Lecture d'un commentaire (3181)


Mt 6,9

Commentaire: Jésus donne le Notre Père à ses disciples comme la prière parfaite qui vient du cœur des enfants de Dieu, parce qu’elle exprime ce qu’ils doivent demander, et dans l’ordre où ils doivent le désirer. En réalité nous avons deux textes du Notre Père, car Luc en donne un texte plus court ( 11.1). Beaucoup pensent que Matthieu donne une formule un peu élargie et mieux composée qui se serait imposée dès la première génération chrétienne, mais ce n’est pas du tout sûr. Dans Matthieu il y a douze vers qui forment sept demandes : deux chiffres parfaits. Trois (nombre de Dieu) qui se rapportent à Dieu, quatre (chiffre de la terre) qui nous concernent. Les contemporains de Jésus employaient le mot Ciel pour désigner Dieu parce qu’ils ne devaient pas prononcer son nom. De même Jésus dit : Père qui es au Ciel, c’est-à-dire : Dieu Père. Nous aussi nous continuons de parler du Ciel pour désigner un autre monde, une autre réalité immatérielle qui n’est pas en haut ni en bas, mais où Dieu est tout, et où il partage tout ce qu’il est avec ceux qui l’aiment. En nous tournant vers le Père qui est aux cieux, nous ne voulons pas dire qu’il est loin, ou très au-dessus de nous. Nous essayons seulement d’élever notre esprit vers lui. Nous reconnaissons que nos paroles ne sont pas dignes de lui, que nos préoccupations sont égoïstes et limitées quand nous les comparons à l’ampleur de ses pensées et à la générosité de son amour. Nous tourner vers lui et l’appeler notre Père nous est devenu naturel, mais c’est un privilège de ceux que Jésus a enseignés. La Bible parle de Dieu et aussi du Nom de Dieu. Toute la création n’est qu’une manifestation de Dieu. Il remplit cet univers, mais l’univers ne contient pas Dieu et Dieu n’est pas dans un endroit déterminé. Donc nous parlons de son Nom pour désigner sa présence active, son éclat, sa splendeur qui recouvre tout. C’est un peu comme mettre une distance entre ce que nous savons de lui et ce qu’il est. Que ton Nom soit sanctifié ! Que ton nom soit connu et proclamé saint ! Que ta splendeur et ta générosité se voient en tous ceux qui deviennent tes enfants ( 5.16). Que ceux qui gardent tes paroles accueillent ta présence et tes richesses. Selon Jean, le Père désire implanter en nous son Nom ( Jean 17.11), afin que nous soyons unis à lui jour et nuit, comme le Père et le Fils sont unis par l’Esprit Saint. Que ton règne vienne. Avec la venue de Jésus, son Royaume est venu à nous. Dieu règne en tout lieu où les hommes l’ont connu par la parole de Jésus. Là il peut agir sans danger d’être mal compris parce qu’il est connu selon ce qu’il est. Les croyants le reconnaissent dans le don de son Fils, dans l’humiliation du Fils et dans leur amour mutuel. À partir de cette découverte, l’amour et la miséricorde se répandent et, avec le temps, nous verrons quelques fruits de ce Royaume. Les enfants de Dieu sont des personnes réconciliées ; ils deviennent un ferment dans la société et toute la personne humaine avec ses projets, son travail, ses plans économiques et politiques, avance vers le but commun : tout et tous doivent revenir au Père. Grâce à notre travail, ou malgré notre indifférence, le Royaume de Dieu viendra, avec ou sans nous, parce qu’en réalité, il est déjà parmi nous. Que ta volonté soit faite. Telles seront les paroles de Jésus à Gethsémani ; cette parole condamne bien des prières où nous voudrions obliger Dieu à agir. Certains croient que leur foi est grande parce qu’ils s’adressent toujours à Dieu pour résoudre leurs problèmes. En réalité les enfants de Dieu élèvent leur esprit vers lui pour que la volonté de Dieu devienne leur propre volonté. Sur la terre comme au ciel. Cette précision s’applique aux trois demandes précédentes. Elle nous rappelle que tout ce qui est créé et soumis au temps dépend d’un autre monde, non créé, où le temps n’existe pas, et qui n’est autre que le mystère de Dieu. Là le Père, source de l’être divin, jouit de son infinie perfection dans le don mutuel des personnes divines, et face à lui sont ses élus : il les voit tels qu’ils seront après la résurrection. Il voit l’univers unifié dans le Christ et sa volonté réalisée et glorifiée par tous. Nous, qui vivons dans le temps, témoins d’une mise au monde dans la douleur, d’un triomphe apparent du mal, nous prions que tout se fasse d’accord avec le plan de Dieu, qui finalement se réalisera. Nous demandons au Père le pain qu’il a promis à ceux qui sont attentifs à sa Parole ( Deutéronome 8.3). L’homme moderne pense que tout son bien-être matériel provient de ses propres efforts. Mais la Bible nous dit que tout dépend à la fois de Dieu et de nous-mêmes. Seuls, nous ferons quelques miracles économiques pour un temps, mais nous gaspillerons aussi les richesses accumulées. Celui qui attend de Dieu, non pas son pain, mais notre pain, mettra toute son énergie à trouver un emploi, à faire un travail utile et à faire avancer la justice là où il travaille. Le Notre Père parle des dettes que nous devons pardonner (6.12). Mais dans 6.14 nous lisons les offenses. Il est clair que pour Jésus, dettes et offenses se ressemblent. Quand nous pardonnons à quelqu’un qui nous demande pardon, nous ne lui faisons aucun cadeau et nous n’y avons aucun mérite : c’est nous qui nous débarrassons d’une rancune ou d’une haine qui nous empoisonnait. S’attacher à son droit est une façon de s’ancrer dans ce monde. Dieu veut nous pardonner et nous rapprocher de lui, mais comment le fera-t-il si nous nous cramponnons aux choses de ce monde ? Jésus parle à des pauvres, habitués à des dettes souvent trop lourdes pour être payées, à des pauvres forcés de vivre avec des voisins qu’ils n’ont pas choisis, ce qui augmente les occasions de s’offenser mutuellement. Aujourd’hui bien des gens ont une vie indépendante et leur idéal est de ne rien devoir à personne. À cause de cette suffisance, il leur est difficile de comprendre la miséricorde de Dieu pour ces pauvres que nous sommes devant Lui. Ne nous laisse pas tomber dans la tentation. Ainsi parle celui qui est conscient de sa faiblesse. Et nous serons encore plus prudents si nous savons que l’ennemi n’est pas le mal mais le Mauvais. Quelqu’un, plus fort que nous, est à l’affût pour nous égarer, paralyser notre foi et nous jeter à terre pour peu que nous négligions les moyens que Jésus nous donne pour persévérer dans la foi et dans l’Église.


Source: Bible des peuples