Marathon de la Parole: 5 Juin de 11h à 12h (heure n° 21)
De Matthieu 13,1 à Matthieu 17,27


Quelques commentaires et référence pour accompagner la méditation...


Lecteur: 4



Daniel Bourguet : « Vous annulez la Parole de Dieu par votre tradition » - Romano Guardini (Extr. Le Seigneur) cité dans Daniel Bourguet : l’Evangile médité par les Pères - Matthieu - ed. Olivetan

Proclamée dans sa substance au Sinaï, la Loi s’est amplifiée au cours des temps, en tenant compte des changements historiques survenus, des besoins sociaux.

Elle a fini par encadrer complètement la vie du peuple. Elle réglait les relations des hommes entre eux : celles de l'autorité et du peuple, celles des groupes entre eux, celles d'un membre de famille avec un autre, les familles entre elles, des citoyens avec les étrangers. Elle réglait les différents aspects de la vie publique : propriété, droit civil et criminel, etc.

Elle réglait [aussi] les rapports avec Dieu : service du temple, jours sacrés, fêtes et calendrier. Un grand développement était donné au devoir de purification. Ces prescriptions s'emparent de l'homme et en font la propriété de Dieu. Tout cela était réglé en détail, minutieusement. Une conception profonde des choses y est exprimée, une grande sagesse, une connaissance judicieuse de la psychologie humaine, tant individuelle que familiale et sociale.

Mais quand on songe que le salut dépendait de l'accomplissement de cette Loi, que quiconque s'en affranchissait était maudit et excommunié, on frémit en lisant la multitude des ordonnances.

Bien que les commandements de la Loi aient été difficiles à observer, on la développa toujours davantage. Une profession naquit pour la garder, celle des docteurs de la Loi. Ils la scrutaient, l'interprétaient, l’appliquaient.
Ils entourèrent chaque loi particulière de commentaires et de coutumes, qui prirent de leur côté le caractère de la Loi, si bien qu'au cours des temps, un réseau fut établi qui enserrait étroitement toute la vie.

Il faut ajouter à tout cela l'hypocrisie, dont Jésus parle avec tant de gravité.
À l'extérieur, il y avait un conformisme impeccable ; à l'intérieur, l'endurcissement du coeur.

Dehors, c’était la fidélité matérielle à la Loi ; au-dedans, le péché, mais le péché qu'on ne reconnait pas, qu'on ne regrette pas, pour lequel on ne désire pas de rédemption.

Jesus s'est heurté a cette mentalité qui lui reprochait continuellement, à lui, le libre Fils de Dieu, de pécher contre la Loi, de désobéir aux commandements, de briser les traditions, de profaner le temple, de trahir le peuple, d'empêcher l'accomplissement de la Promesse.

Partout, sa parole, qui apportait la liberté de Dieu, rencontrait des concepts pétrifiés. Partout, sa puissance d'aimer était arrêtée par une cuirasse qui ne laissait rien passer.

Lui qui parlait de l'abondance de son cœur, qui portait en lui toutes les profondeurs de la création et toutes les énergies du cœur de Dieu, il était épié par des spécialistes de la Loi, des gardiens et des espions, avec une ruse que soutenaient les intelligences les plus aiguës et les volontés les plus tenaces.

Une épouvantable perversion du divin eut lieu alors, qu'éclaire la phrase que les Pharisiens opposèrent au gouverneur romain Ponce Pilate, juge suprême, lorsqu'un sentiment naturel de justice lui fit déclarer qu'il ne trouvait aucune culpabilité dans l'accusé : « Nous avons une Loi, et d'après cette Loi, il doit mourir ! » (Jn 19,7).

La Loi imposée par Dieu a été si diaboliquement retournée que, d'après elle, le Fils de Dieu devait mourir !

Cette histoire de la Loi est une grande leçon.
Le sacré, issu de Dieu, est devenu un instrument de péché.
Dès que l'on croit à une révélation expresse, à une règle de conduite, venues du ciel, cette même possibilité s'éveille.

Il est bon pour le fidèle de le savoir, afin que pendant la seconde alliance, il soit préservé du sort de la première.

[La radicalité de l’amour - et la liberté qui l’accompagne - viendront toujours briser nos idoles, nos prétendus savoirs, nos fausses croyances, et la tentation intrinsèque à l’ego humain de vouloir se faire dieu à la place de Dieu.]
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Lecteur: 5



Daniel Bourguet : « Les miettes qui tombent de la table » - Jean Chrysostome (extr. Homélie 52 sur St Matthieu) cité dans Daniel Bourguet : l’Evangile médité par les Pères - Matthieu - ed. Olivetan

« Аie pitié de moi ! », dit la Cananéenne.
Spectacle touchant que celui d'une femme s'exprimant avec tant d'émotion, d'une mère implorant pour sa fille, pour une enfant tourmentée de la façon la plus cruelle. Mais Jésus ne lui répondit pas une seule parole !

Quelle étrange et singulière attitude ! Il admet en sa présence des Juifs, malgré leur endurcissement; et cette femme qui accourt vers lui, qui le supplie et l'implore, il ne daigne même pas lui répondre !

« Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israel », dit Jésus. Et que fait la Cananéenne, après avoir entendu ces paroles ?
S'en va-t-elle en gardant le silence ? Perd-elle courage ?
Pas du tout ! Elle insiste d'autant plus !

Il n'en est pas ainsi de nous.
Quand nous ne sommes pas exaucés, nous nous retirons, découragés, alors qu'il faudrait insister davantage.
Qui donc, il est vrai, n'aurait pas été refroidi par cette réponse?
Le silence aurait suffi à porter au désespoir ; et à bien plus forte raison une réponse de cette nature ! Mais cette femme, loin de se retirer découragée, comme on aurait pu le penser, s'approche de plus près et se prosterne en disant : « Seigneur, viens à mon aide ! »

Quelle est à ce moment l'attitude du Christ ?
Il n'est pas encore satisfait, et il augmente le désarroi de la Cananéenne, en disant : « Il n'est pas bon de prendre le pain des enfants et de le donner aux petits chiens ! »
En lui adressant une telle réponse, il lui fait plus de peine que s'il s'était tu !
Plus la femme insiste dans sa prière, plus il s'applique à la rebuter !
Les Juifs, il ne les appelle plus « brebis », mais « enfants », et elle, il la nomme « petit chien » !

Que fait alors cette femme ?
De ces paroles mêmes, elle tire un argument :
« Si je suis un petit chien, dit-elle, alors je ne suis plus une étrangère ! Je n'ignore pas que la nourriture soit nécessaire aux enfants ! Mais dois-je être repoussée pour autant, sous prétexte que je suis un petit chien ? S'il est mal de recevoir quoi que ce soit, il faudra donc interdire les miettes. Mais s'il convient que l'on partage, si peu que ce soit, alors, je ne dois pas être chassée, même si je suis un petit chien ! Car ce titre me donne plutôt le droit de n'être pas repoussée. »

Considère donc, je te prie, en même temps que sa foi, l'humilité profonde de la Cananéenne.
Alors que Jésus donne le nom d'« enfants» aux Juifs, elle ne se contente pas de cela, et les appelle « maîtres », tant elle est loin de souffrir de l'éloge adressé à autrui.

« Les petits chiens, dit-elle, mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ».
Elle se traite de « chien » et elle les traite de « maîtres ».
A cause de cela elle est admise au nombre des enfants.
« Ô femme, lui dit le Chris, grande est ta foi. Qu'il te soit fait selon ton désir ! »
Et à l'heure même sa fille fut guérie.
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Lecteur: 6



Daniel Bourguet : « Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant » - Suzanne de Dietrich (extr. Mais moi je vous dis) cité dans Daniel Bourguet : l’Evangile médité par les Pères - Matthieu - ed. Olivetan

Jésus pose deux questions distinctes : « Qui dit-on ? », « Qui dites-vous ? »
Matthieu a noté à plusieurs reprises que la foule s'étonnait, s'émerveillait même de l'enseignement de Jésus et de ses miracles. Tout le monde se demande qui est cet homme, ce fils de l'homme.

Les uns pensent que c'est Jean Baptiste ressuscité ; d'autres que c'est Élie ; d'autres encore pensent à Jérémie. On discute beaucoup ; on n'a cessé de discuter sur qui est Jésus depuis vingt siècles ; et la plupart des hommes en restent là. De l'admiration à l'engagement il y a très loin.

Les disciples, eux, se sont engagés. Ils ont vécu avec leur Maître jour après jour. Ils ont cru ses promesses. Ils ont obéi à son appel. Ils ont été confrontés avec le mystère de sa personne. Dieu leur a révélé le sens caché de ses paroles. Et voici, l'heure est venue où Jésus les appelle à confesser leur foi : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». […]

[L’apôtre] Paul déclare : « Personne ne peut dire ‘Jésus est le Seigneur’, si l'Esprit Saint ne l’inspire » (1Co 12,3).
Au moment où Simon confesse sa foi, c'est l’Esprit divin lui-même qui parle par sa bouche ; une grande grâce lui est faite, et Jésus le proclame « heureux ».

Jésus donne à Simon un nom nouveau : « Kepha », qui signifie « roc ». Ce nom contient une promesse : Simon, le disciple fluctuant, impulsif, sera néanmoins, par la grâce de Dieu, le « roc » sur lequel Dieu bâtira la communauté nouvelle. […]

En lui donnant les clés du royaume, Jésus donne à Pierre, et par lui à son Église, d'ouvrir ce royaume à ceux qui recevront sa parole. Cette parole a le pouvoir de délier les hommes des liens du péché et de la mort.

Jésus enjoint à ses disciples de ne dire à personne qu'il est le Christ. L'heure n'est pas venue de révéler son identité ; d'une part, parce que son ministère n'est pas achevé et que la confession publique de sa messianité sera son arrêt de mort ; d'autre part, parce que sa qualité de Messie peut prêter à de graves malentendus.

La suite de sa conversation avec ses disciples va nous en donner la preuve. Ils n'ont pas encore compris le mystère des souffrances du Serviteur, ni en ce qui concerne leur Maître, ni en ce qui les concerne eux-mêmes.

[Il leur faudra du temps pour entrer dans l’écoute de Dieu, pour se mettre à son service et ainsi servir les hommes, plutôt que de chercher à se faire servir.
Être « fils » dans l’antiquité, c’est cela : c’est, à la fois, être serviteur du père, être représentant et hériter du père.
Le « Fils du Dieu vivant » est ainsi venu révéler le visage du Père, le visage de Celui qui n’est qu’amour, compassion et salut.]
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