Lecture des documents de reference

5430 paragraphe(s) trié(s) par refdoc ASC.





Source / Auteur
contenu
Reference

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
IV. LE SYSTÈME DE LA DÉMOCRATIE
L'encyclique « Centesimus annus » renferme un jugement explicite et structuré sur la démocratie: « L'Église apprécie le système démocratique, comme système qui assure la participation des citoyens aux choix politiques et garantit aux gouvernés la possibilité de choisir et de contrôler leurs gouvernants, ou de les remplacer de manière pacifique lorsque cela s'avère opportun. Cependant, l'Église ne peut approuver la constitution de groupes dirigeants restreints qui usurpent le pouvoir de l'État au profit de leurs intérêts particuliers ou à des fins idéologiques. Une démocratie authentique n'est possible que dans un État de droit et sur la base d'une conception correcte de la personne humaine. Elle requiert la réalisation des conditions nécessaires pour la promotion des personnes, par l'éducation et la formation à un vrai idéal, et aussi l'épanouissement de la “personnalité” de la société, par la création de structures de participation et de coresponsabilité ».
406

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
a) Les valeurs de la démocratie
Une démocratie authentique n'est pas seulement le résultat d'un respect formel de règles, mais le fruit de l'acceptation convaincue des valeurs qui inspirent les procédures démocratiques: la dignité de chaque personne humaine, le respect des droits de l'homme, le « bien commun » comme fin et critère de régulation de la vie politique. S'il n'existe pas de consensus général sur de telles valeurs, la signification de la démocratie se perd et sa stabilité est compromise.
La doctrine sociale identifie le relativisme éthique comme l'un des risques majeurs pour les démocraties actuelles, lequel induit à estimer qu'il n'existe pas de critère objectif et universel pour établir le fondement et la hiérarchie correcte des valeurs: « On tend à affirmer aujourd'hui que l'agnosticisme et le relativisme sceptique représentent la philosophie et l'attitude fondamentale accordées aux formes démocratiques de la vie politique, et que ceux qui sont convaincus de connaître la vérité et qui lui donnent une ferme adhésion ne sont pas dignes de confiance du point de vue démocratique, parce qu'ils n'acceptent pas que la vérité soit déterminée par la majorité, ou bien qu'elle diffère selon les divers équilibres politiques. À ce propos, il faut observer que, s'il n'existe aucune vérité dernière qui guide et oriente l'action politique, les idées et les convictions peuvent être facilement exploitées au profit du pouvoir. Une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois, comme le montre l'histoire ». Fondamentalement, la démocratie est « un “système” et, comme tel, un instrument et non pas une fin. Son caractère “moral” n'est pas automatique, mais dépend de la conformité à la loi morale, à laquelle la démocratie doit être soumise comme tout comportement humain: il dépend donc de la moralité des fins poursuivies et des moyens utilisés ».
407

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
b) Institutions et démocratie
Le Magistère reconnaît la valeur du principe relatif à la division
des pouvoirs au sein d'un État: « Il est préférable que tout pouvoir soit équilibré par d'autres pouvoirs et par d'autres compétences qui le maintiennent dans de justes limites. C'est là le principe de l'“État de droit”, dans lequel la souveraineté appartient à la loi et non pas aux volontés arbitraires des hommes ».
Dans le système démocratique, l'autorité politique est responsable face au peuple. Les organismes représentatifs doivent être soumis à un contrôle effectif par le corps social. Ce contrôle est possible avant tout grâce à des élections libres, qui permettent de choisir et de remplacer les représentants. L'obligation, pour les élus, de rendre compte de leur action, et qui est garantie par le respect des échéances électorales, est un élément constitutif de la représentation démocratique.
408

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Dans leur domaine spécifique (élaboration des lois, activité gouvernementale et contrôle de celle-ci), les élus doivent s'engager à rechercher et à mettre en œuvre ce qui peut contribuer à la bonne marche de la communauté humaine dans son ensemble. L'obligation qu'ont les gouvernants de répondre aux gouvernés n'implique absolument pas que les représentants soient de simples agents passifs des électeurs. Le contrôle exercé par les citoyens n'exclut pas, en effet, la liberté nécessaire dont les élus doivent jouir dans l'accomplissement de leur mandat en rapport avec les objectifs à poursuivre: ceux-ci ne dépendent pas exclusivement d'intérêts partisans, mais, dans une bien plus grande mesure, de la fonction de synthèse et de médiation en vue du bien commun, qui constitue une des finalités essentielles et incontournables de l'autorité politique.
409

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
c) Les éléments moraux de la représentation politique
Ceux qui exercent des responsabilités politiques ne doivent pas oublier ou sous-évaluer la dimension morale de la représentation, qui consiste dans l'engagement à partager le sort du peuple et à chercher la solution des problèmes sociaux. Dans cette perspective, autorité responsable signifie aussi autorité exercée en faisant appel aux vertus qui favorisent la pratique
du pouvoir dans un esprit de service (patience, modestie, modération, charité, effort de partage); une autorité exercée par des personnes capables d'assumer de façon authentique le bien commun comme finalité de leurs propres actions, et non pas le prestige ou l'obtention d'avantages personnels.
410

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Parmi les déformations du système démocratique, la corruption politique est une des plus graves, car elle trahit à la fois les principes de la morale et les normes de la justice sociale; elle compromet le fonctionnement correct de l'État, en influant négativement sur le rapport entre les gouvernants et les gouvernés; elle introduit une méfiance croissante à l'égard des institutions publiques en causant une désaffection progressive des citoyens vis-à-vis de la politique et de ses représentants, ce qui entraîne l'affaiblissement des institutions. La corruption déforme à la racine le rôle des institutions représentatives, car elle les utilise comme un terrain d'échange politique entre requêtes clientélistes et prestations des gouvernants. De la sorte, les choix politiques favorisent les objectifs restreints de ceux qui possèdent les moyens de les influencer et empêchent la réalisation du bien commun de tous les citoyens.
411

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
L'administration publique, à quelque niveau que ce soit — national, régional, communal —, comme instrument de l'État, a pour finalité de servir les citoyens: « Placé au service des citoyens, l'État est le gérant des biens du peuple, qu'il doit administrer en vue du bien commun ».844 Cette
perspective est contrastée par l'excès de bureaucratisation qui se vérifie lorsque « les institutions, qui deviennent compliquées dans leur organisation et prétendent gérer tout domaine disponible, finissent par être neutralisées par un fonctionnarisme impersonnel, une bureaucratie exagérée, des intérêts privés excessifs, un désintéressement facile et généralisé ». Le rôle de ceux qui travaillent dans l'administration publique ne doit pas être conçu comme quelque chose d'impersonnel et de bureaucratique, mais plutôt comme une aide prévenante pour les citoyens, exercée dans un esprit de service.
412

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
d) Instruments de participation politique
Les partis politiques ont le devoir de favoriser une large participation et l'accès de tous aux responsabilités publiques. Les partis sont appelés à interpréter les aspirations de la société civile en les orientant vers le bien commun et en offrant aux citoyens la possibilité effective de concourir à la formation des choix politiques. Les partis doivent être démocratiques en leur sein, capables de synthèse politique et de programmation.
Un autre instrument de la participation politique est le referendum où se réalise une forme directe d'accès aux choix politiques. L'institution de la représentation n'exclut pas, en effet, que les citoyens puissent être directement interpellés sur les choix de grande importance pour la vie sociale.
413

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
e) Information et démocratie
L'information figure parmi les principaux instruments de participation démocratique. Aucune participation n'est pensable sans la connaissance des problèmes de la communauté politique, des données de fait et des diverses propositions de solution. Il faut assurer un pluralisme réel dans ce secteur délicat de la vie sociale, en garantissant une multiplicité de formes et d'instruments dans le domaine de l'information et de la communication et en facilitant les conditions d'égalité dans la possession et l'utilisation de ces instruments grâce à des lois appropriées. Parmi les obstacles qui entravent la pleine réalisation du droit à l'objectivité dans l'information, le phénomène des concentrations médiatiques dans les secteurs de la publication et de la télévision mérite une attention particulière. Ses effets s'avèrent dangereux pour l'ensemble du système démocratique quand ce phénomène s'accompagne de liens toujours plus étroits entre l'activité gouvernementale, les pouvoirs financiers et l'information.
414

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Les moyens de communication sociale doivent être utilisés pour édifier et soutenir la communauté humaine dans les différents secteurs, économique, politique, culturel, éducatif, religieux: « L'information médiatique est au service du bien commun. La société a droit à une information fondée sur la vérité, la liberté, la justice, et la solidarité ».
La question essentielle à propos du système d'information actuel est de savoir s'il contribue à rendre la personne humaine vraiment meilleure, c'est-à-dire spirituellement plus mûre, plus consciente de la dignité de son humanité, plus responsable et plus ouverte aux autres, en particulier aux plus nécessiteux et aux plus faibles. Un autre aspect de grande importance est la nécessité pour les nouvelles technologies de respecter les différences culturelles légitimes.
415

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Dans le monde des moyens de communication sociale, les difficultés intrinsèques de la communication sont souvent exagérées par l'idéologie, par le désir de profit et de contrôle politique, par des rivalités et des conflits entre groupes, et par d'autres maux sociaux. Les valeurs et les principes moraux valent aussi pour le secteur des communications sociales: « La dimension éthique ne se rapporte pas seulement au contenu de la communication (le message) et au processus de communication (la façon dont est faite la communication), mais également à des questions de structures et de systèmes fondamentaux, concernant souvent des questions importantes de politiques ayant une influence sur la distribution de technologies et de produits sophistiqués (qui détiendra un grand nombre d'information, et qui en aura peu?) ».
Dans ces trois secteurs — du message, du processus et des questions structurelles — un principe moral fondamental est toujours valable: la personne et la communauté humaines sont la fin et la mesure de l'usage des moyens de communication sociale. Un second principe est complémentaire au premier: le bien des personnes ne peut pas se réaliser indépendamment du bien commun des communautés auxquelles appartiennent les personnes. Une participation au processus décisionnel concernant la politique des communications est nécessaire. Cette participation, sous forme publique, doit être véritablement représentative et ne doit pas tendre à favoriser des groupes particuliers, comme dans le cas où les moyens de communication sociale poursuivent des buts lucratifs.
416

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
V. LA COMMUNAUTÉ POLITIQUE AU SERVICE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE
a) La valeur de la société civile
La communauté politique est constituée pour être au service de la société civile, dont elle découle. L'Église a contribué à la distinction entre communauté politique et société civile, surtout avec sa vision de l'homme, conçu comme être autonome, relationnel, ouvert à la Transcendance, vision en opposition avec aussi bien les idéologies politiques de style individualiste qu'avec celles totalitaires tendant à absorber la société civile dans la sphère de l'État. L'engagement de l'Église en faveur du pluralisme social vise à poursuivre une réalisation plus adéquate du bien commun et de la démocratie, selon les principes de la solidarité, de la subsidiarité et de la justice.
La société civile est un ensemble de relations et de ressources, culturelles et associatives, relativement autonomes par rapport au milieu politique et au milieu économique: « La fin de la société civile embrasse universellement tous les citoyens. Elle réside dans le bien commun, c'est-à-dire dans un bien auquel tous et chacun ont le droit de participer dans une mesure proportionnelle ». Elle est caractérisée par une capacité de projet propre, qui tend à favoriser une vie sociale plus libre et plus juste, où différents groupes de citoyens s'associent, en se mobilisant pour élaborer et exprimer leurs orientations, pour faire face à leurs besoins fondamentaux et pour défendre des intérêts légitimes.
417

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
b) La primauté de la société civile
La communauté politique et la société civile, bien que réciproquement reliées et interdépendantes, ne sont pas égales dans la hiérarchie des fins. La communauté politique est essentiellement au service de la société civile et, en dernière analyse, des personnes et des groupes qui la composent. La société civile ne peut donc pas être considérée comme un appendice ou une variable de la communauté politique: au contraire, elle a la prééminence, car c'est dans la société civile même que l'existence de la communauté politique trouve sa justification.
L'État doit fournir un cadre juridique adapté au libre exercice des activités des sujets sociaux et être prêt à intervenir, lorsque c'est nécessaire et en respectant le principe de subsidiarité, pour orienter vers le bien commun la dialectique entre les libres associations actives dans la vie démocratique. La société civile est composite et fragmentée, non privée d'ambiguïtés et de contradictions: elle est aussi un lieu de conflit entre des intérêts divergents, avec le risque que le plus fort prévale sur le plus faible.
418

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
c) L'application du principe de subsidiarité
La communauté politique est tenue de régler ses rapports vis-à-vis de la société civile selon le principe de subsidiarité: il est essentiel que la croissance de la vie démocratique prenne naissance dans le tissu social. Les activités de la société civile — surtout le volontariat et la coopération dans le domaine du privé-social, défini de façon synthétique comme « secteur tertiaire » pour le distinguer des domaines de l'État et du marché — constituent les modalités les plus adéquates pour développer la dimension sociale de la personne, qui peut trouver dans ces activités un espace pour s'exprimer de façon complète. L'expansion progressive des initiatives sociales en dehors de la sphère de l'État crée de nouveaux espaces pour la présence active et pour l'action directe des citoyens, en intégrant les fonctions exécutées par l'État. Cet important phénomène s'est souvent réalisé par des voies et avec des instruments largement informels, en donnant vie à des modalités nouvelles et positives d'exercice des droits de la personne, qui enrichissent qualitativement la vie démocratique.
419

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
La coopération, notamment sous ses formes les moins structurées, apparaît comme une des réponses les plus fortes à la logique du conflit et de la concurrence sans limites qui prévaut aujourd'hui. Les rapports qui s'instaurent dans un climat de coopération et de solidarité dépassent les divisions idéologiques, en incitant à la recherche de ce qui unit au-delà de ce qui divise.
De nombreuses expériences de volontariat constituent un autre exemple de grande valeur, qui incite à voir la société civile comme un lieu où la recomposition d'une éthique publique centrée sur la solidarité, sur la collaboration concrète et sur le dialogue fraternel est toujours possible. Tous sont appelés à considérer avec confiance les potentialités qui se manifestent ainsi et à œuvrer personnellement pour le bien de la communauté en général et pour celui des plus faibles et des plus nécessiteux en particulier. C'est également ainsi que s'affirme le principe de « la “personnalité” de la société ».
420

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
VI. L'ÉTAT ET LES COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES
A) LA LIBERTÉ RELIGIEUSE, UN DROIT HUMAIN FONDAMENTAL
Le Concile Vatican II a engagé l'Église catholique dans la promotion de la liberté religieuse. La Déclaration « Dignitatis humanae » précise, dans son sous-titre, qu'elle entend proclamer le « droit de la personne et des communautés à la liberté sociale et civile en matière religieuse ». Afin que cette liberté voulue par Dieu et inscrite dans la nature humaine puisse s'exercer, elle ne doit pas être entravée, étant donné que « la vérité ne s'impose que par la force de la vérité elle-même ». La dignité de la personne et la nature même de la recherche de Dieu exigent pour tous les hommes l'immunité de toute coercition dans le domaine religieux. La société et l'État ne doivent pas contraindre une personne à agir contre sa conscience, ni l'empêcher d'agir en conformité à celle-ci. La liberté religieuse n'est pas une licence morale d'adhérer à l'erreur, ni un droit implicite à l'erreur.
421

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
La liberté de conscience et de religion « concerne l'homme individuellement et socialement ». Le droit à la liberté religieuse doit être reconnu dans l'ordre juridique et sanctionné comme droit civil, mais il n'est pas en soi un droit illimité. Les justes limites à l'exercice de la liberté religieuse doivent être déterminées pour chaque situation sociale avec la prudence politique, selon les exigences du bien commun, et ratifiées par l'autorité civile à travers des normes juridiques conformes à l'ordre moral objectif. Ces normes « sont requises par l'efficace sauvegarde des droits de tous les citoyens et l'harmonisation pacifique de ces droits, et par un souci adéquat de cette authentique paix publique qui consiste dans une vie vécue en commun sur la base d'une vraie justice, ainsi que par la protection due à la moralité publique ».
422

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
En raison de ses liens historiques et culturels avec une nation, une communauté religieuse peut recevoir une reconnaissance spéciale de la part de l'État: cette reconnaissance ne doit en aucune façon engendrer une discrimination d'ordre civil ou social pour d'autres groupes religieux. La vision des rapports entre les États et les organisations religieuses, développée par le Concile Vatican II, correspond aux exigences de l'État de droit et aux normes du droit international. L'Église est bien consciente que cette vision n'est pas partagée par tous: le droit à la liberté religieuse, hélas, « est violé par de nombreux États au point que donner, faire donner la catéchèse ou la recevoir devient un délit passible de sanction ».
423

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
B) ÉGLISE CATHOLIQUE ET COMMUNAUTÉ POLITIQUE
a) Autonomie et indépendance
L'Église et la communauté politique, bien que s'exprimant toutes deux à travers des structures d'organisation visibles, sont de nature différente, tant par leur configuration que par les finalités qu'elles poursuivent. Le Concile Vatican II a solennellement réaffirmé: « Sur le terrain qui leur est propre, la communauté politique et l'Église sont indépendantes l'une de l'autre et autonomes ». L'Église s'organise selon des formes aptes à satisfaire les exigences spirituelles de ses fidèles, tandis que les différentes communautés politiques engendrent des rapports et des institutions au service de tout ce qui concerne le bien commun temporel. L'autonomie et l'indépendance de ces deux entités apparaissent clairement, surtout dans l'ordre des fins.
Le devoir de respecter la liberté religieuse impose à la communauté politique de garantir à l'Église l'espace d'action nécessaire. Par ailleurs, l'Église n'a pas un domaine de compétence spécifique en ce qui concerne la structure de la communauté politique: « L'Église respecte l'autonomie légitime de l'ordre démocratique et elle n'a pas qualité pour exprimer une préférence de l'une ou l'autre solution institutionnelle ou constitutionnelle »; elle n'a pas non plus la tâche de s'occuper des programmes politiques, sinon pour leurs implications religieuses et morales.
424

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
b) Collaboration
L'autonomie réciproque de l'Église et de la communauté politique ne comporte pas de séparation excluant leur collaboration: toutes deux, bien qu'à un titre divers, sont au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes. En effet, l'Église et la communauté politique s'expriment sous des formes d'organisation qui ne sont pas des fins en elles-mêmes, mais au service de l'homme, pour lui permettre d'exercer pleinement ses droits, inhérents à son identité de citoyen et de chrétien, et de remplir correctement les devoirs qui s'y rapportent. L'Église et la communauté politique « exerceront d'autant plus efficacement ce service pour le bien de tous qu'elles rechercheront davantage entre elles une saine coopération, en tenant également compte des circonstances de temps et de lieu ».
425

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
L'Église a droit à la reconnaissance juridique de son identité. Précisément parce que sa mission embrasse toute la réalité humaine et qu'elle se reconnaît « réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire », l'Église revendique la liberté d'exprimer son jugement moral sur cette réalité chaque fois que cela est requis par la défense des droits fondamentaux de la personne ou par le salut des âmes.
L'Église demande donc: la liberté d'expression, d'enseignement, d'évangélisation; la liberté d'accomplir des actes de culte en public; la liberté de s'organiser et d'avoir ses propres règlements internes; la liberté de choix, d'éducation, de nomination et de transfert de ses ministres; la liberté de construire des édifices religieux; la liberté d'acquérir et de posséder des biens adaptés à son activité; la liberté d'association à des fins non seulement religieuses, mais aussi éducatives, culturelles, sanitaires et caritatives.
426

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Afin de prévenir ou d'apaiser d'éventuels conflits entre l'Église et la communauté politique, l'expérience juridique de l'Église et de l'État a diversement défini des formes stables de rapports et des instruments aptes à garantir des relations harmonieuses. Cette expérience est un point de référence essentiel pour tous les cas où l'État a la prétention d'envahir le champ d'action de l'Église, en entravant sa libre activité jusqu'à la persécuter ouvertement ou, vice-versa, dans les cas où des organisations ecclésiales n'agissent pas correctement vis-à-vis de l'État.
427

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
NEUVIÈME CHAPITRE
LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
I. ASPECTS BIBLIQUES
a) L'unité de la famille humaine
Les récits bibliques sur les origines montrent l'unité du genre humain et enseignent que le Dieu d'Israël est le Seigneur de l'histoire et du cosmos: son action englobe le monde entier et toute la famille humaine, à laquelle est destinée l'œuvre de la création. La décision de Dieu de faire l'homme à son image et à sa ressemblance (cf. Gn 1, 26-27) confère à la créature humaine une dignité unique, qui s'étend à toutes les générations (cf. Gn 5) et sur toute la terre (cf. Gn 10). Le Livre de la Genèse montre en outre que l'être humain n'a pas été créé isolé, mais dans un contexte dont font partie intégrante l'espace vital qui lui assure la liberté (le jardin), la disponibilité des aliments (les arbres du jardin), le travail (le commandement de cultiver) et surtout la communauté (le don de l'aide semblable à lui) (cf. Gn 2, 8-24). Dans tout l'Ancien Testament, les conditions qui assurent la plénitude à la vie humaine font l'objet de la bénédiction divine. Dieu veut garantir à l'homme les biens nécessaires à sa croissance, la possibilité de s'exprimer librement, le résultat positif du travail et la richesse de relations entre des êtres semblables.
428

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
L'alliance de Dieu avec Noé (cf. Gn 9, 1-17) et, à travers lui, avec toute l'humanité, après la destruction provoquée par le déluge, manifeste que Dieu confirme à la communauté humaine sa bénédiction féconde, la tâche de dominer la création, la dignité et l'intangibilité absolues de la vie humaine qui avaient caractérisé la première création, bien qu'en elle se fût introduite, avec le péché, la dégénération de la violence et de l'injustice, punie par le déluge. Le livre de la Genèse présente avec admiration la variété des peuples, œuvre de l'action créatrice de Dieu (cf. Gn 10, 1-32) et, en même temps, stigmatise la non-acceptation par l'homme de sa condition de créature, avec l'épisode de la tour de Babel (cf. Gn 11, 1-9). Tous les peuples, dans le plan divin, avaient « une même langue et des mêmes mots » (Gn 11, 1), mais les hommes sont divisés, tournant le dos au Créateur (cf. Gn 11, 4).
429

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
L'alliance établie par Dieu avec Abraham, élu « père d'une multitude de peuples » (Gn 17, 4), ouvre la voie à la réunion de la famille humaine avec son Créateur. L'histoire salvifique conduit le peuple d'Israël à penser que l'action divine est restreinte à sa terre, mais la conviction se renforce peu à peu que Dieu œuvre aussi parmi les autres nations (cf. Is 19, 18-25). Les prophètes annonceront pour le temps eschatologique le pèlerinage des peuples au temple du Seigneur et une ère de paix entre les nations (cf. Is 2, 2-5; 66, 18-23). Israël, dispersé en exil, prendra définitivement conscience de son rôle de témoin du Dieu unique (cf. Is 44, 6-8), Seigneur du monde et de l'histoire des peuples (cf. Is 44, 24-28).
430

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
b) Jésus-Christ, prototype et fondement de la nouvelle humanité
Le Seigneur Jésus est le prototype et le fondement de la nouvelle humanité. En lui, véritable « image de Dieu » (2 Co 4, 4) l'homme créé par Dieu à son image trouve son achèvement. Dans le témoignage définitif d'amour que Dieu a manifesté dans la croix du Christ, toutes les barrières d'inimitié ont déjà été abattues (cf. Ep 2, 12-18) et pour ceux qui vivent la vie nouvelle dans le Christ les différences raciales et culturelles ne sont plus un motif de division (cf. Rm 10, 12; Ga 3, 26-28; Col 3, 11).
Grâce à l'Esprit, l'Église connaît le dessein divin qui embrasse le genre humain tout entier (cf. Ac 17, 26) et qui vise à réunir, dans le mystère d'un salut réalisé sous la seigneurie du Christ (cf. Ep 1, 8-10), toute la réalité de la création fragmentée et dispersée. Depuis le jour de la Pentecôte, quand la Résurrection est annoncée aux différents peuples et comprise par chacun dans sa langue (cf. Ac 2, 6), l'Église accomplit son devoir de restaurer et de témoigner l'unité perdue à Babel: grâce à ce ministère ecclésial, la famille humaine est appelée à redécouvrir son unité et à reconnaître la richesse de ses différences, pour parvenir à la « pleine unité dans le Christ ».
431

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
c) La vocation universelle du christianisme
Le message chrétien offre une vision universelle de la vie des hommes et des peuples sur la terre, qui fait comprendre l'unité de la famille humaine. Cette unité ne doit pas être construite par la force des armes, de la terreur ou des abus de pouvoir, mais elle est plutôt le résultat de ce « modèle d'unité suprême, reflet de la vie intime de Dieu un en trois personnes, (...) que nous chrétiens désignons par le mot “communion” », et une conquête de la force morale et culturelle de la liberté. Le message chrétien a été décisif pour faire comprendre à l'humanité que les peuples tendent à s'unir non seulement en raison de formes d'organisation, de conjonctures politiques, de projets économiques ou au nom d'un internationalisme abstrait et idéologique, mais parce qu'ils s'orientent librement vers la coopération, conscients d'être des « membres actifs de la famille humaine universelle ». La communauté mondiale doit se proposer toujours davantage et toujours mieux comme figure concrète de l'unité voulue par le Créateur: « L'unité de la famille humaine a existé en tout temps, puisqu'elle rassemble des êtres qui sont tous égaux en dignité naturelle. C'est donc une nécessité de nature qui exigera toujours qu'on travaille de façon suffisante au bien commun universel, celui qui intéresse l'ensemble de la famille humaine ».
432

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
II. LES RÈGLES FONDAMENTALES DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
a) Communauté internationale et valeurs
Le caractère central de la personne humaine et la disposition naturelle des personnes et des peuples à nouer des relations entre eux sont les éléments fondamentaux pour construire une vraie Communauté internationale dont l'organisation doit tendre au véritable bien commun universel. Même si l'aspiration à une communauté internationale authentique est largement répandue, l'unité de la famille humaine n'est encore pas réalisée, car elle est entravée par des idéologies matérialistes et nationalistes qui nient les valeurs dont est porteuse la personne considérée intégralement, dans toutes ses dimensions: matérielle et spirituelle, individuelle et communautaire. En particulier, toute théorie ou comportement basé sur le racisme et la discrimination raciale est moralement inacceptable.
La coexistence entre les nations est fondée sur les mêmes valeurs qui doivent orienter celle entre les êtres humains: la vérité, la justice, la solidarité et la liberté. Au plan des principes constitutifs de la Communauté internationale, l'enseignement de l'Église requiert que les relations entre les peuples et les communautés politiques trouvent leur juste régulation dans la raison, dans l'équité, dans le droit, dans la négociation, tandis qu'il exclut le recours à la violence et à la guerre, ainsi qu'à des formes de discrimination, d'intimidation et de tromperie.
433

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Le droit se présente comme un instrument de garantie de l'ordre international, c'est-à-dire de la coexistence entre communautés politiques qui, individuellement, poursuivent le bien commun de leurs citoyens et qui, collectivement, doivent tendre à celui de tous les peuples, dans la conviction que le bien commun d'une nation est inséparable du bien de la famille humaine tout entière.
La communauté internationale est une communauté juridique fondée sur la souveraineté de chaque État membre, sans liens de subordination qui nient ou limitent son indépendance. Concevoir la communauté internationale de cette façon ne signifie en rien relativiser et rendre vaines les différentes caractéristiques spécifiques de chaque peuple, mais favoriser leurs expressions. La mise en valeur des différentes identités favorise le dépassement des diverses formes de division qui tendent à séparer les peuples et à les enfermer dans un égoïsme aux effets déstabilisants.
434

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Le Magistère reconnaît l'importance de la souveraineté nationale, conçue avant tout comme expression de la liberté qui doit régler les rapports entre les États. La souveraineté représente la subjectivité d'une nation sous l'angle politique, économique, social et aussi culturel. La dimension culturelle acquiert une consistance particulière en tant que force de résistance aux actes d'agression ou aux formes de domination qui conditionnent la liberté d'un pays: la culture constitue la garantie de conservation de l'identité d'un peuple; elle exprime et favorise sa souveraineté spirituelle.
La souveraineté nationale n'est toutefois pas un absolu. Les nations peuvent renoncer librement à l'exercice de certains de leurs droits en vue d'un objectif commun, avec la conscience de former une « famille », où doivent régner la confiance et le soutien réciproques, ainsi que le respect mutuel. Dans cette perspective, il convient de prendre attentivement en considération l'absence d'un accord international qui affronte de façon appropriée « les droits des nations »; son élaboration pourrait opportunément examiner les questions relatives à la justice et à la liberté dans le monde contemporain.
435