Lecture en continu (Traduction Liturgique)

4,10 Le Seigneur reprit : « Qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie de la terre vers moi !

18771 Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg sur verset 2023-10-31: LE CHÂTIMENT DE CAIN
La mort d'Abel fut la plus cruelle que l'on puisse imaginer. Ne sachant pas quelle blessure était mortelle, Caïn a frappé toutes les parties de son corps avec des pierres, jusqu'à ce que l'une d'entre elles le frappe au cou et lui inflige la mort.
Après avoir commis le meurtre, Caïn résolut de s'enfuir en disant: «Mes parents me demanderont des comptes au sujet d'Abel, car il n'y a pas d'autre être humain sur la terre.» Cette pensée lui avait à peine traversé l'esprit que Dieu lui apparut et s'adressa à lui en ces termes: «Devant tes parents, tu peux t'enfuir, mais peux-tu aussi te soustraire à ma présence ? Quelqu'un peut-il se cacher dans des lieux secrets pour que je ne le voie pas ? Hélas, Abel t'a fait miséricorde et s'est abstenu de te tuer, alors qu'il te tenait en son pouvoir. Hélas ! il t'a donné l'occasion de le tuer !
Interrogé par Dieu: «Où est Abel, ton frère ?» Caïn répondit: «Suis-je le gardien de mon frère ? Tu es celui qui veille sur toutes les créatures, et tu me demandes des comptes ! Certes, je l'ai tué, mais c'est Toi qui as créé en moi le mauvais penchant. Tu gardes toutes choses ; pourquoi donc m'as-tu permis de le tuer ? C'est Toi qui l'as tué, car si Tu avais regardé d'un œil favorable mon offrande comme la sienne, je n'aurais eu aucune raison de l'envier, et je ne l'aurais pas tué. Mais Dieu dit: «La voix du sang de ton frère, qui sort de ses nombreuses blessures, crie contre toi (20), ainsi que le sang de tous les pieux qui auraient pu sortir des reins d'Abel.»
L'âme d'Abel dénonça elle aussi le meurtrier, car elle ne pouvait trouver le repos nulle part. Elle ne pouvait ni s'élever dans les cieux, ni demeurer dans la tombe avec son corps, car aucune âme humaine n'avait jamais fait cela auparavant (21). Mais Caïn refusait toujours de confesser sa culpabilité. Il insista sur le fait qu'il n'avait jamais vu un homme tué, et comment pouvait-il supposer que les pierres qu'il avait lancées sur Abel lui ôteraient la vie ? Alors, à cause de Caïn, Dieu maudit la terre pour qu'elle ne lui donne pas de fruits (22). D'un seul coup, Caïn et la terre sont châtiés, la terre parce qu'elle a gardé le cadavre d'Abel et ne l'a pas jeté en l'air (23).
Dans l'obstination de son coeur, Caïn parla: «Seigneur du monde ! Y a-t-il des délateurs qui dénoncent les hommes devant toi ? Mes parents sont les seuls êtres humains vivants, et ils ne savent rien de mon acte. Tu demeures dans les cieux, et comment saurais-tu ce qui se passe sur la terre ?» Dieu répondit: «Tu es fou ! Je porte le monde entier. Je l'ai fait, et je le porterai» - réponse qui donna à Caïn l'occasion de feindre le repentir. «Tu portes le monde entier, dit-il, et tu ne peux pas porter mon péché (24) ? En vérité, mon iniquité est trop grande pour être supportée ! Hier, tu as banni mon père de ta présence ; aujourd'hui, tu me bannis. On dira que c'est ta manière de bannir» (25).
Bien qu'il s'agisse d'une dissimulation et non d'un véritable repentir, Dieu accorda à Caïn son pardon et lui retira la moitié de son châtiment. A l'origine, le décret l'avait condamné à être un fugitif et un vagabond sur la terre. Maintenant, il ne devait plus errer éternellement, mais il devait rester un fugitif. La terre trembla sous Caïn, et tous les animaux, sauvages ou apprivoisés, dont le maudit serpent, se rassemblèrent pour tenter de le dévorer afin de venger le sang innocent d'Abel. Finalement, Caïn n'en put plus et, fondant en larmes, il s'écria: «Où irai-je loin de Toi ? «Où irai-je loin de ton esprit ? Pour le protéger de l'assaut des bêtes, Dieu inscrivit une lettre de son saint nom sur son front et s'adressa aux animaux: «Le châtiment de Caïn ne sera pas semblable à celui des futurs meurtriers. Il a versé du sang, mais il n'y avait personne pour l'instruire. Désormais, celui qui en tuera un autre sera lui-même tué.» Puis Dieu lui donna le chien pour le protéger des bêtes sauvages et, pour le marquer comme pécheur, il l'affligea de la lèpre.
Le repentir de Caïn, aussi peu sincère qu'il ait été, a eu un bon résultat. Lorsqu'Adam le rencontra et lui demanda quel sort lui avait été réservé, Caïn raconta comment son repentir avait apaisé Dieu, et Adam s'exclama: «Le repentir est si puissant, et je ne le savais pas». Il composa alors un hymne à la louange de Dieu, commençant par ces mots: « Il est bon de confesser ses péchés à l'Éternel« (29).
Le crime commis par Caïn a eu des conséquences funestes, non seulement pour lui, mais aussi pour toute la nature. Auparavant, les fruits que la terre lui apportait lorsqu'il cultivait le sol avaient le goût des fruits du Paradis, mais maintenant son travail ne produisait que des épines et des chardons (29). Le sol changea et se détériora au moment même de la fin violente d'Abel. Les arbres et les plantes de la partie de la terre où vivait la victime refusèrent de donner leurs fruits, à cause de leur chagrin à son égard, et ce n'est qu'à la naissance de Seth que ceux qui poussaient dans la partie appartenant à Abel commencèrent à fleurir et à fructifier à nouveau. Mais jamais ils ne reprirent leur pouvoir d'antan. Alors qu'auparavant la vigne avait porté neuf cent vingt-six variétés différentes de fruits, elle n'en produisait plus qu'une seule. Il en va de même pour toutes les autres espèces. Ce n'est que dans le monde à venir qu'elles retrouveront leur pouvoir originel (30).
La nature a également été modifiée par l'enterrement du cadavre d'Abel. Il est resté longtemps exposé, au-dessus du sol, car Adam et Ève ne savaient pas quoi en faire. Ils s'asseyaient à côté et pleuraient, tandis que le chien fidèle d'Abel veillait à ce que les oiseaux et les bêtes ne lui fassent pas de mal. Soudain, les parents en deuil observèrent un corbeau qui grattait la terre à un endroit, puis cachait dans le sol un oiseau mort de son espèce. Adam, suivant l'exemple du corbeau, enterra le corps d'Abel, et le corbeau fut récompensé par Dieu. Ses petits naissent avec des plumes blanches, c'est pourquoi les vieux oiseaux les abandonnent, ne les reconnaissant pas comme leur progéniture. Ils les prennent pour des serpents. Dieu les nourrit jusqu'à ce que leur plumage devienne noir, et les parents oiseaux reviennent vers eux. En guise de récompense supplémentaire, Dieu accède à leur demande lorsque les corbeaux prient pour la pluie (31).