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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
La doctrine sociale dicte les critères fondamentaux de l'action pastorale dans le domaine social: annoncer l'Évangile; confronter le message évangélique avec les réalités sociales; programmer des actions visant à renouveler ces réalités en les conformant aux exigences de la morale chrétienne. Une nouvelle évangélisation du social requiert avant tout l'annonce de l'Évangile: Dieu en Jésus-Christ sauve tout homme et tout l'homme. Cette annonce révèle l'homme à lui-même et doit devenir le principe d'interprétation des réalités sociales. Dans l'annonce de l'Évangile, la dimension sociale est essentielle et incontournable, bien que n'étant pas la seule. Elle doit montrer l'inexorable fécondité du salut chrétien, même si une conformation parfaite et définitive des réalités sociales à l'Évangile ne pourra pas se réaliser dans l'histoire: aucun résultat, même le plus réussi, ne peut échapper aux limites de la liberté humaine et à la tension eschatologique de toute réalité créée.
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
L'action pastorale de l'Église dans le domaine social doit témoigner avant tout de la vérité sur l'homme. L'anthropologie chrétienne permet un discernement des problèmes sociaux auxquels on ne peut pas trouver de bonne solution si l'on ne protège pas le caractère transcendant de la personne humaine, pleinement révélé dans la foi. L'action sociale des chrétiens doit s'inspirer du principe fondamental de la centralité de l'homme. La proposition des grandes valeurs qui président à une coexistence ordonnée et féconde — vérité, justice, amour, liberté — découle de l'exigence de promouvoir l'identité intégrale de l'homme. La pastorale sociale œuvre afin que le renouveau de la vie publique soit lié à un respect effectif de ces valeurs. De la sorte, l'Église, grâce à son témoignage évangélique multiforme, vise à promouvoir la conscience du bien de tous et de chacun comme ressource inépuisable pour le développement de la vie sociale tout entière.
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
c) Doctrine sociale et formation
La doctrine sociale est un point de référence indispensable pour une formation chrétienne complète. L'insistance du Magistère à proposer cette doctrine comme source d'inspiration de l'apostolat et de l'action sociale vient de ce qu'il est persuadé qu'elle constitue une ressource extraordinaire pour la formation: « Il est tout à fait indispensable, en particulier, que les fidèles laïcs, surtout ceux qui sont engagés de diverses façons sur le terrain social ou politique, aient une connaissance plus précise de la doctrine sociale de l'Église ». Ce patrimoine doctrinal n'est ni enseigné ni connu de façon adéquate: c'est aussi la raison pour laquelle il ne se traduit pas de façon opportune dans les comportements concrets.
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
La valeur formative de la doctrine sociale doit être davantage reconnue dans l'activité catéchétique. La catéchèse est l'enseignement organique et systématique de la doctrine chrétienne, dispensé pour initier les croyants à la plénitude de la vie évangélique. Le but ultime de la catéchèse « est de mettre quelqu'un non seulement en contact mais en communion, en intimité avec Jésus-Christ », afin qu'il puisse reconnaître l'action de l'Esprit Saint, de qui provient le don de la vie nouvelle dans le Christ. Dans cette perspective de fond, dans son service d'éducation à la foi, la catéchèse ne doit pas omettre, mais « éclairer au contraire comme il convient (...) des réalités telles que l'action de l'homme pour sa libération intégrale, la recherche d'une société plus solidaire et plus fraternelle, les combats pour la justice et la construction de la paix ». À cette fin, il est nécessaire de procéder à une présentation intégrale du Magistère social, au niveau de son histoire, de ses contenus et de ses méthodologies. Une lecture directe des encycliques sociales, effectuée dans le contexte ecclésial, enrichit sa réception et son application, grâce à l'apport des diverses compétences et des professionnalismes présents dans la communauté.
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Surtout dans le contexte de la catéchèse, il est important que l'enseignement de la doctrine sociale soit orienté de façon à motiver l'action pour l'évangélisation et l'humanisation des réalités temporelles. Par cette doctrine, en effet, l'Église exprime un savoir théorique et pratique qui soutient l'effort de transformation de la vie sociale, pour la rendre toujours plus conforme au dessein divin. La catéchèse sociale tend à la formation d'hommes qui, respectueux de l'ordre moral, aiment la liberté authentique, des hommes qui, « à la lumière de la vérité, portent sur les choses un jugement personnel, agissent en esprit de responsabilité, et aspirent à tout ce qui est vrai et juste, en collaborant volontiers avec d'autres ». Le témoignage donné par le christianisme vécu acquiert une extraordinaire valeur formative: « La vie dans la sainteté, qui resplendit en de nombreux membres du peuple de Dieu, humbles et souvent cachés aux yeux des hommes, constitue le moyen le plus simple et le plus attrayant par lequel il est possible de percevoir immédiatement la beauté de la vérité, la force libérante de l'amour de Dieu, la valeur de la fidélité inconditionnelle à toutes les exigences de la Loi du Seigneur, même dans les circonstances les plus difficiles ».
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
On doit mettre la doctrine sociale à la base d'une œuvre intense et constante de formation, surtout de celle qui s'adresse aux chrétiens laïcs. Cette formation doit tenir compte de leur engagement dans la vie civile: « Il leur appartient, par leurs libres initiatives et sans attendre passivement consignes et directives, de pénétrer d'esprit chrétien la mentalité et les mœurs, les lois et les structures de leur communauté de vie ». Le premier niveau de l'œuvre de formation adressée aux chrétiens laïcs doit les rendre capables d'affronter efficacement les tâches quotidiennes dans les domaines culturels, sociaux, économiques et politiques, en développant en eux le sens du devoir pratiqué au service du bien commun. Un deuxième niveau concerne la formation de la conscience politique pour préparer les chrétiens laïcs à l'exercice du pouvoir politique: « Ceux qui sont, ou peuvent devenir, capables d'exercer l'art très difficile, mais aussi très noble, de la politique, doivent s'y préparer; qu'ils s'y livrent avec zèle, sans se soucier de leur intérêt personnel ni des avantages matériels ».
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Les institutions éducatives catholiques peuvent et doivent remplir un précieux service de formation, en s'engageant avec une sollicitude particulière en faveur de l'inculturation du message chrétien, c'est-à-dire de la rencontre féconde entre l'Évangile et les divers savoirs. La doctrine sociale est un instrument nécessaire pour éduquer efficacement et chrétiennement à l'amour, à la justice, à la paix, ainsi que pour faire mûrir la conscience des devoirs moraux et sociaux dans le contexte des diverses compétences culturelles et professionnelles.
Un important exemple d'institution formative est celui des « Semaines Sociales » des catholiques, que le Magistère a toujours encouragées. Elles constituent un lieu qualifié d'expression et de croissance des fidèles laïcs, capable de promouvoir, à un niveau élevé, leur contribution spécifique au renouveau de l'ordre temporel. Cette initiative, expérimentée depuis de nombreuses années dans différents pays, est un véritable laboratoire culturel où se communiquent et se confrontent des réflexions et des expériences, où s'étudient les problèmes inédits et où sont identifiées de nouvelles orientations pour l'action.
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Tout aussi important doit être l'engagement à utiliser la doctrine sociale dans la formation des prêtres et des candidats au sacerdoce qui, dans la perspective de la préparation ministérielle, doivent développer une connaissance qualifiée de l'enseignement et de l'action pastorale de l'Église dans le domaine social, ainsi qu'un vif intérêt pour les questions sociales de leur temps. Le document de la Congrégation pour l'Éducation Catholique intitulé « Orientations pour l'étude et l'enseignement de la doctrine sociale de l'Église dans la formation sacerdotale » offre des indications et des dispositions ponctuelles pour une orientation correcte et appropriée des études.
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d) Promouvoir le dialogue
La doctrine sociale est un instrument efficace de dialogue entre les communautés chrétiennes et la communauté civile et politique, un instrument apte à promouvoir et à inspirer des attitudes de collaboration correcte et féconde, selon des modalités adaptées aux circonstances. L'engagement des autorités civiles et politiques, appelées à servir la vocation personnelle et sociale de l'homme, selon leur compétence et avec leurs propres moyens, peut trouver dans la doctrine sociale de l'Église un important soutien et une riche source d'inspiration.
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
La doctrine sociale est un terrain fécond pour cultiver, au plan œcuménique, le dialogue et la collaboration, qui se réalisent en différents domaines sur une vaste échelle: la défense de la dignité des personnes humaines; la promotion de la paix; la lutte concrète et efficace contre les misères de notre temps, comme la faim et l'indigence, l'analphabétisme, la distribution non équitable des biens et le manque de logements. Cette coopération multiforme augmente la conscience de la fraternité dans le Christ et facilite le cheminement œcuménique.
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
À partir de la tradition commune de l'Ancien Testament, l'Église catholique sait qu'elle peut dialoguer avec ses frères les Juifs, notamment à travers sa doctrine sociale, pour construire ensemble un avenir de justice et de paix pour tous les hommes, fils de l'unique Dieu. Le patrimoine spirituel commun favorise la connaissance mutuelle et l'estime réciproque, sur la base desquelles peut grandir l'entente pour surmonter toute discrimination et pour la défense de la dignité humaine.
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
La doctrine sociale se caractérise aussi par un constant appel au dialogue entre tous les croyants des religions du monde, afin qu'ils sachent rechercher ensemble les formes les plus opportunes de collaboration: les religions ont un rôle important à jouer dans la réalisation de la paix, qui dépend de l'engagement commun pour le développement intégral de l'homme. Dans l'esprit des Rencontres de prière qui se sont tenues à Assise, l'Église continue d'inviter les croyants des autres religions au dialogue et à la promotion, en tout lieu, d'un témoignage efficace des valeurs communes à toute la famille humaine.
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e) Les sujets de la pastorale sociale
Dans l'accomplissement de sa mission, l'Église engage tout le peuple de Dieu. Selon ses différentes articulations et en chacun de ses membres, suivant les dons et les formes d'exercice propres à chaque vocation, le peuple de Dieu doit être fidèle au devoir d'annoncer et de témoigner l'Évangile (cf. 1 Co 9, 16), conscient que « la mission concerne tous les chrétiens ».
De même, l'œuvre pastorale dans le domaine social est destinée à tous les chrétiens, appelés à devenir des sujets actifs témoignant de la doctrine sociale et à s'insérer pleinement dans la tradition consolidée d'« activité féconde de millions et de millions d'hommes qui, stimulés par l'enseignement social de l'Église, se sont efforcés de s'en inspirer pour leur engagement dans le monde ». Les chrétiens d'aujourd'hui, en agissant individuellement, ou diversement coordonnés en groupes, associations et mouvements, doivent savoir se proposer comme « un grand mouvement pour la défense de la personne humaine et la protection de sa dignité ».
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Dans l'Église particulière, le premier responsable de la pastorale d'évangélisation du social est l'évêque, aidé par les prêtres, les religieux, les religieuses et les fidèles laïcs. Avec une référence particulière à la réalité locale, l'évêque a la responsabilité de promouvoir l'enseignement et la diffusion de la doctrine sociale, auxquels il pourvoit grâce à des institutions appropriées.
L'action pastorale de l'évêque doit trouver sa réalisation dans le ministère des prêtres qui participent à sa mission d'enseignement, de sanctification et de gouvernement de la communauté chrétienne. Par la programmation d'itinéraires opportuns de formation, le prêtre doit faire connaître la doctrine sociale et promouvoir dans les membres de sa communauté la conscience du droit et du devoir d'être des sujets actifs de cette doctrine. Grâce aux célébrations sacramentelles, en particulier de l'Eucharistie et de la Réconciliation, le prêtre aide les fidèles à vivre l'engagement social comme fruit du mystère salvifique. Il doit animer l'action pastorale dans le domaine social, en accordant une attention particulière à la formation et à l'accompagnement spirituels des fidèles engagés dans la vie sociale et politique. Le prêtre qui assure le service pastoral dans les diverses associations ecclésiales, en particulier dans celles de l'apostolat social, a pour tâche d'en favoriser la croissance par l'enseignement nécessaire de la doctrine sociale.
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
L'action pastorale dans le domaine social bénéficie aussi de l'œuvre des personnes consacrées, conformément à leur charisme; leurs témoignages lumineux, en particulier dans les situations de plus grande pauvreté, constituent pour tous un rappel aux valeurs de la sainteté et du service généreux envers le prochain. Le don total que les religieux font d'eux-mêmes s'offre notamment à la réflexion commune comme un signe emblématique et prophétique de la doctrine sociale: en se mettant totalement au service du mystère de la charité du Christ envers l'homme et envers le monde, les religieux anticipent et manifestent par leur vie certains traits de l'humanité nouvelle que la doctrine sociale veut promouvoir. Les personnes consacrées dans la chasteté, la pauvreté et l'obéissance se mettent au service de la charité pastorale, surtout par la prière, grâce à laquelle elles contemplent le projet de Dieu sur le monde et supplient le Seigneur afin qu'il ouvre le cœur de tout homme pour qu'il accueille en lui le don de l'humanité nouvelle, prix du sacrifice du Christ.
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II. DOCTRINE SOCIALE ET ENGAGEMENT DES FIDÈLES LAÏCS
a) Le fidèle laïc
La caractéristique essentielle des fidèles laïcs, qui travaillent dans la vigne du Seigneur (cf. Mt 20, 1-16), est la nature séculière de leur sequela Christi, qui se réalise précisément dans le monde: « C'est [aux laïcs] qu'il revient, d'une manière particulière, d'éclairer et d'orienter toutes les réalités temporelles ». Par le Baptême, les laïcs sont insérés dans le Christ et rendus participants de sa vie et de sa mission selon leur identité particulière: « Sous le nom de laïcs, on entend (...) l'ensemble des chrétiens qui ne sont pas membres de l'ordre sacré et de l'état religieux sanctionné dans l'Église, c'est-à-dire les chrétiens qui, étant incorporés au Christ par le baptême, intégrés au peuple de Dieu, faits participants à leur manière de la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, exercent pour leur part, dans l'Église et dans le monde, la mission qui est celle de tout le peuple chrétien ».
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L'identité du fidèle laïc naît et se nourrit des sacrements: du Baptême, de la Confirmation et de l'Eucharistie. Le Baptême conforme au Christ, Fils du Père, premier-né de toute créature, envoyé comme Maître et Rédempteur à tous les hommes. La Confirmation configure au Christ, envoyé pour vivifier la création et tout être par l'effusion de son Esprit. L'Eucharistie fait participer le croyant au sacrifice unique et parfait que le Christ a offert au Père, dans sa chair même, pour le salut du monde.
Le fidèle laïc est disciple du Christ à partir des sacrements et en vertu de ceux-ci, c'est-à-dire en vertu de ce que Dieu a accompli en lui, en lui imprimant l'image même de son Fils, Jésus-Christ. C'est de ce don divin de grâce, et non pas de concessions humaines, que naît le triple « munus » (don et devoir) qui confère au laïc les qualités de prophète, prêtre et roi, selon son caractère séculier.
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Il revient au fidèle laïc d'annoncer l'Évangile par un témoignage de vie exemplaire, enraciné dans le Christ et vécu dans les réalités temporelles: famille, engagement dans le cadre du travail, de la culture, de la science et de la recherche; exercice des responsabilités sociales, économiques et politiques. Toutes les réalités humaines séculières, personnelles et sociales, les milieux et les situations historiques, les structures et les institutions, sont le lieu spécifique de la vie et de l'action des chrétiens laïcs. Ces réalités sont les destinataires de l'amour de Dieu; l'engagement des fidèles laïcs doit correspondre à cette vision et se qualifier comme expression de la charité évangélique: « L'être et l'agir dans le monde sont pour les fidèles laïcs une réalité non seulement anthropologique et sociologique, mais encore et spécifiquement théologique et ecclésiale ».
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Le témoignage du fidèle laïc naît d'un don de grâce, reconnu, cultivé et porté à maturation. C'est cette motivation qui rend significatif son engagement dans le monde et le situe aux antipodes de la mystique de l'action, propre à l'humanisme athée, privée de tout fondement ultime et circonscrite à des perspectives purement temporelles. L'horizon eschatologique est la clef qui permet de comprendre correctement les réalités humaines: dans la perspective des biens définitifs, le fidèle laïc est en mesure d'orienter authentiquement son activité terrestre. Le niveau de vie et la plus grande productivité économique ne sont pas les seuls indicateurs valables pour mesurer la pleine réalisation de l'homme en cette vie et valent encore moins s'ils se réfèrent à la vie future: « L'homme, en effet, n'est pas limité aux seuls horizons terrestres, mais, vivant dans l'histoire humaine, il conserve intégralement sa vocation éternelle ».
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b) La spiritualité du fidèle laïc
Les fidèles laïcs sont appelés à cultiver une authentique spiritualité laïque, qui les régénère en hommes et femmes nouveaux, immergés dans le mystère de Dieu et insérés dans la société, saints et sanctificateurs. Une telle spiritualité édifie le monde selon l'Esprit de Jésus: elle rend capable de regarder au-delà de l'histoire, sans s'en éloigner; de cultiver un amour passionné pour Dieu, sans détourner le regard des frères, que l'on perçoit, au contraire, tels que les voit le Seigneur et que l'on aime comme il les aime. C'est une spiritualité qui est étrangère aussi bien au spiritualisme intimiste qu'à l'activisme social et qui sait s'exprimer en une synthèse vitale qui confère unité, sens et espérance à l'existence, si contradictoire et fragmentée pour bien des raisons. Animés de cette spiritualité, les fidèles laïcs peuvent contribuer, « comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d'un ferment, en exerçant leurs propres charges sous la conduite de l'esprit évangélique, et (...) manifester le Christ aux autres avant tout par le témoignage de leur vie ».
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Les fidèles laïcs doivent fortifier leur vie spirituelle et morale, en faisant mûrir les compétences requises pour l'accomplissement de leurs devoirs sociaux. L'approfondissement des motivations intérieures et l'acquisition du style approprié à l'engagement dans le domaine social et politique sont le fruit d'un parcours dynamique et permanent de formation, visant avant tout à réaliser une harmonie entre la vie, dans sa complexité, et la foi. Dans l'expérience du croyant, en effet, « il ne peut y avoir deux vies parallèles: d'un côté, la vie qu'on nomme “spirituelle” avec ses valeurs et ses exigences; et de l'autre, la vie dite “séculière”, c'est-à-dire la vie de famille, de travail, de rapports sociaux, d'engagement politique, d'activités culturelles ».
La synthèse entre foi et vie requiert un cheminement savamment rythmé par les éléments qui qualifient l'itinéraire chrétien: la référence à la Parole de Dieu; la célébration liturgique du mystère chrétien; la prière personnelle; l'expérience ecclésiale authentique, qu'enrichit le service particulier de formation assuré par de sages guides spirituels; l'exercice des vertus sociales et l'effort soutenu de formation culturelle et professionnelle.
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c) Agir avec prudence
Le fidèle laïc doit agir selon les exigences dictées par la prudence: c'est la vertu qui dispose à discerner en toute circonstance le vrai bien et à choisir les moyens adéquats pour l'accomplir. Grâce à elle, les principes moraux s'appliquent correctement aux cas particuliers. La prudence comporte trois temps: elle clarifie la situation et l'évalue, elle inspire la décision et elle donne l'impulsion à l'action. Le premier moment est caractérisé par la réflexion et la consultation pour étudier le sujet en se prévalant des avis nécessaires; le deuxième est le moment d'évaluation de l'analyse et du jugement sur la réalité à la lumière du projet de Dieu; le troisième moment est celui de la décision et se base sur les phases précédentes, qui rendent possible le discernement entre les actions à accomplir.
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La prudence rend capable de prendre des décisions cohérentes, avec réalisme et sens de responsabilité quant aux conséquences de ses actions. La vision très répandue qui identifie la prudence à l'astuce, au calcul utilitariste, à la méfiance, ou encore à la crainte et à l'indécision, est très éloignée de la juste conception de cette vertu caractéristique de la raison pratique, qui aide à décider avec sagesse et courage des actions à accomplir, en devenant la mesure des autres vertus. La prudence affirme le bien comme devoir et montre la façon par laquelle la personne se détermine à l'accomplir. En définitive, c'est une vertu qui exige l'exercice mûr de la pensée et de la responsabilité, dans la connaissance objective de la situation et avec la volonté droite qui conduit à la décision.
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d) Doctrine sociale et expérience associative
La doctrine sociale de l'Église doit faire partie intégrante de l'itinéraire de formation du fidèle laïc. L'expérience démontre que le travail de formation est possible, normalement, à l'intérieur des associations de fidèles laïcs dans l'Église, qui répondent à des critères précis d'ecclésialité: « Les groupes, les associations et les mouvements ont leur place dans la formation des fidèles laïcs: ils ont, en effet, chacun avec leurs méthodes propres, la possibilité d'offrir une formation profondément ancrée dans l'expérience même de la vie apostolique; ils ont également l'occasion de compléter, de concrétiser et de spécifier la formation que leurs membres reçoivent d'autres maîtres ou d'autres communautés ». La doctrine sociale de l'Église soutient et éclaire le rôle des associations, des mouvements et des groupes laïcs engagés à vivifier chrétiennement les différents secteurs de l'ordre temporel: « La communion ecclésiale, déjà présente et opérante dans l'action de chaque personne, trouve une expression spécifique dans l'action en commun des fidèles laïcs, c'est-à-dire une action solidaire menée dans une participation responsable à la vie et à la mission de l'Église ».
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La doctrine sociale de l'Église est très importante pour les associations ecclésiales, qui ont pour objectif de leur engagement l'action pastorale dans le domaine social. Elles constituent un point de référence privilégié dans la mesure où elles œuvrent dans la vie sociale conformément à leur physionomie ecclésiale et démontrent, de la sorte, l'importance de la valeur de la prière, de la réflexion et du dialogue pour affronter les réalités sociales et pour les améliorer. En tout cas, la distinction reste valable « entre les actions que les fidèles, isolément ou en groupe, posent en leur nom propre comme citoyens, guidés par leur conscience chrétienne, et les actions qu'ils mènent au nom de l'Église, en union avec leurs pasteurs ».
Les associations de catégorie, qui regroupent leurs adhérents au nom de la vocation et de la mission chrétiennes au sein d'un milieu professionnel ou culturel déterminé, peuvent elles aussi accomplir un précieux travail de maturation chrétienne. Par exemple, une association catholique de médecins forme ses adhérents grâce à l'exercice du discernement face aux nombreux problèmes que la science médicale, la biologie et d'autres sciences posent à la compétence professionnelle du médecin, mais aussi à sa conscience et à sa foi. On pourra en dire autant d'associations d'enseignants catholiques, de juristes, d'entrepreneurs, de travailleurs, mais aussi de sportifs, d'écologistes... C'est dans ce contexte que la doctrine sociale révèle son efficacité quant à la formation de la conscience de chaque personne et de la culture d'un pays.
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e) Le service dans les différents milieux de la vie sociale
La présence du fidèle laïc dans le domaine social est caractérisée par le service — signe et expression de la charité — qui se manifeste dans la vie familiale, culturelle, professionnelle, économique, politique, sous des angles spécifiques. En obtempérant aux diverses exigences de leur domaine d'engagement particulier, les fidèles laïcs expriment la vérité de leur foi et, en même temps, la vérité de la doctrine sociale de l'Église, qui est pleinement réalisée lorsqu'elle est vécue en termes concrets afin de résoudre les problèmes sociaux. La crédibilité même de la doctrine sociale réside en effet dans le témoignage des œuvres, avant même que dans sa cohérence et dans sa logique internes.
Entrés dans le troisième millénaire de l'ère chrétienne, les fidèles laïcs s'ouvriront par leur témoignage à tous les hommes avec lesquels ils se chargeront des appels les plus pressants de notre temps: « Tirées des trésors de la doctrine de l'Église, les propositions que ce saint Synode vient de formuler ont pour but d'aider tous les hommes de notre temps, qu'ils croient en Dieu ou qu'ils ne le reconnaissent pas explicitement, à percevoir avec une plus grande clarté la plénitude de leur vocation, à rendre le monde plus conforme à l'éminente dignité de l'homme, à rechercher une fraternité universelle, appuyée sur des fondements plus profonds, et, sous l'impulsion de l'amour, à répondre généreusement et d'un commun effort aux appels les plus pressants de notre époque ».
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1. Le service à la personne humaine
Parmi les domaines de l'engagement social des fidèles laïcs, se distingue avant tout le service rendu à la personne humaine: la promotion de la dignité de chaque personne, le bien le plus précieux que possède l'homme, est « une tâche essentielle et même, en un certain sens, la tâche centrale et unifiante du service que l'Église, et en elle les fidèles laïcs, est appelée à rendre à la famille des hommes ».
La première forme sous laquelle se réalise cette tâche consiste dans l'engagement et dans l'effort pour le renouvellement intérieur de chacun, car l'histoire de l'humanité n'est pas mue par un déterminisme impersonnel, mais par une constellation de sujets dont les actes libres influent sur l'ordre social. Les institutions sociales ne garantissent pas d'elles-mêmes, de façon presque mécanique, le bien de tous: « Une complète rénovation de [l'] esprit chrétien » doit précéder l'engagement des hommes à améliorer la société « selon l'esprit de l'Église, fortement unis par la justice et la charité sociale ».
De la conversation du cœur jaillit la sollicitude pour l'homme aimé comme un frère. Cette sollicitude fait considérer comme une obligation l'engagement à restaurer les institutions, les structures et les conditions de vie contraires à la dignité humaine. Les fidèles laïcs doivent donc œuvrer simultanément pour la conversion des cœurs et pour l'amélioration des structures, en tenant compte de la situation historique et en utilisant des moyens licites pour la création d'institutions au sein desquelles la dignité de tous les hommes soit vraiment respectée et promue.
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
La promotion de la dignité humaine implique avant tout l'affirmation du droit inviolable à la vie — depuis le moment de la conception jusqu'à la mort naturelle —, le premier de tous les droits et la condition de tous les autres droits de la personne. Le respect de la dignité personnelle exige, en outre, la reconnaissance de la dimension religieuse de l'homme, qui n'est pas « une exigence simplement “confessionnelle”, mais bien une exigence qui trouve sa racine indestructible dans la réalité même de l'homme ». La reconnaissance effective du droit à la liberté de conscience et à la liberté religieuse est un des biens les plus élevés et l'un des devoirs les plus graves de chaque peuple qui veuille vraiment assurer le bien de la personne et de la société. Dans le contexte culturel actuel, l'engagement à défendre le mariage et la famille revêt une urgence particulière, et il ne peut être rempli de façon adéquate que si l'on est convaincu de la valeur unique et irremplaçable de ces réalités pour le développement authentique de la coexistence humaine.
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2. Le service à la culture
La culture doit constituer un domaine privilégié de présence et d'engagement pour l'Église et pour chaque chrétien. La séparation entre la foi chrétienne et la vie quotidienne est considérée par le Concile Vatican II comme une des erreurs les plus graves de notre temps. La disparition de l'horizon métaphysique, la perte de la nostalgie de Dieu dans le narcissisme auto-référentiel et dans la profusion des moyens d'un style de vie typique de la société de consommation, la primauté accordée à la technologie et à la recherche scientifique comme fin en soi, l'accent mis sur l'apparence, la recherche de l'image, des techniques de communication: tous ces phénomènes doivent être compris sous leurs aspects culturels et mis en rapport avec le thème central de la personne humaine, de sa croissance intégrale, de sa capacité de communication et de relation avec les autres hommes, de son interrogation continuelle sur les grandes questions qui traversent l'existence. Il faut avoir présent à l'esprit que « la culture est ce par quoi l'homme en tant qu'homme devient davantage homme, “est” davantage, accède davantage à l'“être” ».
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Un domaine particulier d'engagement des fidèles laïcs doit être la promotion d'une culture sociale et politique inspirée de l'Évangile. L'histoire récente a montré la faiblesse et l'échec radical de perspectives culturelles longtemps communes et prédominantes, en particulier au niveau social et politique. En ce domaine, en particulier durant les décennies qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, les catholiques, dans différents pays, ont su réaliser un engagement de grande valeur qui témoigne aujourd'hui, avec une évidence toujours plus grande, de la consistance de leur inspiration et de leur patrimoine de valeurs. En effet, l'engagement social et politique des catholiques n'est jamais limité à la seule transformation des structures, car il est basé sur une culture ouverte aux exigences dérivant de la foi et de la morale, dont il rend compte, en en faisant le fondement et l'objectif de projets concrets. Quand cette conscience vient à manquer, les catholiques se condamnent eux-mêmes à la diaspora culturelle et rendent leurs propositions insuffisantes et réductrices. Présenter en termes culturels actuels le patrimoine de la Tradition catholique — ses valeurs, ses contenus, l'ensemble de l'héritage spirituel, intellectuel et moral du catholicisme — est aujourd'hui encore l'urgence prioritaire. La foi en Jésus- Christ, qui s'est défini lui-même comme « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6), pousse les chrétiens à se lancer avec un engagement toujours renouvelé dans la construction d'une culture sociale et politique inspirée de l'Évangile.
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