Lecture d'un commentaire (21469)


Mt 6,1

Commentaire: « Revenez à moi de tout votre coeur » - Kallistos Ware (extr. Le Royaume intérieur) cité dans Daniel Bourguet : l’Evangile médité par les Pères - Matthieu - ed. Olivetan

« Repentez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche » :
c'est par ces mêmes paroles que Jean Baptiste et notre Seigneur Jésus Christ commencent, tous deux, leur prédication.

Tel est bien le point de départ de la bonne nouvelle : le repentir, [la conversion].
Mais qu'entend-on, en fait, par repentir ?

Ce mot évoque, généralement, le regret d'avoir péché, le sentiment de culpabilité, la sensation de peine et d'horreur face aux blessures que nous avons infligées à notre prochain et à nous-même.

Une telle vision est incomplète. Pour approcher le sens profond du repentir, un détour par le terme grec est nécessaire : métanoïa. Littéralement « changement d’esprit » : non pas seulement regret du passé, mais transformation fondamentale de notre perspective, nouvelle manière de voir Dieu, autrui et nous-même.

Le repentir n'est pas un accès de remords et d'apitoiement sur soi-même, mais une conversion, le recentrage de notre vie sur [Dieu].

Esprit nouveau, conversion, recentrage, le repentir est quelque chose de positif et non de négatif. Le repentir n'est pas découragement, mais attente ardente ; non pas sentiment d'être dans une impasse, mais d'avoir trouvé une issue ; non pas haine de soi, mais affirmation de son vrai « soi » [son être profond], fait à l'image de Dieu.

Se repentir, c'est regarder non pas vers le bas, vers ses imperfections, mais vers le haut, vers amour de Dieu ; non pas en arrière, avec les reproches qu'on se fait, mais en avant avec confiance. C'est regarder, non pas ce qu'on n'a pas réussi à être, mais ce qu'on peut encore devenir par la grâce du Christ.

Le caractère positif du repentir apparaît clairement dans les paroles du prophète Ésaïe (9.1) que l'évangéliste Matthieu cite juste avant l'invitation du Christ au repentir : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière; sur ceux qui demeuraient dans la région sombre de la mort, une lumière s'est levée ».
Le repentir, donc, est une illumination, un passage de l'obscurité à la lumière.
Se repentir, c'est ouvrir les yeux au rayonnement divin ; non pas demeurer tristement dans le crépuscule, mais accueillir l’aurore.

Le lien entre le repentir et la venue de la « grande lumière» est très important, car il est impossible de voir vraiment ses péchés avant d'avoir vu la lumière du Christ.
Comme le montre Théophane le Reclus, tant qu'une chambre est plongée dans l'obscurité, on ne remarque pas la saleté, mais si on l'éclaire fortement, on distingue alors chaque grain de poussière. Il en va de même de la chambre de notre âme.

L'ordre des choses n'est pas de se repentir d'abord, pour prendre conscience ensuite du Christ ; car c'est seulement quand la lumière du Christ est entrée dans notre vie que nous commençons vraiment à comprendre notre péché, et non l'inverse.

Personne n'illustre mieux cette loi spirituelle que le prophète Esaïe : il commence par voir le Seigneur sur son trône et entend les séraphins clamer « saint, saint, saint » ; puis, après cette vision, il s'exclame « Malheur à moi, je suis perdu ! Car je suis un homme aux lèvres impures » (6.1-5).

Tel est le commencement du repentir : une vision de beauté et non de laideur, une conscience de la gloire de Dieu et non de ma propre misère.

Rien n'est plus emblématique du repentir que l'époque de l'année où le Grand Carême se déroule : non pas en automne, dans la brume et les feuilles qui tombent ; non pas en hiver, alors que la terre est morte et gelée ; mais au printemps, quand toute la nature se réveille à la vie.

Comme le chante l’Église [ancienne] le mercredi qui précède le début du Grand Carême : « le printemps du Carême s'est levé et la fleur de la pénitence avec lui ; frères, purifions-nous de tout péché et chantons pour notre source de clarté » ; disons-lui : « Ami des hommes, gloire à toi ! ».

Le jeûne est un printemps spirituel, le repentir une fleur qui éclôt et le Christ se fait connaître à nous dans le carême comme donateur de lumière.


Source: Daniel Bourguet