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Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique/Eglise Catholique
La liberté n'est pas en opposition avec la dépendance de l'homme, en tant que créature, par rapport à Dieu. La Révélation enseigne que le pouvoir de déterminer le bien et le mal n'appartient pas à l'homme, mais à Dieu seul (cf. Gn 2, 16-17): « Assurément, l'homme est libre du fait qu'il peut comprendre et recevoir les commandements de Dieu. Et il jouit d'une liberté très considérable, puisqu'il peut manger “de tous les arbres du jardin”. Mais cette liberté n'est pas illimitée: elle doit s'arrêter devant “l'arbre de la connaissance du bien et du mal”, car elle est appelée à accepter la loi morale que Dieu donne à l'homme. En réalité, c'est dans cette acceptation que la liberté humaine trouve sa réalisation plénière et véritable ».
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Le juste exercice de la liberté personnelle exige des conditions précises d'ordre économique, social, juridique, politique et culturel qui « sont trop souvent méconnues et violées. Ces situations d'aveuglement et d'injustice grèvent la vie morale et placent aussi bien les forts que les faibles en tentation de pécher contre la charité. En s'écartant de la loi morale, l'homme porte atteinte à sa propre liberté, il s'enchaîne à lui-même, rompt la fraternité de ses semblables et se rebelle contre la vérité divine ». La libération des injustices promeut la liberté et la dignité de l'homme: toutefois, « il faut d'abord faire appel aux capacités spirituelles et morales de la personne et à l'exigence permanente de conversion intérieure si l'on veut obtenir des changements économiques et sociaux qui soient vraiment au service de l'homme ».
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b) Le lien de la liberté avec la vérité et la loi naturelle
Dans l'exercice de la liberté, l'homme accomplit des actes moralement bons, constructifs de sa personne et de la société, quand il obéit à la vérité, c'est-à-dire quand il ne prétend pas être le créateur et le maître absolu de cette dernière, ainsi que des normes éthiques. En effet, la liberté « n'a pas sa source absolue et inconditionnée en elle-même, mais dans l'existence dans laquelle elle se situe et qui, pour elle, constitue à la fois des limites et des possibilités. C'est la liberté d'une créature, c'est-à-dire un don, qu'il faut accueillir comme un germe et qu'il faut faire mûrir de manière responsable ». Dans le cas contraire, elle meurt comme liberté et détruit l'homme et la société.
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La vérité à propos du bien et du mal est pratiquement et concrètement reconnue par le jugement de la conscience, qui conduit à assumer la responsabilité du bien accompli et du mal commis: « Ainsi, dans le jugement pratique de la conscience, qui impose à la personne l'obligation d'accomplir un acte déterminé, se révèle le lien entre la liberté et la vérité. C'est précisément pourquoi la conscience se manifeste par des actes de “jugement” qui reflètent la vérité sur le bien, et non comme des “décisions” arbitraires. Le degré de maturité et de responsabilité de ces jugements — et, en définitive, de l'homme, qui en est le sujet — se mesure non par la libération de la conscience par rapport à la vérité objective, en vue d'une prétendue autonomie des décisions personnelles, mais, au contraire, par une pressante recherche de la vérité et, dans l'action, par la remise de soi à la conduite de cette conscience ».
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L'exercice de la liberté implique la référence à une loi morale naturelle, à caractère universel, qui précède et unit tous les droits et les devoirs. La loi naturelle « n'est autre que la lumière de l'intelligence insufflée en nous par Dieu. Grâce à elle nous connaissons ce qu'il faut accomplir et ce qu'il faut éviter. Cette lumière ou cette loi, Dieu l'a donnée à la création » et consiste en la participation à sa loi éternelle, qui s'identifie à Dieu lui- même. Cette loi est appelée naturelle parce que la raison qui la promulgue appartient en propre à la nature humaine. Elle est universelle, s'étend à tous les hommes dans la mesure où elle est établie par la raison. Dans ses préceptes principaux, la loi divine et naturelle est exposée dans le Décalogue et désigne les normes primordiales et essentielles qui règlent la vie morale. Elle a pour pivot l'aspiration et la soumission à Dieu, source et juge de tout bien, ainsi que le sens de l'autre comme égal à soi-même. La loi naturelle exprime la dignité de la personne et jette les bases de ses droits et de ses devoirs fondamentaux.
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Dans la diversité des cultures, la loi naturelle lie les hommes entre eux, imposant des principes communs. Même si son application requiert des adaptations à la multiplicité des conditions de vie, selon les lieux, les époques et les circonstances, elle est immuable, « subsiste sous le flux des idées et des mœurs et en soutient le progrès. (...) Même si l'on renie jusqu'à ses principes, on ne peut pas la détruire ni l'enlever du cœur de l'homme. Toujours elle resurgit dans la vie des individus et des sociétés ».
Toutefois, ses préceptes ne sont pas perçus clairement et immédiatement par tous. Les vérités religieuses et morales ne peuvent être connues « de tous sans difficultés, avec une ferme certitude et sans mélange d'erreur » qu'avec l'aide de la grâce et de la Révélation. La loi naturelle offre un fondement préparé par Dieu à la loi révélée et à la grâce, en pleine harmonie avec l'œuvre de l'Esprit.
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La loi naturelle, qui est loi de Dieu, ne peut pas être abolie par l'iniquité humaine. Elle pose le fondement moral indispensable pour édifier la communauté des hommes et pour élaborer la loi civile, qui tire les conséquences de nature concrète et contingente des principes de la loi naturelle. Si l'on voile la perception de l'universalité de la loi morale naturelle, il est impossible d'édifier une communion réelle et durable avec l'autre car quand une convergence vers la vérité et le bien fait défaut, « de manière responsable ou non, nos actes blessent la communion des personnes, au préjudice de tous ». Seule une liberté enracinée dans la nature commune peut, en effet, rendre tous les hommes responsables et est en mesure de justifier la morale publique. Celui qui s'autoproclame mesure unique des choses et de la vérité ne peut pas vivre pacifiquement avec ses semblables et collaborer avec eux.
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La liberté tend mystérieusement à trahir l'ouverture à la vérité et au bien humain et préfère trop souvent le mal et l'enfermement égoïste, s'élevant au rang de divinité créatrice du bien et du mal: « Établi par Dieu dans un état de justice, l'homme, séduit par le Malin, dès le début de l'histoire, a abusé de sa liberté, en se dressant contre Dieu et en désirant parvenir à sa fin hors de Dieu. (...) Refusant souvent de reconnaître Dieu comme son principe, l'homme a, par le fait même, brisé l'ordre qui l'orientait à sa fin dernière, et, en même temps, il a rompu toute harmonie, soit par rapport à lui-même, soit par rapport aux autres hommes et à toute la création ». Par conséquent, la liberté de l'homme a besoin d'être libérée. Le Christ, par la force de son mystère pascal, libère l'homme de l'amour désordonné de soi, qui est source du mépris du prochain et des rapports basés sur la domination de l'autre; il révèle que la liberté se réalise dans le don de soi. Par son sacrifice sur la Croix, Jésus réintroduit chaque homme dans la communion avec Dieu et avec ses semblables.
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D) L'ÉGALE DIGNITÉ DE TOUTES LES PERSONNES
« Dieu ne fait pas acception des personnes » (Ac 10, 34; cf. Rm 2, 11; Ga 2, 6; Ep 6, 9), car tous les hommes ont la même dignité de créature à son image et à sa ressemblance. L'Incarnation du Fils de Dieu manifeste l'égalité de toutes les personnes quant à leur dignité: « Il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme; car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus » (Ga 3,28; cf. Rm 10, 12; 1 Co 12, 13; Col 3, 11).
Étant donné que sur le visage de tout homme resplendit quelque chose de la gloire de Dieu, la dignité de chaque homme devant Dieu constitue le fondement de la dignité de l'homme devant les autres hommes. En outre, c'est aussi le fondement ultime de l'égalité et de la fraternité radicales entre les hommes, indépendamment de leur race, nation, sexe, origine, culture et classe.
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Seule la reconnaissance de la dignité humaine peut rendre possible la croissance commune et personnelle de tous (cf. Jc 2, 1-9). Pour favoriser une telle croissance, il est particulièrement nécessaire de soutenir les plus petits, d'assurer effectivement des conditions d'égalité entre l'homme et la femme, et de garantir une égalité objective entre les diverses classes sociales devant la loi.
Dans les rapports entre peuples et États également, des conditions d'équité et de parité constituent le présupposé d'un progrès authentique de la communauté internationale. Malgré les avancées dans cette direction, il ne faut pas oublier qu'il existe encore de nombreuses inégalités et formes de dépendance.
À la reconnaissance de l'égale dignité de chaque homme et de chaque peuple doit correspondre la conscience que la dignité humaine ne pourra être protégée et favorisée que sous une forme communautaire, par l'humanité tout entière. Ce n'est que grâce à l'action concordante d'hommes et de peuples sincèrement intéressés au bien de tous les autres que l'on peut atteindre une fraternité universelle authentique; vice versa, la persistance de conditions de très grave disparité et inégalité appauvrit tout le monde.
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Le « masculin » et le « féminin » différencient deux individus d'égale dignité, qui ne reflètent cependant pas une égalité statique, car la spécificité féminine est différente de la spécificité masculine et cette diversité dans l'égalité est enrichissante et indispensable pour une vie sociale harmonieuse: « Si l'on veut assurer aux femmes la place à laquelle elles ont droit dans l'Église et dans la société, une condition s'impose: l'étude sérieuse et approfondie des fondements anthropologiques de la condition masculine et féminine, visant à préciser l'identité personnelle propre de la femme dans sa relation de diversité et de complémentarité réciproque avec l'homme, et cela, non seulement pour ce qui regarde les rôles à jouer et les fonctions à assurer, mais aussi et plus profondément pour ce qui regarde la structure de la personne et sa signification ».
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La femme est le complément de l'homme, comme l'homme est le complément de la femme: la femme et l'homme se complètent mutuellement, non seulement du point de vue physique et psychique, mais aussi ontologique. Ce n'est que grâce à la dualité du « masculin » et du « féminin » que l'« humain » se réalise pleinement. C'est « l'unité des deux », à savoir une « unidualité » relationnelle, qui permet à chacun de percevoir le rapport interpersonnel et réciproque comme un don qui est en même temps une mission: « À cette “unité des deux” sont confiées par Dieu non seulement l'œuvre de la procréation et la vie de la famille, mais la construction même de l'histoire ». « La femme est une “aide” pour l'homme comme l'homme est une “aide” pour la femme! »: dans leur rencontre se réalise une conception unitaire de la personne humaine, basée non pas sur la logique de l'égocentrisme et de l'autoaffirmation, mais sur celle de l'amour et de la solidarité.
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Les personnes handicapées sont des sujets pleinement humains, titulaires de droits et de devoirs: « en dépit des limites et des souffrances inscrites dans leur corps et dans leurs facultés, [elles] mettent davantage en relief la dignité et la grandeur de l'homme ». Étant donné que la personne porteuse de handicap est un sujet avec tous ses droits, elle doit être aidée à participer à la vie familiale et sociale sous toutes ses dimensions et à tous les niveaux accessibles à ses possibilités.
Il faut encourager avec des mesures efficaces et appropriées les droits de la personne handicapée: « Il serait profondément indigne de l'homme et ce serait une négation de l'humanité commune de n'admettre à la vie sociale, et donc au travail, que des membres dotés du plein usage de leurs moyens, car, en agissant ainsi, on retomberait dans une forme importante de discrimination, celle des gens forts et sains contre les personnes faibles et les malades ». Une grande attention devra être accordée non seulement aux conditions de travail physiques et psychologiques, à la juste rémunération, à la possibilité de promotions et à l'élimination des différents obstacles, mais aussi aux dimensions affectives et sexuelles de la personne handicapée: « Elle aussi a besoin d'aimer et d'être aimée, a besoin de tendresse, de proximité et d'intimité », selon ses possibilités et dans le respect de l'ordre moral, qui est le même pour les personnes saines et pour celles qui sont porteuses d'un handicap.
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E) LA SOCIALITÉ HUMAINE
La personne est de par sa constitution un être social, car ainsi l'a voulue Dieu qui l'a créée. La nature de l'homme se manifeste, en effet, comme nature d'un être qui répond à ses besoins sur la base d'une subjectivité relationnelle, c'est-à-dire à la manière d'un être libre et responsable, qui reconnaît la nécessité de s'intégrer et de collaborer avec ses semblables et est capable de communion avec eux en vertu de la connaissance et de l'amour: « Une société est un ensemble de personnes liées de façon organique par un principe d'unité qui dépasse chacune d'elles. Assemblée à la fois visible et spirituelle, une société perdure dans le temps: elle recueille le passé et prépare l'avenir ».
Il faut donc souligner que la vie communautaire est une caractéristique naturelle qui distingue l'homme du reste des créatures terrestres. L'action sociale porte en elle un signe particulier de l'homme et de l'humanité, celui d'une personne agissante au sein d'une communauté de personnes: ce signe détermine sa qualification intérieure et constitue, en un certain sens, sa nature même. Cette caractéristique relationnelle acquiert, à la lumière de la foi, un sens plus profond et plus stable. Faite à l'image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26) et constituée dans l'univers visible pour vivre en société (cf. Gn 2, 20.23) et pour dominer la terre (cf. Gn 1, 26.28-30), la personne humaine est donc, dès le commencement, appelée à la vie sociale: « Dieu n'a pas créé l'homme comme un “être solitaire”, mais il l'a voulu comme un “être social”. La vie sociale n'est donc pas extérieure à l'homme: il ne peut croître et réaliser sa vocation qu'en relation avec les autres ».
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La socialité humaine ne débouche pas automatiquement sur la communion des personnes, sur le don de soi. À cause de l'orgueil et de l'égoïsme, l'homme découvre en lui des germes d'asocialité, de fermeture individualiste et d'humiliation de l'autre. Toute société, digne de ce nom, peut s'estimer dans la vérité quand chacun de ses membres, grâce à sa capacité de connaître le bien, le poursuit pour lui-même et pour les autres. C'est par amour pour leur propre bien et pour celui des autres que les hommes se réunissent en groupes stables, en ayant comme fin de parvenir à un bien commun. Les diverses sociétés également doivent entrer dans des relations de solidarité, de communication et de collaboration, au service de l'homme et du bien commun.
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La socialité humaine n'est pas uniforme, mais revêt de multiples expressions. Le bien commun dépend, en effet, d'un pluralisme social sain. Les multiples sociétés sont appelées à constituer un tissu unitaire et harmonieux, au sein duquel il soit possible à chacune de conserver et de développer sa propre physionomie et autonomie. Certaines sociétés, comme la famille, la communauté civile et la communauté religieuse correspondent d'une manière plus immédiate à la nature intime de l'homme, tandis que d'autres procèdent plutôt de la libre volonté: « Afin de favoriser la participation du plus grand nombre à la vie sociale, il faut encourager la création d'associations et d'institutions d'élection “à buts économiques, culturels, sociaux, sportifs, récréatifs, professionnels, politiques, aussi bien à l'intérieur des communautés politiques que sur le plan mondial”. Cette “socialisation” exprime également la tendance naturelle qui pousse les humains à s'associer, en vue d'atteindre des objectifs qui excèdent les capacités individuelles. Elle développe les qualités de la personne, en particulier, son sens de l'initiative et de la responsabilité. Elle aide à garantir ses droits ».
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IV. LES DROITS DE L'HOMME
a) La valeur des droits de l'homme
Le mouvement vers l'identification et la proclamation des droits de l'homme est un des efforts les plus importants pour répondre efficacement aux exigences irréductibles de la dignité humaine. L'Église saisit en ces droits une occasion extraordinaire qu'offre notre époque afin que, par leur affirmation, la dignité humaine soit plus efficacement reconnue et promue universellement comme caractéristique imprimée par le Dieu Créateur sur sa créature. Le Magistère de l'Église n'a pas manqué d'évaluer positivement la Déclaration universelle des droits de l'homme, proclamée par les Nations Unies le 10 décembre 1948, que Jean-Paul II a qualifiée de véritable « pierre milliaire placée sur la route longue et difficile du genre humain ».
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De fait, la racine des droits de l'homme doit être recherchée dans la dignité qui appartient à chaque être humain. Cette dignité, co-naturelle à la vie humaine et égale dans chaque personne, se perçoit et se comprend avant tout par la raison. Le fondement naturel des droits apparaît encore plus solide si, dans une lumière surnaturelle, on considère que la dignité humaine, après avoir été donnée par Dieu et avoir été profondément blessée par le péché, a été assumée et rachetée par Jésus-Christ à travers son incarnation, sa mort et sa résurrection.
La source ultime des droits de l'homme ne se situe pas dans une simple volonté des êtres humains, dans la réalité de l'État, dans les pouvoirs publics, mais dans l'homme lui-même et en Dieu son Créateur. Ces droits sont « universels, inviolables, inaliénables ». Universels, parce qu'ils sont présents dans tous les êtres humains, sans aucune exception de temps, de lieu et de sujets. Inviolables, en tant qu'« inhérents à la personne humaine et à sa dignité » et parce qu' « il serait vain de proclamer des droits, si l'on ne mettait en même temps tout en œuvre pour assurer le devoir de les respecter, par tous, partout, et pour tous ». Inaliénables, dans la mesure où « personne ne peut légitimement priver de ces droits l'un de ses semblables, quel qu'il soit, car cela signifierait faire violence à sa nature ».
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Les droits de l'homme doivent être protégés non seulement singulièrement, mais dans leur ensemble: leur protection partielle se traduirait par une sorte de manque de reconnaissance. Ils correspondent aux exigences de la dignité humaine et impliquent, en premier lieu, la satisfaction des besoins essentiels de la personne, dans les domaines matériel et spirituel: « Ces droits concernent toutes les étapes de la vie et tout contexte politique, social, économique ou culturel. Ils forment un ensemble unitaire, qui tend clairement à promouvoir tout aspect du bien de la personne et de la société. (...) La promotion intégrale de toutes les catégories de droits humains est la vraie garantie du plein respect de chacun des droits ». Universalité et indivisibilité constituent les traits distinctifs des droits de l'homme: ce « sont deux principes de base qui exigent de toute manière d'intégrer les droits humains dans les différentes cultures, et aussi d'approfondir leur caractère juridique afin qu'ils soient pleinement respectés ».
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b) La spécification des droits de l'homme
Les enseignements de Jean XXIII, du Concile Vatican II et de Paul VI ont fourni d'amples indications sur la conception des droits de l'homme définie par le Magistère. Jean-Paul II en a dressé une liste dans l'encyclique « Centesimus annus »: « Le droit à la vie dont fait partie intégrante le droit de grandir dans le sein de sa mère après la conception; puis le droit de vivre dans une famille unie et dans un climat moral favorable au développement de sa personnalité; le droit d'épanouir son intelligence et sa liberté par la recherche et la connaissance de la vérité; le droit de participer au travail de mise en valeur des biens de la terre et d'en tirer sa subsistance et celle de ses proches; le droit de fonder librement une famille, d'accueillir et d'élever des enfants, en exerçant de manière responsable sa sexualité. En un sens, la source et la synthèse de ces droits, c'est la liberté religieuse, entendue comme le droit de vivre dans la vérité de sa foi et conformément à la dignité transcendante de sa personne ».
Le premier droit énoncé dans cette liste est le droit à la vie, depuis sa conception jusqu'à sa fin naturelle, qui conditionne l'exercice de tout autre droit et comporte, en particulier, l'illicéité de toute forme d'avortement provoqué et d'euthanasie. La très haute valeur du droit à la liberté religieuse est soulignée: « Tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu'en matière religieuse nul ne soit forcé d'agir contre sa conscience ni empêché d'agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d'autres ». Le respect de ce droit est un signe emblématique du « progrès authentique de l'homme en tout régime, dans toute société, système ou milieu ».
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c) Droits et devoirs
Inséparablement lié au thème des droits de l'homme, est celui des devoirs de l'homme, auquel les interventions du Magistère ont donné un juste poids. La complémentarité réciproque entre droits et devoirs, indissolublement liés, en premier lieu dans la personne humaine qui en est le sujet titulaire, est plusieurs fois rappelée. Ce lien présente également une dimension sociale: « Dans la vie en société, tout droit conféré à une personne par la nature crée chez les autres un devoir, celui de reconnaître et de respecter ce droit ». Le Magistère souligne la contradiction contenue dans une affirmation des droits qui ne prévoit pas une responsabilité correspondante: « Ceux qui, dans la revendication de leurs droits, oublient leurs devoirs ou ne les remplissent qu'imparfaitement, risquent de démolir d'une main ce qu'ils construisent de l'autre ».
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d) Droits des peuples et des nations
Le domaine des droits de l'homme s'est élargi aux droits des peuples et des nations: de fait, « ce qui est vrai pour l'homme l'est aussi pour les peuples ». Le Magistère rappelle que le droit international « repose sur le principe de l'égal respect des États, du droit à l'autodétermination de chaque peuple et de leur libre coopération en vue du bien commun supérieur de l'humanité ». La paix se fonde non seulement sur le respect des droits de l'homme, mais aussi sur celui des droits des peuples, en particulier le droit à l'indépendance.
Les droits des nations ne sont rien d'autre que « les “droits humains” considérés à ce niveau spécifique de la vie communautaire ». La nation possède un « droit fondamental à l'existence »; à « garder sa propre langue et sa culture, par lesquelles un peuple exprime et défend ce que j'appellerai sa “souveraineté” spirituelle originelle »; à « mener sa vie suivant ses traditions propres, en excluant naturellement toute violation des droits humains fondamentaux et, en particulier, l'oppression des minorités »; à « construire son avenir en donnant une éducation appropriée à ses jeunes générations ». L'ordre international requiert un équilibre entre particularité et universalité, que toutes les nations sont appelées à réaliser; leur premier devoir est de vivre dans une attitude de paix, de respect et de solidarité avec les autres nations.
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e) Combler l'écart entre la lettre et l'esprit
La proclamation solennelle des droits de l'homme est contredite par la douloureuse réalité de violations, de guerres et de violences en tout genre, en premier lieu les génocides et les déportations de masse, la diffusion un peu partout de formes toujours nouvelles d'esclavage comme le trafic d'êtres humains, les enfants soldats, l'exploitation des travailleurs, le trafic illégal de drogues et la prostitution: « Même dans les pays qui connaissent des formes de gouvernement démocratique, ces droits ne sont pas toujours entièrement respectés ».
Il existe hélas un écart entre la « lettre » et l'« esprit » des droits de l'homme, auxquels n'est souvent accordé qu'un respect purement formel. Considérant le privilège accordé par l'Évangile aux pauvres, la doctrine sociale réaffirme à plusieurs reprises que « les plus favorisés doivent renoncer à certains de leurs droits, pour mettre avec plus de libéralité leurs biens au service des autres » et qu'une affirmation excessive de l'égalité « peut donner lieu à un individualisme où chacun revendique ses droits, sans se vouloir responsable du bien commun ».
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Consciente que sa mission essentiellement religieuse inclut la défense et la promotion des droits humains fondamentaux, l'Église « tient en grande estime le dynamisme de notre temps qui, partout, donne un nouvel élan à ces droits ». L'Église ressent profondément l'exigence de respecter en son propre sein la justice et les droits de l'homme.
L'engagement pastoral se développe dans une double direction, d'annonce du fondement chrétien des droits de l'homme et de dénonciation des violations de ces droits: en tout cas, « l'annonce est toujours plus importante que la dénonciation, et celle-ci ne peut faire abstraction de celle- là qui lui donne son véritable fondement et la force de la motivation la plus haute ». Pour être plus efficace, cet engagement est ouvert à la collaboration œcuménique, au dialogue avec les autres religions, à tous les contacts opportuns avec les organismes, gouvernementaux et non gouvernementaux, au niveau national et international. L'Église a surtout confiance en l'aide du Seigneur et de son Esprit qui, déversé dans les cœurs, est la garantie la plus sûre pour respecter la justice et les droits de l'homme, et donc pour contribuer à la paix: « Promouvoir la justice et la paix, pénétrer de la lumière et du ferment évangélique tous les domaines de l'existence sociale, l'Église n'a cessé de s'y employer au nom du mandat qu'elle a reçu de son Seigneur ».
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QUATRIÈME CHAPITRE
LES PRINCIPES DE LA DOCTRINE SOCIALE DE L'ÉGLISE
I. SIGNIFICATION ET UNITÉ
Les principes permanents de la doctrine sociale de l'Église constituent les véritables fondements de l'enseignement social catholique: à savoir le principe de la dignité de la personne humaine — déjà traité au chapitre précédent — sur lequel reposent tous les autres principes et contenus de la doctrine sociale, ceux du bien commun, de la subsidiarité et de la solidarité. Ces principes, expression de l'entière vérité sur l'homme, connue par la raison et par la foi, jaillissent « de la rencontre du message évangélique et de ses exigences résumées dans le commandement suprême de l'amour de Dieu et du prochain et dans la justice avec des problèmes émanant de la vie de la société ». Au cours de l'histoire et à la lumière de l'Esprit, l'Église, réfléchissant sagement au sein de sa tradition de foi, a pu donner à ces principes une base et une configuration toujours plus soignées, les élucidant progressivement, dans l'effort de répondre de façon cohérente aux exigences des temps et aux développements incessants de la vie sociale.
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Ces principes ont un caractère général et fondamental, car ils concernent la réalité sociale dans son ensemble: des relations interpersonnelles caractérisées par la proximité et l'immédiateté jusqu'aux relations favorisées par la politique, l'économie et le droit; des relations entre communautés ou groupes jusqu'aux rapports entre les peuples et les nations. En raison de leur durée dans le temps et de leur universalité de sens, l'Église les désigne comme le paramètre de référence premier et fondamental pour l'interprétation et l'évaluation des phénomènes sociaux, dans lequel puiser les critères de discernement et de conduite de l'action sociale, en tout domaine.
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Les principes de la doctrine sociale doivent être appréciés dans leur caractère unitaire, dans leur connexion et leur articulation. Cette exigence s'enracine dans la signification attribuée par l'Église elle-même à sa doctrine sociale, signification de « corpus » doctrinal unitaire qui interprète les réalités sociales de façon organique. L'attention accordée à chaque principe dans sa spécificité ne doit pas conduire à son utilisation partiale et erronée, qui survient lorsqu'on l'invoque comme s'il était désarticulé et séparé de tous les autres. L'approfondissement théorique et l'application même, ne serait-ce que d'un seul de ces principes sociaux, font ressortir clairement la réciprocité, la complémentarité et les liens qui les structurent. En outre, ces piliers fondamentaux de la doctrine de l'Église représentent bien plus qu'un patrimoine permanent de réflexion, qui constitue aussi une part essentielle du message chrétien, car ils indiquent à tous les voies possibles pour édifier une vie sociale bonne et authentiquement rénovée.
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Les principes de la doctrine sociale, dans leur ensemble, constituent la première articulation de la vérité de la société, par laquelle toute conscience est interpellée et invitée à agir en interaction avec chaque autre conscience, dans la liberté, dans une pleine co-responsabilité avec tous et à l'égard de tous. En effet, l'homme ne peut pas se soustraire à la question de la vérité et du sens de la vie sociale, dans la mesure où la société n'est pas une réalité étrangère à sa propre existence.
Ces principes ont une signification profondément morale car ils renvoient aux fondements ultimes qui ordonnent la vie sociale. Pour les comprendre pleinement, il faut s'y conformer en suivant la voie du développement qu'ils indiquent pour une vie digne de l'homme. L'exigence morale inscrite dans les grands principes sociaux concerne à la fois l'action personnelle des individus, en tant que premiers sujets irremplaçables et responsables de la vie sociale à tous les niveaux, et les institutions, représentées par des lois, des normes de traditions et des structures civiles, en raison de leur capacité d'influencer et de conditionner les choix d'un grand nombre de personnes et ce, pendant longtemps. Ces principes rappellent, en effet, que la société historiquement existante jaillit de l'enchevêtrement des libertés de toutes les personnes qui agissent en interaction en son sein, contribuant ainsi, par leurs choix, à l'édifier ou à l'appauvrir.
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II. LE PRINCIPE DU BIEN COMMUN
a) Signification et principales implications
De la dignité, de l'unité et de l'égalité de toutes les personnes découle avant tout le principe du bien commun, auquel tout aspect de la vie sociale doit se référer pour trouver une plénitude de sens. Selon une première et vaste acception, par bien commun on entend: « cet ensemble de conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu'à chacun de leurs membres, d'atteindre leur perfection d'une façon plus totale et plus aisée ».
Le bien commun ne consiste pas dans la simple somme des biens particuliers de chaque sujet du corps social. Étant à tous et à chacun, il est et demeure commun, car indivisible et parce qu'il n'est possible qu'ensemble de l'atteindre, de l'accroître et de le conserver, notamment en vue de l'avenir. Comme l'agir moral de l'individu se réalise en faisant le bien, de même l'agir social parvient à sa plénitude en accomplissant le bien commun. De fait, le bien commun peut être compris comme la dimension sociale et communautaire du bien moral.
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Une société qui, à tous les niveaux, désire véritablement demeurer au service de l'être humain, est celle qui se fixe le bien commun pour objectif prioritaire, dans la mesure où c'est un bien appartenant à tous les hommes et à tout l'homme. La personne ne peut pas trouver sa propre réalisation uniquement en elle-même, c'est-à-dire indépendamment de son être « avec » et « pour » les autres. Cette vérité lui impose non pas une simple vie en commun aux différents niveaux de la vie sociale et relationnelle, mais la recherche sans trêve du bien sous forme pratique et pas seulement idéale, c'est-à-dire du sens et de la vérité qui se trouvent dans les formes de vie sociale existantes. Aucune forme d'expression de la socialité — de la famille au groupe social intermédiaire, en passant par l'association, l'entreprise à caractère économique, par la ville, la région et l'État, jusqu'à la communauté des peuples et des nations — ne peut éluder la question portant sur le bien commun, qui est constitutive de sa signification et la raison d'être authentique de sa subsistance même.
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