Marathon de la Parole: 2020 - heure 5 De Genèse 1,1 à Genèse 8,22
Quelques commentaires et référence pour accompagner la méditation...
Lecteur: 1
Bible des peuples : INTRODUCTION Plus nous avançons dans la vie, et plus nous prenons intérêt à retrouver nos racines. Où vivaient nos ancêtres ? Comment se sont connus nos parents ? Qui nous a inspiré nos premières décisions ? Tous les peuples de même ont cherché à reconstruire leur passé. Ils voulaient sans doute le sauver de l’oubli, mais plus encore ils voulaient retrouver dans le passé une confirmation de ce à quoi eux-mêmes croyaient : raconter leur histoire, c’était une façon d’affirmer leur propre identité au milieu de tant de peuples petits ou grands qui les entouraient. Et c’est cela même qui est au cœur de la Genèse, un livre qui s’est formé par morceaux, au long de plusieurs siècles. Il a pris sa forme définitive au cinquième siècle avant Jésus, lorsque le peuple juif qui rentrait de l’Exil à Babylone a fixé pour toujours l’expression de sa foi. Genèse : cela veut dire : commencement. Nous ne chercherons pas dans les premiers chapitres un document sur les origines de l’univers ou sur un péché qu’aurait commis le premier ancêtre. Mais, dès les premières pages, nous allons retrouver, sous des images, tout ce qui est important pour nous. Il y aura comme trois parties dans ce livre. Les chapitres 1—11 essayent de tendre une chaîne à travers ces temps énormes qui se sont écoulés depuis le début de la création jusqu’aux premiers “pères de la foi” dont le nom est resté dans les mémoires, et le premier, bien sûr, c’est Abraham. La seconde partie évoquera la vie de clans nomades qui déjà croyaient en un Dieu proche et secourable, le “Dieu de leur père”. Cette histoire, ou ces histoires, se déroulent en terre de Canaan, en un temps où le peuple israélite n’était pas encore né (entre le 18ème et le 15ème siècle avant le Christ). Et elles montrent comment Dieu avait déjà préparé son œuvre de salut par les promesses faites à Abraham et à Jacob. Ce sera le sujet des chapitres 12—38. Une troisième partie, l’histoire de Joseph, jette une première lumière sur les tragédies qui tissent l’existence humaine. Les hommes ont besoin d’un Sauveur, et le salut leur viendra à travers ceux qu’ils ont d’abord persécutés et rejetés (Chapitres 39—50). Qui a écrit la Genèse ? Il n’y a pas un seul, mais plusieurs auteurs. N’oublions pas que le peuple de la Bible s’est constitué peu à peu par le rassemblement de tribus nomades qui ne savaient ni lire ni écrire. Elles emportaient avec elles le souvenir de leurs ancêtres et des signes que Dieu avait accomplis en leur faveur : les traditions se transmettaient oralement. Lorsque ces tribus se fixèrent en Palestine, elles entrèrent peu à peu dans une nouvelle culture, celle de l’écriture. Autour du roi, des scribes fixaient par écrit les lois et les croyances du royaume. C’est ainsi qu’à l’époque du roi Salomon (10ème siècle avant le Christ), un écrivain inconnu, généralement appelé “le yahviste”, avait écrit une première histoire du peuple de Dieu. Il a utilisé largement la littérature des Babyloniens et leurs poèmes se rapportant au premier couple, au déluge, mais il les a refondus pour leur faire dire la vision du monde qu’il tirait de sa foi. Ce récit ancien a été ensuite complété par d’autres, à partir d’autres traditions, souvent avec des redites. Beaucoup plus tard, quand les Juifs sont rentrés de l’exil à Babylone (6ème siècle avant le Christ), leurs prêtres ont ajouté bien des paragraphes que nous indiquons ici en italique. Ces prêtres sont les auteurs du poème de la création en sept jours qui inaugure la Genèse et, d’une certaine façon, toute la Bible. ;
Bible des peuples : La Bible s’ouvre sur un hymne au Dieu créateur. Le premier chapitre de la Genèse est une composition rythmique, avec ses répétitions et sa forme liturgique, qui sert de préface et d’ouverture à toute la Bible. Il nous faut un effort pour jeter sur cette première page un regard simple. Il y a eu trop de discussions depuis cent cinquante ans sur le thème “la création selon la Bible et selon la science”, problème très mal posé, encore plus mal résolu, et qui habituellement nous laisse mal à l’aise. Nous ne chercherons pas ici des données historiques ou scientifiques ; ceux qui ont rédigé ce chapitre avaient bien d’autres choses à nous dire, et Dieu avait le droit de contresigner leur travail même s’ils voyaient le ciel comme une voûte d’azur où quelqu’un a épinglé les étoiles. Ni l’auteur de ces pages ni ses lecteurs, il y a quelque vingt-cinq siècles, ne partageaient notre curiosité, ils nous parlent de leur expérience de Dieu et du sens que la foi donne à la vie humaine, à l’histoire et au monde. Il y a donc là une parole de Dieu, mais ne lisons pas non plus ce texte comme s’il y avait là toute la compréhension chrétienne de l’univers. Ce récit biblique est le plus important de ceux qui nous parlent de l’ordre établi dans le monde par le Créateur, mais il faut préciser deux points : — Cette préface de la Bible n’est pas la partie la plus ancienne, comme le croient certaines personnes qui voudraient l’attribuer à nos plus lointains ancêtres, elle a été écrite au 5ème siècle avant le Christ, après le retour d’Exil. — Cette page écrite avant le Christ ne peut pas nous donner toute la compréhension chrétienne de l’univers. Il y a bien plus à dire et la Bible le dit là où beaucoup ne chercheraient pas, c’est-à-dire dans le Nouveau Testament : voir Jean 1 et Éphésiens 1. Mais que voulait dire l’auteur ? Que Dieu a tout fait ? Bien sûr. Dieu, un seul, distinct de cet univers qu’il créait, et antérieur à cet univers. Mais ce que l’auteur voulait avant tout, c’était de montrer que Dieu est infiniment au-delà de cette création qui nous émerveille ou nous écrase, au-delà d’une nature si riche et si dominatrice que facilement nous nous laissons emporter par ses pulsions. Dieu dit. Voici comme une frontière mise entre Dieu et sa créature. Le monde n’est pas Dieu, il n’est pas un visage de Dieu, il n’est pas sorti de Dieu comme du sein d’un Infini qui laisserait échapper ses richesses sans les connaître ni les dominer. Le monde est en Dieu, de quelque façon, mais Dieu est extérieur au monde et ne dépend pas de lui. Il ne faudra pas l’oublier quand plus tard le Nouveau Testament parlera de communion avec Dieu : Cela ne peut être que si Dieu, personnellement, nous appelle. Dieu crée, cela veut dire d’abord que Dieu met un ordre. Premier jour, deuxième jour, troisième jour. Tout n’est pas sur le même plan. Un univers matériel où la vie ensuite apparaîtra, avec ses mille réalisations diversifiées et hiérarchisées. Premier jour, deuxième jour, septième jour. Dieu ordonne le monde et notre existence. Le soleil et la lune ne sont pas là seulement pour éclairer : ils déterminent le temps et le calendrier. Pas de vie humaine, pas de vie de famille sans fêtes, sans une discipline et régularité dans le lever et le coucher, le travail et les heures de repas. Les hébreux divisaient le monde en trois régions : le ciel, la terre et les eaux. Nous retrouvons cet ordre : jours 1 et 4, 2 et 5, 3 et 6. Tout arrive à son heure : les créatures les plus parfaites viennent après les créatures inférieures, l’homme en dernier lieu. Dieu vit que cela était bon. Rien n’est mal de tout ce que Dieu a créé, et pourtant l’auteur ne nie pas l’existence de forces du mal dans le monde : la mer et la nuit, pour les Israélites, étaient des forces mauvaises. Mais voilà que ces forces sont contenues : la mer a ses limites et, tous les jours, la nuit cède le pas à la lumière. Il faudra pourtant se poser la question : Qui a mis le mal dans le monde ? Voir Genèse 3 ; Sagesse 1.14 ; 11.20 ; Siracide 13.1 ; Jacques 1.17. C’est avec la création de l’homme que s’achève l’œuvre de Dieu. Le texte nous laisse trois affirmations décisives qui sont à la base de la conception chrétienne de l’homme, des certitudes qui, avec le temps, ont créé la modernité et se sont imposées bien au-delà du monde chrétien : — Il le créa à son image. C’est une des plus importantes déclarations de la Bible : l’homme n’est pas enfermé sans espoir dans le monde de ses fantasmes et de ses illusions, prisonnier de ses catégories et de ses structures ; il est créé pour la Vérité. Dieu peut lui dire l’essentiel dans un langage humain et à travers des expériences humaines : nous ne sommes pas condamnés à toujours douter. À l’image de Dieu, et bien sûr, faits pour lui donner une réponse. — Homme et femme il les créa. Et voici la dignité du couple. L’homme que Dieu crée, ce n’est pas l’homme seul ni la femme seule, mais le couple. Et chose étrange dans une culture aussi machiste, pas de différence de rang entre l’homme et la femme. Avec la Bible nous échappons aux images simplistes des théories matérialistes : la division des sexes ne serait que le produit d’un hasard dans les mutations des chromosomes, et tout aussi par hasard, l’amour serait le produit de la division des sexes. Au contraire nous affirmons que l’amour a été premier dans le plan de Dieu, et la longue évolution de la sexualité en a été la préparation. — Ayez autorité… Ce n’est pas pour que l’homme soit tyran, dominateur, mettant en danger jusqu’à l’existence humaine sur une planète poubelle. Mais Dieu lui livre l’univers entier. L’homme fera usage de tout, et de la vie elle-même, pour croître, mûrir et mener à terme l’aventure humaine jusqu’à son retour en Dieu. Multipliez-vous et remplissez la terre. Dieu leur donne sa bénédiction. On aurait tort de prendre prétexte de cette bénédiction pour prêcher une procréation irresponsable : (voir Sagesse 4.11 qui fait l’éloge des familles dont les enfants sont bien éduqués, utiles et bons devant Dieu) ; cependant la Bible montrera en mille occasions, qu’un peuple qui n’a plus d’enfants a perdu le chemin des bénédictions divines. Je vous donne toutes les herbes et tous les arbres qui portent des fruits. Par ces mots, l’auteur exprime l’idéal d’un univers non violent, où l’on ne tuerait même pas les animaux. Dieu ne veut pas la mort de ses créatures, bien que plus tard, il doive faire une concession ( Genèse 9.3) pour tenir compte de la condition réelle de l’homme pécheur. Dieu se reposa le septième jour. Le respect de ce septième jour, appelé en hébreu “sabbat”, c’est-à-dire “repos” est un des piliers de la pratique israélite et chrétienne. C’est un jour saint, c’est-à-dire totalement différent des autres, et qui nous fait saints et différents des autres. Grâce à lui les personnes échappent à l’esclavage du travail et sont disponibles pour une rencontre avec Dieu, avec les autres et avec elles-mêmes (voir Exode 20.8 et les promesses exprimées en Isaïe 56.4 ; 58.13).;
Lecteur: 3
Bible des peuples : La seconde partie du récit de l’Éden montre la seconde face de la destinée humaine. Après le chapitre 2 qui présentait le plan de Dieu, l’homme dans l’idéal, le chapitre 3 montre la réalité, la condition présente de l’humanité, et il pose la question : à qui la faute ? Le serpent était le plus rusé… Le serpent, créature à la fois maléfique et dotée de pouvoirs divins dans la littérature du Moyen Orient. Le mal ne vient pas de Dieu, mais d’un personnage fort important du monde supérieur, comme Satan dans le livre de Job ( Sagesse 2.24 ; Jean 8.44). Le récit distingue trois moments : la tentation, le péché et le jugement. La tentation : oublions la pomme dont parle tout le monde mais qui ne figure pas dans le récit. Il n’est question que de l’arbre de la connaissance et de ses fruits. La tentation va se dissimuler dans la conquête de la sagesse. Or voici que Dieu a placé l’homme dans une situation conflictuelle quand il a mis la sagesse à sa portée tout en lui disant : Tu ne toucheras pas. Puis vient le péché. Étrange, cette conversation à trois ! La femme a désiré, et c’est l’homme qui commet le vrai péché. La femme tentatrice, n’est-ce pas la réalité, n’était-ce pas alors la réalité ? L’auteur, en ces temps lointains, avait sous les yeux l’exploitation de la femme, et l’art qu’ont les exploitées pour tirer parti de leurs seigneurs. Voyant que la souffrance était mal partagée, il en tirait la conclusion que sûrement la femme avait été infidèle la première. Mais Dieu n’acceptera pas les excuses de l’homme. Le péché a déchiré la toile des relations sur lesquelles se fondait l’harmonie. Les deux se cachent de Dieu, et bientôt l’homme jette la pierre à sa femme. Deux détails expriment d’une manière ironique la déconvenue du pécheur : Vos yeux s’ouvriront : et ils se sont retrouvés nus. Vous connaîtrez le bien et le mal : et ils en resteront au mal. Il y a d’autres textes bibliques concernant ces sujets : – L’ancien serpent : Sagesse 2.24 ; Jean 8.44 ; 2Corinthiens 11.3 ; Apocalypse 12.9. – Le faux concept d’un Dieu jaloux : Michée 6.7 ; Job 10.13 ; Matthieu 25.24. – La révolte contre Dieu : Isaïe 14.14 ; Ézékiel 28.2 ; Daniel 11.36 ; Luc 5.11 ; 2Thessaloniciens 2.4. – La tentation : Matthieu 4.6-25 ; Siracide 15.11 ; Romains 7.8 ; 1Corinthiens 10.13 ; Jacques 1.13. Ce péché d’Adam qui ouvre l’histoire sacrée doit être revu à la lumière de l’Évangile, et plus précisément, de l’histoire de l’enfant prodigue ( Luc 15.11). Cette parabole fait plus que rappeler la miséricorde infinie de Dieu pour le “pécheur” qui revient : elle nous dit ce qu’est l’aventure humaine devant Dieu, celle d’un fils prodigue. Mais tandis que dans la Genèse Adam restait sur la découverte de sa faute, dans cette parabole il découvre qu’il est fils. Jésus est le Fils, et il nous fait fils : c’est ainsi qu’il nous libère.;
Lecteur: 4
Bible des peuples : Au début l’histoire de Caïn et Abel n’avait rien à voir avec celle d’Adam et Ève, mais l’auteur biblique a fait d’eux des enfants du premier couple pour les besoins de son récit. Il a voulu nous montrer la violence comme un facteur décisif de l’histoire humaine. Ses racines sont dans le cœur humain (4.7), et Dieu, qui fait justice, s’oppose à la justice expéditive (4.15). Nous avons ici une parole de Dieu, mais il n’est pas sans intérêt de voir qu’elle reste profondément humaine et qu’elle garde la marque du temps où elle est née et du temps où elle a été rédigée Cette histoire appartient aux traditions des Kénites ou Caïnites ( Juges 1.16 ; 4.17). Comme on le voit dans les légendes de bien des peuples, Caïn, le père de la tribu, avait tué son frère qui risquait de devenir son rival, et dès lors s’était imposé comme fondateur. Abel était donc le perdant, et par là même, le mauvais. Sur ce point l’auteur biblique redresse le jugement et dénonce le meurtre. Mais il y a un autre aspect du conflit : Abel est un pasteur, et Caïn est un sédentaire. Dans cette histoire les anciens Israélites, encore nomades, projettent leurs propres affrontements avec les Cananéens sur le territoire desquels ils passent avec leurs troupeaux (ils étaient les gitans de leur temps !). Eux sont les bons, et les cultivateurs, les méchants. Si on les attaque, ils sont des victimes, s’ils écrasent les autres, ils défendent les droits de Dieu. L’Ancien Testament dénoncera en bien des endroits la violence cachée des riches et de la société, mais il dépassera rarement les perspectives étroites du nationalisme qui considère comme bons ceux qui défendent les intérêts du groupe et comme mauvais les voisins s’ils veulent défendre les leurs Genèse 34 ; Esther 9 ; Sagesse 18). On reparlera d’Abel dans le Nouveau Testament où il deviendra le premier des “justes”, celui qu’on a éliminé précisément parce qu’il plaisait à Dieu ( Matthieu 23.35 ; Hébreux 11.4 ; Jean 8.44 ; 1Jean 3.12).;
Lecteur: 5
Bible des peuples : GÉNÉALOGIES On note à première lecture les différences des généalogies insérées en 4.17-26 et 5.1-30. Le même contraste se retrouvera entre la descendance de Noé selon 9.18-27 ; 10.8-32 et 11.26-29 d’une part, et les généalogies de 9.28, 10.1-7 ; 11.10-25. Les premières viennent de l’auteur le plus ancien et prolongent les histoires de Caïn et Abel, de Noé et de la tour de Babel : le tissu est le même. Ces généalogies ne sont pas des listes d’ancêtres au sens strict, mais une séquence des antécédents qui ont abouti à l’état présent de l’humanité. Les noms qu’elles rappellent sont ceux des peuples et des cités avec lesquels Israël entretenait quelques liens ou dont il avait entendu parler. Cette repasse ne fait aucune distinction entre données religieuses et culturelles car l’auteur voit une continuité et un sens dans toute la vie du monde et il essaye de nous les faire voir. Les autres généalogies sont l’œuvre des prêtres. Là il semble qu’on ne cherche qu’à ordonner des noms, et pour chacun d’eux un nombre d’années et une descendance. Ce sont des chaînes dont les maillons relient le premier père aux temps présents.;