Lecture d'un commentaire (19044)


Nb 20,29

Commentaire: LE DEUIL GÉNÉRAL D'AARON
Lorsqu'Israël vit les rites funéraires préparés en l'honneur d'Aaron par Dieu et par les anges, il prépara aussi une cérémonie funéraire de trente jours à laquelle tout le peuple, hommes et femmes, adultes et enfants, prit part (642). Ce deuil universel n'avait pas seulement pour fondement l'imitation par Israël du deuil divin et des cérémonies organisées par Moïse et Eléazar, ni le désir de manifester sa vénération pour le grand prêtre défunt, mais avant tout la vérité que le peuple aimait profondément Aaron et qu'il ressentait profondément sa mort. Ils le pleurèrent encore plus que, plus tard, Moïse ; pour ce dernier, seule une partie du peuple versa des larmes, mais pour Aaron, tout le monde. Moïse, en tant que juge, était obligé de rendre justice aux coupables, si bien qu'il avait des ennemis parmi le peuple, des hommes qui ne pouvaient pas oublier qu'il les avait déclarés coupables devant le tribunal. De plus, Moïse était parfois sévère avec Israël lorsqu'il lui reprochait ses péchés, mais jamais avec Aaron. Ce dernier «aimait la paix et poursuivait la paix, aimait les hommes et les rapprochait de la Torah. Dans son humilité, il ne s'est pas senti lésé dans sa dignité en saluant d'abord même les plus humbles, oui, il n'a même pas manqué de saluer lorsqu'il était certain que l'homme en face de lui était méchant et impie. Les lamentations des anges à l'égard d'Aaron, «qui a détourné beaucoup de gens de l'iniquité», étaient donc tout à fait justifiées. Sa bonté a conduit à la réforme plus d'un pécheur qui, au moment où il allait commettre un péché, se disait: «Comment pourrais-je lever les yeux vers la face d'Aaron ? Moi, pour qui Aaron a été si bon, je rougis de faire le mal». Aaron reconnaissait que sa tâche particulière était celle d'un artisan de la paix. S'il découvrait que deux hommes s'étaient brouillés, il se précipitait d'abord vers l'un, puis vers l'autre, en disant à chacun: «Mon fils, ne sais-tu pas ce que fait celui avec qui tu t'es disputé ? Il a le cœur battant, il déchire ses vêtements de douleur, et il dit: «Malheur à moi ! Comment pourrais-je encore lever les yeux et regarder mon compagnon contre lequel j'ai agi de la sorte ? Aaron parlait alors à chacun d'eux séparément, jusqu'à ce que les deux anciens ennemis se pardonnent mutuellement, et dès qu'ils se retrouvaient face à face, ils se saluaient comme des amis. Si Aaron apprenait que le mari et la femme vivaient dans la discorde, il se précipitait vers le mari en disant: «Je viens à toi, car j'apprends que ta femme et toi vivez dans la discorde ; c'est pourquoi tu dois la répudier. N'oublie pas cependant que si tu en épouses une autre à la place de ta femme actuelle, il est très douteux que ta seconde épouse soit aussi bonne que celle-ci ; car à la première querelle, elle te dira que tu es un homme querelleur, comme l'a montré ton divorce d'avec ta première femme». Plusieurs milliers d'unions furent sauvées d'une rupture imminente grâce aux efforts et aux exhortations d'Aaron, et les fils nés des couples réunis à nouveau portaient généralement le nom d'Aaron, car ils devaient leur existence à son intercession. Pas moins de quatre-vingt mille jeunes gens portant son nom prirent part au deuil d'Aaron. (643)
Moïse, voyant la douleur profonde des cieux et des hommes à l'égard d'Aaron, fondit en larmes et dit: «Malheur à moi, qui suis maintenant tout seul ! A la mort de Miriam, personne n'est venu lui rendre les derniers honneurs ; il n'y a que moi, Aaron et ses fils qui sommes restés autour de son cercueil, qui l'avons pleurée et qui l'avons ensevelie. A la mort d'Aaron, moi et ses fils étions présents autour de son cercueil pour lui montrer les dernières marques d'honneur. Mais hélas, qu'en sera-t-il pour moi ? Qui sera présent à ma mort ? Je n'ai ni père, ni mère, ni frère, ni sœur. Qui donc pleurera sur moi ? Mais Dieu lui dit: Ne crains rien, Moïse, c'est Moi qui t'enterrerai en grande pompe, et de même que la grotte où reposait Aaron a disparu, afin que nul ne connaisse l'endroit où Aaron est enterré, de même aucun mortel ne connaîtra le lieu de ta sépulture. De même que l'ange de la mort n'a pas eu de prise sur Aaron, qui est mort par le baiser, de même l'ange de la mort n'aura pas de prise sur toi, et tu mourras par le baiser. Moïse s'apaisa à ces mots, sachant enfin qu'il avait sa place parmi les pieux bénis. Heureux sont-ils, car non seulement Dieu en personne les rassemble auprès de lui, mais dès qu'ils sont morts, les anges vont joyeusement à leur rencontre et, le visage rayonnant, les saluent en leur disant: «Entrez dans la paix.» (644)


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg