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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
IV. UNE RESPONSABILITÉ COMMUNE
a) L'environnement, un bien collectif
La protection de l'environnement constitue un défi pour l'humanité tout entière: il s'agit du devoir, commun et universel, de respecter un bien collectif, destiné à tous, en empêchant que l'on puisse « impunément faire usage des diverses catégories d'êtres, vivants ou inanimés — animaux, plantes, éléments naturels — comme on le veut, en fonction de ses propres besoins économiques ». C'est une responsabilité qui doit mûrir à partir de la globalité de la crise écologique actuelle et de la nécessité qui s'ensuit de l'affronter globalement, dans la mesure où tous les êtres dépendent les uns des autres dans l'ordre universel établi par le Créateur: « Il faut (...) tenir compte de la nature de chaque être et de ses liens mutuels dans un système ordonné, qui est le cosmos ».
Cette perspective revêt une importance particulière si l'on considère, dans le contexte des liens étroits qui unissent entre eux les différents écosystèmes, la valeur environnementale de la biodiversité, qui doit être traitée avec un sens de responsabilité et protégée de manière appropriée, car elle constitue une richesse extraordinaire pour l'humanité tout entière. À ce propos, chacun peut aisément saisir, par exemple, l'importance de la région amazonienne, « l'un des espaces naturels les plus appréciés dans le monde pour sa diversité biologique, ce qui le rend vital pour l'équilibre environnemental de toute la planète ». Les forêts contribuent à maintenir des équilibres naturels essentiels indispensables à la vie. Leur destruction, notamment par des incendies criminels inconsidérés, accélère les processus de désertification, avec des conséquences dangereuses pour les réserves d'eau, et compromet la vie de nombreux peuples indigènes et le bien-être des générations à venir. Tous, individus et sujets institutionnels, doivent se sentir engagés dans la protection du patrimoine forestier et, là où cela est nécessaire, promouvoir des programmes adéquats de reboisement.
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La responsabilité à l'égard de l'environnement, patrimoine commun du genre humain, s'étend non seulement aux exigences du présent, mais aussi à celles du futur: « Héritiers des générations passées et bénéficiaires du travail de nos contemporains, nous avons des obligations envers tous, et nous ne pouvons nous désintéresser de ceux qui viendront agrandir après nous le cercle de la famille humaine. La solidarité universelle qui est un fait, et un bénéfice pour nous, est aussi un devoir ». Il s'agit d'une responsabilité que les générations présentes ont envers les générations à venir, une responsabilité qui appartient aussi aux États individuellement et à la Communauté internationale.
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La responsabilité à l'égard de l'environnement doit trouver une traduction adéquate au niveau juridique. Il est important que la Communauté internationale élabore des règles uniformes, afin que cette réglementation permette aux États de contrôler avec davantage d'efficacité les diverses activités qui déterminent des effets négatifs sur l'environnement et de préserver les écosystèmes en prévenant de possibles accidents: « Chaque État, dans son propre territoire, a le devoir de prévenir la dégradation de l'atmosphère et de la biosphère, notamment par un contrôle attentif des effets produits par les nouvelles découvertes technologiques ou scientifiques, et en protégeant ses concitoyens contre le risque d'être exposés à des agents polluants ou à des déchets toxiques ».
Le contenu juridique du « droit à un environnement naturel, sain et sûr » sera le fruit d'une élaboration graduelle, sollicitée par la préoccupation de l'opinion publique de discipliner l'usage des biens de la création selon les exigences du bien commun, dans une commune volonté d'introduire des sanctions pour ceux qui polluent. Toutefois, les normes juridiques ne suffisent pas à elles seules; à côte d'elles doivent mûrir un sens fort de responsabilité, ainsi qu'un changement effectif dans les mentalités et dans les styles de vie.
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Les autorités appelées à prendre des décisions pour faire face aux risques sanitaires et environnementaux se trouvent parfois face à des situations où les données scientifiques disponibles sont contradictoires ou quantitativement rares; il peut alors être opportun de faire une évaluation inspirée du « principe de précaution », qui ne comporte pas une règle à appliquer mais plutôt une orientation visant à gérer des situations d'incertitude. Ce principe manifeste l'exigence d'une décision provisoire et modifiable en fonction de nouvelles connaissances éventuellement acquises. La décision doit être proportionnelle aux mesures déjà appliquées pour d'autres risques. Les politiques conservatoires, basées sur le principe de précaution, exigent que les décisions soient fondées sur une confrontation entre les risques et les bénéfices envisageables pour tout choix alternatif possible, y compris la décision de ne pas intervenir. À l'approche de précaution est liée l'exigence d'encourager tous les efforts visant à acquérir des connaissances plus approfondies, tout en étant conscient que la science ne peut pas parvenir rapidement à des conclusions sur l'absence de risques. L'incertitude des circonstances et leur caractère provisoire rendent particulièrement importante la transparence dans le processus décisionnel.
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La programmation du développement économique doit considérer attentivement « la nécessité de respecter l'intégrité et les rythmes de la nature », car les ressources naturelles sont limitées et certaines ne sont pas renouvelables. Le rythme actuel d'exploitation compromet sérieusement la disponibilité de certaines ressources naturelles pour le présent et le futur. La solution du problème écologique exige que l'activité économique respecte davantage l'environnement, en conciliant les exigences du développement économique avec celles de la protection environnementale. Toute activité économique qui se prévaut des ressources naturelles doit aussi se soucier de la sauvegarde de l'environnement et en prévoir les coûts, lesquels sont à considérer « comme élément essentiel du coût (...) de l'activité économique ». C'est dans ce contexte que doivent être considérés les rapports entre l'activité humaine et les changements climatiques qui, étant donné leur extrême complexité, doivent être opportunément et constamment suivis aux niveaux scientifique, politique et juridique, national et international. Le climat est un bien qu'il faut protéger et il faut que, dans leurs comportements, les consommateurs et les agents d'activités industrielles développent un plus grand sens de responsabilité.
Une économie respectueuse de l'environnement ne poursuivra pas seulement l'objectif de la maximalisation du profit, car la protection de l'environnement ne peut pas être assurée uniquement en fonction du calcul financier des coûts et des bénéfices. L'environnement fait partie de ces biens que les mécanismes du marché ne sont pas en mesure de défendre ou de promouvoir de façon adéquate. Tous les pays, en particulier les pays développés, doivent percevoir combien est urgente l'obligation de reconsidérer les modalités d'utilisation des biens naturels. La recherche d'innovations capables de réduire l'impact sur l'environnement provoqué par la production et la consommation devra être efficacement stimulée.
Il faudra que soit accordée une attention particulière aux questions complexes concernant les ressources énergétiques. Celles qui ne sont pas renouvelables, auxquelles puisent les pays hautement industrialisés et ceux de récente industrialisation, doivent être mises au service de toute l'humanité. Dans une perspective morale orientée vers l'équité et la solidarité entre les générations, il faudra également continuer, grâce à la contribution de la communauté scientifique, à identifier de nouvelles sources énergétiques, à développer les énergies alternatives et à élever les niveaux de sécurité de l'énergie nucléaire. De par les liens qu'elle entretient avec les questions du développement et de l'environnement, l'utilisation de l'énergie interpelle les responsabilités politiques des États, de la communauté internationale et des agents économiques; ces responsabilités devront être éclairées et guidées par la recherche continuelle du bien commun universel.
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La relation que les peuples indigènes entretiennent avec leur terre et les ressources de celle-ci mérite une attention spéciale: il s'agit d'une expression fondamentale de leur identité. De nombreux peuples ont déjà perdu ou risquent de perdre, au profit de puissants intérêts agro- industriels ou en vertu de processus d'assimilation et d'urbanisation, les terres sur lesquelles ils vivent et auxquelles est lié le sens même de leur existence. Les droits des peuples indigènes doivent être opportunément protégés. Ces peuples offrent un exemple de vie en harmonie avec l'environnement qu'ils ont appris à connaître et à préserver. Leur expérience extraordinaire, qui constitue une richesse irremplaçable pour toute l'humanité, risque d'être perdue en même temps que l'environnement d'où elle tire son origine.
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b) L'usage des biotechnologies
Ces dernières années s'est imposée avec force la question de l'utilisation des nouvelles biotechnologies pour des objectifs liés à l'agriculture, à la zootechnie, à la médecine et à la protection de l'environnement. Les nouvelles possibilités offertes par les techniques biologiques et biogénétiques actuelles suscitent, d'une part, espoirs et enthousiasmes, et, d'autre part, alarmes et hostilités. Les applications des biotechnologies, leur licéité du point de vue moral, leurs conséquences pour la santé de l'homme, leur impact sur l'environnement et sur l'économie, font l'objet d'études approfondies et d'un vif débat. Il s'agit de questions controversées qui impliquent les scientifiques et les chercheurs, les politiciens et les législateurs, les économistes et les environnementalistes, les producteurs et les consommateurs. Conscients de l'importance des valeurs qui sont en jeu, les chrétiens ne sont pas indifférents à ces problématiques.
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La vision chrétienne de la création comporte un jugement positif sur la licéité des interventions de l'homme sur la nature, y compris aussi sur les autres êtres vivants, et, en même temps, un fort rappel au sens des responsabilités. En effet, la nature n'est pas une réalité sacrée ou divine, soustraite à l'action humaine. Elle est plutôt un don offert par le Créateur à la communauté humaine, don confié à l'intelligence et à la responsabilité morale de l'homme. Voilà pourquoi il n'accomplit pas un acte illicite quand, respectant l'ordre, la beauté et l'utilité des différents êtres vivants et de leur fonction dans l'écosystème, il intervient en modifiant certaines de leurs caractéristiques et propriétés. Les interventions de l'homme sont blâmables quand elles nuisent aux êtres vivants ou au milieu naturel, alors qu'elles sont louables quand elles se traduisent par leur amélioration. La licéité de l'emploi des techniques biologiques et biogénétiques n'épuise pas toute la problématique éthique: comme pour tout comportement humain, il est nécessaire d'évaluer soigneusement leur réelle utilité ainsi que leurs conséquences possibles, en termes de risques également. Dans le cadre des interventions techniques et scientifiques, qui ont une forte et large incidence sur les organismes vivants, et considérant la possibilité de répercussions importantes à long terme, il n'est pas licite d'agir avec légèreté et de façon irresponsable.
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Les biotechnologies modernes ont un fort impact social, économique et politique, au plan local, national et international. Elles doivent être évaluées selon les critères éthiques qui doivent toujours orienter les activités et les rapports humains dans le domaine socio-économique et politique. Il faut avoir présent à l'esprit surtout les critères de justice et de solidarité, auxquels doivent s'en tenir avant tout les individus et les groupes qui travaillent à la recherche et à la commercialisation dans le domaine des biotechnologies. Quoi qu'il en soit, il ne faut pas tomber dans l'erreur de croire que la seule diffusion des bienfaits liés aux nouvelles technologies puisse résoudre tous les problèmes urgents de pauvreté et de sous-développement qui accablent encore de nombreux pays de la planète.
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Dans un esprit de solidarité internationale, différentes mesures peuvent être mises en œuvre quant à l'usage des nouvelles biotechnologies. Il faut faciliter, en premier lieu, des échanges commerciaux équitables, libres de contraintes injustes. La promotion du développement des peuples les plus désavantagés ne sera toutefois ni authentique ni efficace si elle se réduit à un échange de produits. Il est indispensable de favoriser aussi la maturation d'une autonomie scientifique et technologique nécessaire de ces mêmes peuples, en encourageant les échanges de connaissances scientifiques et technologiques et le transfert de technologies vers les pays en voie de développement.
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La solidarité comporte aussi un rappel à la responsabilité qu'ont les pays en voie de développement et, en particulier, leurs responsables politiques, de promouvoir une politique commerciale favorable à leurs peuples et les échanges de technologies capables d'améliorer leurs conditions alimentaires et sanitaires. Dans ces pays, l'investissement dans la recherche doit être accru, avec une attention spéciale aux caractéristiques et aux nécessités particulières de leur territoire et de leur population, surtout en tenant compte du fait que certaines recherches dans le domaine des biotechnologies, potentiellement bénéfiques, requièrent des investissements relativement modestes. À cette fin, la création d'Organismes nationaux destinés à la protection du bien commun à travers une gestion attentive des risques serait utile.
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Les scientifiques et les techniciens engagés dans le secteur des biotechnologies sont appelés à travailler avec intelligence et persévérance dans la recherche des meilleures solutions à apporter aux problèmes graves et urgents de l'alimentation et de la santé. Ils ne doivent pas oublier que leurs activités concernent des matériaux, vivants et non vivants, appartenant à l'humanité comme patrimoine destiné aussi aux générations futures. Pour les croyants, il s'agit d'un don reçu du Créateur, confié à l'intelligence et à la liberté humaines, elles aussi don du Très-Haut. Il faut que les scientifiques sachent mettre leurs énergies et leurs capacités au service d'une recherche passionnée, guidée par une conscience limpide et honnête.
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Les entrepreneurs et les responsables des organismes publics qui s'occupent de la recherche, de la production et du commerce des produits dérivés des nouvelles biotechnologies doivent tenir compte non seulement du profit légitime, mais aussi du bien commun. Ce principe, valable pour tout type d'activité économique, devient particulièrement important lorsqu'il s'agit d'activités qui ont à faire avec l'alimentation, la médecine, la protection de la santé et de l'environnement. Par leurs décisions, les entrepreneurs et les responsables des organismes publics intéressés peuvent orienter les développements dans le secteur des biotechnologies vers des objectifs très prometteurs en matière de lutte contre la faim, en particulier dans les pays les plus pauvres, de lutte contre les maladies et de lutte pour la sauvegarde de l'écosystème, patrimoine de tous.
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Les politiciens, les législateurs et les administrateurs publics ont la responsabilité d'évaluer les potentialités, les avantages et les risques éventuels liés à l'utilisation des biotechnologies. Il n'est pas souhaitable que leurs décisions, au niveau national ou international, soient dictées par des pressions provenant d'intérêts partisans. Les autorités publiques doivent encourager aussi une information correcte de l'opinion publique et savoir prendre, dans tous les cas, les décisions les plus appropriées pour le bien commun.
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Les responsables de l'information aussi ont une tâche importante, à accomplir avec prudence et objectivité. La société attend d'eux une information complète et objective, qui aide les citoyens à se former une opinion correcte sur les produits biotechnologiques, surtout parce qu'il s'agit de quelque chose qui les concerne personnellement en tant que consommateurs possibles. Par conséquent, il faut éviter de céder à la tentation d'une information superficielle, alimentée par des enthousiasmes faciles ou par des alarmismes injustifiés.
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c) Environnement et partage des biens
Dans le domaine de l'écologie aussi, la doctrine sociale invite à tenir compte du fait que les biens de la terre ont été créés par Dieu pour être savamment utilisés par tous; ces biens doivent être équitablement partagés, selon la justice et la charité. Il s'agit essentiellement d'empêcher l'injustice d'un accaparement des ressources: l'avidité, aussi bien individuelle que collective, est contraire à l'ordre de la création. Les problèmes écologiques actuels, à caractère planétaire, ne peuvent être affrontés efficacement que grâce à une coopération internationale capable de garantir une meilleure coordination quant à l'utilisation des ressources de la terre.
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Le principe de la destination universelle des biens offre une orientation fondamentale, morale et culturelle, pour dénouer le nœud complexe et dramatique qui lie crise environnementale et pauvreté. La crise environnementale actuelle frappe particulièrement les plus pauvres, soit parce qu'ils vivent sur des terres qui sont sujettes à l'érosion et à la désertification, soit parce qu'ils sont impliqués dans des conflits armés ou contraints à des migrations forcées, ou encore parce qu'ils ne disposent pas des moyens économiques et technologiques pour se protéger des calamités.
Une multitude de ces pauvres habitent les banlieues polluées dans des logements de fortune ou des agglomérations de maisons délabrées et dangereuses (slums, bidonvilles, barrios, favelas). Si l'on doit procéder à leur déménagement et, pour ne pas ajouter la souffrance à la souffrance, il est nécessaire de fournir une information adéquate et préalable, d'offrir des alternatives de logements dignes et d'impliquer directement les intéressés.
Il faut en outre avoir présent à l'esprit la situation des pays pénalisés par les règles d'un commerce international non équitable, dans lesquels perdure une insuffisance de capitaux souvent aggravée par le poids de la dette extérieure: dans ces cas, la faim et la pauvreté rendent presque inévitable une exploitation intensive et excessive de l'environnement.
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Le lien étroit qui existe entre le développement des pays les plus pauvres, les mutations démographiques et une utilisation durable de l'environnement, ne doit pas servir de prétexte à des choix politiques et économiques peu conformes à la dignité de la personne humaine. Au Nord de la planète, on assiste à une « chute du taux de natalité, avec comme répercussion le vieillissement de la population, devenue incapable même de se renouveler biologiquement », tandis qu'au Sud la situation est différente. S'il est vrai que la répartition inégale de la population et des ressources disponibles crée des obstacles au développement et à l'utilisation durable de l'environnement, il faut reconnaître que la croissance démographique est pleinement compatible avec un développement intégral et solidaire: « Il existe un large consensus sur le fait qu'une politique sur la population n'est qu'une partie d'une stratégie de développement général. Ainsi, il est important que toute discussion sur les politiques sur la population tienne compte du développement actuel ainsi que de celui prévu pour les nations et pour les régions. Dans le même temps, il est impossible de laisser de côté la nature profonde de ce que l'on entend par le terme de “développement”. Tout développement digne de ce nom doit être intégral, c'est-à-dire qu'il doit viser au véritable bien de tout homme et de tout l'homme ».
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Le principe de la destination universelle des biens s'applique naturellement aussi à l'eau, considérée dans les Saintes Écritures comme symbole de purification (cf. Ps 51, 4; Jn 13, 8) et de vie (cf. Jn 3, 5; Ga 3, 27): « En tant que don de Dieu, l'eau est un élément vital, indispensable à la survie et, donc, un droit pour tous ». L'utilisation de l'eau et des services y afférents doit être orientée vers la satisfaction des besoins de tous et surtout des personnes qui vivent dans la pauvreté. Un accès limité à l'eau potable a une incidence sur le bien-être d'un très grand nombre de personnes et est souvent la cause de maladies, de souffrances, de conflits, de pauvreté et même de mort; pour être résolue de manière adéquate, cette question « doit être cernée de façon à établir des critères moraux fondés précisément sur la valeur de la vie et sur le respect des droits et de la dignité de tous les êtres humains ».
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L'eau, de par sa nature même, ne peut pas être traitée comme une simple marchandise parmi tant d'autres et son usage doit être rationnel et solidaire. Sa distribution fait traditionnellement partie des responsabilités d'organismes publics car l'eau a toujours été considérée comme un bien public, caractéristique qui doit être conservée même si sa gestion est confiée au secteur privé. Le droit à l'eau, comme tous les droits de l'homme, se base sur la dignité humaine et non pas sur des évaluations de type purement quantitatif, qui ne considèrent l'eau que comme un bien économique. Sans eau, la vie est menacée. Le droit à l'eau est donc un droit universel et inaliénable.
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d) Nouveaux styles de vie
Les graves problèmes écologiques requièrent un changement effectif de mentalité qui induise à adopter un nouveau style de vie, « dans lequel les éléments qui déterminent les choix de consommation, d'épargne et d'investissement soient la recherche du vrai, du beau et du bon, ainsi que la communion avec les autres hommes pour une croissance commune ». Ces styles de vie doivent s'inspirer de la sobriété, de la tempérance, de l'autodiscipline, sur le plan personnel et social. Il faut sortir de la logique de la simple consommation et encourager des formes de production agricole et industrielle qui respectent l'ordre de la création et satisfassent les besoins primordiaux de tous. Une telle attitude, favorisée par une conscience renouvelée de l'interdépendance qui lie entre eux tous les habitants de la terre, concourt à éliminer diverses causes de désastres écologiques et garantit une capacité rapide de réponse quand ces désastres frappent des peuples et des territoires. La question écologique ne doit pas être affrontée seulement en raison des perspectives effrayantes que laisse entrevoir la dégradation environnementale; elle doit surtout constituer une forte motivation pour une solidarité authentique de dimension mondiale.
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L'attitude qui doit caractériser l'homme face à la création est essentiellement celle de la gratitude et de la reconnaissance: le monde, en effet, renvoie au mystère de Dieu qui l'a créé et le soutient. Mettre entre parenthèses la relation avec Dieu équivaut à vider la nature de sa signification profonde, en l'appauvrissant. Si, au contraire, on arrive à redécouvrir la nature dans sa dimension de créature, on peut établir avec elle un rapport de communication, saisir son sens évocateur et symbolique, pénétrer ainsi l'horizon du mystère, qui ouvre à l'homme le passage vers Dieu, Créateur du ciel et de la terre. Le monde s'offre au regard de l'homme comme trace de Dieu, lieu où se révèle sa puissance créatrice, providentielle et rédemptrice.
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ONZIÈME CHAPITRE
LA PROMOTION DE LA PAIX
I. ASPECTS BIBLIQUES
Avant même d'être un don de Dieu à l'homme et un projet humain conforme au dessein divin, la paix est avant tout un attribut essentiel de Dieu: « Yahvé-Paix » (Jg 6, 24). La création, qui est un reflet de la gloire divine, aspire à la paix. Dieu crée chaque chose et toute la création forme un ensemble harmonieux, bon en toutes ses parties (cf. Gn 1, 4.10.12. 18.21.25.31).
La paix se fonde sur la relation première entre chaque être humain et Dieu lui-même, une relation caractérisée par la droiture (cf. Gn 17, 1). À la suite de l'acte volontaire par lequel l'homme altère l'ordre divin, le monde connaît des épanchements de sang et la division: la violence se manifeste dans les rapports interpersonnels (cf. Gn 4, 1-16) et dans les rapports sociaux (cf. Gn 11, 1-9). La paix et la violence ne peuvent pas habiter dans la même demeure; Dieu ne peut résider là où se trouve la violence (cf. 1 Ch 22, 8-9).
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Dans la révélation biblique, la paix est beaucoup plus que la simple absence de guerre: elle représente la plénitude de la vie (cf. Ml 2, 5); loin d'être une construction humaine, c'est un don suprême de Dieu offert à tous les hommes, qui comporte l'obéissance au plan de Dieu. La paix est l'effet de la bénédiction de Dieu sur son peuple: « Que le Seigneur te découvre sa face et t'apporte la paix » (Nb 6, 26). Cette paix engendre fécondité (cf. Is 48, 19), bien-être (cf. Is 48, 18), prospérité (cf. Is 54, 13), absence de peur (cf. Lv 26, 6) et joie profonde (cf. Pr 12, 20).
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La paix est l'objectif de la coexistence sociale, comme cela apparaît de manière extraordinaire dans la vision messianique de la paix: quand tous les peuples se rendront dans la maison du Seigneur et qu'il leur indiquera ses voies, ils pourront marcher sur les sentiers de la paix (cf. Is 2, 2-5). Un monde nouveau de paix, qui embrasse toute la nature, est promis pour l'ère messianique (cf. Is 11, 6-9) et le Messie lui-même est qualifié de « Prince de la Paix » (Is 9, 5). Là où règne sa paix, là où elle est même partiellement anticipée, personne ne pourra plus plonger le peuple de Dieu dans la peur (cf. So 3, 13). La paix sera alors durable, car lorsque le roi gouverne selon la justice de Dieu, la rectitude fleurit et la paix abonde « jusqu'à la fin des lunes » (Ps 72, 7). Dieu aspire à donner la paix à son peuple: « Il annonce la paix pour ses peuples et ses amis, pourvu qu'ils reviennent à lui de tout leur cœur » (cf. Ps 85, 9). Le Psalmiste, écoutant ce que Dieu a à dire à son peuple sur la paix, entend ces paroles: « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent » (Ps 85, 11).
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La promesse de paix, qui parcourt tout l'Ancien Testament, trouve son accomplissement dans la Personne de Jésus. En effet, la paix est le bien messianique par excellence, dans lequel sont compris tous les autres biens salvifiques. Le mot hébreu « shalom », au sens étymologique de « complétude », exprime le concept de « paix » dans la plénitude de sa signification (cf. Is 9, 5s; Mi 5, 1-4). Le règne du Messie est précisément le règne de la paix (cf. Jb 25, 2; Ps 29, 11; 37, 11; 72, 3.7; 85, 9.11; 119, 165; 125, 5; 128, 6; 147, 14; Ct 8, 10; Is 26, 3.12; 32, 17s; 52, 7; 54, 10; 57, 19; 60, 17; 66, 12; Ag 2, 9; Za 9, 10 et alibi). Jésus « est notre paix » (Ep 2, 14), lui qui a abattu le mur de l'inimitié entre les hommes, en les réconciliant avec Dieu (cf. Ep 2, 14-16). Ainsi saint Paul, avec une simplicité très efficace, indique la raison radicale qui pousse les chrétiens à une vie et à une mission de paix.
À la veille de sa mort, Jésus parle de sa relation d'amour avec le Père et de la force unificatrice que cet amour répand sur les disciples; c'est un discours d'adieu qui montre le sens profond de sa vie et qui peut être considéré comme une synthèse de tout son enseignement. Le don de la paix scelle son testament spirituel: « Je vous laisse la paix; c'est ma paix que je vous donne; je ne vous la donne pas comme le monde la donne » (Jn 14, 27). Les paroles du Ressuscité ne résonneront pas autrement; chaque fois qu'il rencontrera les siens, ils recevront de lui le salut et le don de la paix: « Paix à vous! » (Lc 24, 36; Jn 20, 19.21.26).
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La paix du Christ est avant tout la réconciliation avec le Père, qui se réalise à travers la mission apostolique confiée par Jésus à ses disciples et qui commence par une annonce de paix: « En quelque maison que vous entriez, dites d'abord: “Paix à cette maison!” » (Lc 10, 5; cf. Rm 1, 7). La paix est ensuite réconciliation avec les frères, car Jésus, dans la prière qu'il nous a enseignée, le « Notre Père », associe le pardon demandé à Dieu au pardon accordé à nos frères: « Pardonne-nous nos offenses, comme nous les pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » (Mt 6, 12). Par cette double réconciliation, le chrétien peut devenir artisan de paix et avoir part ainsi au Royaume de Dieu, selon ce que proclame Jésus lui-même: « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9).
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L'action pour la paix n'est jamais dissociée de l'annonce de l'Évangile, qui est précisément la « bonne nouvelle de la paix » (Ac 10, 36; cf. Ep 6, 15), adressée à tous les hommes. Au centre de l'« évangile de la paix » (Ep 6, 15) demeure le mystère de la Croix, car la paix est inhérente au sacrifice du Christ (cf. Is 53, 5: « Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison »). Jésus crucifié a anéanti la division, en instaurant la paix et la réconciliation précisément « par la Croix: en sa personne il a tué la Haine » (Ep 2, 16), et en donnant aux hommes le salut de la Résurrection.
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II. LA PAIX: FRUIT DE LA JUSTICE ET DE LA CHARITÉ
La paix est une valeur 1015 et un devoir universels; elle trouve son fondement dans l'ordre rationnel et moral de la société dont les racines sont en Dieu lui-même, « source première de l'être, vérité essentielle et bien suprême ». La paix n'est pas simplement l'absence de guerre ni même un équilibre stable entre des forces adverses, mais elle se fonde sur une conception correcte de la personne humaine et requiert l'édification d'un ordre selon la justice et la charité.
La paix est le fruit de la justice (cf. Is 32, 17), comprise au sens large, comme le respect de l'équilibre de toutes les dimensions de la personne humaine. La paix est en danger quand l'homme se voit nier ce qui lui est dû en tant qu'homme, quand sa dignité n'est pas respectée et quand la coexistence n'est pas orientée vers le bien commun. Pour la construction d'une société pacifique et pour le développement intégral des individus, des peuples et des nations, la défense et la promotion des droits de l'homme sont essentielles.
La paix est aussi le fruit de l'amour: « La paix véritable et authentique est plus de l'ordre de la charité que de la justice, cette dernière ayant mission d'écarter les obstacles à la paix tels que les torts, les dommages, tandis que la paix est proprement et tout spécialement un acte de charité ».
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La paix se construit jour après jour dans la recherche de l'ordre voulu par Dieu, et elle ne peut fleurir que lorsque tous reconnaissent leurs responsabilités dans sa promotion. Pour prévenir les conflits et les violences, il est absolument nécessaire que la paix commence par être vécue comme une valeur profonde dans l'intimité de toute personne; ainsi elle peut se répandre dans les familles et dans les diverses formes d'agrégation sociale, jusqu'à impliquer la communauté politique tout entière. Dans un climat général de concorde et de respect de la justice, peut mûrir une authentique culture de paix, capable de se répandre aussi dans la Communauté internationale. La paix est donc « fruit d'un ordre inscrit dans la société humaine par son divin fondateur, et qui doit être réalisé par des hommes qui ne cessent d'aspirer à une justice plus parfaite ». Cet idéal de paix « ne peut s'obtenir sur terre sans la sauvegarde du bien des personnes, ni sans la libre et confiante communication entre les hommes des richesses de leur esprit et de leurs facultés créatrices ».
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