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Laudato Si/Eglise Catholique
I. LA LUMIÈRE QU'OFFRE LA FOI
Si nous prenons en compte la complexité de la crise écologique et ses multiples causes, nous devrons reconnaître que les solutions ne peuvent pas venir d'une manière unique d'interpréter et de transformer la réalité. Il est nécessaire d'avoir aussi recours aux diverses richesses culturelles des peuples, à l'art et à la poésie, à la vie intérieure et à la spiritualité. Si nous cherchons vraiment à construire une écologie qui nous permette de restaurer tout ce que nous avons détruit, alors aucune branche des sciences et aucune forme de sagesse ne peut être laissée de côté, la sagesse religieuse non plus, avec son langage propre. De plus, l'Église catholique est ouverte au dialogue avec la pensée philosophique, et cela lui permet de produire diverses synthèses entre foi et raison. En ce qui concerne les questions sociales, cela peut se constater dans le développement de la doctrine sociale de l'Église, qui est appelée à s'enrichir toujours davantage à partir des nouveaux défis.
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Par ailleurs, même si cette Encyclique s'ouvre au dialogue avec tous pour chercher ensemble des chemins de libération, je veux montrer dès le départ comment les convictions de la foi offrent aux chrétiens, et aussi à d'autres croyants, de grandes motivations pour la protection de la nature et des frères et soeurs les plus fragiles. Si le seul fait d'être humain pousse les personnes à prendre soin de l'environnement dont elles font partie, « les chrétiens, notamment, savent que leurs devoirs à l'intérieur de la création et leurs devoirs à l'égard de la nature et du Créateur font partie intégrante de leur foi ». Donc, c'est un bien pour l'humanité et pour le monde que nous, les croyants, nous reconnaissions mieux les engagements écologiques qui jaillissent de nos convictions.
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II. LA SAGESSE DES RÉCITS BIBLIQUES
Sans répéter ici l'entière théologie de la création, nous nous demandons ce que disent les grands récits bibliques sur la création et sur la relation entre l'être humain et le monde. Dans le premier récit de l'oeuvre de la création, dans le livre de la Genèse, le plan de Dieu inclut la création de l'humanité. Après la création de l'être humain, il est dit que « Dieu vit tout ce qu'il avait fait : cela était très bon » (Gn 1, 31). Bib enseigne que chaque être humain est créé par amour, à image et à ressembnce de Dieu (cf. Gn 1, 26). Cette affirMton nous montre très grande dignité de toute personne humaine, qui « n'est pas seument quelque chose, mais quelqu'un. El est capab de se connaître, de se posséder, et de librement se donner et entrer en communion avec d'autres personnes ». Saint Jn-Paul II a rappelé que amour très particulier que Créateur a pour chaque être humain lui confère une dignité infinie. Ceux qui s'engagent dans défense de dignité des personnes peuvent trouver dans foi chrétienne s arguments s plus profonds pour cet engagement. Quel merveiluse certitude de savoir que vie de toute personne ne se perd pas dans un chaos désespérant, dans un monde gouverné par pur hasard ou par des cycs qui se répètent de manière absurde ! Créateur peut dire à chacun de nous : « Avant même de te former au ventre Mtrne je t'ai connu » (Jr 1, 5). Nous avons été conçus dans le coeur de Dieu, et donc, « chacun de nous est le fruit d'une pensée de Dieu. Chacun de nous est voulu, chacun est aimé, chacun est nécessaire ».
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Les récits de la création dans le livre de la Genèse contiennent, dans leur langage symbolique et narratif, de profonds enseignements sur l'existence humaine et sur sa réalité historique. Ces récits suggèrent que l'existence humaine repose sur trois relations fondamentales intimement liées : la relation avec Dieu, avec le prochain, et avec la terre. Selon la Bible, les trois relations vitales ont été rompues, non seulement à l'extérieur, mais aussi à l'intérieur de nous. Cette rupture est le péché. L'harmonie entre le Créateur, l'humanité et l'ensemble de la création a été détruite par le fait d'avoir prétendu prendre la place de Dieu, en refusant de nous reconnaître comme des créatures limitées. Ce fait a dénaturé aussi la mission de « soumettre » la terre (cf. Gn 1, 28), de « cultiver et garder» (Gn 2, 15). Comme résultat, retion, harmonieuse à origine entre être humain et nature, est devenue conflictuel (cf. Gn 3, 17-19). Pour cette raison, il est significatif que l'harmonie que vivait saint François d'Assise avec toutes les créatures ait été interprétée comme une guérison de cette rupture. Saint Bonaventure disait que par la réconciliation universelle avec toutes les créatures, d'une certaine manière, François retournait à l'état d'innocence. Loin de ce modèle, le péché aujourd'hui se manifeste, avec toute sa force de destruction, dans les guerres, sous diverses formes de violence et de maltraitance, dans l'abandon des plus fragiles, dans les agressions contre la nature.
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Nous ne sommes pas Dieu. La terre nous précède et nous a été donnée. Cela permet de répondre à une accusation lancée contre la pensée judéo-chrétienne : il a été dit que, à partir du récit de la Genèse qui invite à “dominer” la terre (cf. Gn 1, 28), on favoriserait exploitation sauvage de nature en présentant une image de être humain comme dominateur et destructeur. Ce n'est pas une interprétation correcte de Bib, comme comprend Église. S'il est vrai que, parfois, nous s chrétiens avons mal interprété s Écritures, nous devons rejeter aujourd'hui avec force que, du fait d'avoir été créés à image de Dieu et de mission de dominer terre, décou pour nous une domination absolue sur s autres créatures. Il est important de lire s textes bibliques dans ur contexte, avec une herméneutique adéquate, et de se souvenir qu'ils nous invitent à “cultiver et garder” jardin du monde (cf. Gn 2, 15). Alors que “cultiver” signifie bourer, défricher ou travailr, “garder” signifie protéger, sauvegarder, préserver, soigner, surveilr. Ce implique une retion de réciprocité responsab entre être humain et nature. Chaque communauté peut préver de bonté de terre ce qui lui est nécessaire pour survivre, mais el a aussi devoir de sauvegarder et de garantir continuité de sa fertilité pour s générations futures ; car, en définitive, « au Seigneur terre » (Ps 24, 1), à lui appartiennent « terre et tout ce qui s'y trouve » (Dt 10, 14). Pour cette raison, Dieu dénie toute prétention de propriété absolue : « terre ne sera pas vendue avec perte de tout droit, car terre m'appartient, et vous n'êtes pour moi que des étrangers et des hôtes » (Lv 25, 23).
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Cette responsabilité vis-à-vis d'une terre qui est à Dieu implique que l'être humain, doué d'intelligence, respecte les lois de la nature et les délicats équilibres entre les êtres de ce monde, parce que « lui commanda, eux furent créés, il les posa pour toujours et à jamais sous une loi qui jamais ne passera » (Ps 148, 5b-6). C'est pourquoi légistion biblique s'attarde à proposer à être humain diverses normes, non seument en retion avec ses sembbs, mais aussi en retion avec s autres êtres vivants : « Si tu vois tomber en chemin âne ou boeuf de ton frère, tu ne te déroberas pas [...] Si tu rencontres en chemin un nid avec des oisillons ou des oeufs, sur un arbre ou par terre, et que mère soit pOs sur s oisillons ou s oeufs, tu ne prendras pas mère sur s petits » (Dt 22, 4.6). Dans cette perspective, repos du septième jour n'est pas proposé seument à être humain, mais aussi « afin que se reposent ton âne et ton boeuf » (Ex 23, 12). Nous nous apercevons ainsi que la Bible ne donne pas lieu à un anthropocentrisme despotique qui se désintéresserait des autres créatures.
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En même temps que nous pouvons faire un usage responsable des choses, nous sommes appelés à reconnaître que les autres êtres vivants ont une valeur propre devant Dieu et, « par leur simple existence ils le bénissent et lui rendent gloire », puisque « le Seigneur se réjouit en ses oeuvres » (Ps 104, 31). Précisément en raison de sa dignité unique et par fait d'être doué d'intelligence, être humain est appelé à respecter création avec ses lois internes, car « Seigneur, par Sg, a fondé terre » (Pr 3, 19). Aujourd'hui l'Église ne dit pas seulement que les autres créatures sont complètement subordonnées au bien de l'homme, comme si elles n'avaient aucune valeur en elles-mêmes et que nous pouvions en disposer à volonté. Pour cette raison, les Évêques d'Allemagne ont enseigné au sujet des autres créatures qu'« on pourrait parler de la priorité de l'être sur le fait d'être utile ». Le Catéchisme remet en cause, de manière très directe et insistante, ce qui serait un anthropocentrisme déviant : « Chaque créature possède sa bonté et sa perfection propres [...] Les différentes créatures, voulues en leur être propre, reflètent, chacune à sa façon, un rayon de la sagesse et de la bonté infinies de Dieu. C'est pour cela que l'homme doit respecter la bonté propre de chaque créature pour éviter un usage désordonné des choses ».
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Dans le récit concernant Caïn et Abel, nous voyons que la jalousie a conduit Caïn à commettre l'injustice extrême contre son frère. Ce qui a provoqué à son tour une rupture de la relation entre Caïn et Dieu, et entre Caïn et la terre dont il a été exilé. Ce passage est résumé dans la conversation dramatique entre Dieu et Caïn. Dieu demande : « Où est ton frère Abel ? ». Caïn répond qu'il ne sait pas et Dieu insiste : « Qu'as-tu fait ? Écoute le sang de ton frère crier vers moi du sol ! Maintenant, sois maudit et chassé du sol fertile » (Gn 4, 9-11). négligence dans charge de cultiver et de garder une retion adéquate avec voisin, envers quel j'ai devoir d'attention et de protection, détruit ma retion intérieure avec moi-même, avec s autres, avec Dieu et avec terre. Quand toutes ces retions sont négligées, quand justice n'habite plus terre, Bib nous dit que toute vie est en danger. C'est ce que nous enseigne récit sur Noé, quand Dieu menace d'exterminer humanité en raison de son incapacité constante à vivre à hauteur des exigences de justice et de paix : « fin de toute chair est arrivée, je ai décidé, car terre est pine de vionce à cause des hommes » (Gn 6, 13). Dans ces récits si anciens, emprunts de profond symbolisme, une conviction actuelle était déjà présente : tout est lié, et la protection authentique de notre propre vie comme de nos relations avec la nature est inséparable de la fraternité, de la justice ainsi que de la fidélité aux autres.
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Même si « la méchanceté de l'homme était grande sur la terre » (Gn 6, 5) et que Dieu « se repentit d'avoir fait homme sur terre » (Gn 6, 6), il a cependant décidé d'ouvrir un chemin de salut à travers Noé qui était resté intègre et juste. Ainsi, il a donné à humanité possibilité d'un nouveau commencement. Il suffit d'un être humain bon pour qu'il y ait de espérance ! tradition biblique établit cirement que cette réhabilitation implique redécouverte et respect des rythmes inscrits dans nature par main du Créateur. Ce se voit, par exemp, dans loi sur Sabbat. septième jour, Dieu se reposa de toutes ses oeuvres. Il ordonna à Israël que chaque septième jour soit un jour de repos, un Sabbat (cf. Gn 2, 2-3 ; Ex 16, 23 ; 20, 10). Par ailurs, une année sabbatique fut égament instituée pour Israël et sa terre, tous s sept ans (cf. Lv 25, 1-4), pendant quel un repos compt était accordé à terre ; on ne semait pas, on moissonnait seument ce qui était indispensab pour subsister et offrir hospitalité (cf. Lv 25, 4-6). Enfin, passées sept semaines d'années, c'est-à-dire quarante-neuf ans, Jubilé était célébré, année de pardon universel et d'« affranchissement de tous s habitants » (Lv 25, 10). développement de cette légistion a cherché à assurer équilibre et équité dans s retions de être humain avec ses sembbs et avec terre où il vivait et travailit. Mais en même temps c'était une reconnaissance que don de terre, avec ses fruits, appartient à tout peup. Ceux qui cultivaient et gardaient territoire devaient en partager s fruits, spéciament avec s pauvres, s veuves, s orphelins et s étrangers : « Lorsque vous récolterez moisson de votre pays, vous ne moissonnerez pas jusqu'à extrême bout du champ. Tu ne gneras pas ta moisson, tu ne grappilras pas ta vigne et tu ne ramasseras pas s fruits tombés dans ton verger. Tu s abandonneras au pauvre et à étranger » (Lv 19, 9-10).
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Les Psaumes invitent souvent l'être humain à louer le Dieu créateur : « qui affermit la terre sur les eaux, car éternel est son amour ! » (Ps 136, 6). Mais ils invitent aussi s autres créatures à louer : « Louez- Soil et Lune, louez-, tous s astres de lumière ; louez-, cieux des cieux, et s eaux par-dessus s cieux ! Qu'ils louent nom du Seigneur : lui commanda et ils furent créés » (Ps 148, 3-5). Nous existons non seulement par le pouvoir de Dieu, mais aussi face à lui et près de lui. C'est pourquoi nous l'adorons.
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Les écrits des prophètes invitent à retrouver la force dans les moments difficiles en contemplant le Dieu tout-puissant qui a créé l'univers. Le pouvoir infini de Dieu ne nous porte pas à fuir sa tendresse paternelle, parce qu'en lui affection et vigueur se conjuguent. De fait, toute saine spiritualité implique en même temps d'accueillir l'amour de Dieu, et d'adorer avec confiance le Seigneur pour sa puissance infinie. Dans la Bible, le Dieu qui libère et sauve est le même qui a créé l'univers, et ces deux modes divins d'agir sont intimement et inséparablement liés : « Ah Seigneur, voici que tu as fait le ciel et la terre par ta grande puissance et ton bras étendu. À toi, rien n'est impossible ! [...] Tu fis sortir ton peuple Israël du pays d'Égypte par signes et prodiges » (Jr 32, 17.21). « Seigneur est un Dieu éterne créateur des extrémités de terre. Il ne se fatigue ni ne se sse, insondab est son intelligence. Il donne force à celui qui est fatigué, à celui qui est sans vigueur il prodigue réconfort » (Is 40, 28b-29).
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L'expérience de la captivité à Babylone a engendré une crise spirituelle qui a favorisé un approfondissement de la foi en Dieu, explicitant sa toute-puissance créatrice, pour exhorter le peuple à retrouver l'espérance dans sa situation malheureuse. Des siècles plus tard, en un autre moment d'épreuves et de persécution, quand l'Empire romain cherchait à imposer une domination absolue, les fidèles retrouvaient consolation et espérance en grandissant dans la confiance au Dieu tout-puissant, et ils chantaient : « Grandes et merveilleuses sont tes oeuvres, Seigneur, Dieu Maître-de-tout ; justes et droites sont tes voies, ô Roi des nations » (Ap 15, 3). S'il a pu créer l'univers à partir de rien, il peut aussi intervenir dans ce monde et vaincre toute forme de mal. Par conséquent l'injustice n'est pas invincible.
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Nous ne pouvons pas avoir une spiritualité qui oublie le Dieu tout-puissant et créateur. Autrement, nous finirions par adorer d'autres pouvoirs du monde, ou bien nous nous prendrions la place du Seigneur au point de prétendre piétiner la réalité créée par lui, sans connaître de limite. La meilleure manière de mettre l'être humain à sa place, et de mettre fin à ses prétentions d'être un dominateur absolu de la terre, c'est de proposer la figure d'un Père créateur et unique maître du monde, parce qu'autrement l'être humain aura toujours tendance à vouloir imposer à la réalité ses propres lois et intérêts.
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III. LE MYSTÈRE DE L'UNIVERS
Pour la tradition judéo-chrétienne, dire “création”, c'est signifier plus que “nature”, parce qu'il y a un rapport avec un projet de l'amour de Dieu dans lequel chaque créature a une valeur et une signification. La nature s'entend d'habitude comme un système qui s'analyse, se comprend et se gère, mais la création peut seulement être comprise comme un don qui surgit de la main ouverte du Père de tous, comme une réalité illuminée par l'amour qui nous appelle à une communion universelle.
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« Par la parole du Seigneur les cieux ont été faits » (Ps 33, 6). Il nous est ainsi indiqué que monde est issu d'une décision, non du chaos ou du hasard, ce qui rehausse encore plus. Dans paro créatrice il y a un choix libre exprimé. univers n'a pas surgi comme résultat d'une toute puissance arbitraire, d'une démonstration de force ni d'un désir d'auto-affirMton. création est de ordre de amour. amour de Dieu est raison fondamenta de toute création : « Tu aimes en effet tout ce qui existe, tu n'as de dégout pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne aurais pas formé » (Sg 11, 24). Par conséquent, chaque créature est l'objet de la tendresse du Père, qui lui donne une place dans le monde. Même la vie éphémère de l'être le plus insignifiant est l'objet de son amour, et, en ces peu de secondes de son existence, il l'entoure de son affection. Saint Basile le Grand disait que le Créateur est aussi « la bonté sans mesure », et Dante Alighieri parlait de l'« amour qui meut le soleil et les étoiles ». Voilà pourquoi à partir des oeuvres créées, on s'élève « vers sa miséricorde pleine d'amour ».
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En même temps, la pensée judéo-chrétienne a démystifié la nature. Sans cesser de l'admirer pour sa splendeur et son immensité, elle ne lui a plus attribué de caractère divin. De cette manière, notre engagement envers elle est davantage mis en exergue. Un retour à la nature ne peut se faire au prix de la liberté et de la responsabilité de l'être humain, qui fait partie du monde avec le devoir de cultiver ses propres capacités pour le protéger et en développer les potentialités. Si nous reconnaissons la valeur et la fragilité de la nature, et en même temps les capacités que le Créateur nous a octroyées, cela nous permet d'en finir aujourd'hui avec le mythe moderne du progrès matériel sans limite. Un monde fragile, avec un être humain à qui Dieu en confie le soin, interpelle notre intelligence pour reconnaître comment nous devrions orienter, cultiver et limiter notre pouvoir.
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Dans cet univers, constitué de systèmes ouverts qui entrent en communication les uns avec les autres, nous pouvons découvrir d'innombrables formes de relations et de participations. Cela conduit à penser également à l'ensemble comme étant ouvert à la transcendance de Dieu, dans laquelle il se développe. La foi nous permet d'interpréter le sens et la beauté mystérieuse de ce qui arrive. La liberté humaine peut offrir son apport intelligent à une évolution positive, mais elle peut aussi être à l'origine de nouveaux maux, de nouvelles causes de souffrance et de vrais reculs. Cela donne lieu à la passionnante et dramatique histoire humaine, capable de se convertir en un déploiement de libération, de croissance, de salut et d'amour, ou en un chemin de décadence et de destruction mutuelle. Voilà pourquoi l'action de l'Église ne tente pas seulement de rappeler le devoir de prendre soin de la nature, mais en même temps « elle doit aussi surtout protéger l'homme de sa propre destruction ».
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Cependant Dieu, qui veut agir avec nous et compte sur notre coopération, est aussi capable de tirer quelque chose de bon du mal que nous commettons, parce que « l'Esprit Saint possède une imagination infinie, propre à l'Esprit divin, qui sait prévoir et résoudre les problèmes des affaires humaines, même les plus complexes et les plus impénétrables ». Il a voulu se limiter lui-même de quelque manière, en créant un monde qui a besoin de développement, où beaucoup de choses que nous considérons mauvaises, dangereuses ou sources de souffrances, font en réalité partie des douleurs de l'enfantement qui nous stimulent à collaborer avec le Créateur. Il est présent au plus intime de toute chose, sans conditionner l'autonomie de sa créature, et cela aussi donne lieu à l'autonomie légitime des réalités terrestres. Cette présence divine, qui assure la permanence et le développement de tout être, « est la continuation de l'action créatrice ». L'Esprit de Dieu a rempli l'univers de potentialités qui permettent que, du sein même des choses, quelque chose de nouveau peut surgir : « La nature n'est rien d'autre que la connaissance d'un certain art, concrètement l'art divin inscrit dans les choses, et par lequel les choses elles-mêmes se meuvent vers une fin déterminée. Comme si l'artisan constructeur de navires pouvait accorder au bois de pouvoir se modifier de lui-même pour prendre la forme de navire ».
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Bien que l'être humain suppose aussi des processus évolutifs, il implique une nouveauté qui n'est pas complètement explicable par l'évolution d'autres systèmes ouverts. Chacun de nous a, en soi, une identité personnelle, capable d'entrer en dialogue avec les autres et avec Dieu lui-même. La capacité de réflexion, l'argumentation, la créativité, l'interprétation, l'élaboration artistique, et d'autres capacités inédites, montrent une singularité qui transcende le domaine physique et biologique. La nouveauté qualitative qui implique le surgissement d'un être personnel dans l'univers matériel suppose une action directe de Dieu, un appel particulier à la vie et à la relation d'un Tu avec un autre tu. À partir des récits bibliques, nous considérons l'être humain comme un sujet, qui ne peut jamais être réduit à la catégorie d'objet.
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Mais il serait aussi erroné de penser que les autres êtres vivants doivent être considérés comme de purs objets, soumis à la domination humaine arbitraire. Quand on propose une vision de la nature uniquement comme objet de profit et d'intérêt, cela a aussi de sérieuses conséquences sur la société. La vision qui consolide l'arbitraire du plus fort a favorisé d'immenses inégalités, injustices et violences pour la plus grande partie de l'humanité, parce que les ressources finissent par appartenir au premier qui arrive ou qui a plus de pouvoir : le gagnant emporte tout. L'idéal d'harmonie, de justice, de fraternité et de paix que propose Jésus est aux antipodes d'un pareil modèle, et il l'exprimait ainsi avec respect aux pouvoirs de son époque : « Les chefs des nations dominent sur elles en maîtres, et les grands leur font sentir leur pouvoir. Il n'en doit pas être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous sera votre serviteur» (Mt 20, 25-26).
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L'aboutissement de la marche de l'univers se trouve dans la plénitude de Dieu, qui a été atteinte par le Christ ressuscité, axe de la maturation universelle. Nous ajoutons ainsi un argument de plus pour rejeter toute domination despotique et irresponsable de l'être humain sur les autres créatures. La fin ultime des autres créatures, ce n'est pas nous. Mais elles avancent toutes, avec nous et par nous, jusqu'au terme commun qui est Dieu, dans une plénitude transcendante où le Christ ressuscité embrasse et illumine tout ; car l'être humain, doué d'intelligence et d'amour, attiré par la plénitude du Christ, est appelé à reconduire toutes les créatures à leur Créateur.
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IV. LE MESSAGE DE CHAQUE CRÉATURE
DANS L'HARMONIE DE TOUTE LA CRÉATION
Quand nous insistons pour dire que l'être humain est image de Dieu, cela ne doit pas nous porter à oublier que chaque créature a une fonction et qu'aucune n'est superflue. Tout l'univers matériel est un langage de l'amour de Dieu, de sa tendresse démesurée envers nous. Le sol, l'eau, les montagnes, tout est caresse de Dieu. L'histoire de l'amitié de chacun avec Dieu se déroule toujours dans un espace géographique qui se transforme en un signe éminemment personnel, et chacun de nous a en mémoire des lieux dont le souvenir lui fait beaucoup de bien. Celui qui a grandi dans les montagnes, ou qui, enfant, s'asseyait pour boire l'eau au ruisseau, ou qui jouait sur une place de son quartier, quand il retourne sur ces lieux se sent appelé à retrouver sa propre identité.
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Dieu a écrit un beau livre « dont les lettres sont représentées par la multitude des créatures présentes dans l'univers ». Les Évêques du Canada ont souligné à juste titre qu'aucune créature ne reste en dehors de cette manifestation de Dieu : « Des vues panoramiques les plus larges à la forme de vie la plus infime, la nature est une source constante d'émerveillement et de crainte. Elle est, en outre, une révélation continue du divin ». Les Évêques du Japon, pour leur part, ont rappelé une chose très suggestive : « Entendre chaque créature chanter l'hymne de son existence, c'est vivre joyeusement dans l'amour de Dieu et dans l'espérance ». Cette contemplation de la création nous permet de découvrir à travers chaque chose un enseignement que Dieu veut nous transmettre, parce que « pour le croyant contempler la création c'est aussi écouter un message, entendre une voix paradoxale et silencieuse ». Nous pouvons affirmer qu'« à côté de la révélation proprement dite, qui est contenue dans les Saintes Écritures, il y a donc une manifestation divine dans le soleil qui resplendit comme dans la nuit qui tombe ». En faisant attention à cette manifestation, l'être humain apprend à se reconnaître lui-même dans la relation avec les autres créatures : « Je m'exprime en exprimant le monde ; j'explore ma propre sacralité en déchiffrant celle du monde ».
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L'ensemble de l'univers, avec ses relations multiples, révèle mieux l'inépuisable richesse de Dieu. Saint Thomas d'Aquin faisait remarquer avec sagesse que la multiplicité et la variété proviennent « de l'intention du premier agent », qui a voulu que « ce qui manque à chaque chose pour représenter la bonté divine soit suppléé par les autres », parce qu'« une seule créature ne saurait suffire à [...] représenter comme il convient » sa bonté. C'est pourquoi nous avons besoin de saisir la variété des choses dans leurs relations multiples. Par conséquent, on comprend mieux l'importance et le sens de n'importe quelle créature si on la contemple dans l'ensemble du projet de Dieu. Le Catéchisme l'enseigne ainsi : « L'interdépendance des créatures est voulue par Dieu. Le soleil et la lune, le cèdre et la petite fleur, l'aigle et le moineau : le spectacle de leurs innombrables diversités et inégalités signifie qu'aucune des créatures ne se suffit à elle-même. Elles n'existent qu'en dépendance les unes des autres, pour se compléter mutuellement, au service les unes des autres ».
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Quand nous prenons conscience du reflet de Dieu qui se trouve dans tout ce qui existe, le coeur expérimente le désir d'adorer le Seigneur pour toutes ses créatures, et avec elles, comme cela est exprimé dans la belle hymne de saint François d'Assise :
« Loué sois-tu, mon Seigneur,
avec toutes tes créatures,
spécialement messire frère soleil,
qui est le jour, et par lui tu nous illumines.
Et il est beau et rayonnant avec grande splendeur,
de toi, Très Haut, il porte le signe.
Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour soeur lune et les étoiles,
dans le ciel tu les as formées
claires, précieuses et belles.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère vent,
et pour l'air et le nuage et le ciel serein
et tous les temps,
par lesquels à tes créatures tu donnes soutien.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour soeur eau,
qui est très utile et humble,
et précieuse et chaste.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère feu,
par lequel tu illumines la nuit,
et il est beau et joyeux, et robuste et fort ».
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Les Évêques du Brésil ont souligné que toute la nature, en plus de manifester Dieu, est un lieu de sa présence. En toute créature habite son Esprit vivifiant qui nous appelle à une relation avec lui. La découverte de cette présence stimule en nous le développement des « vertus écologiques ». Mais en disant cela, n'oublions pas qu'il y a aussi une distance infinie entre la nature et le Créateur, et que les choses de ce monde ne possèdent pas la plénitude de Dieu. Autrement, nous ne ferions pas de bien aux créatures, parce que nous ne reconnaîtrions pas leur vraie et propre place, et nous finirions par exiger d'elles indûment ce que, en leur petitesse, elles ne peuvent pas nous donner.
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V. UNE COMMUNION UNIVERSELLE
Les créatures de ce monde ne peuvent pas être considérées comme un bien sans propriétaire : « Tout est à toi, Maître, ami de la vie » (Sg 11, 26). D'où la conviction que, créés par le même Père, nous et tous les êtres de l'univers, sommes unis par des liens invisibles, et formons une sorte de famille universelle, une communion sublime qui nous pousse à un respect sacré, tendre et humble. Je veux rappeler que « Dieu nous a unis si étroitement au monde qui nous entoure, que la désertification du sol est comme une maladie pour chacun et nous pouvons nous lamenter sur l'extinction d'une espèce comme si elle était une mutilation ».
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Cela ne signifie pas que tous les êtres vivants sont égaux ni ne retire à l'être humain sa valeur particulière, qui entraîne en même temps une terrible responsabilité. Cela ne suppose pas non plus une divinisation de la terre qui nous priverait de l'appel à collaborer avec elle et à protéger sa fragilité. Ces conceptions finiraient par créer de nouveaux déséquilibres pour échapper à la réalité qui nous interpelle. Parfois on observe une obsession pour nier toute prééminence à la personne humaine, et il se mène une lutte en faveur d'autres espèces que nous n'engageons pas pour défendre l'égale dignité entre les êtres humains. Il est vrai que nous devons nous préoccuper que d'autres êtres vivants ne soient pas traités de manière irresponsable. Mais les énormes inégalités qui existent entre nous devraient nous exaspérer particulièrement, parce que nous continuons à tolérer que les uns se considèrent plus dignes que les autres. Nous ne nous rendons plus compte que certains croupissent dans une misère dégradante, sans réelle possibilité d'en sortir, alors que d'autres ne savent même pas quoi faire de ce qu'ils possèdent, font étalage avec vanité d'une soi-disant supériorité, et laissent derrière eux un niveau de gaspillage qu'il serait impossible de généraliser sans anéantir la planète. Nous continuons à admettre en pratique que les uns se sentent plus humains que les autres, comme s'ils étaient nés avec de plus grands droits.
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Le sentiment d'union intime avec les autres êtres de la nature ne peut pas être réel si en même temps il n'y a pas dans le coeur de la tendresse, de la compassion et de la préoccupation pour les autres êtres humains. L'incohérence est évidente de la part de celui qui lutte contre le trafic d'animaux en voie d'extinction mais qui reste complètement indifférent face à la traite des personnes, se désintéresse des pauvres, ou s'emploie à détruire un autre être humain qui lui déplaît. Ceci met en péril le sens de la lutte pour l'environnement. Ce n'est pas un hasard si dans l'hymne à la création où saint François loue Dieu pour ses créatures, il ajoute ceci : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour ceux qui pardonnent par amour pour toi ». Tout est lié. Il faut donc une préoccupation pour l'environnement unie à un amour sincère envers les êtres humains, et à un engagement constant pour les problèmes de la société.
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Laudato Si/Eglise Catholique
D'autre part, quand le coeur est authentiquement ouvert à une communion universelle, rien ni personne n'est exclu de cette fraternité. Par conséquent, il est vrai aussi que l'indifférence ou la cruauté envers les autres créatures de ce monde finissent toujours par s'étendre, d'une manière ou d'une autre, au traitement que nous réservons aux autres êtres humains. Le coeur est unique, et la même misère qui nous porte à maltraiter un animal ne tarde pas à se manifester dans la relation avec les autres personnes. Toute cruauté sur une quelconque créature « est contraire à la dignité humaine». Nous ne pouvons pas considérer que nous aimons beaucoup si nous excluons de nos intérêts une partie de la réalité : « Paix, justice et sauvegarde de la création sont trois thèmes absolument liés, qui ne pourront pas être mis à part pour être traités séparément sous peine de tomber de nouveau dans le réductionnisme ». Tout est lié, et, comme êtres humains, nous sommes tous unis comme des frères et des soeurs dans un merveilleux pèlerinage, entrelacés par l'amour que Dieu porte à chacune de ses créatures et qui nous unit aussi, avec une tendre affection, à frère soleil, à soeur lune, à soeur rivière et à mère terre.
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