Lecture des documents de reference

5430 paragraphe(s) trié(s) par refdoc ASC.





Source / Auteur
contenu
Reference

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Les autorités publiques ont le devoir de veiller à ce que les citoyens ne soient pas privés, pour des raisons de productivité économique, d'un temps destiné au repos et au culte divin. Les employeurs ont une obligation analogue vis-à-vis de leurs employés. Les chrétiens doivent, dans le respect de la liberté religieuse et du bien commun de tous, se prodiguer pour que les lois reconnaissent les dimanches et les autres solennités liturgiques comme des jours fériés: « Ils ont à donner à tous un exemple public de prière, de respect et de joie et à défendre leurs traditions comme une contribution précieuse à la vie spirituelle de la société humaine ». Tout chrétien devra « éviter d'imposer sans nécessité à autrui ce qui l'empêcherait de garder le jour du Seigneur ».
286

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
IV. LE DROIT AU TRAVAIL
a) Le travail est nécessaire
Le travail est un droit fondamental et c'est un bien pour l'homme: un bien utile, digne de lui car apte précisément à exprimer et à accroître la dignité humaine. L'Église enseigne la valeur du travail non seulement parce qu'il est toujours personnel, mais aussi en raison de son caractère de nécessité. Le travail est nécessaire pour fonder et faire vivre une famille, pour avoir droit à la propriété, pour contribuer au bien commun de la famille humaine. La considération des implications morales que comporte la question du travail dans la vie sociale conduit l'Église à qualifier le chômage de « véritable calamité sociale », surtout pour les jeunes générations.
287

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Le travail est un bien de tous, qui doit être disponible pour tous ceux qui en sont capables. Le « plein emploi » est donc un objectif nécessaire pour tout système économique tendant à la justice et au bien commun. Une société dans laquelle le droit au travail est déprécié ou systématiquement nié et où les mesures de politique économique ne permettent pas aux travailleurs d'atteindre des niveaux d'emploi satisfaisants, « ne peut ni obtenir sa légitimation éthique ni assurer la paix sociale ». Un rôle important et donc une responsabilité spécifique et grave incombent, dans ce domaine, à « l'employeur indirect », à savoir aux sujets — personnes ou institutions de toutes sortes — qui sont en mesure d'orienter, au niveau national ou international, la politique du travail et de l'économie.
288

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
La capacité de programmation d'une société orientée vers le bien commun et projetée vers le futur se mesure aussi et surtout en fonction des perspectives de travail qu'elle peut offrir. Un taux élevé de chômage, la présence de systèmes d'instruction obsolètes et de difficultés persistantes dans l'accès à la formation et au marché du travail constituent, surtout pour beaucoup de jeunes, un fort obstacle sur la route de la réalisation humaine et professionnelle. Celui qui est sans emploi ou qui est sous- employé subit, de fait, les conséquences profondément négatives que cette condition entraîne sur sa personnalité et il risque d'être placé en marge de la société, de devenir une victime de l'exclusion sociale. C'est un drame qui frappe, en général, non seulement les jeunes, mais aussi les femmes, les travailleurs moins spécialisés, les handicapés, les immigrés, les anciens prisonniers, les analphabètes, tous les sujets qui rencontrent davantage de difficultés dans la recherche d'une place dans le monde du travail.
289

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Le maintien d'un emploi dépend toujours plus des capacités professionnelles. Le système d'instruction et d'éducation ne doit pas négliger la formation humaine et technique, nécessaire pour remplir avec profit les fonctions requises. La nécessité toujours plus répandue de changer plusieurs fois d'emploi au cours de la vie impose au système éducatif de favoriser la disponibilité des personnes à une requalification et un perfectionnement permanents. Les jeunes doivent apprendre à agir de manière autonome, à devenir capables d'assumer de façon responsable le devoir d'affronter avec des compétences appropriées les risques liés à un contexte économique mobile et aux évolutions souvent imprévisibles. Il est tout aussi indispensable d'offrir aux adultes en quête de requalification et aux chômeurs des occasions de formation opportunes. Plus généralement, le parcours professionnel des personnes doit trouver de nouvelles formes concrètes de soutien, à commencer par le système de formation, de sorte qu'il soit moins difficile de traverser des phases de changement, d'incertitude et de précarité.
290

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
b) Le rôle de l'État et de la société civile dans la promotion du droit au travail
Les problèmes de l'emploi interpellent les responsabilités de l'État, auquel il revient de promouvoir des politiques actives de travail, aptes à favoriser la création d'opportunités de travail sur le territoire national, en stimulant à cette fin le monde productif. Le devoir de l'État ne consiste pas tant à assurer directement le droit au travail de tous les citoyens, en régentant toute la vie économique et en mortifiant la libre initiative des individus, que plutôt à « soutenir l'activité des entreprises en créant les conditions qui permettent d'offrir des emplois, en la stimulant dans les cas où elle reste insuffisante ou en la soutenant dans les périodes de crise ».
291

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Face aux dimensions planétaires qu'assument rapidement les relations économico-financières et le marché du travail, il faut encourager une efficace collaboration internationale entre les États, par le biais de traités, d'accords et de plans d'action communs qui sauvegardent le droit au travail, notamment dans les phases les plus critiques du cycle économique, au niveau national et international. Il faut avoir conscience du fait que le travail humain est un droit dont dépend directement la promotion de la justice sociale et de la paix civile. D'importantes tâches dans cette direction reviennent aux Organisations internationales et syndicales: en se reliant sous les formes les plus opportunes, elles doivent s'engager en premier lieu à tisser « une trame toujours plus serrée de dispositions juridiques qui protègent le travail des hommes, des femmes, des jeunes, et lui assurent une rétribution convenable ».
292

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Pour la promotion du droit au travail, il est important, de nos jours comme à l'époque de « Rerum novarum », qu'il y ait un « libre processus d'auto-organisation de la société ». Nous pouvons trouver des témoignages significatifs et des exemples d'auto-organisation dans de nombreuses initiatives, au niveau d'entreprises et au niveau social, caractérisées par des formes de participation, de coopération et d'autogestion, qui révèlent la fusion d'énergies solidaires. Elles se présentent sur le marché comme un secteur diversifié de travaux qui se distinguent par une attention particulière à la composante relationnelle des biens produits et des services assurés dans de nombreux domaines: instruction, protection de la santé, services sociaux de base, culture. Les initiatives de ce qu'on appelle le « secteur tertiaire » constituent une occasion toujours plus importante de développement du travail et de l'économie.
293

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
c) La famille et le droit au travail
Le travail est « le fondement sur lequel s'édifie la vie familiale, qui est un droit naturel et une vocation pour l'homme »: il assure les moyens de subsistance et garantit le processus éducatif des enfants. Famille et travail, si étroitement interdépendants dans l'expérience de la grande majorité des personnes, méritent finalement une considération plus adaptée à la réalité, une attention qui les comprenne ensemble, sans les limites d'une conception privatiste de la famille et économiste du travail. À cet égard, il est nécessaire que les entreprises, les organisations professionnelles, les syndicats et l'État encouragent des politiques du travail qui ne pénalisent pas mais favorisent la cellule familiale du point de vue de l'emploi. En effet, la vie de famille et le travail se conditionnent réciproquement de diverses façons. Les grandes distances à parcourir jusqu'au lieu de travail, le double emploi et la fatigue physique et psychologique réduisent le temps consacré à la vie familiale; les situations de chômage ont des répercussions matérielles et spirituelles sur les familles, de même que les tensions et les crises familiales influent négativement sur les comportements et sur le rendement dans le domaine du travail.
294

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
d) Les femmes et le droit au travail
Le génie féminin est nécessaire dans toutes les expressions de la vie sociale; par conséquent, la présence des femmes dans le secteur du travail aussi doit être garantie. Le premier pas indispensable dans cette direction est la possibilité concrète d'accès à la formation professionnelle. La reconnaissance et la tutelle des droits des femmes dans le contexte du travail dépendent, en général, de l'organisation du travail, qui doit tenir compte de la dignité et de la vocation de la femme, dont « la vraie promotion (...) exige que le travail soit structuré de manière qu'elle ne soit pas obligée de payer sa promotion par l'abandon de sa propre spécificité et au détriment de sa famille dans laquelle elle a, en tant que mère, un rôle irremplaçable ». C'est une question à partir de laquelle se mesurent la qualité de la société et la tutelle effective du droit au travail des femmes.
La persistance de nombreuses formes de discrimination offensant la dignité et la vocation de la femme dans la sphère du travail est due à une longue série de conditionnements pénalisant la femme, qui, comme par le passé, continuent à « dénaturer ses prérogatives, l'ont souvent marginalisée et même réduite en esclavage ». Hélas, ces difficultés ne sont pas surmontées, comme le prouvent partout les diverses situations qui avilissent les femmes, les assujettissant aussi à des formes de véritable exploitation. L'urgence d'une reconnaissance effective des droits des femmes dans le cadre du travail se fait particulièrement sentir au niveau des rétributions, des assurances et de la prévoyance sociale.
295

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
e) Travail des enfants
Le travail des enfants, sous ses formes intolérables, constitue un type de violence moins apparent que d'autres mais non moins terrible pour autant. Une violence qui, au-delà de toutes les implications politiques, économiques et juridiques, demeure essentiellement un problème moral. Léon XIII met en garde: « L'enfant en particulier — et ceci demande à être observé strictement — ne doit entrer à l'usine qu'après que l'âge aura suffisamment développé en lui les forces physiques, intellectuelles et morales. Sinon, comme une herbe encore tendre, il se verra flétri par un travail trop précoce et c'en sera fait de son éducation ». Cent ans plus tard, le fléau du travail des enfants n'a pas encore été enrayé.
Bien que consciente, du moins pour l'heure, que dans certains pays la contribution apportée par le travail des enfants au budget familial et aux économies nationales est incontournable, et que, de toute manière, certaines formes de travail, accomplies à temps partiel, peuvent être fructueuses pour les enfants eux-mêmes, la doctrine sociale dénonce l'augmentation de « l'exploitation du travail des enfants dans des conditions de véritable esclavage ». Cette exploitation constitue une grave violation de la dignité humaine dont chaque individu, « quelles que soient sa petitesse ou sa faible importance apparente d'un point de vue utilitaire », est porteur.
296

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
f) Migrations et travail
L'immigration peut être une ressource, plutôt qu'un obstacle au développement. Dans le monde actuel où s'aggrave le déséquilibre entre pays riches et pays pauvres et où le développement des communications réduit rapidement les distances, les migrations de personnes en quête de meilleures conditions de vie augmentent. Ces personnes proviennent des régions les moins favorisées de la terre: leur arrivée dans les pays développés est souvent perçue comme une menace pour les niveaux élevés de bien- être atteints grâce à des décennies de croissance économique. Toutefois, les immigrés, dans la majorité des cas, répondent à une demande de travail qui, sans cela, resterait insatisfaite, dans des secteurs et des territoires où la main d'œuvre locale est insuffisante ou n'est pas disposée à effectuer ce travail.
297

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Les institutions des pays d'accueil doivent veiller soigneusement à ce que ne se répande pas la tentation d'exploiter la main d'œuvre étrangère, en la privant des droits garantis aux travailleurs nationaux, qui doivent être assurés à tous sans discriminations. La réglementation des flux migratoires selon des critères d'équité et d'équilibre est une des conditions indispensables pour obtenir que les insertions adviennent avec les garanties requises par la dignité de la personne humaine. Les immigrés doivent être accueillis en tant que personnes et aidés, avec leurs familles, à s'intégrer dans la vie sociale. Dans cette perspective, le droit au regroupement familial doit être respecté et favorisé. En même temps, autant que possible, toutes les conditions permettant des possibilités accrues de travail dans les zones d'origine doivent être encouragées.
298

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
g) Le monde agricole et le droit au travail
Le travail agricole mérite une attention particulière en raison aussi bien du rôle social, culturel et économique qu'il continue de jouer dans les systèmes économiques de nombreux pays, que des nombreux problèmes qu'il doit affronter dans le contexte d'une économie toujours plus mondialisée et de son importance croissante pour la sauvegarde de l'environnement: « Des changements radicaux et urgents sont donc nécessaires pour redonner à l'agriculture — et aux cultivateurs — leur juste valeur comme base d'une saine économie, dans l'ensemble du développement de la communauté sociale ».
Les mutations profondes et radicales en cours au niveau social et culturel, notamment dans l'agriculture et dans le vaste monde rural, requièrent avec urgence un approfondissement du sens du travail agricole dans ses multiples dimensions. Il s'agit d'un défi d'une grande importance, qui doit être affronté avec des politiques agricoles et environnementales capables de dépasser une certaine conception résiduelle axée sur l'assistance et d'élaborer de nouvelles perspectives en vue d'une agriculture moderne capable de remplir un rôle significatif dans la vie sociale et économique.
299

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Dans certains pays, une redistribution de la terre est indispensable, dans le cadre de politiques efficaces de réforme agraire, afin de surmonter l'empêchement que de grandes propriétés improductives, condamnées par la doctrine sociale de l'Église, constituent pour un développement économique authentique: « Les pays en voie de développement peuvent enrayer efficacement le processus actuel de concentration de la propriété de la terre en affrontant certaines situations qui apparaissent comme de véritables problèmes structurels. Car on ne compte plus les carences et les retards au niveau législatif en matière de reconnaissance du titre de propriété de la terre et en lien avec le marché du crédit, le désintéressement envers la recherche et la formation agricoles, ainsi que les négligences à propos de services sociaux et d'infrastructures dans les zones rurales ». La réforme agraire devient ainsi non seulement une nécessité politique, mais une obligation morale car sa non-application dans ces pays entrave les effets bénéfiques dérivant de l'ouverture des marchés et, en général, des occasions profitables de croissance que la mondialisation actuelle peut offrir.
300

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
V. LES DROITS DES TRAVAILLEURS
a) Dignité des travailleurs et respect de leurs droits
Les droits des travailleurs, comme tous les autres droits, se basent sur la nature de la personne humaine et sur sa dignité transcendante. Le Magistère social de l'Église a voulu en mentionner quelques-uns, en souhaitant leur reconnaissance dans les ordonnancements juridiques: le droit à une juste rémunération; le droit au repos; le droit « à des lieux et des méthodes de travail qui ne portent pas préjudice à la santé physique des travailleurs et qui ne blessent pas leur intégrité morale »; le droit que soit sauvegardée sa personnalité sur le lieu de travail, « sans être violenté en aucune manière dans sa conscience ou dans sa dignité »; le droit à des subventions convenables et indispensables pour la subsistance des travailleurs au chômage et de leurs familles; le droit à la retraite ainsi qu'à l'assurance vieillesse, l'assurance maladie et l'assurance en cas d'accidents du travail; le droit à des mesures sociales liées à la maternité et le droit de se réunir et de s'associer. Ces droits sont souvent offensés, comme le confirment les tristes phénomènes du travail sous-payé, privé de protection ou non représenté de manière adéquate. Il arrive souvent que les conditions de travail des hommes, des femmes et des enfants, en particulier dans les pays en voie de développement, soient tellement inhumaines qu'elles offensent leur dignité et nuisent à leur santé.
301

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
b) Le droit à une juste rémunération et distribution du revenu
La rémunération est l'instrument le plus important pour réaliser la justice dans les rapports de travail. Le « juste salaire est le fruit légitime du travail »; celui qui le refuse ou qui ne le donne pas en temps voulu et en une juste proportion par rapport au travail accompli commet une grave injustice (cf. Lv 19, 13; Dt 24, 14-15; Jc 5, 4). Le salaire est l'instrument qui permet au travailleur d'accéder aux biens de la terre: « Compte tenu des fonctions et de la productivité de chacun, de la situation de l'entreprise et du bien commun, la rémunération du travail doit assurer à l'homme des ressources qui lui permettent, à lui et à sa famille, une vie digne sur le plan matériel, social, culturel et spirituel ». Le simple accord entre travailleur et employeur sur le montant de la rémunération ne suffit pas à qualifier de « juste » le salaire concordé, car celui-ci « ne doit pas être insuffisant à faire subsister l'ouvrier »: la justice naturelle est antérieure et supérieure à la liberté du contrat.
302

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Le bien-être économique d'un pays ne se mesure pas exclusivement à la quantité de biens produits, mais aussi en tenant compte de la façon dont ils sont produits et du degré d'équité dans la distribution du revenu, qui devrait permettre à tous d'avoir à disposition ce qui sert au développement et au perfectionnement de la personne. Une répartition équitable du revenu doit être poursuivie sur la base de critères non seulement de justice commutative, mais aussi de justice sociale, c'est-à-dire en considérant, au-delà de la valeur objective des prestations de travail, la dignité humaine des sujets qui l'accomplissent. Un bien-être économique authentique se poursuit également à travers des politiques sociales de redistribution du revenu qui, tenant compte des conditions générales, considèrent opportunément les mérites et les besoins de chaque citoyen.
303

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
c) Le droit de grève
La doctrine sociale reconnaît la légitimité de la grève « quand elle se présente comme un recours inévitable, sinon nécessaire, en vue d'un bénéfice proportionné », après que toutes les autres modalités de dépassement du conflit se soient révélées inefficaces. La grève, une des conquêtes les plus difficiles de l'associationnisme syndical, peut être qualifiée de refus collectif et concerté, de la part des travailleurs, d'accomplir leurs prestations, afin d'obtenir, grâce à la pression ainsi exercée sur les employeurs, sur l'État et sur l'opinion publique, de meilleures conditions de travail et de leur situation sociale. La grève, pour autant qu'elle apparaisse « comme une sorte d'ultimatum », doit toujours être une méthode pacifique de revendication et de lutte pour ses droits; elle devient « moralement inacceptable lorsqu'elle s'accompagne de violences ou encore si on lui assigne des objectifs non directement liés aux conditions de travail ou contraires au bien commun ».
304

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
VI. SOLIDARITÉ ENTRE LES TRAVAILLEURS
a) L'importance des syndicats
Le Magistère reconnaît le rôle fondamental joué par les syndicats de travailleurs, qui trouvent leur raison d'être dans le droit de ces derniers à former des associations ou des unions pour défendre leurs intérêts vitaux dans les différentes professions. Les syndicats « ont grandi à partir de la lutte des travailleurs, du monde du travail et surtout des travailleurs de l'industrie, pour la sauvegarde de leurs justes droits vis-à-vis des entrepreneurs et des propriétaires des moyens de production ». En poursuivant leur fin spécifique au service du bien commun, les organisations syndicales contribuent à la construction de l'ordre social et de la solidarité et représentent donc un élément indispensable de la vie sociale. La reconnaissance des droits du travail constitue depuis toujours un problème difficile à résoudre, car elle se situe à l'intérieur de processus historiques et institutionnels complexes et on peut dire qu'aujourd'hui encore, elle est incomplète. Cela rend plus que jamais actuel et nécessaire l'exercice d'une solidarité authentique entre les travailleurs.
305

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
La doctrine sociale enseigne que les rapports au sein du monde du travail doivent être caractérisés par la collaboration: la haine et la lutte visant à éliminer l'autre constituent des méthodes tout à fait inacceptables, notamment parce que, dans tout système social, autant le travail que le capital sont indispensables au processus de production. À la lumière de cette conception, la doctrine sociale « ne pense pas que les syndicats soient seulement le reflet d'une structure “de classe” de la société; elle ne pense pas qu'ils soient les porte-parole d'une lutte de classe qui gouvernerait inévitablement la vie sociale ». Les syndicats sont à proprement parler les promoteurs de la lutte pour la justice sociale, pour les droits des travailleurs, dans leurs professions spécifiques: « Cette “lutte” doit être comprise comme un engagement normal “en vue” du juste bien (...); mais elle n'est pas une “lutte contre” les autres ». Étant avant tout un instrument de solidarité et de justice, le syndicat ne peut abuser des instruments de lutte; en raison de sa vocation, il doit vaincre les tentations du corporatisme; savoir s'auto-réglementer et peser les conséquences de ses choix par rapport à l'horizon du bien commun.
306

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
C'est au syndicat, en plus de ses fonctions défensives et revendicatives, que reviennent à la fois une représentation tendant à « la bonne organisation de la vie économique » et à l'éducation de la conscience sociale des travailleurs, afin qu'ils se sentent partie active, selon les capacités et les aptitudes de chacun, dans toute l'œuvre du développement économique et social et de la construction du bien commun universel. Le syndicat et les autres formes d'associationnisme des travailleurs doivent assumer une fonction de collaboration avec les autres sujets sociaux et s'intéresser à la gestion de la chose publique. Les organisations syndicales ont le devoir d'influencer le pouvoir politique, afin de le sensibiliser dûment aux problèmes du travail et de l'inciter à favoriser la mise en œuvre des droits des travailleurs. Toutefois, les syndicats n'ont pas le caractère de « partis politiques » qui luttent pour le pouvoir et ne doivent pas non plus être soumis aux décisions des partis politiques ou entretenir avec eux des liens trop étroits: « Si telle est leur situation, ils perdent facilement le contact avec ce qui est leur rôle spécifique, celui de défendre les justes droits des travailleurs dans le cadre du bien commun de toute la société, et ils deviennent, au contraire, un instrument pour d'autres buts ».
307

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
b) Nouvelles formes de solidarité
Le contexte socio-économique contemporain, caractérisé par des processus de mondialisation économique et financière toujours plus rapides, pousse les syndicats à se rénover. Aujourd'hui les syndicats sont appelés à agir sous de nouvelles formes,673 en amplifiant leur rayon d'action de solidarité de façon à ce que soient protégés, non seulement les catégories traditionnelles de travailleurs, mais aussi les travailleurs aux contrats atypiques ou à durée déterminée; les travailleurs dont l'emploi est mis en danger par les fusions d'entreprises qui surviennent toujours plus fréquemment, notamment au niveau international; ceux qui n'ont pas d'emploi, les immigrés, les travailleurs saisonniers, ceux qui, par manque de recyclage professionnel, ont été expulsés du marché du travail et ne peuvent plus y rentrer sans des cours appropriés de requalification.
Face aux changements intervenus dans le monde du travail, la solidarité pourra être retrouvée et peut-être même avoir de meilleurs fondements que par le passé si l'on œuvre pour une redécouverte de la valeur subjective du travail: « Aussi faut-il continuer à s'interroger sur le sujet du travail et sur les conditions dans lesquelles il vit ». Voilà pourquoi « il faut toujours qu'il y ait de nouveaux mouvements de solidarité des travailleurs et de solidarité avec les travailleurs ».
308

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
En poursuivant « de nouvelles formes de solidarité », les associations de travailleurs doivent s'orienter vers l'assomption de plus grandes responsabilités, non seulement dans le cadre des mécanismes traditionnels de la redistribution, mais aussi à l'égard de la production de la richesse et de la création de conditions sociales, politiques et culturelles qui permettent à tous ceux qui peuvent et désirent travailler d'exercer leur droit au travail, dans le plein respect de leur dignité de travailleurs. Le dépassement graduel du modèle d'organisation basé sur le travail salarié dans la grande entreprise rend opportune en outre la mise à jour des normes et des systèmes de sécurité sociale qui ont servi à protéger les travailleurs jusqu'à présent, tout en préservant leurs droits fondamentaux.
309

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
VII. LES « RES NOVAE » DU MONDE DU TRAVAIL
a) Une phase de transition historique
Une des impulsions les plus significatives apportées à l'actuel changement de l'organisation du travail provient du phénomène de la mondialisation, qui permet d'expérimenter de nouvelles formes de production, avec le transfert des installations dans des aires géographiques différentes de celles où sont prises les décisions stratégiques et éloignées du marché de la consommation. Deux facteurs donnent une impulsion à ce phénomène: la vitesse de communication extraordinaire, sans limites d'espace ni de temps, et la relative facilité de transporter des marchandises et des personnes d'une partie à l'autre de la planète. Ceci comporte une conséquence fondamentale sur les processus de production: la propriété est toujours plus éloignée, souvent indifférente aux effets sociaux des choix effectués. Par ailleurs, s'il est vrai que la mondialisation, a priori, n'est ni bonne ni mauvaise en soi, mais qu'elle dépend de l'usage que l'homme en fait, on doit affirmer qu'une mondialisation des tutelles, des droits minimums essentiels et de l'équité est nécessaire.
310

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Une des caractéristiques les plus importantes de la nouvelle organisation du travail est la fragmentation physique du cycle de production, encouragée pour obtenir une meilleure efficacité et de meilleurs profits. Dans cette perspective, les coordonnées traditionnelles espace-temps, à l'intérieur desquelles se situait le cycle de production, subissent une transformation sans précédent, qui détermine un changement dans la structure même du travail. Tout ceci a des conséquences importantes dans la vie des individus et des communautés, soumis à des changements radicaux à la fois sur le plan des conditions matérielles, sur le plan culturel et sur le plan des valeurs. Ce phénomène touche des millions de personnes, aux niveaux global et local, indépendamment de la profession qu'elles exercent, de leur condition sociale et de leur préparation culturelle. La réorganisation du temps, sa régularisation et les changements actuels dans l'usage de l'espace — comparables, par leur importance, à la première révolution industrielle, dans la mesure où ils touchent tous les secteurs de production, sur tous les continents, quel que soit leur niveau de développement — doivent donc être considérés comme un défi décisif, notamment au niveau éthique et culturel, dans le domaine de la définition d'un système renouvelé de protection du travail.
311

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
La mondialisation de l'économie, avec la libéralisation des marchés, l'accentuation de la concurrence et l'augmentation d'entreprises spécialisées dans la fourniture de produits et de services, requiert une plus grande flexibilité sur le marché du travail et dans l'organisation et la gestion des processus de production. Dans l'évaluation de cette matière délicate, il semble opportun d'accorder une plus grande attention — au plan moral, culturel et de la programmation — à l'orientation de l'action sociale et politique sur les thèmes liés à l'identité et aux contenus du nouveau travail, sur un marché et dans une économie eux-mêmes nouveaux. De fait, les mutations du marché du travail sont souvent un effet du changement du travail lui-même et non pas sa cause.
312

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
Le travail, surtout à l'intérieur des systèmes économiques des pays les plus développés, traverse une phase qui marque le passage d'une économie de type industriel à une économie essentiellement centrée sur les services et sur l'innovation technologique. Il arrive que les services et les activités caractérisées par un fort contenu informatif croissent plus rapidement que les secteurs traditionnels, primaire et secondaire, avec des conséquences de vaste portée dans l'organisation de la production et des échanges, dans le contenu et dans la forme des prestations de travail et dans les systèmes de protection sociale.
Grâce aux innovations technologiques, le monde du travail s'enrichit de professions nouvelles, tandis que d'autres disparaissent. Dans l'actuelle phase de transition, en effet, on assiste à un passage continuel de travailleurs du secteur de l'industrie à celui des services. Tandis que le modèle économique et social lié à la grande entreprise et au travail d'une classe ouvrière homogène perd du terrain, on constate une amélioration des perspectives d'emploi dans le tertiaire et, en particulier, une augmentation des activités dans le secteur des services rendus aux personnes et des prestations à temps partiel, intérimaires et « atypiques », à savoir des formes de travail qui n'entrent pas dans le cadre du travail salarié ni du travail autonome.
313

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
La transition actuelle marque le passage du travail salarié à durée indéterminée, conçu comme une place fixe, à un parcours de travail caractérisé par une pluralité d'activités; d'un monde du travail compact, défini et reconnu, à un univers de travaux, diversifié, fluide, riche de promesses, mais aussi chargé d'interrogations préoccupantes, spécialement face à l'incertitude croissante quant aux perspectives d'emplois, aux phénomènes persistants de chômage structurel, à l'inadaptation des systèmes actuels de sécurité sociale. Les exigences de la concurrence, de l'innovation technologique et de la complexité des flux financiers doivent être harmonisées avec la défense du travailleur et de ses droits.
L'insécurité et la précarité ne concernent pas seulement la condition de travail des personnes vivant dans les pays les plus développés, mais aussi et surtout les réalités économiquement moins avancées de la planète, les pays en voie de développement et les pays aux économies en transition. Ces derniers, en plus des problèmes liés au changement des modèles économiques et productifs, doivent affronter quotidiennement les difficiles exigences dérivant de la mondialisation actuelle. La situation apparaît particulièrement dramatique pour le monde du travail, touché par des changements culturels et structurels vastes et radicaux, dans des contextes souvent privés de supports législatifs, formatifs et d'assistance sociale.
314

Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
La décentralisation de la production, qui assigne aux petites entreprises de multiples tâches, précédemment concentrées dans les grandes unités de production, renforce les petites et moyennes entreprises et leur imprime un nouvel élan. À côté de l'artisanat traditionnel, on voit ainsi émerger de nouvelles entreprises caractérisées par de petites unités de production dans les secteurs modernes ou dans des activités décentralisées par rapport aux grandes entreprises. De nombreuses activités qui, hier, exigeaient un travail salarié sont réalisées aujourd'hui sous de nouvelles formes qui favorisent le travail indépendant et se caractérisent par un élément plus important de risque et de responsabilité.
Le travail dans les petites et moyennes entreprises, le travail artisanal et le travail indépendant peuvent constituer une occasion de rendre la vie de travail plus humaine, à la fois grâce à la possibilité d'établir des relations interpersonnelles positives dans des communautés de petites dimensions et aux opportunités offertes par un plus grand esprit d'initiative et d'entreprise; mais nombreux sont les cas, dans ces secteurs, de traitements injustes, de travail mal payé et surtout précaire.
315