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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
La perfection intégrale de la personne et le bien de toute la société sont les fins essentielles de la culture: la dimension éthique de la culture est donc une priorité dans l'action sociale et politique des fidèles laïcs. Le manque d'intérêt pour cette dimension transforme facilement la culture en un instrument d'appauvrissement de l'humanité. Une culture peut devenir stérile et tendre vers son déclin lorsqu'elle « se ferme sur elle- même et cherche à perpétuer des manières de vivre vieillies, en refusant tout échange et toute confrontation au sujet de la vérité de l'homme ». La formation d'une culture capable d'enrichir l'homme requiert en revanche l'implication de toute la personne, qui y exprime sa créativité, son intelligence, sa connaissance du monde et des hommes et y investit, en outre, sa capacité de maîtrise de soi, de sacrifice personnel, de solidarité et de disponibilité à promouvoir le bien commun.
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L'engagement social et politique du fidèle laïc dans le domaine culturel s'oriente aujourd'hui vers certaines directions précises. La première est celle qui cherche à garantir à chacun le droit de tous à une culture humaine et civile « en harmonie avec la dignité de la personne humaine, sans distinction de race, de sexe, de nation, de religion ou de condition sociale ». Ce droit implique celui des familles et des personnes à une école libre et ouverte; la liberté d'accès aux moyens de communication sociale, pour laquelle toute forme de monopole et de contrôle idéologique doit être évitée; la liberté de recherche, de divulgation de la pensée, de débat et de confrontation. À la racine de la pauvreté de nombreux peuples se trouvent aussi diverses formes de privation culturelle et de non-reconnaissance des droits culturels. L'engagement en faveur de l'éducation et de la formation de la personne a toujours été la première préoccupation de l'action sociale des chrétiens.
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Le second défi lancé à l'engagement du fidèle laïc concerne le contenu de la culture, à savoir la vérité. La question de la vérité est essentielle pour la culture, car « continue de s'imposer à chaque homme le devoir de sauvegarder l'intégralité de sa personnalité, en qui prédominent les valeurs d'intelligence, de volonté, de conscience et de fraternité ». Une anthropologie correcte est le critère permettant d'éclairer et de vérifier toutes les formes culturelles historiques. L'engagement du chrétien dans le domaine culturel s'oppose à toutes les visions réductrices et idéologiques de l'homme et de la vie. Le dynamisme d'ouverture à la vérité est garanti avant tout par le fait que « les cultures des diverses nations sont autant de manières d'aborder la question du sens de l'existence personnelle ».
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Les chrétiens doivent se prodiguer pour valoriser pleinement la dimension religieuse de la culture; cette tâche est très importante et urgente pour la qualité de la vie humaine, au niveau individuel et social. La question qui provient du mystère de la vie et renvoie au mystère plus grand encore, celui de Dieu, est en effet au centre de toute culture; l'éliminer revient à corrompre la culture et la vie morale des nations. La dimension religieuse authentique est constitutive de l'homme et lui permet d'ouvrir à ses diverses activités l'horizon dans lequel elles trouvent leur signification et leur direction. La religiosité ou spiritualité de l'homme se manifeste sous les formes de la culture, auxquelles elle donne vitalité et inspiration. Les innombrables œuvres d'art de tous les temps en sont un témoignage. Quand la dimension religieuse d'une personne ou d'un peuple est niée, c'est la culture elle-même qui est bafouée; parfois on arrive même au point de la faire disparaître.
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Dans la promotion d'une culture authentique, les fidèles laïcs réserveront une grande importance aux moyens de communication de masse, en considérant surtout les contenus des innombrables choix effectués par les personnes: ces choix, bien que variant d'un groupe à l'autre et d'un individu à l'autre, ont tous un poids moral et doivent être évalués sous cet angle. Pour choisir correctement, il faut connaître les normes de l'ordre moral et les appliquer fidèlement. L'Église offre une longue tradition de sagesse, enracinée dans la Révélation divine et dans la réflexion humaine, dont l'orientation théologique joue un rôle correctif important par rapport à la « solution “athée”, qui prive l'homme de l'une de ses composantes fondamentales, la composante spirituelle, et aux solutions s'inspirant de la permissivité et de l'esprit de consommation, solutions qui, sous divers prétextes, cherchent à le convaincre de son indépendance par rapport à Dieu et à toute loi ». Plus que juger les moyens de communication sociale, cette tradition se met à leur service: « La culture de la sagesse, propre à l'Église, peut éviter à la culture de l'information des médias de devenir une accumulation de faits sans signification ».
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Les fidèles laïcs considéreront les médias comme de possibles et puissants instruments de solidarité: « La solidarité apparaît comme une conséquence d'une communication vraie et juste, et de la libre circulation des idées, qui favorisent la connaissance et le respect d'autrui ». Ceci n'est pas possible si les moyens de communication sociale sont utilisés pour édifier et soutenir des systèmes économiques au service de l'avidité et de la convoitise. Face à de graves injustices, la décision d'ignorer totalement certains aspects de la souffrance humaine reflète une sélection indéfendable. Les structures et les politiques de communication ainsi que la distribution de la technologie sont des facteurs qui contribuent à faire en sorte que certaines personnes soient « riches » en information et d'autres « pauvres » en information, à une époque où la prospérité et même la survie dépendent de l'information. De la sorte, les moyens de communication sociale contribuent donc aux injustices et aux déséquilibres qui causent la douleur même qu'ils rapportent ensuite comme information. Les technologies de la communication et de l'information, de même que la formation à leur utilisation, doivent tendre à éliminer ces injustices et ces déséquilibres.
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Les professionnels des moyens de communication sociale ne sont pas les seuls à avoir des devoirs éthiques. Les usagers aussi ont des obligations. Les opérateurs qui tentent d'assumer des responsabilités méritent un public qui soit conscient des siennes. Le premier devoir des usagers des communications sociales consiste dans le discernement et dans la sélection. Les parents, les familles et l'Église ont des responsabilités précises auxquelles ils ne peuvent pas renoncer. Pour ceux qui travaillent à différents titres dans le domaine des communications sociales, l'avertissement de saint Paul résonne fortement et clairement: « Dès lors, plus de mensonge: que chacun dise la vérité à son prochain; ne sommes-nous pas membres les uns des autres? (...) De votre bouche ne doit sortir aucun mauvais propos, mais plutôt toute bonne parole capable d'édifier, quand il le faut, et de faire du bien à ceux qui l'entendent » (Ep 4, 25.29). Le service à la personne par l'édification d'une communauté humaine basée sur la solidarité, sur la justice et sur l'amour, et la diffusion de la vérité sur la vie humaine et sur son accomplissement final en Dieu sont les exigences éthiques essentielles des moyens de communication sociale. À la lumière de la foi, la communication humaine doit se considérer comme un parcours de Babel à la Pentecôte, c'est-à-dire comme l'engagement, personnel et social, à surmonter l'effondrement de la communication (cf. Gn 11, 4-8) en s'ouvrant au don des langues (cf. Ac 2, 5-11), à la communication rétablie par la force de l'Esprit, envoyé par le Fils.
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3. Le service à l'économie
Face à la complexité du contexte économique contemporain, le fidèle laïc se fera guider dans son action par les principes du Magistère social. Il est nécessaire qu'ils soient connus et accueillis dans l'activité économique elle-même: quand ces principes ne sont pas respectés, surtout le caractère central de la personne humaine, la qualité de l'activité économique est compromise.
L'engagement du chrétien se traduira aussi par un effort de réflexion culturelle tendant surtout à un discernement sur les modèles actuels de développement économique et social. Réduire la question du développement à un problème exclusivement technique équivaudrait à le vider de son véritable contenu, qui concerne, en revanche, « la dignité de l'homme et des peuples ».
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Les spécialistes de la science économique, les agents de ce secteur et les responsables politiques doivent ressentir l'urgence de repenser l'économie, en considérant, d'une part, la pauvreté matérielle dramatique de milliards de personnes et, d'autre part, le fait que « les structures économiques, sociales et culturelles d'aujourd'hui ont du mal à prendre en compte les exigences d'un développement authentique ». Les exigences légitimes de l'efficacité économique devront être mieux harmonisées avec celles de la participation politique et de la justice sociale. Concrètement, cela signifie imprégner de solidarité les réseaux des interdépendances économiques, politiques et sociales, que tendent à accroître les processus de mondialisation en cours. Dans cet effort de renouveau, qui se présente de façon articulée et est destiné à influencer les conceptions de la réalité économique, les associations d'inspiration chrétienne qui agissent dans le domaine économique se révèlent précieuses: associations de travailleurs, d'entrepreneurs et d'économistes.
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4. Le service à la politique
Pour les fidèles laïcs, la politique est une expression qualifiée et exigeante de l'engagement chrétien au service des autres. La recherche du bien commun dans un esprit de service, le développement de la justice avec une attention particulière aux situations de pauvreté et de souffrance, le respect de l'autonomie des réalités terrestres, le principe de subsidiarité, la promotion du dialogue et de la paix dans la perspective de la solidarité: telles sont les orientations auxquelles l'action politique des chrétiens laïcs doit s'inspirer. Tous les croyants, en tant que titulaires des droits et des devoirs de la citoyenneté, sont tenus de respecter ces orientations; ceux qui ont des tâches directes et institutionnelles dans la gestion des problématiques complexes de la chose publique, aussi bien dans les administrations locales que dans les institutions nationales et internationales, devront spécialement en tenir compte.
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Les tâches de responsabilité dans les institutions sociales et politiques exigent un engagement sérieux et articulé, qui sache mettre en évidence, par les réflexions apportées au débat politique, par la programmation et les choix opérationnels, la nécessité absolue d'une qualification morale de la vie sociale et politique. Une attention inadéquate à la dimension morale conduit à la déshumanisation de la vie en société et des institutions sociales et politiques, en consolidant les « structures de péché »: « Vivre et agir en politique conformément à sa conscience ne revient pas à se plier à des positions étrangères à l'engagement politique ou à une forme de confessionnalisme; mais c'est l'expression par laquelle les chrétiens apportent une contribution cohérente pour que, à travers la politique, s'instaure un ordre social plus juste et conforme à la dignité de la personne
humaine ».
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Dans le contexte de l'engagement politique du fidèle laïc, il faut accorder un soin particulier à la préparation en vue de l'exercice du pouvoir que les croyants doivent assumer, spécialement quand ils sont appelés à cette charge par la confiance des concitoyens, selon les règles démocratiques. Ils doivent apprécier le système de la démocratie — « qui assure la participation des citoyens aux choix politiques et garantit aux gouvernés la possibilité de choisir et de contrôler leurs gouvernants, ou de les remplacer de manière pacifique lorsque cela s'avère opportun » — et repousser des groupes occultes de pouvoir qui visent à conditionner ou à subvertir le fonctionnement des institutions légitimes. L'exercice de l'autorité doit assumer le caractère de service, qu'il faut toujours accomplir dans le cadre de la loi morale pour la réalisation du bien commun: celui qui exerce l'autorité politique doit faire converger les énergies de tous les citoyens vers cet objectif, non sous forme autoritaire, mais en se prévalant de la force morale alimentée par la liberté.
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Le fidèle laïc est appelé à discerner, dans les situations politiques concrètes, les pas qu'il est possible d'accomplir de façon réaliste pour mettre en pratique les principes et les valeurs morales propres à la vie sociale. Ceci exige une méthode de discernement personnel et communautaire, articulée autour de certains points nodaux: la connaissance des situations, analysées avec l'aide des sciences sociales et des instruments adéquats; la réflexion systématique sur les réalités, à la lumière du message immuable de l'Évangile et de l'enseignement social de l'Église; le discernement des choix tendant à faire évoluer positivement la situation présente. De la profondeur de l'écoute et de l'interprétation de la réalité peuvent naître des choix opérationnels concrets et efficaces; toutefois, il ne faut jamais leur attribuer une valeur absolue, car aucun problème ne peut être résolu de façon définitive: « La foi n'a jamais prétendu enfermer les éléments socio-politiques dans un cadre rigide, ayant conscience que la dimension historique dans laquelle vit l'homme impose de tenir compte de situations imparfaites et souvent en rapide mutation ».
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Une situation emblématique pour l'exercice du discernement est le fonctionnement du système démocratique conçu aujourd'hui par beaucoup dans une perspective agnostique et relativiste, qui conduit à considérer la vérité comme un produit déterminé par la majorité et conditionné par les équilibres politiques. Dans un tel contexte, le discernement est particulièrement exigeant quand il s'exerce dans des domaines comme l'objectivité et l'exactitude des informations, la recherche scientifique ou les choix économiques qui influent sur la vie des plus pauvres, ou dans des réalités qui renvoient à des exigences morales fondamentales auxquelles il est impossible de renoncer, comme la sacralité de la vie, l'indissolubilité du mariage, la promotion de la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme.
Dans cette situation, certains critères fondamentaux se révèlent utiles: la distinction et en même temps le lien entre l'ordre légal et l'ordre moral; la fidélité à sa propre identité et, en même temps, la disponibilité au dialogue avec tous; la nécessité que, dans le jugement et dans l'engagement social, le chrétien se réfère à la fidélité, triple et indissociable, aux valeurs naturelles, en respectant l'autonomie légitime des réalités temporelles, aux valeurs morales, en promouvant la conscience de la dimension éthique intrinsèque de chaque problème social et politique, et aux valeurs surnaturelles, en accomplissant sa tache dans l'esprit de l'Évangile de Jésus-Christ.
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Lorsque, dans des domaines et des situations qui renvoient à des exigences éthiques fondamentales, des choix législatifs et politiques contraires aux valeurs et aux principes chrétiens sont proposés ou effectués, le Magistère enseigne que « la conscience chrétienne bien formée ne permet à personne d'encourager par son vote la mise en œuvre d'un programme politique ou d'une loi dans lesquels le contenu fondamental de la foi et de la morale serait évincé par la présentation de propositions différentes de ce contenu ou opposées à lui».
Dans le cas où il n'aurait pas été possible de conjurer la mise en œuvre de ces programmes politiques ou d'empêcher ou d'abroger ces lois, le Magistère enseigne qu'un parlementaire, dont l'opposition personnelle absolue en la matière serait manifeste et connue de tous, pourrait licitement offrir son soutien à des propositions visant à limiter les dommages causés par ces programmes et par ces lois et à diminuer les effets négatifs sur le plan de la culture et de la moralité publique. À cet égard, le cas d'une loi favorable à l'avortement est emblématique. Son vote, dans tous les cas, ne peut pas être interprété comme l'adhésion à une loi inique, mais seulement comme une contribution pour réduire les conséquences négatives d'une mesure législative dont l'entière responsabilité remonte à celui qui l'a introduite.
Il faut tenir compte de ce que, face aux multiples situations où sont en jeu des exigences morales fondamentales et incontournables, le témoignage chrétien doit être considéré comme un devoir auquel on ne peut se soustraire et qui peut aller jusqu'au sacrifice de la vie, au martyre, au nom de la charité et de la dignité humaine. L'histoire de vingt siècles, notamment celle du dernier, est riche en martyrs de la vérité chrétienne, témoins de foi, d'espérance et de charité évangéliques. Le martyre est le témoignage de la conformation personnelle à Jésus crucifié, qui s'exprime jusqu'à la forme suprême consistant à verser son sang, selon l'enseignement évangélique: « Si le grain de blé tombé en terre (...) meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24).
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L'engagement politique des catholiques est souvent mis en relation avec la « laïcité », à savoir la distinction entre la sphère politique et la sphère religieuse. Cette distinction « est une valeur acquise et reconnue par l'Église, et elle appartient au patrimoine de civilisation déjà atteint ». La doctrine morale catholique exclut cependant nettement la perspective d'une laïcité conçue comme autonomie par rapport à la loi morale: « En effet, la “laïcité” désigne en premier lieu l'attitude de qui respecte les vérités procédant de la connaissance naturelle sur l'homme qui vit en société, même si ces vérités sont enseignées aussi par une religion particulière, car la vérité est une ». Chercher sincèrement la vérité, promouvoir et défendre par des moyens licites les vérités morales concernant la vie sociale — la justice, la liberté, le respect de la vie et des autres droits de la personne — est un droit et un devoir de tous les membres d'une communauté sociale et politique.
Quand le Magistère de l'Église intervient sur des questions inhérentes à la vie sociale et politique, il ne méconnaît pas les exigences d'une interprétation correcte de la laïcité, car il « n'entend pas exercer un pouvoir politique ni supprimer la liberté d'opinion des catholiques sur des questions contingentes. Il veut au contraire — conformément à sa mission — éduquer et éclairer la conscience des fidèles, surtout de ceux qui se consacrent à la vie politique, afin que leur action reste toujours au service de la promotion intégrale de la personne et du bien commun. L'enseignement social de l'Église n'est pas une ingérence dans le gouvernement des pays. Il établit assurément un devoir moral de cohérence pour les fidèles laïcs, intérieur à leur conscience, qui est unique et une ».
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Le principe de laïcité comporte le respect de toute confession religieuse de la part de l'État, « qui assure le libre exercice des activités cultuelles, spirituelles, culturelles et caritatives des communautés de croyants. Dans une société pluraliste, la laïcité est un lieu de communication entre les diverses traditions spirituelles et la nation ». Même dans les sociétés démocratiques, il demeure encore, hélas, des expressions de laïcisme intolérant, qui entravent toute forme de la foi, d'importance politique et culturelle, en cherchant à disqualifier l'engagement social et politique des chrétiens, parce qu'ils se reconnaissent dans les vérités enseignées par l'Église et qu'ils obéissent au devoir moral de cohérence avec leur con- science; on arrive aussi et plus radicalement à nier l'éthique naturelle elle- même. Cette négation, qui prélude à une condition d'anarchie morale dont la conséquence évidente est la mainmise du plus fort sur le faible, ne peut être admise par aucune forme de pluralisme légitime, car elle mine les bases mêmes de la coexistence humaine. À la lumière de cet état de choses, « la marginalisation du christianisme ne pourrait servir à l'avenir envisagé d'une société, ni à la concorde entre les peuples. De plus, elle minerait les fondements culturels et spirituels de la civilisation ».
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Un domaine particulier de discernement pour les fidèles laïcs concerne le choix des instruments politiques, à savoir l'adhésion à un parti et aux autres expressions de la participation politique. Il faut effectuer un choix cohérent avec les valeurs, en tenant compte des circonstances effectives. En tout cas, tout choix doit être enraciné dans la charité et tendre à la recherche du bien commun. Les requêtes de la foi chrétienne sont difficilement repérables dans un unique groupement politique: prétendre qu'un parti ou une mouvance politique correspond complètement aux exigences de la foi et de la vie chrétienne engendre de dangereuses équivoques. Le chrétien ne peut pas trouver un parti qui corresponde pleinement aux exigences éthiques qui naissent de la foi et de l'appartenance à l'Église: son adhésion à une formation politique ne sera jamais idéologique, mais toujours critique, afin que le parti et son projet politique soient encouragés à créer les conditions propices à la réalisation du véritable bien commun, y compris la fin spirituelle de l'homme.
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La distinction, d'une part, entre les exigences de la foi et les options socio-politiques, et, d'autre part, entre les choix des chrétiens individuellement et ceux qu'effectue la communauté chrétienne en tant que telle, implique que l'adhésion à un parti ou à une mouvance politique est considérée comme une décision personnelle, légitime du moins lorsque les partis et les positions ne sont pas incompatibles avec la foi et les valeurs chrétiennes. Le choix du parti, de la coalition, des personnes à qui confier la vie publique, bien qu'engageant la conscience de chacun, ne pourra pas de toute façon être un choix exclusivement individuel: « Il revient aux communautés chrétiennes d'analyser avec objectivité la situation propre de leur pays, de l'éclairer par la lumière des paroles inaltérables de l'Évangile, de puiser des principes de réflexion, des normes de jugement et des directives d'action dans l'enseignement social de l'Église ». En tout cas, « personne n'a le droit de revendiquer d'une manière exclusive pour son opinion l'autorité de l'Église »: Il faut plutôt que les croyants « cherchent à s'éclairer mutuellement, qu'ils gardent entre eux la charité et qu'ils aient avant tout le souci du bien commun ».
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CONCLUSION
POUR UNE CIVILISATION DE L'AMOUR
a) L'aide de l'Église à l'homme contemporain
Un nouveau besoin de sens est largement ressenti et vécu dans la société contemporaine: « L'homme voudra toujours connaître, ne serait-ce que confusément, la signification de sa vie, de ses activités et de sa mort ». Les tentatives de répondre à l'exigence de projeter l'avenir dans le nouveau contexte des relations internationales — toujours plus complexes et interdépendantes, mais aussi toujours moins ordonnées et moins pacifiques — apparaissent très ardues. La vie et la mort des personnes semblent uniquement confiées au progrès scientifique et technologique qui avance bien plus rapidement que les capacités humaines d'en établir les fins et d'en évaluer les coûts. De nombreux phénomènes indiquent, en revanche, que « le sentiment de croissante insatisfaction qui se propage parmi les membres de communautés nationales à haut niveau de vie, détruit l'illusion rêvée d'un paradis sur terre; mais en même temps se fait toujours plus claire la conscience des droits inviolables et universels de la personne, plus vive l'aspiration à des relations plus justes et plus humaines ».
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L'Église répond aux interrogations de fond sur le sens et sur la fin de l'aventure humaine par l'annonce de l'Évangile du Christ, qui soustrait la dignité de la personne humaine à la fluctuation des opinions, en assurant la liberté de l'homme comme aucune loi humaine ne peut le faire. Le Concile Vatican II a indiqué que la mission de l'Église dans le monde contemporain consiste à aider chaque être humain à découvrir en Dieu le sens ultime de son existence: l'Église sait bien que « Dieu seul, dont elle est la servante, répond aux plus profonds désirs du cœur humain que jamais ne rassasient pleinement les nourritures terrestres ». Dieu seul, qui a créé l'homme à son image et l'a racheté du péché, peut offrir une réponse véritablement adéquate aux interrogations humaines les plus radicales grâce à la Révélation accomplie en son Fils fait homme: en effet, l'Évangile « annonce et proclame la liberté des enfants de Dieu, rejette tout esclavage qui en fin de compte provient du pêché, respecte scrupuleusement la dignité de la conscience et son libre choix, enseigne sans relâche à faire fructifier tous les talents humains au service de Dieu et pour le bien des hommes, enfin confie chacun à l'amour de tous ».
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b) Repartir de la foi au Christ
La foi en Dieu et en Jésus-Christ illumine les principes moraux qui sont « le fondement unique et irremplaçable de la stabilité et de la tranquillité, de l'ordre interne et externe, privé et public, qui seul peut engendrer et sauvegarder la prospérité de l'État ». La vie sociale doit être ancrée dans le dessein divin: « La dimension théologique apparaît donc nécessaire tant pour interpréter que pour résoudre les problèmes actuels de la convivialité humaine ». Face aux graves formes existantes d'exploitation et d'injustice sociale « se répand toujours plus vivement la conviction de la nécessité d'un renouveau radical personnel et social propre à assurer la justice, la solidarité, l'honnêteté et la transparence. Le chemin à parcourir est assurément long et ardu; les efforts à accomplir sont nombreux et considérables afin de pouvoir mettre en œuvre ce renouveau, ne serait- ce qu'en raison de la multiplicité et de la gravité des causes qui provoquent et prolongent les situations actuelles d'injustice dans le monde. Mais, comme l'histoire et l'expérience de chacun l'enseignent, il n'est pas difficile de retrouver à la base de ces situations des causes à proprement parler “culturelles”, c'est-à-dire liées à certaines conceptions de l'homme, de la société et du monde. En réalité, au cœur du problème culturel, il y a le sens moral qui, à son tour, se fonde et s'accomplit dans le sens religieux ». En ce qui concerne aussi la « question sociale », on ne peut accepter « la perspective naïve qu'il pourrait exister pour nous, face aux grands défis de notre temps, une formule magique. Non, ce n'est pas une formule qui nous sauvera, mais une Personne, et la certitude qu'elle nous inspire: Je suis avec vous! Il ne s'agit pas alors d'inventer un “nouveau programme”. Le programme existe déjà: c'est celui de toujours, tiré de l'Évangile et de la Tradition vivante. Il est centré, en dernière analyse, sur le Christ lui-même, qu'il faut connaître, aimer, imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l'histoire jusqu'à son achèvement dans la Jérusalem céleste ».
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c) Une ferme espérance
L'Église enseigne à l'homme que Dieu lui offre la possibilité réelle de surmonter le mal et d'atteindre le bien. Le Seigneur a racheté l'homme, il l'a racheté « au prix fort » (1 Co 6, 20). Le sens et le fondement de l'engagement chrétien dans le monde dérivent de cette certitude, capable d'allumer l'espérance, malgré le péché qui marque profondément l'histoire humaine: la promesse divine garantit que le monde ne reste pas fermé sur lui-même, mais qu'il est ouvert au Royaume de Dieu. L'Église connaît les effets du « mystère de l'iniquité » (2 Th 2, 7), mais elle sait aussi qu'« il y a dans la personne humaine des qualités et une énergie suffisantes, il y a en elle une “bonté” fondamentale (cf. Gn 1, 31), parce qu'elle est l'image du Créateur placée sous l'influence rédemptrice du Christ qui “s'est en quelque sorte uni lui-même à tout homme”, et parce que l'action efficace de l'Esprit Saint “remplit le monde” (Sg 1, 7) ».
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L'espérance chrétienne imprime un grand élan à l'engagement dans le domaine social, inspirant confiance dans la possibilité de construire un monde meilleur, avec la conscience qu'il ne peut exister un « paradis sur terre ». Les chrétiens, en particulier les fidèles laïcs, sont exhortés à se comporter de telle sorte que « brille dans la vie quotidienne, familiale et sociale, la force de l'Évangile. Ils se présentent comme les fils de la promesse, lorsque, fermes dans la foi et dans l'espérance, ils mettent à profit le moment présent (cf. Ep 5, 16; Col 4, 5) et attendent avec constance la gloire à venir (cf. Rm 8, 25). Cette espérance ils ne doivent pas la cacher dans le secret de leur coeur, mais l'exprimer aussi à travers les structures de la vie du siècle par un effort continu de conversion, en luttant “contre les souverains de ce monde des ténèbres, contre les esprits du mal” (Ep 6, 12) ». Les motivations religieuses de cet engagement peuvent ne pas être partagées, mais les convictions morales qui en découlent constituent un point de rencontre entre les chrétiens et tous les hommes de bonne volonté.
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d) Construire la « civilisation de l'amour »
La finalité immédiate de la doctrine sociale est de proposer les principes et les valeurs qui peuvent soutenir une société digne de l'homme. Parmi ces principes, celui de la solidarité comprend en une certaine mesure tous les autres: il constitue « l'un des principes fondamentaux de la conception chrétienne de l'organisation politique et sociale ».
Ce principe est illuminé par la primauté de la charité « qui est le signe distinctif des disciples du Christ (cf. Jn 13, 35) ». Jésus « nous enseigne en même temps que la loi fondamentale de la perfection humaine, et donc de la transformation du monde, est le commandement nouveau de l'amour » (cf. Mt 22, 40; Jn 15, 12; Col 3, 14; Jc 2, 8). Le comportement de la personne est pleinement humain quand il naît de l'amour, manifeste l'amour, et est ordonné à l'amour. Cette vérité est également valable dans le domaine social: il faut que les chrétiens en soient des témoins profondément convaincus et sachent montrer, par leur vie, que l'amour est la seule force (cf. 1 Co 12, 31-14, 1) qui peut conduire à la perfection personnelle et sociale et orienter l'histoire vers le bien.
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L'amour doit être présent dans tous les rapports sociaux et les imprégner. En particulier, ceux qui ont le devoir de pourvoir au bien des peuples doivent s'appliquer « à nourrir en eux-mêmes et à faire naître dans les autres, depuis les plus élevés jusqu'aux plus humbles, la charité, reine et maîtresse de toutes les vertus. C'est, en effet, d'une abondante effusion de charité qu'il faut principalement attendre le salut. Nous parlons de la charité chrétienne, qui résume tout l'Évangile et qui, toujours prête à se dévouer au soulagement du prochain, est un remède très assuré contre l'arrogance du siècle et l'amour immodéré de soi-même ». Cet amour peut être appelé « charité sociale » ou « charité politique » et doit être étendu au genre humain tout entier. L'« amour social » se trouve aux antipodes de l'égoïsme et de l'individualisme. Sans absolutiser la vie sociale, comme cela advient dans les conceptions nivelées sur les lectures exclusivement sociologiques, on ne peut oublier que le développement intégral de la personne et la croissance sociale se conditionnent réciproquement. Par conséquent, l'égoïsme est l'ennemi le plus nuisible d'une société ordonnée: l'histoire montre la dévastation qui se produit dans les cœurs lorsque l'homme n'est pas capable de reconnaître une autre valeur et une autre réalité effective que celles des biens matériels dont la recherche obsessionnelle étouffe et entrave sa capacité à se donner.
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Pour rendre la société plus humaine, plus digne de la personne, il faut revaloriser l'amour dans la vie sociale — au niveau politique, économique, culturel —, en en faisant la norme constante et suprême de l'action. Si la justice « est de soi propre à “arbitrer” entre les hommes pour répartir entre eux de manière juste les biens matériels, l'amour au contraire, et seulement lui (et donc aussi cet amour bienveillant que nous appelons “miséricorde”), est capable de rendre l'homme à lui-même ». On ne peut pas régler les rapports humains par la seule mesure de la justice: « Le chrétien le sait: l'amour est la raison qui fait que Dieu entre en relation avec l'homme. Et c'est encore l'amour qu'Il attend comme réponse de l'homme. L'amour est de ce fait la forme la plus haute et la plus noble de relation des êtres humains entre eux aussi. L'amour devra donc animer tous les secteurs de la vie humaine et s'étendre également à l'ordre international. Seule une humanité dans laquelle règne la “civilisation de l'amour” pourra jouir d'une paix authentique et durable ». Dans cette perspective, le Magistère recommande vivement la solidarité, car elle est en mesure de garantir le bien commun, en aidant au développement intégral des personnes: la charité « fait voir dans le prochain un autre soi-même ».
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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Seule la charité peut changer complètement l'homme. Un tel changement ne signifie pas l'annulation de la dimension terrestre dans une spiritualité désincarnée. Celui qui croit se conformer à la vertu surnaturelle de l'amour sans tenir compte du fondement naturel qui y correspond et qui inclut les devoirs de justice, se trompe lui-même: « La charité représente le plus grand commandement social. Elle respecte autrui et ses droits. Elle exige la pratique de la justice et seule nous en rend capables. Elle inspire une vie de don de soi: “Qui cherchera à conserver sa vie la perdra, et qui la perdra la sauvera” (Lc 17, 33) ». De même, la charité ne peut se réduire à la seule dimension terrestre des relations humaines et des rapports sociaux, car toute son efficacité découle de la référence à Dieu: « Au soir de cette vie, je paraîtrai devant Vous les mains vides, car je ne Vous demande pas, Seigneur, de compter mes œuvres. Toutes nos justices ont des taches à vos yeux. Je veux donc me revêtir de votre propre Justice et recevoir de votre Amour la possession éternelle de Vous-même... ».
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Laudato Si/Eglise Catholique
« Laudato si', mi' Signore », - « Loué sois-tu, mon Seigneur », chantait saint François d'Assise. Dans ce beau cantique, il nous rappelait que notre maison commune est aussi comme une soeur, avec laquelle nous partageons l'existence, et comme une mère, belle, qui nous accueille à bras ouverts : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour soeur notre mère la terre, qui nous soutient et nous gouverne, et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l'herbe ».
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Laudato Si/Eglise Catholique
Cette soeur crie en raison des dégâts que nous lui causons par l'utilisation irresponsable et par l'abus des biens que Dieu a déposés en elle. Nous avons grandi en pensant que nous étions ses propriétaires et ses dominateurs, autorisés à l'exploiter. La violence qu'il y a dans le coeur humain blessé par le péché se manifeste aussi à travers les symptômes de maladie que nous observons dans le sol, dans l'eau, dans l'air et dans les êtres vivants. C'est pourquoi, parmi les pauvres les plus abandonnés et maltraités, se trouve notre terre opprimée et dévastée, qui « gémit en travail d'enfantement » (Rm 8, 22). Nous oublions que nous-mêmes, nous sommes poussière (cf. Gn 2, 7). Notre propre corps est constitué d'éléments de la planète, son air nous donne le souffle et son eau nous vivifie comme elle nous restaure.
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