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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
La violence ne constitue jamais une réponse juste. Convaincue de sa foi dans le Christ et consciente de sa mission, l'Église « proclame (...) que la violence est un mal, que la violence est inacceptable comme solution aux problèmes, que la violence n'est pas digne de l'homme. La violence est un mensonge, car elle va à l'encontre de la vérité de notre foi, de la vérité de notre humanité. La violence détruit ce qu'elle prétend défendre: la dignité, la vie, la liberté des êtres humains ».
Le monde actuel a lui aussi besoin du témoignage de prophètes non armés, hélas objet de railleries à toute époque: « Ceux qui renoncent à l'action violente et sanglante, et recourent pour la sauvegarde des droits de l'homme à des moyens de défense à la portée des plus faibles rendent témoignage à la charité évangélique, pourvu que cela se fasse sans nuire aux droits et obligations des autres hommes et des sociétés. Ils attestent légitimement la gravité des risques physiques et moraux du recours à la violence avec ses ruines et ses morts ».
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III. L'ÉCHEC DE LA PAIX: LA GUERRE
Le Magistère condamne « la barbarie de la guerre » et demande qu'elle soit considérée avec une approche complètement nouvelle. De fait, « il devient humainement impossible de penser que la guerre soit, en notre ère atomique, le moyen adéquat pour obtenir justice ». La guerre est un « fléau » et ne constitue jamais un moyen approprié pour résoudre les problèmes qui surgissent entre les nations: « Elle ne l'a jamais été et ne le sera jamais », car elle engendre des conflits nouveaux et plus complexes. Quand elle éclate, la guerre devient un « massacre inutile », une « aventure sans retour », qui compromet le présent et met en danger l'avenir de l'humanité: « Avec la paix, rien n'est perdu; mais tout peut l'être par la guerre ». Les dommages causés par un conflit armé ne sont pas seulement matériels, mais aussi moraux. La guerre, en définitive, est « la faillite de tout humanisme authentique », « elle est toujours une défaite de l'humanité »: « Jamais plus les uns contre les autres, jamais, plus jamais! (...) jamais plus la guerre, jamais plus la guerre! ».
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La recherche de solutions alternatives à la guerre pour résoudre les conflits internationaux a revêtu aujourd'hui un caractère d'une urgence dramatique, car « la puissance terrifiante des moyens de destruction, accessibles même aux petites et moyennes puissances, ainsi que les relations toujours plus étroites existant entre les peuples de toute la terre, rendent la limitation des conséquences d'un conflit très ardue ou pratiquement impossible ». La recherche des causes à l'origine d'une guerre est donc essentielle, surtout celles liées à des situations structurelles d'injustice, de misère, d'exploitation, sur lesquelles il faut intervenir dans le but de les éliminer: « C'est pourquoi l'autre nom de la paix est le développement. Il y a une responsabilité collective pour éviter la guerre, il y a de même une responsabilité collective pour promouvoir le développement ».
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Les États ne disposent pas toujours des instruments adéquats pour pourvoir efficacement à leur défense; d'où la nécessité et l'importance des Organisations internationales et régionales, qui doivent être en mesure de collaborer pour faire face aux conflits et favoriser la paix, en instaurant des relations de confiance réciproque capables de rendre impensable le recours à la guerre: « Il est permis d'espérer que les peuples, intensifiant entre eux les relations et les échanges, découvriront mieux les liens d'unité qui découlent de leur nature commune; ils comprendront plus parfaitement que l'un des devoirs primordiaux issus de leur communauté de nature, c'est de fonder les relations des hommes et des peuples sur l'amour et non sur la crainte. C'est en effet le propre de l'amour d'amener les hommes à une loyale collaboration, susceptible de formes multiples et porteuse d'innombrables bienfaits ».
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a) La légitime défense
Une guerre d'agression est intrinsèquement immorale. Dans le cas tragique où elle éclate, les responsables d'un État agressé ont le droit et le devoir d'organiser leur défense en utilisant notamment la force des armes. Pour être licite, l'usage de la force doit répondre à certaines conditions rigoureuses: « — que le dommage infligé par l'agresseur à la nation ou à la communauté des nations soit durable, grave et certain; — que tous les autres moyens d'y mettre fin se soient révélés impraticables ou inefficaces; — que soient réunies les conditions sérieuses de succès; — que l'emploi des armes n'entraîne pas des maux et des désordres plus graves que le mal à éliminer. La puissance des moyens modernes de destruction pèse très lourdement dans l'appréciation de cette condition. Ce sont les éléments traditionnels énumérés dans la doctrine dite de la “guerre juste”. L'appréciation de ces conditions de légitimité morale appartient au jugement prudentiel de ceux qui ont la charge du bien commun ».
Si cette responsabilité justifie la possession de moyens suffisants pour exercer le droit à la défense, il reste pour les États l'obligation de faire tout leur possible pour « garantir les conditions de la paix, non seulement sur [leur] propre territoire mais partout dans le monde ». Il ne faut pas oublier que « faire la guerre pour la juste défense des peuples est une chose, vouloir imposer son empire à d'autres nations en est une autre. La puissance des armes ne légitime pas tout usage de cette force à des fins politiques ou militaires. Et ce n'est pas parce que la guerre est malheureusement engagée que tout devient, par le fait même, licite entre parties adverses ».
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La Charte des Nations Unies, élaborée à la suite de la tragédie de la deuxième guerre mondiale dans le but de préserver les générations futures du fléau de la guerre, se base sur l'interdiction généralisée du recours à la force pour résoudre les différends entre les États, à l'exception de deux cas: la légitime défense et les mesures prises par le Conseil de Sécurité dans le cadre de ses responsabilités pour maintenir la paix. Quoi qu'il en soit, l'exercice du droit à se défendre doit respecter « les limites traditionnelles de la nécessité et de la proportionnalité ».
Pour ce qui est d'une guerre préventive, déclenchée sans preuves évidentes qu'une agression est sur le point d'être lancée, elle ne peut pas ne pas soulever de graves interrogations du point de vue moral et juridique. Par conséquent, seule une décision des organismes compétents, sur la base de vérifications rigoureuses et de motivations fondées, peut donner une légitimation internationale à l'usage de la force armée, en identifiant des situations déterminées comme une menace contre la paix et en autorisant une ingérence dans la sphère réservée d'un État.
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b) Défendre la paix
Les exigences de la légitime défense justifient l'existence, dans les États, des forces armées dont l'action doit être placée au service de la paix: ceux qui président avec un tel esprit à la sécurité et à la liberté d'un pays apportent une authentique contribution à la paix. Toute personne servant dans les forces armées est concrètement appelée à défendre le bien, la vérité et la justice dans le monde; nombreux sont ceux qui, dans ce contexte, ont sacrifié leur vie pour ces valeurs et pour défendre des vies innocentes. Le nombre croissant de militaires qui œuvrent au sein des forces multinationales, dans le cadre des « missions humanitaires et de paix », promues par les Nations Unies, est un fait significatif.
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Tout membre des forces armées est moralement obligé de s'opposer aux ordres qui incitent à commettre des crimes contre le droit des peuples et ses principes universels. Les militaires demeurent pleinement responsables des actes qu'ils accomplissent en violation des droits des personnes et des peuples ou des normes du droit international humanitaire. Ces actes ne peuvent être justifiés sous prétexte d'obéissance à des ordres supérieurs.
Les objecteurs de conscience, qui refusent par principe d'effectuer le service militaire dans les cas où celui-ci est obligatoire, parce que leur conscience les pousse à rejeter tout usage de la force ou la participation à un conflit déterminé, doivent être prêts à accomplir d'autres types de service: « Il semble (...) équitable que les lois pourvoient avec humanité au cas de ceux qui, pour des motifs de conscience, refusent l'emploi des armes, pourvu qu'ils acceptent cependant de servir sous une autre forme la communauté humaine ».
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c) Le devoir de protéger les innocents
Le droit à l'usage de la force à des fins de légitime défense est associé au devoir de protéger et d'aider les victimes innocentes qui ne peuvent se défendre contre une agression. Dans les conflits de l'ère moderne, fréquemment internes à un même État, les dispositions du droit international humanitaire doivent être pleinement respectées. Trop souvent, la population civile est touchée, parfois même comme cible de guerre. Dans certains cas, elle est brutalement massacrée ou déracinée de ses maisons et de sa terre par des déplacements forcés, sous prétexte d'une « purification ethnique » inacceptable. Dans ces circonstances tragiques, il est nécessaire que l'aide humanitaire atteigne la population civile et ne soit jamais utilisée pour conditionner les bénéficiaires: le bien de la personne humaine doit avoir la préséance sur les intérêts des parties en conflit.
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Le principe d'humanité, inscrit dans la conscience de chaque personne et de chaque peuple, comporte l'obligation de tenir la population civile à l'écart des effets de la guerre: « Le minimum de protection de la dignité de tout être humain, garanti par le droit humanitaire international, est trop souvent violé au nom d'exigences militaires ou politiques, qui ne devraient jamais l'emporter sur la valeur de la personne humaine. On ressent aujourd'hui la nécessité de trouver un nouveau consensus sur les principes humanitaires et d'en renforcer les fondements pour empêcher que se répètent atrocités et abus ».
Une catégorie particulière de victimes de la guerre est celle des réfugiés, contraints par les combats à fuir les lieux où ils vivent habituellement, jusqu'à trouver refuge dans des pays autres que ceux où ils sont nés. L'Église est proche d'eux, non seulement par sa présence pastorale et son secours matériel, mais aussi par son engagement à défendre leur dignité humaine: « La sollicitude envers les réfugiés doit nous inciter à réaffirmer les droits de l'homme, universellement reconnus, à en souligner l'importance et à en demander le respect effectif pour les réfugiés ».
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Les tentatives d'élimination des groupes entiers, nationaux, ethniques, religieux ou linguistiques, sont des délits contre Dieu et contre l'humanité elle-même et les responsables de ces crimes doivent être appelés à en répondre face à la justice. Le XXème siècle a été tragiquement marqué par différents génocides: du génocide arménien à celui des Ukrainiens, du génocide des Cambodgiens à ceux perpétrés en Afrique et dans les Balkans. Parmi eux celui du peuple juif, la Shoah, prend un relief particulier: « Les jours de la Shoah ont marqué une vraie nuit dans l'histoire, enregistrant des crimes inouïs contre Dieu et contre l'homme ».
La Communauté internationale dans son ensemble a l'obligation morale d'intervenir en faveur des groupes dont la survie même est menacée ou dont les droits fondamentaux sont massivement violés. Les États, en tant que faisant partie d'une Communauté internationale, ne peuvent pas demeurer indifférents: au contraire, si tous les autres moyens à disposition devaient se révéler inefficaces, il est « légitime, et c'est même un devoir, de recourir à des initiatives concrètes pour désarmer l'agresseur ». Le principe de souveraineté nationale ne peut pas être invoqué comme motif pour empêcher une intervention visant à défendre les victimes. Les mesures adoptées doivent être mises en œuvre dans le plein respect du droit international et du principe fondamental de l'égalité entre les États.
La Communauté internationale s'est également dotée d'une Cour Pénale Internationale pour punir les responsables d'actes particulièrement graves: crimes de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et d'agression. Le Magistère n'a pas manqué d'encourager à maintes reprises cette initiative.
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d) Mesures contre ceux qui menacent la paix
Les sanctions, sous les formes prévues par l'ordonnancement international contemporain, visent à corriger le comportement du gouvernement d'un pays qui viole les règles de la coexistence internationale pacifique et ordonnée ou qui pratique de graves formes d'oppression à l'encontre de la population. Les finalités des sanctions doivent être précisées sans équivoque et les mesures adoptées doivent être périodiquement vérifiées par les organismes compétents de la Communauté internationale, pour une évaluation objective de leur efficacité et de leur impact réel sur la population civile. Le véritable objectif de ces mesures est d'ouvrir la voie aux négociations et au dialogue. Les sanctions ne doivent jamais constituer un instrument de punition dirigé contre une population entière: il n'est pas licite que des populations entières, et particulièrement leurs membres les plus vulnérables, aient à souffrir à cause de ces sanctions. Les sanctions économiques, en particulier, sont un instrument à utiliser avec une grande pondération et à soumettre à des critères juridiques et éthiques rigoureux. L'embargo économique doit être limité dans le temps et ne peut être justifié quand ses effets sont aveugles.
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e) Le désarmement
L'objectif que propose la doctrine sociale est celui d'un « désarmement général, équilibré et contrôlé ». L'énorme augmentation des armes représente une grave menace pour la stabilité et pour la paix. Le principe de suffisance, en vertu duquel un État peut posséder uniquement les moyens nécessaires à sa légitime défense, doit être appliqué aussi bien par les États qui achètent des armes que par ceux qui les produisent et les fournissent. Toute accumulation excessive d'armes, ou leur commerce généralisé, n'est pas moralement justifiable; ces phénomènes doivent être aussi évalués à la lumière des normes internationales en matière de non-prolifération, production, commerce et usage des différents types d'armements. Les armes ne doivent jamais être considérées de la même façon que d'autres biens échangés au niveau mondial ou sur les marchés intérieurs.
En outre, le Magistère a évalué au plan moral le phénomène de la dissuasion: « L'accumulation des armes apparaît à beaucoup comme une manière paradoxale de détourner de la guerre des adversaires éventuels. Ils y voient le plus efficace des moyens susceptibles d'assurer la paix entre les nations. Ce procédé de dissuasion appelle de sévères réserves morales. La course aux armements n'assure pas la paix. Loin d'éliminer les causes de guerre, elle risque de les aggraver ». Les politiques de dissuasion nucléaire, typiques de la période de la guerre froide, doivent être remplacées par des mesures concrètes de désarmement, basées sur le dialogue et sur les négociations multilatérales.
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Les armes de destruction de masse — biologiques, chimiques et nucléaires — représentent une menace particulièrement grave; ceux qui les possèdent ont une énorme responsabilité devant Dieu et devant l'humanité tout entière. Le principe de la non-prolifération des armes nucléaires, les mesures pour le désarmement nucléaire, ainsi que l'interdiction des essais nucléaires, sont des objectifs étroitement liés entre eux, qui doivent être atteints le plus rapidement possible grâce à des contrôles efficaces au niveau international. L'interdiction de développer, de produire, d'accumuler et d'utiliser les armes chimiques et biologiques, ainsi que les mesures qui imposent leur destruction, complètent le cadre normatif international ayant pour objectif de bannir ces armes néfastes dont l'usage est explicitement réprouvé par le Magistère: « Tout acte de guerre qui tend indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants est un crime contre Dieu et contre l'homme lui-même, qui doit être condamné fermement et sans hésitation ».
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Le désarmement doit s'étendre à l'interdiction d'armes qui infligent des effets traumatisants excessifs ou qui frappent aveuglément, ainsi qu'aux mines antipersonnel, un type d'engins de petit calibre, inhumainement insidieux, car ils continuent à causer des dommages même longtemps après la fin des hostilités: les États qui les produisent, les commercialisent ou les utilisent encore, assument la responsabilité de retarder gravement l'élimination totale de ces instruments mortifères. La Communauté internationale doit continuer à s'engager dans l'activité de déminage, en encourageant une coopération efficace, y compris la formation technique, avec les pays qui ne disposent pas de propres moyens spécifiques pour réaliser le déminage de leur territoire et qui ne sont pas en mesure de fournir une assistance adéquate aux victimes des mines.
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Des mesures appropriées sont nécessaires pour le contrôle de la production, de la vente, de l'importation et de l'exportation d'armes légères et individuelles, qui facilitent de nombreuses manifestations de violence. La vente et le trafic de telles armes constituent une sérieuse menace pour la paix: ce sont celles qui tuent davantage et qui sont le plus utilisées dans les conflits non internationaux; leur disponibilité fait augmenter le risque de nouveaux conflits et l'intensité de ceux en cours. L'attitude des États qui appliquent des contrôles sévères sur le transfert international d'armes lourdes, tout en ne prévoyant jamais, ou seulement en de rares occasions, des restrictions sur le commerce des armes légères et individuelles, est une contradiction inacceptable. Il est indispensable et urgent que les Gouvernements adoptent des règles appropriées pour contrôler la production, l'accumulation, la vente et le trafic de telles armes, afin d'en empêcher la diffusion croissante, principalement entre des groupes de combattants qui n'appartiennent pas aux forces militaires d'un État.
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L'utilisation d'enfants et d'adolescents comme soldats dans des conflits armés — malgré que leur très jeune âge ne puisse en permettre le recrutement — doit être dénoncée. Ils sont contraints par la force à combattre, ou bien ils choisissent de le faire de leur plein gré sans être pleinement conscients des conséquences. Il s'agit d'enfants privés non seulement de l'instruction qu'ils devraient recevoir et d'une enfance normale, mais aussi entraînés à tuer: tout ceci constitue un crime intolérable. Leur emploi dans les forces combattantes de quelque type que ce soit doit cesser; en même temps, il faut fournir toute l'aide possible pour les soins, l'éducation et la réhabilitation de ceux qui ont été impliqués dans les combats.
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f) La condamnation du terrorisme
Le terrorisme est une des formes les plus brutales de la violence qui bouleverse aujourd'hui la Communauté internationale: il sème la haine, la mort, le désir de vengeance et de représailles. De stratégie subversive, typique de quelques organisations extrémistes, visant à la destruction des choses et au meurtre des personnes, le terrorisme s'est transformé en un réseau obscur de connivences politiques; il utilise aussi des moyens techniques sophistiqués, se prévaut souvent d'immenses ressources financières et élabore des stratégies sur une vaste échelle, frappant des personnes totalement innocentes, victimes accidentelles des actions terroristes. Les cibles des attaques terroristes sont, en général, les lieux de la vie quotidienne et non pas des objectifs militaires dans le contexte d'une guerre déclarée. Le terrorisme agit et frappe aveuglément, en dehors des règles grâce auxquelles les hommes ont cherché à discipliner leurs conflits, par exemple avec le droit international humanitaire: « Dans bien des cas, le recours aux procédés du terrorisme est regardé comme une nouvelle forme de guerre ». Il ne faut pas négliger les causes qui peuvent motiver cette forme inacceptable de revendication. La lutte contre le terrorisme présuppose le devoir moral de contribuer à créer les conditions pour qu'il ne naisse pas ni ne se développe.
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Le terrorisme doit être condamné de la manière la plus absolue. Il manifeste un mépris total de la vie humaine et aucune motivation ne peut le justifier, dans la mesure où l'homme est toujours une fin et jamais un moyen. Les actes de terrorisme frappent profondément la dignité humaine et constituent une offense à l'humanité entière: « De ce fait, il existe un droit de se défendre contre le terrorisme ». Ce droit ne peut cependant pas être exercé dans le vide de règles morales et juridiques, car la lutte contre les terroristes doit être menée dans le respect des droits de l'homme et des principes d'un État de droit. L'identification des coupables doit être dûment prouvée, car la responsabilité pénale est toujours personnelle et ne peut donc pas être étendue aux religions, aux nations, aux ethnies, auxquelles appartiennent les terroristes. La collaboration internationale contre l'activité terroriste « ne peut se limiter seulement à des opérations répressives et punitives. Il est essentiel que le recours à la force, s'il est nécessaire, soit accompagné d'une analyse courageuse et lucide des motivations sous-jacentes aux attaques terroristes ». Un engagement particulier sur le plan « politique et pédagogique » est également nécessaire pour résoudre, avec courage et détermination, les problèmes qui, dans certaines situations dramatiques, peuvent alimenter le terrorisme: « Le recrutement des terroristes est en effet plus facile dans les contextes sociaux où les droits sont foulés au pied et où les injustices sont trop longtemps tolérées ».
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C'est une profanation et un blasphème de se proclamer terroristes au nom de Dieu: de cette façon, on instrumentalise aussi Dieu et non seulement l'homme, dans la mesure où l'on estime posséder totalement la vérité divine au lieu de chercher à en être possédé. Qualifier de « martyrs » ceux qui meurent en accomplissant des actes terroristes revient à inverser le concept de martyre, qui est le témoignage de celui qui se fait tuer pour ne pas renoncer à Dieu et à son amour, et non pas de celui qui tue au nom de Dieu.
Aucune religion ne peut tolérer le terrorisme et, encore moins, le prêcher. Les religions s'emploient plutôt à collaborer pour éliminer les causes du terrorisme et pour promouvoir l'amitié entre les peuples.
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IV. LA CONTRIBUTION DE L'ÉGLISE À LA PAIX
La promotion de la paix dans le monde fait partie intégrante de la mission par laquelle l'Église continue l'œuvre rédemptrice du Christ sur la terre. De fait, l'Église est, dans le Christ, « “sacrement”, c'est-à-dire signe et instrument de paix dans le monde et pour le monde ». La promotion de la vraie paix est une expression de la foi chrétienne dans l'amour que Dieu nourrit pour chaque être humain. De la foi libératrice en l'amour de Dieu dérivent une nouvelle vision du monde et une nouvelle façon de s'approcher de l'autre, qu'il s'agisse d'un individu ou d'un peuple entier: c'est une foi qui change et renouvelle la vie, inspirée par la paix que le Christ a laissée à ses disciples (cf. Jn 14, 27). Sous la seule impulsion de cette foi, l'Église entend promouvoir l'unité des chrétiens et une collaboration féconde avec les croyants d'autres religions. Les différences religieuses ne peuvent pas et ne doivent pas constituer une cause de conflit: la recherche commune de la paix de la part de tous les croyants est plutôt un facteur fort d'unité entre les peuples. L'Église exhorte les personnes, les peuples, les États et les nations à participer à son souci de rétablir et de consolider la paix, en soulignant en particulier l'importante fonction du droit international.
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L'Église enseigne qu'une paix véritable n'est possible que par le pardon et la réconciliation. Il n'est pas facile de pardonner face aux conséquences de la guerre et des conflits, car la violence, spécialement quand elle conduit « jusqu'aux abîmes de l'inhumanité et de la détresse », laisse toujours en héritage un lourd fardeau de douleur, qui ne peut être soulagé que par une réflexion approfondie, loyale et courageuse, commune aux belligérants, capable d'affronter les difficultés du présent avec une attitude purifiée par le repentir. Le poids du passé, qui ne peut pas être oublié, ne peut être accepté qu'en présence d'un pardon réciproquement offert et reçu: il s'agit d'un parcours long et difficile, mais pas impossible.
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Le pardon réciproque ne doit pas annuler les exigences de la justice ni, encore moins, barrer le chemin qui conduit à la vérité: justice et vérité représentent plutôt les conditions concrètes de la réconciliation. Les initiatives tendant à instituer des organismes judiciaires internationaux se révèlent opportunes. De tels organismes, se prévalant du principe de la juridiction universelle et soutenus par des procédures adéquates, respectueuses des droits des accusés et des victimes, peuvent établir la vérité sur les crimes perpétrés durant les conflits armés. Toutefois, il est nécessaire d'aller au-delà de l'identification des comportements délictueux, aussi bien par action que par omission, et au-delà des décisions concernant les procédures de réparation, pour parvenir au rétablissement de relations d'accueil réciproque entre les peuples divisés, sous le signe de la réconciliation. Il est en outre nécessaire de promouvoir le respect du droit à la paix: ce droit « favorise la construction d'une société à l'intérieur de laquelle les rapports de force sont remplacés par les rapports de collaboration en vue du bien commun ».
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
L'Église lutte pour la paix par la prière. La prière ouvre le cœur non seulement à un rapport profond avec Dieu, mais aussi à la rencontre avec le prochain sous le signe du respect, de la confiance, de la compréhension, de l'estime et de l'amour. La prière inspire le courage et apporte le soutien à tous « les vrais amis de la Paix », qui cherchent à la promouvoir dans les diverses circonstances où ils vivent. La prière liturgique est « le sommet auquel tend l'action de l'Église, et en même temps la source d'où découle toute sa vertu »; en particulier la célébration eucharistique, « source et sommet de toute la vie chrétienne », est le lieu d'une inspiration intarissable pour tout engagement chrétien authentique en faveur de la paix.
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Les Journées Mondiales de la Paix sont des célébrations d'une intensité particulière pour la prière d'invocation de la paix et pour l'engagement à construire un monde de paix. Le Pape Paul VI les institua afin de « consacrer aux intentions et aux résolutions de la Paix une particulière célébration au premier jour de l'année civile ». Les Messages pontificaux pour cette occasion annuelle constituent une riche source d'aggiornamento et de développement de la doctrine sociale et soulignent l'action pastorale constante de l'Église en faveur de la paix: « La paix s'affirme seulement par la paix, celle qui n'est pas séparable des exigences de la justice, mais qui est alimentée par le sacrifice de soi, par la clémence, par la miséricorde, par la charité ».
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
TROISIÈME PARTIE
« Pour l'Église, le message social de l'Évangile ne doit pas être considéré comme une théorie mais avant tout comme un fondement et une motivation de l'action ». (Centesimus annus, 57)
DOUZIÈME CHAPITRE
DOCTRINE SOCIALE ET ACTION ECCLÉSIALE
I. L'ACTION PASTORALE DANS LE DOMAINE SOCIAL
a) Doctrine sociale et inculturation de la foi
Consciente de la force rénovatrice du christianisme à l'égard notamment de la culture et de la réalité sociale, l'Église offre la contribution de son enseignement à la construction de la communauté des hommes, en montrant la signification sociale de l'Évangile. À la fin du XIXème siècle, le Magistère de l'Église affronta de manière organique les graves questions sociales de l'époque, en établissant « un modèle permanent pour l'Église. Celle-ci, en effet, a une parole à dire face à des situations humaines déterminées, individuelles et communautaires, nationales et internationales, pour lesquelles elle énonce une véritable doctrine, un corpus qui lui permet d'analyser les réalités sociales, comme aussi de se prononcer sur elles et de donner des orientations pour la juste solution des problèmes qu'elles posent ». L'intervention de Léon XIII sur la réalité socio- politique de son temps avec l'encyclique Rerum novarum « donnait pour ainsi dire “droit de cité” à l'Église dans les réalités changeantes de la vie publique. Cela devait se préciser davantage encore par la suite ».
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
L'Église, par sa doctrine sociale, offre surtout une vision intégrale et une pleine compréhension de l'homme, dans sa dimension personnelle et sociale. L'anthropologie chrétienne, en révélant la dignité inviolable de toute personne, introduit les réalités du travail, de l'économie et de la politique dans une perspective originale qui éclaire les valeurs humaines authentiques, inspire et soutient le témoignage des chrétiens engagés dans les multiples domaines de la vie personnelle, culturelle et sociale. Grâce aux « prémices de l'Esprit » (Rm 8, 23), le chrétien devient « capable d'accomplir la loi nouvelle de l'amour (cf. Rm 8, 1-11). Par cet Esprit, “gage de l'héritage” (Ep 1, 14), c'est tout l'homme qui est intérieurement renouvelé, dans l'attente de “la rédemption du corps” (Rm 8, 23) ». En ce sens, la doctrine sociale souligne le fait que le fondement de la moralité de toute action sociale réside dans le développement humain de la personne et elle situe la norme de l'action sociale dans l'exigence de correspondre au vrai bien de l'humanité et dans l'engagement visant à créer des conditions qui permettent à tout homme de réaliser sa vocation intégrale.
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
L'anthropologie chrétienne anime et soutien l'œuvre pastorale d'inculturation de la foi, qui tend à renouveler de l'intérieur, par la force de l'Évangile, les critères de jugement, les valeurs déterminantes, les lignes de pensée et les modèles de vie de l'homme contemporain: « L'Église, par l'inculturation, devient un signe plus compréhensible de ce qu'elle est et un instrument plus adapté à sa mission ». Le monde contemporain est marqué par une fracture entre Évangile et culture; une vision sécularisée du salut tend à réduire aussi le christianisme « à une sagesse purement humaine, en quelque sorte une science pour bien vivre ». L'Église est consciente qu'elle doit faire « un grand pas en avant dans l'évangélisation, elle doit entrer dans une nouvelle étape historique de son dynamisme missionnaire ». C'est dans cette perspective pastorale que se situe l'enseignement social: « La “nouvelle évangélisation”, dont le monde moderne a un urgent besoin (...) doit compter parmi ses éléments essentiels l'annonce de la doctrine sociale de l'Église ».
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
b) Doctrine sociale et pastorale sociale
La référence essentielle à la doctrine sociale décide de la nature, de l'orientation, de l'articulation et des développements de la pastorale sociale. Celle-ci est l'expression du ministère d'évangélisation sociale, visant à illuminer, à stimuler et à assister la promotion intégrale de l'homme à travers la pratique de la libération chrétienne, dans sa perspective terrestre et transcendante. L'Église vit et agit dans l'histoire, en interaction avec la société et la culture de son temps, pour remplir sa mission de communiquer à tous les hommes la nouveauté de l'annonce chrétienne, dans le concret de leurs difficultés, des luttes et des défis, afin que, éclairés par la foi, ils comprennent réellement que « la véritable libération, c'est s'ouvrir à l'amour du Christ ». La pastorale sociale est l'expression vivante et concrète d'une Église pleinement consciente de sa mission d'évangéliser les réalités sociales, économiques, culturelles et politiques du monde.
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Le message social de l'Évangile doit orienter l'Église à accomplir une double tâche pastorale: aider les hommes à découvrir la vérité et à choisir la voie à suivre; encourager l'engagement des chrétiens à témoigner de l'Évangile dans le domaine social, avec le souci de servir: « Aujourd'hui plus que jamais, la Parole de Dieu, ne pourra être annoncée et entendue que si elle s'accompagne du témoignage de la puissance de l'Esprit Saint, opérant dans l'action des chrétiens au service de leurs frères, aux points où se jouent leur existence et leur avenir ». Le besoin d'une nouvelle évangélisation fait comprendre à l'Église que « son message social sera rendu crédible par le témoignage des œuvres plus encore que par sa cohérence et sa logique internes ».
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