cette lumière et en reste néanmoins frappé. Pour celui qui ne voit pas comment il faut vivre, il est plus excusable de (537) pécher parce qu'il ne transgresse pas de loi connue; mais il est quelquefois atteint aussi par l'éclat de cette vérité présente partout, quand on l'instruit et qu'il croit.
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CHAPITRE XVI.
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COMMENT L'IMAGE DE DIEU SE RÉFORME DANS L'HOMME.
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Or, ceux qui se souviennent de Dieu pour se tourner vers lui, et se détourner de la difformité qui, au moyen des passions mondaines, les rendait conformes à ce siècle, se réforment sur ce point, en écoutant cette parole de l'Apôtre : « Ne vous conformez point à ce siècle, mais réformez-vous par le renouvellement de votre esprit (Rm 12, 2 )». Dès lors l'image commence à être réformée par Celui qui l'a formée. Car elle ne peut pas se réformer elle-même, comme elle a pu se déformer. L'Apôtre dit encore ailleurs : « Renouvelez-vous dans l'esprit de votre âme, et revêtez-vous de l'homme nouveau qui a été créé selon Dieu dans la justice et la sainteté de la vérité (Ep 4, 23, 24 ) ». Ces expressions : « Créé selon Dieu », ont le même sens que ce qui est dit en un autre endroit: « A l'image de Dieu ( Gn 1, 27 )». Mais, en péchant, l'homme a perdu la justice et la sainteté de la vérité; voilà pourquoi l'image a perdu sa forme et sa couleur: mais il la reprend, quand il est réformé et renouvelé. Quant à ces mots: « L'esprit de votre âme », on ne doit pas les entendre en ce sens qu'il y ait ici deux choses distinctes, l'âme et l'esprit de l'âme; mais cela veut dire que si toute âme est esprit, tout esprit n'est pas âme. En effet, Dieu est aussi Esprit (1 cor; 14, 14 ), bien qu'il ne se renouvelle pas, puisqu'il ne peut vieillir. Il y a donc dans l'homme un esprit qui n'est pas l'âme, et auquel appartiennent les ressemblances imaginaires du corps. C'est de celui-là que l'Apôtre dit aux Corinthiens : « Car si je prie de la langue, mon esprit prie, mais mon âme est sans fruit (Jn 19, 20 ) ». Il parle ici de ce qu'on prononce sans le comprendre, et qui ne peut s'exprimer si les images des mots matériels n'ont produit d'abord la pensée de l'esprit, avant les sons de la bouche. L'âme de l'homme s'appelle aussi esprit; c'est pourquoi on lit dans l'Evangile : « Et la tête inclinée, il rendit l'esprit ( Jn 19, 20 ) » ce qui veut dire que la mort corporelle eut lieu par le départ de l'âme. On parle encore de l'esprit de l'animal :
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expression que le livre de Salomon, l'Ecclésiaste, emploie de la manière la plus formelle:
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i sait si l'esprit des enfants des hommes monte en haut, et si l'esprit des bêtes descend en bas dans la terre (Eccl; 3, 21 )? » Il est aussi écrit dans la Genèse que toute chair « ayant en elle un esprit de vie » périt dans le déluge (Gn 7, 22 ). Le vent, chose évidemment matérielle, porte encore le nom d'esprit; car on lit dans les psaumes : « Feu, grêle, neige, glace, esprit de tempête (Ps 148, 8 ) ».
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Le mot esprit ayant donc tant de significations diverses, l'Apôtre entend ici par l'esprit de l'âme, l'esprit qui s'appelle l'âme. C'est dans un sens analogue que le même Apôtre dit ailleurs : « Par le dépouillement de votre corps de chair (Col; II, 11 ) » ; non qu'il entende par là deux choses différentes, comme si la chair était distincte du corps; mais le mot corps s'appliquant à une foule d'objets qui ne sont pas chair en dehors de la chair il y a beaucoup de corps célestes et terrestres il s'est servi de l'expression corps de chair, pour désigner le corps qui est chair. C'est ainsi qu'il appelle esprit de l'âme l'esprit qui est l'âme. En un autre endroit, il a désigné l'image plus expressément, prescrivant le même ordre en d'autres termes: « Dépouillez le vieil homme avec ses oeuvres, et revêtez l'homme nouveau, qui se renouvelle par la connaissance de Dieu, selon l'image de celui qui l'a créé (Col; 9, 10 ) ». D'un côté on lit: « Revêtez l'homme nouveau qui a été créé selon Dieu, de l'autre: Revêtez l'homme nouveau qui se renouvelle selon l'image de celui qui l'a créé ». Là, l'Apôtre dit: « Selon Dieu » ; ici : « Selon l'image de celui qui l'a créé ». Là encore: « Dans la justice et la sainteté de la vérité », et ici : « Par la connaissance de Dieu ». Ce renouvellement a donc lieu par la réformation de l'âme selon Dieu, ou selon l'image de Dieu. Si l'Apôtre dit « selon Dieu », c'est pour exclure l'idée qu'elle puisse être réformée selon une autre créature; et s'il dit « selon l'image de Dieu », c'est pour faire entendre que le renouvellement a lieu là où est l'image de Dieu, c'est-à-dire dans l'âme. C'est dans un sens analogue que nous disons mort selon le corps, et non selon l'esprit, le juste qui sort (538) de son corps dans son état de fidélité. Et que veut dire mort selon le corps, sinon mort par le corps ou dans le corps, et non par l'âme ou dans l'âme? Ou encore quand nous disons: Il est beau selon le corps, ou fort selon le corps, et non selon l'âme, qu'entendons-nous dire sinon : Il est beau ou fort par le corps et non par l'âme? Et ainsi d'une multitude de locutions de ce genre. Ainsi nous n'entendons pas ces expressions : « Selon l'image de celui qui l'a créé », en ce sens que l'image selon laquelle l'homme est renouvelé, soit différente de celle qui est renouvelée.
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CHAPITRE XVII.
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COMMENT L'IMAGE DE DIEU SE RENOUVELLE DANS L'ÂME, EN ATTENDANT QUE LA RESSEMBLANCE DE DIEU SE PERFECTIONNE EN ELLE DANS LA BÉATITUDE.
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Sans doute ce second renouvellement ne se fait pas immédiatement au moment même de la conversion, comme le premier s'opère sur-le-champ au moment du baptême par la rémission de tous les péchés, dont il ne reste rien qui ne soit remis. Mais comme autre chose est d'être guéri de la fièvre, autre chose de recouvrer les forces abattues par la fièvre; ou, encore, autre chose de tirer le trait du corps, autre chose de fermer la blessure qu'il a causée; de même le premier pas vers la guérison est d'écarter la cause du mal, ce qui s'obtient par la rémission de tous les péchés; et le second, de guérir la maladie elle-même, ce qui a lieu par le progrès insensible dans le renouvellement de l'image. Le Psalmiste nous indique cette double opération quand il dit d'abord: « Qui pardonne toutes les iniquités » effet du baptême puis : « qui guérit toutes les langueurs (Ps 102, 3 ) », par des progrès quotidiens, pendant que l'image se renouvelle. C'est ce que l'Apôtre exprime très-clairement en ces termes: « Bien qu'en nous l'homme extérieur se détruise, cependant l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour (2100o 4, 16 ) » . Or, « il se renouvelle par la connaissance de Dieu », c'est-à-dire « dans la justice et la sainteté de la vérité », d'après les textes mêmes de l'Apôtre que j'ai cités plus haut.
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Celui donc qui se renouvelle par la connaissance de Dieu, par la justice et la sainteté de la vérité et fait des progrès de jour en jour, reporte ses affections du temps à l'éternité, du visible à l'invisible, des choses charnelles aux choses spirituelles; il met toute son ardeur à réprimer et à affaiblir sa passion pour celles-là, à fortifier son amour pour celles-ci. Mais il ne réussit que dans la mesure où Dieu l'aide. Car le Sauveur lui-même l'a dit: « Sans moi vous ne pouvez rien faire (Jn 15, 5 ) ». Quiconque sera surpris par le dernier jour de sa vie dans cette foi au Médiateur, dans ces progrès et ces succès, sera conduit au Dieu qu'il a honoré pour recevoir de lui sa perfection, il sera accueilli par les saints anges, et reprendra à la fin du monde son corps incorruptible, non pour le châtiment, mais pour la gloire. Alors la ressemblance de Dieu sera parfaite dans cette image, puisque la vision de Dieu y sera parfaite. C'est de quoi parle l'Apôtre quand il dit: « Nous voyons maintenant à travers un miroir en énigme, mais alors nous verrons face à face (1100o 13, 12 ) ». Et encore : « Pour nous, contemplant à face découverte la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image de clarté en clarté, comme par l'Esprit du Seigneur (2100o 3, 18 )» : et c'est ce qui arrive dans ceux qui font de jour en jour des progrès dans le bien.
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CHAPITRE XVIII.
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FAUT-IL, D'APRÈS LES PAROLES DE SAINT JEAN, VOIR AUSSI DANS L'IMMORTALITÉ DU CORPS, NOTRE FUTURE RESSEMBLANCE AVEC LE FILS DE DIEU?
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L'apôtre Jean dit: « Mes bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu; mais on ne voit pas encore ce que nous serons; nous savons que lorsqu'il apparaîtra nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est (1Jn 3, 2 ) ». D'après ce texte, on voit que la ressemblance avec Dieu sera parfaite dans son image, quand celle-ci aura reçu la pleine vision de la divinité. Du reste, ces paroles de l'apôtre Jean semblent s'appliquer même à l'immortalité du corps. Car ici aussi nous serons semblables à Dieu, mais à Dieu le Fils seulement, puisque seul entre les personnes de la Trinité, il a pris un corps, dans lequel il est mort et ressuscité et qu'il a introduit dans le séjour éternel. Ce (539) sera donc encore l'image de Dieu quand nous aurons comme lui un corps immortel et que nous serons, sous ce point de vue conformes à l'image, non du Père ou du Saint Esprit, mais du Fils seulement, puisque c'es de lui seul qu'il est dit : « Le Verbe a été fait chair (Jn 1, 14 ) », comme le maintient la foi orthodoxe. De là ces paroles de l'Apôtre : « Ceux qu'il a connus par sa prescience, il les a aussi prédestinés à être conformes à l'image de son Fils, afin qu'il fût lui-même le premier-né entre beaucoup de frères (Rm 8, 29 ) », c'est-à-dire « premier-né d'entre les morts», comme le dit le même Apôtre (100ol 1, 18) ; parla mort, la chair a été semée dans l'abjection, et est ressuscitée dans la gloire. Selon cette image du Fils, à laquelle nous devenons conformes par l'immortalité de notre corps, nous faisons ce que conseille encore l'Apôtre : « Comme donc nous avons porté l'image du terrestre, portons aussi l'image du céleste (1100o 15, 43-49 )»; afin de croire véritablement et d'espérer inébranlablement qu'après avoir été mortels selon Adam, nous serons immortels selon le Christ. C'est ainsi que nous pouvons porter la même image que lui, non encore dans la vision, mais dans la foi, non encore en réalité, mais en espérance; car c'était de la résurrection que l'Apôtre parlait en disant cela.
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CHAPITRE XIX.
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C'EST BIEN PLUTOT DE NOTRE PARFAITE RESSEMBLANCE AVEC LA TRINITÉ DANS LA VIE ÉTERNELLE, QU'IL FAUT ENTENDRE LES PAROLES DE SAINT JEAN. LA SAGESSE EST PARFAITE AU SEIN DE LA BÉATITUDE.
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Quant à l'image dont il est dit: « Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance (Gn 1, 26 ) », comme le texte ne dit pas à mon image ni à ton image, nous croyons que l'homme a été fait à l'image de la Trinité et nous avons mis toute la diligence possible à le bien comprendre. C'est donc plutôt en ce sens qu'il faut entendre ce que dit l'apôtre saint Jean : « Nous serons semblables à lui, quand nous le verrons tel qu'il est », parce que ce mot « lui » se rapporte à celui dont il a dit: « Nous sommes les enfants de Dieu I Jean, III, 2 ) ». Et l'immortalité de la chair s'opérera au moment même de la résurrection, d'après le témoignage de saint Paul: « En un clin d'oeil, au son de la dernière trompette, les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons changés (1100o 15, 52 . ) ». En effet, en un clin d'oeil, avant le jugement, ce corps animal qui est semé maintenant dans l'infirmité, dans la corruption et l'abjection, ressuscitera spirituel, dans la force, dans l'incorruptibilité et dans la gloire. Et l'image qui se renouvelle de jour en jour, non extérieurement, mais intérieurement, dans l'esprit de l'âme par la connaissance de Dieu, sera perfectionnée par la vision, qui aura lieu alors, après le jugement, face à face, et qui maintenant avance à travers un miroir en énigme (1100o 13, 12). C'est de cette perfection qu'il faut entendre ces paroles: « Nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est ». Ce don nous sera fait quand on nous aura dit : « Venez, bénis de mon Père; possédez le royaume préparé pour vous (Mt 25, 34 ) ». Alors l'impie disparaîtra, pour ne pas voir la gloire du Seigneur (1s 26, 10. ), quand ceux qui seront à gauche iront au supplice éternel, et que ceux qui seront à droite entreront dans l'éternelle vie (Matt. 25, 46 ). Or, comme l'a dit la vérité, « la vie éternelle, c'est qu'ils vous connaissent, vous seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ (Jn 17, 3 ) ».
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Cette sagesse contemplative la même, ce me semble, que celle que les saintes Ecritures distinguent de la science sous le nom de sagesse n'appartient qu'à l'homme; mais l'homme ne l'a point de lui-même; il la tient de celui dont la participation peut seule rendre l'âme vraiment raisonnable et intelligente. Cicéron la recommande en ces termes, à la fin de son dialogue d'Hortensius: « Nous qui méditons ces choses jour et nuit, qui exerçons notre intelligence le regard de l'âme et veillons à ne point la laisser s'émousser, c'est-à-dire nous qui sommes philosophes, nous avons grand espoir, que si ce que nous sentons et ce que nous goûtons est mortel et périssable, du moins, au terme de notre carrière mortelle, la mort nous sera agréable, que l'anéantissement ne nous sera point pénible, mais sera plutôt le repos de notre vie; ou si, selon l'opinion d'anciens philosophes, les plus grands et de beaucoup les plus illustres, nous avons des âmes immortelles et divines, il faut croire qu'elles (540) monteront et rentreront d'autant plus facilement au ciel qu'elles auront mieux suivi leur carrière, c'est-à-dire cédé à la raison et au désir de savoir, et qu'elles se seront moins mêlées et embarrassées dans les vices et les erreurs des hommes ». Puis dans une courte conclusion, il répète encore la même pensée : « Ainsi donc, pour terminer enfin cette discussion, soit que nous désirions une mort paisible après une vie livrée à ces occupations, soit que nous devions passer immédiatement de ce séjour à un autre bien préférable, nous devons consacrer à ces études tous nos travaux et tous nos soins ».
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La Trinité 14 image de dieu dans l'homme/Saint Augustin
Ici je m'étonne que cet homme, doué d'un si grand génie, promette, au terme de la carrière mortelle, une mort agréable à des philosophes dont le bonheur est la contemplation de la vérité, si ce que nous sentons et ce que nous goûtons est mortel et périssable: comme s'il s'agissait de la mort et de la destruction de quelque chose que nous n'aimerions pas ou que nous haïrions mortellement et dont l'anéantissement nous serait agréable. Mais il ne tenait point cette doctrine des philosophes dont il fait un si bel éloge; il l'avait empruntée à la nouvelle Académie où il avait appris à douter des vérités les plus évidentes. Ce qu'il tenait de ces philosophes « les plus grands et de beaucoup les plus illustres », comme il en convient lui-même, c'est que les âmes sont immortelles. Or il est à propos d'exciter par là des âmes immortelles à poursuivre, jusqu'au terme de cette vie, la carrière de la raison, la recherche de la vérité, et à se dégager le plus possible des vices et des erreurs des hommes, afin de faciliter leur retour vers Dieu. Mais cette carrière, qui consiste dans l'amour et la recherche de la vérité, ne suffit point à des malheureux, c'est-à-dire à des hommes mortels aidés de leur seule raison et privés de la foi au Médiateur. C'est ce que je me suis efforcé de démontrer dans les autres parties de cet ouvrage, particulièrement dans le quatrième et le treizième livre. (541)
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La Trinité 15 la trinité au ciel/Saint Augustin
LIVRE QUINZIÈME : LA TRINITÉ AU CIEL.
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