Lecture d'un commentaire (1012)


Ps 4,7

Commentaire: Doctrine Epicurienne : les biens correspondent au plaisir, les maux à la souffrance
Doctrine Stoïcienne : les biens correspondent à notre libre choix d’une action vertueuse, les maux correspondant à des actions vicieuses
Doctrine péripatétitienne : mélange des deux.
La nature des biens dépend de notre libre choix. : quiconcque accepte le passage sur le jugement en conviendra. Ce qui est bien est en effet ce à propos de quoi quelqu’un s’entendra dire : « c’est bien, bon et fidèle serviteur… » Mt 25,21-23. Ce qui est produit à partir du cœur de l’homme bon : Lc 6,45 le fruit d’un bon arbre. Ga 5,22-23. Mais l’enseignement du Christ parle aussi de biens et de maux qui ne dépendent pas de notre liberté. Mais on ne saurait mélanger les deux types de biens et de maux. Certains cherchent les biens dans les réalités corporelles ainsi que les réalités extérieures en envisageant trois sortes de biens : relativement à l’âme, au corps et à l’extérieur.
Les biens de l’âme : il n’y a pas trace dans les écritures des 4 vertus cardinales (Justice, Modération, Prudence, Courage) car ces vertus sont enseignées par la morale (préceptes moraux).
Les biens du corps et de l’extérieur apparaissent comme résultats des promesses ou des menaces adressées a qui transgresse ou observe les commandements : La santé apparaît comme un bien et la maladie un mal : Ex 15,26, Dt 28,58-61, Lv 26,16, Dt, 32,24
Ceux qui veulent que les biens extérieurs fassent d’après l’Ecriture l’objet de promesse utiliseront le lévitique : Lv 26,3-5, le Deutéronome : Dt 28,1-5, et Dt 28,16-18
Voir aussi Mt 4,23-24. Les apôtres aussi ont exercé des pouvoirs de guérison : 1Co 12,9-10
Critique de ces arguments : ces analyses mènent à dresser l’ancien testament contre le nouveau et mènent à des contradictions :
Mais l’Ecriture est pleine d’exemples où les prophètes ont souffert de maladies 2R 13,14 et 2R 4,8-10 (Elisee), 2S 17,9: Elie est pauvre et va voir la veuve de sarepta. IsaIÎe s’est promené nu et déchaussé pendant 3 ans : Is 20,3. Jérémie fut jeté dans une citerne de boue : Jr 45(38),6 Ces exemples d’hommes qui ont observé la loi montre qu’ils sont subi des maux. : soit les promesses de l’ecriture aux pieux sont fausses, soit elles requièrent uneinterprétation spirituelle.
A l’inverse : n’est-il pas insensé de se glorifier de maux ? Rm 5,3: de telles souffrances ne sont pas des maux pour le saint. Or nombreuses sont les tribulations des justes Ps 34 . Rappelons aussi le livre de Job : Jb 40,8 : « Pourquoi penses-tu que j’ai agi avec toi sinon pour que tu te révèles juste ? » Si Job ne peut se révéler juste qu’au travers de tous les malheurs qui lui sont arrivés, comment pourrions-nous dire que les causes de la manifestation de sa justice sont des maux ?
Il faudrait conclure que même le diable n’est pas un mal pour le saint. Rm 8,28
Il est contraire à l’évidence que le juste aura ce que l’Ecriture considère comme des biens, quand les bénédictions sont interprétées à la lettre. Dt 15,6: absurde de penser que le saint deviendra un usurier. Ps 14,5
De même la fièvre n’est pas due aux péchés mais à l’air ambiant, ou à l’eau, ou à telle nourriture. Si la richesse était la récompense de la justice, il faudrait qu’aucun impie ne soit riche… Il faut rechercher la santé qui consiste dans un certain état de l’âme. Voir Pr 13,8
Pour conclure : tout ce qui existe en vue de quelque chose est inférieur à ce en vue de quoi il existe. Les opérations chirurgicales sont inférieures à la santé. De même les bonnes actions ne sont pas bonnes en tant que contenant leur propre finalité mais à la rigueur en tant que causes efficientes de biens. C’est le comble de l’absurdité de prétendre que la richesse et la santé du corps l’emportent sur les activités vertueuses. A cause de ces opinions perverses, certains ont admis que l’une des premières choses promises après la résurrection serait de manger telle nourriture…
Opinion d’Origène sur les biens et les maux :
Il faut dire maintenant quels sont les biens et les maux qui ne dépendent pas de notre liberté :
Ps 126,1 « Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain ; * si le Seigneur ne garde la ville, c'est en vain que veillent les gardes. » Il y a donc nécessaire coopération entre l’action de l’homme et l’action de Dieu : C’est comme si je disais : le bien en agriculture, c’est-à-dire la production de fruits, est un mélange constitué d’un élément de notre libre choix (le travail de l’agriculteur) et d’un élément indépendant qui relève de la providence (le bon climat).
Même le juste a besoin de persévérer. Rien n’est jamais acquis : chez les hommes comme chez les anges. Origène cite l’exemple de Satan : aucune créature n’est bonne ni divine par nature, mais seulement par don divin, par participation à la bonté divine.
Mais le poids de notre liberté est de beaucoup inférieur à la puissance de Dieu, comme le dit Paul en Rm 9,16.
Revenons à notre sujet de départ (Ps 4,7) : en parlant, nous utilisons les mots tantôt au sens propre, tantôt par catachrèse. Il faut donc lire les Ecritures en un sens figuré lorsque l’on parle de biens et de maux. Il faut rechercher le sens spirituel des faits.


Source: Origène