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Laudato Si/Eglise Catholique
Les milieux éducatifs sont divers : l'école, la famille, les moyens de communication, la catéchèse et autres. Une bonne éducation scolaire, dès le plus jeune âge, sème des graines qui peuvent produire des effets tout au long d'une vie. Mais je veux souligner l'importance centrale de la famille, parce qu'« elle est le lieu où la vie, don de Dieu, peut être convenablement accueillie et protégée contre les nombreuses attaques auxquelles elle est exposée, le lieu où elle peut se développer suivant les exigences d'une croissance humaine authentique. Contre ce qu'on appelle la culture de la mort, la famille constitue le lieu de la culture de la vie ». Dans la famille, on cultive les premiers réflexes d'amour et de préservation de la vie, comme par exemple l'utilisation correcte des choses, l'ordre et la propreté, le respect pour l'écosystème local et la protection de tous les êtres créés. La famille est le lieu de la formation intégrale, où se déroulent les différents aspects, intimement reliés entre eux, de la maturation personnelle. Dans la famille, on apprend à demander une permission avec respect, à dire “merci” comme expression d'une juste évaluation des choses qu'on reçoit, à dominer l'agressivité ou la voracité, et à demander pardon quand on cause un dommage. Ces petits gestes de sincère courtoisie aident à construire une culture de la vie partagée et du respect pour ce qui nous entoure.
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Un effort de sensibilisation de la population incombe à la politique et aux diverses associations. À l'Église également. Toutes les communautés chrétiennes ont un rôle important à jouer dans cette éducation. J'espère aussi que dans nos séminaires et maisons religieuses de formation, on éduque à une austérité responsable, à la contemplation reconnaissante du monde, à la protection de la fragilité des pauvres et de l'environnement. Étant donné l'importance de ce qui est en jeu, de même que des institutions dotées de pouvoir sont nécessaires pour sanctionner les attaques à l'environnement, nous avons aussi besoin de nous contrôler et de nous éduquer les uns les autres.
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Dans ce contexte, « il ne faut pas négliger la relation qui existe entre une formation esthétique appropriée et la préservation de l'environnement». Prêter attention à la beauté, et l'aimer, nous aide à sortir du pragmatisme utilitariste. Quand quelqu'un n'apprend pas à s'arrêter pour observer et pour évaluer ce qui est beau, il n'est pas étonnant que tout devienne pour lui objet d'usage et d'abus sans scrupule. En même temps, si l'on veut obtenir des changements profonds, il faut garder présent à l'esprit que les paradigmes de la pensée influent réellement sur les comportements. L'éducation sera inefficace, et ses efforts seront vains, si elle n'essaie pas aussi de répandre un nouveau paradigme concernant l'être humain, la vie, la société et la relation avec la nature. Autrement, le paradigme consumériste, transmis par les moyens de communication sociale et les engrenages efficaces du marché, continuera de progresser.
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III. LA CONVERSION ÉCOLOGIQUE
La grande richesse de la spiritualité chrétienne, générée par vingt siècles d'expériences personnelles et communautaires, offre une belle contribution à la tentative de renouveler l'humanité. Je veux proposer aux chrétiens quelques lignes d'une spiritualité écologique qui trouvent leur origine dans des convictions de notre foi, car ce que nous enseigne l'Évangile a des conséquences sur notre façon de penser, de sentir et de vivre. Il ne s'agit pas de parler tant d'idées, mais surtout de motivations qui naissent de la spiritualité pour alimenter la passion de la préservation du monde. Il ne sera pas possible, en effet, de s'engager dans de grandes choses seulement avec des doctrines, sans une mystique qui nous anime, sans « les mobiles intérieurs qui poussent, motivent, encouragent et donnent sens à l'action personnelle et communautaire». Nous devons reconnaître que, nous les chrétiens, nous n'avons pas toujours recueilli et développé les richesses que Dieu a données à l'Église, où la spiritualité n'est déconnectée ni de notre propre corps, ni de la nature, ni des réalités de ce monde ; la spiritualité se vit plutôt avec celles-ci et en elles, en communion avec tout ce qui nous entoure.
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S'il est vrai que « les déserts extérieurs se multiplient dans notre monde, parce que les déserts intérieurs sont devenus très grands », la crise écologique est un appel à une profonde conversion intérieure. Mais nous devons aussi reconnaître que certains chrétiens, engagés et qui prient, ont l'habitude de se moquer des préoccupations pour l'environnement, avec l'excuse du réalisme et du pragmatisme. D'autres sont passifs, ils ne se décident pas à changer leurs habitudes et ils deviennent incohérents. Ils ont donc besoin d'une conversion écologique, qui implique de laisser jaillir toutes les conséquences de leur rencontre avec Jésus-Christ sur les relations avec le monde qui les entoure. Vivre la vocation de protecteurs de l'oeuvre de Dieu est une part essentielle d'une existence vertueuse ; cela n'est pas quelque chose d'optionnel ni un aspect secondaire dans l'expérience chrétienne.
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Pour proposer une relation saine avec la création comme dimension de la conversion intégrale de la personne, souvenons-nous du modèle de saint François d'Assise. Cela implique aussi de reconnaître ses propres erreurs, péchés, vices ou négligences, et de se repentir de tout coeur, de changer intérieurement. Les Évêques australiens ont su exprimer la conversion en termes de réconciliation avec la création : « Pour réaliser cette réconciliation, nous devons examiner nos vies et reconnaître de quelle façon nous offensons la création de Dieu par nos actions et notre incapacité d'agir. Nous devons faire l'expérience d'une conversion, d'un changement du coeur ».
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Cependant, il ne suffit pas que chacun s'amende pour dénouer une situation aussi complexe que celle qu'affronte le monde actuel. Les individus isolés peuvent perdre leur capacité, ainsi que leur liberté pour surmonter la logique de la raison instrumentale, et finir par être à la merci d'un consumérisme sans éthique et sans dimension sociale ni environnementale. On répond aux problèmes sociaux par des réseaux communautaires, non par la simple somme de biens individuels : « Les exigences de cette oeuvre seront si immenses que les possibilités de l'initiative individuelle et la coopération d'hommes formés selon les principes individualistes ne pourront y répondre. Seule une autre attitude provoquera l'union des forces et l'unité de réalisation nécessaires ». La conversion écologique requise pour créer un dynamisme de changement durable est aussi une conversion communautaire.
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Cette conversion suppose diverses attitudes qui se conjuguent pour promouvoir une protection généreuse et pleine de tendresse. En premier lieu, elle implique gratitude et gratuité, c'est-à-dire une reconnaissance du monde comme don reçu de l'amour du Père, ce qui a pour conséquence des attitudes gratuites de renoncement et des attitudes généreuses même si personne ne les voit ou ne les reconnaît : « Que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite [...] et ton Père qui voit dans le secret, te le rendra » (Mt 6, 3-4). Cette conversion implique aussi conscience amoureuse de ne pas être déconnecté des autres créatures, de former avec s autres êtres de univers une bel communion universel. Pour croyant, monde ne se contemp pas de extérieur mais de intérieur, en reconnaissant s liens par squels Père nous a unis à tous s êtres. En outre, en faisant croître s capacités spécifiques que Dieu lui a données, conversion écologique conduit croyant à développer sa créativité et son enthousiasme, pour affronter s drames du monde en s'offrant à Dieu « comme un sacrifice vivant, saint et agréab » (Rm 12, 1). Il ne comprend pas sa supériorité comme motif de gloire personnelle ou de domination irresponsable, mais comme une capacité différente, lui imposant à son tour une grave responsabilité qui naît de sa foi.
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Diverses convictions de notre foi développées au début de cette Encyclique, aident à enrichir le sens de cette conversion, comme la conscience que chaque créature reflète quelque chose de Dieu et a un message à nous enseigner ; ou encore l'assurance que le Christ a assumé en lui-même ce monde matériel et qu'à présent, ressuscité, il habite au fond de chaque être, en l'entourant de son affection comme en le pénétrant de sa lumière ; et aussi la conviction que Dieu a créé le monde en y inscrivant un ordre et un dynamisme que l'être humain n'a pas le droit d'ignorer. Quand on lit dans l'Évangile que Jésus parle des oiseaux, et dit qu' « aucun d'eux n'est oublié au regard de Dieu » (Lc 12, 6) : pourra-t-on encore les maltraiter ou leur faire du mal ? J'invite tous les chrétiens à expliciter cette dimension de leur conversion, en permettant que la force et la lumière de la grâce reçue s'étendent aussi à leur relation avec les autres créatures ainsi qu'avec le monde qui les entoure, et suscitent cette fraternité sublime avec toute la création, que saint François d'Assise a vécue d'une manière si lumineuse.
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IV. JOIE ET PAIX
La spiritualité chrétienne propose une autre manière de comprendre la qualité de vie, et encourage un style de vie prophétique et contemplatif, capable d'aider à apprécier profondément les choses sans être obsédé par la consommation. Il est important d'assimiler un vieil enseignement, présent dans diverses traditions religieuses, et aussi dans la Bible. Il s'agit de la conviction que “moins est plus”. En effet, l'accumulation constante de possibilités de consommer distrait le coeur et empêche d'évaluer chaque chose et chaque moment. En revanche, le fait d'être sereinement présent à chaque réalité, aussi petite soit-elle, nous ouvre beaucoup plus de possibilités de compréhension et d'épanouissement personnel. La spiritualité chrétienne propose une croissance par la sobriété, et une capacité de jouir avec peu. C'est un retour à la simplicité qui nous permet de nous arrêter pour apprécier ce qui est petit, pour remercier des possibilités que la vie offre, sans nous attacher à ce que nous avons ni nous attrister de ce que nous ne possédons pas. Cela suppose d'éviter la dynamique de la domination et de la simple accumulation de plaisirs.
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La sobriété, qui est vécue avec liberté et de manière consciente, est libératrice. Ce n'est pas moins de vie, ce n'est pas une basse intensité de vie mais tout le contraire ; car, en réalité ceux qui jouissent plus et vivent mieux chaque moment, sont ceux qui cessent de picorer ici et là en cherchant toujours ce qu'ils n'ont pas, et qui font l'expérience de ce qu'est valoriser chaque personne et chaque chose, en apprenant à entrer en contact et en sachant jouir des choses les plus simples. Ils ont ainsi moins de besoins insatisfaits, et sont moins fatigués et moins tourmentés. On peut vivre intensément avec peu, surtout quand on est capable d'apprécier d'autres plaisirs et qu'on trouve satisfaction dans les rencontres fraternelles, dans le service, dans le déploiement de ses charismes, dans la musique et l'art, dans le contact avec la nature, dans la prière. Le bonheur requiert de savoir limiter certains besoins qui nous abrutissent, en nous rendant ainsi disponibles aux multiples possibilités qu'offre la vie.
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La sobriété et l'humilité n'ont pas bénéficié d'un regard positif au cours du siècle dernier. Mais quand l'exercice d'une vertu s'affaiblit d'une manière généralisée dans la vie personnelle et sociale, cela finit par provoquer des déséquilibres multiples, y compris des déséquilibres environnementaux. C'est pourquoi, il ne suffit plus de parler seulement de l'intégrité des écosystèmes. Il faut oser parler de l'intégrité de la vie humaine, de la nécessité d'encourager et de conjuguer toutes les grandes valeurs. La disparition de l'humilité chez un être humain, enthousiasmé malheureusement par la possibilité de tout dominer sans aucune limite, ne peut que finir par porter préjudice à la société et à l'environnement. Il n'est pas facile de développer cette saine humilité ni une sobriété heureuse si nous nous rendons autonomes, si nous excluons Dieu de notre vie et que notre moi prend sa place, si nous croyons que c'est notre propre subjectivité qui détermine ce qui est bien ou ce qui est mauvais.
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Par ailleurs, aucune personne ne peut mûrir dans une sobriété heureuse, sans être en paix avec elle-même. La juste compréhension de la spiritualité consiste en partie à amplifier ce que nous entendons par paix, qui est beaucoup plus que l'absence de guerre. La paix intérieure des personnes tient, dans une large mesure, de la préservation de l'écologie et du bien commun, parce que, authentiquement vécue, elle se révèle dans un style de vie équilibré joint à une capacité d'admiration qui mène à la profondeur de la vie. La nature est pleine de mots d'amour, mais comment pourrons nous les écouter au milieu du bruit constant, de la distraction permanente et anxieuse, ou du culte de l'apparence ? Beaucoup de personnes font l'expérience d'un profond déséquilibre qui les pousse à faire les choses à toute vitesse pour se sentir occupées, dans une hâte constante qui, à son tour, les amène à renverser tout ce qu'il y a autour d'eux. Cela a un impact sur la manière dont on traite l'environnement. Une écologie intégrale implique de consacrer un peu de temps à retrouver l'harmonie sereine avec la création, à réfléchir sur notre style de vie et sur nos idéaux, à contempler le Créateur, qui vit parmi nous et dans ce qui nous entoure, dont la présence « ne doit pas être fabriquée, mais découverte, dévoilée».
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Nous parlons d'une attitude du coeur, qui vit tout avec une attention sereine, qui sait être pleinement présent à quelqu'un sans penser à ce qui vient après, qui se livre à tout moment comme un don divin qui doit être pleinement vécu. Jésus nous enseignait cette attitude quand il nous invitait à regarder les lys des champs et les oiseaux du ciel, ou quand en présence d'un homme inquiet « il fixa sur lui son regard et l'aima » (Mc 10, 21). Il était pleinement présent à chaque être humain et à chaque créature, et il nous a ainsi montré un chemin pour surmonter l'anxiété maladive qui nous rend superficiels, agressifs et consommateurs effrénés.
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S'arrêter pour rendre grâce à Dieu avant et après les repas est une expression de cette attitude. Je propose aux croyants de renouer avec cette belle habitude et de la vivre en profondeur. Ce moment de la bénédiction, bien qu'il soit très bref, nous rappelle notre dépendance de Dieu pour la vie, il fortifie notre sentiment de gratitude pour les dons de la création, reconnaît ceux qui par leur travail fournissent ces biens, et renforce la solidarité avec ceux qui sont le plus dans le besoin.
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V. AMOUR CIVIL ET POLITIQUE
La préservation de la nature fait partie d'un style de vie qui implique une capacité de cohabitation et de communion. Jésus nous a rappelé que nous avons Dieu comme Père commun, ce qui fait de nous des frères. L'amour fraternel ne peut être que gratuit, il ne peut jamais être une rétribution pour ce qu'un autre réalise ni une avance pour ce que nous espérons qu'il fera. C'est pourquoi, il est possible d'aimer les ennemis. Cette même gratuité nous amène à aimer et à accepter le vent, le soleil ou les nuages, bien qu'ils ne se soumettent pas à notre contrôle. Voilà pourquoi nous pouvons parler d'une fraternité universelle.
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Il faut reprendre conscience que nous avons besoin les uns des autres, que nous avons une responsabilité vis-à-vis des autres et du monde, que cela vaut la peine d'être bons et honnêtes. Depuis trop longtemps déjà, nous sommes dans la dégradation morale, en nous moquant de l'éthique, de la bonté, de la foi, de l'honnêteté. L'heure est arrivée de réaliser que cette joyeuse superficialité nous a peu servi. Cette destruction de tout fondement de la vie sociale finit par nous opposer les uns aux autres, chacun cherchant à préserver ses propres intérêts ; elle provoque l'émergence de nouvelles formes de violence et de cruauté, et empêche le développement d'une vraie culture de protection de l'environnement.
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L'exemple de sainte Thérèse de Lisieux nous invite à pratiquer la petite voie de l'amour, à ne pas perdre l'occasion d'un mot aimable, d'un sourire, de n'importe quel petit geste qui sème paix et amitié. Une écologie intégrale est aussi faite de simples gestes quotidiens par lesquels nous rompons la logique de la violence, de l'exploitation, de l'égoïsme. En attendant, le monde de la consommation exacerbée est en même temps le monde du mauvais traitement de la vie sous toutes ses formes.
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L'amour, fait de petits gestes d'attention mutuelle, est aussi civil et politique, et il se manifeste dans toutes les actions qui essaient de construire un monde meilleur. L'amour de la société et l'engagement pour le bien commun sont une forme excellente de charité qui, non seulement concerne les relations entre les individus mais aussi les « macro-relations: rapports sociaux, économiques, politiques». C'est pourquoi, l'Église a proposé au monde l'idéal d'une « civilisation de l'amour ». L'amour social est la clef d'un développement authentique : « Pour rendre la société plus humaine, plus digne de la personne, il faut revaloriser l'amour dans la vie sociale — au niveau politique, économique, culturel —, en en faisant la norme constante et suprême de l'action ». Dans ce cadre, joint à l'importance des petits gestes quotidiens, l'amour social nous pousse à penser aux grandes stratégies à même d'arrêter efficacement la dégradation de l'environnement et d'encourager une culture de protection qui imprègne toute la société. Celui qui reconnaît l'appel de Dieu à agir de concert avec les autres dans ces dynamiques sociales doit se rappeler que cela fait partie de sa spiritualité, que c'est un exercice de la charité, et que, de cette façon, il mûrit et il se sanctifie.
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Tout le monde n'est pas appelé à travailler directement en politique ; mais au sein de la société germe une variété innombrable d'associations qui interviennent en faveur du bien commun en préservant l'environnement naturel et urbain. Par exemple, elles s'occupent d'un lieu public (un édifice, une fontaine, un monument abandonné, un paysage, une place) pour protéger, pour assainir, pour améliorer ou pour embellir quelque chose qui appartient à tous. Autour d'elles, se développent ou se reforment des liens, et un nouveau tissu social local surgit. Une communauté se libère ainsi de l'indifférence consumériste. Cela implique la culture d'une identité commune, d'une histoire qui se conserve et se transmet. De cette façon, le monde et la qualité de vie des plus pauvres sont préservés, grâce à un sens solidaire qui est en même temps la conscience d'habiter une maison commune que Dieu nous a prêtée. Ces actions communautaires, quand elles expriment un amour qui se livre, peuvent devenir des expériences spirituelles intenses.
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VI. LES SIGNES SACRAMENTAUX
ET LE REPOS POUR CÉLÉBRER
L'univers se déploie en Dieu, qui le remplit tout entier. Il y a donc une mystique dans une feuille, dans un chemin, dans la rosée, dans le visage du pauvre. L'idéal n'est pas seulement de passer de l'extérieur à l'intérieur pour découvrir l'action de Dieu dans l'âme, mais aussi d'arriver à le trouver en toute chose, comme l'enseignait saint Bonaventure : « La contemplation est d'autant plus éminente que l'homme sent en lui-même l'effet de la grâce divine et qu'il sait trouver Dieu dans les créatures extérieures ».
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Saint Jean de la Croix enseignait que ce qu'il y a de bon dans les choses et dans les expériences du monde « se rencontre[nt] en Dieu éminemment et à l'infini, ou pour mieux dire, chacune de ces excellences est Dieu même, comme toutes ces excellences réunies sont Dieu même ». Non parce que les choses limitées du monde seraient réellement divines, mais parce que le mystique fait l'expérience de la connexion intime qui existe entre Dieu et tous les êtres, et ainsi « il sent que Dieu est toutes les choses ». S'il admire la grandeur d'une montagne, il ne peut pas la séparer de Dieu, et il perçoit que cette admiration intérieure qu'il vit doit reposer dans le Seigneur : « Les montagnes sont élevées ; elles sont fertiles, spacieuses, belles, gracieuses, fleuries et embaumées. Mon Bien-Aimé est pour moi ces montagnes. Les vallons solitaires sont paisibles, agréables, frais et ombragés. L'eau pure y coule en abondance. Ils charment et recréent les sens par leur végétation variée et par les chants mélodieux des oiseaux qui les habitent. Ils procurent la fraîcheur et le repos par la solitude et le silence qui y règnent. Mon Bien-Aimé est pour moi ces valons ».
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Les Sacrements sont un mode privilégié de la manière dont la nature est assumée par Dieu et devient médiation de la vie surnaturelle. À travers le culte, nous sommes invités à embrasser le monde à un niveau différent. L'eau, l'huile, le feu et les couleurs sont assumés avec toute leur force symbolique et s'incorporent à la louange. La main qui bénit est instrument de l'amour de Dieu et reflet de la proximité de Jésus-Christ qui est venu nous accompagner sur le chemin de la vie. L'eau qui se répand sur le corps de l'enfant baptisé est signe de vie nouvelle. Nous ne nous évadons pas du monde, et nous ne nions pas la nature quand nous voulons rencontrer Dieu. Cela peut se percevoir particulièrement dans la spiritualité chrétienne orientale : « La beauté, qui est l'un des termes privilégiés en Orient pour exprimer la divine harmonie et le modèle de l'humanité transfigurée, se révèle partout : dans les formes du sanctuaire, dans les sons, dans les couleurs, dans les lumières, dans les parfums». Selon l'expérience chrétienne, toutes les créatures de l'univers matériel trouvent leur vrai sens dans le Verbe incarné, parce que le Fils de Dieu a intégré dans sa personne une partie de l'univers matériel, où il a introduit un germe de transformation définitive : « Le christianisme ne refuse pas la matière, la corporéité, qui est au contraire pleinement valorisée dans l'acte liturgique, dans lequel le corps humain montre sa nature intime de temple de l'Esprit et parvient à s'unir au Seigneur Jésus, lui aussi fait corps pour le salut du monde ».
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Dans l'Eucharistie, la création trouve sa plus grande élévation. La grâce, qui tend à se manifester d'une manière sensible, atteint une expression extraordinaire quand Dieu fait homme, se fait nourriture pour sa créature. Le Seigneur, au sommet du mystère de l'Incarnation, a voulu rejoindre notre intimité à travers un fragment de matière. Non d'en haut, mais de l'intérieur, pour que nous puissions le rencontrer dans notre propre monde. Dans l'Eucharistie la plénitude est déjà réalisée ; c'est le centre vital de l'univers, le foyer débordant d'amour et de vie inépuisables. Uni au Fils incarné, présent dans l'Eucharistie, tout le cosmos rend grâce à Dieu. En effet, l'Eucharistie est en soi un acte d'amour cosmique : « Oui, cosmique! Car, même lorsqu'elle est célébrée sur un petit autel d'une église de campagne, l'Eucharistie est toujours célébrée, en un sens, sur l'autel du monde ». L'Eucharistie unit le ciel et la terre, elle embrasse et pénètre toute la création. Le monde qui est issu des mains de Dieu, retourne à lui dans une joyeuse et pleine adoration : dans le Pain eucharistique, « la création est tendue vers la divinisation, vers les saintes noces, vers l'unification avec le Créateur lui-même ». C'est pourquoi, l'Eucharistie est aussi source de lumière et de motivation pour nos préoccupations concernant l'environnement, et elle nous invite à être gardiens de toute la création.
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Le dimanche, la participation à l'Eucharistie a une importance spéciale. Ce jour, comme le sabbat juif, est offert comme le jour de la purification des relations de l'être humain avec Dieu, avec lui-même, avec les autres et avec le monde. Le dimanche est le jour de la résurrection, le “premier jour” de la nouvelle création, dont les prémices sont l'humanité ressuscitée du Seigneur, gage de la transfiguration finale de toute la réalité créée. En outre, ce jour annonce « le repos éternel de l'homme en Dieu ». De cette façon, la spiritualité chrétienne intègre la valeur du loisir et de la fête. L'être humain tend à réduire le repos contemplatif au domaine de l'improductif ou de l'inutile, en oubliant qu'ainsi il retire à l'oeuvre qu'il réalise le plus important : son sens. Nous sommes appelés à inclure dans notre agir une dimension réceptive et gratuite, qui est différente d'une simple inactivité. Il s'agit d'une autre manière d'agir qui fait partie de notre essence. Ainsi, l'action humaine est préservée non seulement de l'activisme vide, mais aussi de la passion vorace et de l'isolement de la conscience qui amène à poursuivre uniquement le bénéfice personnel. La loi du repos hebdomadaire imposait de chômer le septième jour « afin que se reposent ton boeuf et ton âne et que reprennent souffle le fils de ta servante ainsi que l'étranger » (Ex 23, 12). En effet, le repos est un élargissement du regard qui permet de reconnaître à nouveau les droits des autres. Ainsi, le jour du repos, dont l'Eucharistie est le centre, répand sa lumière sur la semaine tout entière et il nous pousse à intérioriser la protection de la nature et des pauvres.
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VII. LA TRINITÉ ET LA RELATION ENTRE LES CRÉATURES
Le Père est l'ultime source de tout, fondement aimant et communicatif de tout ce qui existe. Le Fils, qui le reflète, et par qui tout a été créé, s'est uni à cette terre quand il a été formé dans le sein de Marie. L'Esprit, lien infini d'amour, est intimement présent au coeur de l'univers en l'animant et en suscitant de nouveaux chemins. Le monde a été créé par les trois Personnes comme un unique principe divin, mais chacune d'elles réalise cette oeuvre commune selon ses propriétés personnelles. C'est pourquoi « lorsque [...] nous contemplons avec admiration l'univers dans sa grandeur et sa beauté, nous devons louer la Trinité tout entière ».
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Pour les chrétiens, croire en un Dieu qui est un et communion trinitaire, incite à penser que toute la réalité contient en son sein une marque proprement trinitaire. Saint Bonaventure en est arrivé à affirmer que, avant le péché, l'être humain pouvait découvrir comment chaque créature « atteste que Dieu est trine ». Le reflet de la Trinité pouvait se reconnaître dans la nature « quand ce livre n'était pas obscur pour l'homme et que le regard de l'homme n'avait pas été troublé ». Le saint franciscain nous enseigne que toute créature porte en soi une structure proprement trinitaire, si réelle qu'elle pourrait être spontanément contemplée si le regard de l'être humain n'était pas limité, obscur et fragile. Il nous indique ainsi le défi d'essayer de lire la réalité avec une clé trinitaire.
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Les Personnes divines sont des relations subsistantes, et le monde, créé selon le modèle divin, est un tissu de relations. Les créatures tendent vers Dieu, et c'est le propre de tout être vivant de tendre à son tour vers autre chose, de telle manière qu'au sein de l'univers nous pouvons trouver d'innombrables relations constantes qui s'entrelacent secrètement. Cela nous invite non seulement à admirer les connexions multiples qui existent entre les créatures, mais encore à découvrir une clé de notre propre épanouissement. En effet, plus la personne humaine grandit, plus elle mûrit et plus elle se sanctifie à mesure qu'elle entre en relation, quand elle sort d'elle-même pour vivre en communion avec Dieu, avec les autres et avec toutes les créatures. Elle assume ainsi dans sa propre existence ce dynamisme trinitaire que Dieu a imprimé en elle depuis sa création. Tout est lié, et cela nous invite à mûrir une spiritualité de la solidarité globale qui jaillit du mystère de la Trinité.
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VIII. LA REINE DE TOUTE LA CRÉATION
Marie, la Mère qui a pris soin de Jésus, prend soin désormais de ce monde blessé, avec affection et douleur maternelles. Comme, le coeur transpercé, elle a pleuré la mort de Jésus, maintenant elle compatit à la souffrance des pauvres crucifiés et des créatures de ce monde saccagées par le pouvoir humain. Totalement transfigurée, elle vit avec Jésus, et toutes les créatures chantent sa beauté. Elle est la Femme « enveloppée de soleil, la lune est sous ses pieds, et douze étoiles couronnent sa tête » (Ap 12, 1). Évée au cie el est Mère et Reine de toute création. Dans son corps glorifié, avec Christ ressuscité, une partie de création a atteint toute plénitude de sa propre beauté. Non seument el garde dans son coeur toute vie de Jésus qu'el conservait fidèment (cf. Lc 2, 51.51), mais elle comprend aussi maintenant le sens de toutes choses. C'est pourquoi, nous pouvons lui demander de nous aider à regarder ce monde avec des yeux plus avisés.
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A côté d'elle, dans la Sainte Famille de Nazareth, se détache la figure de saint Joseph. Il a pris soin de Marie et de Jésus ; il les a défendus par son travail et par sa généreuse présence, et il les a libérés de la violence des injustes en les conduisant en Égypte. Dans l'Évangile, il apparaît comme un homme juste, travailleur, fort. Mais de sa figure, émane aussi une grande tendresse, qui n'est pas le propre des faibles, mais le propre de ceux qui sont vraiment forts, attentifs à la réalité pour aimer et pour servir humblement. Voilà pourquoi il a été déclaré protecteur de l'Église universelle. Il peut aussi nous enseigner à protéger, il peut nous motiver à travailler avec générosité et tendresse pour prendre soin de ce monde que Dieu nous a confié.
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