Lecture d'un commentaire (9537)


Mt 26,39

Commentaire: Notre-Seigneur emmène avec lui Pierre, celui de tous qui avait le plus de confiance en lui-même, ainsi que les deux autres Apôtres, qui paraissaient comme lui plus fidèles et plus courageux, afin qu'ils v issent de leurs yeux leur divin Maître prosterné le visage contre terre, et qu'ils apprissent à n'avoir jamais d'eux-mêmes une opinion avantageuse, mais des sentiments pleins d'humilité, et à être moins prompts à promettre et plus empressés de recourir à la prière. C'est pour cela qu'il est dit: «Et s'en allant un peu plus loin». Il ne voulait pas s'éloigner d'eux, mais, au contraire, en être rapproché pour prier, et après leur avoir dit autrefois: «Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur» ( Mt 11,29 ), il confirme cette doctrine par son exemple, en s'humiliant honorablement le premier, et en se prosternant le visage contre terre: «Et il tomba la face contre terre en priant et en disant: Mon Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi».Il fait éclater dans cette prière toute sa piété, et comme le Fils bien-aimé, et qui met toute son affection à obéir aux dispositions de son Père, il ajoute: «Néanmoins, non comme je veux, mais comme vous voulez»,nous enseignant ainsi à deman der que la volonté de Dieu s'accomplisse et non pas la nôtre, il demande que le calice de sa passion s'éloigne, non pas selon sa volonté, mais comme le veut son Père, de la même manière qu'il a commencé à craindre et à s'attrister, c'est-à-dire non pas dans sa nature divine et impas sible, mais dans sa nature humaine et sujette à l'infirmité, car, en se revêtant de cette nature, il en a subi toutes les conditions, pour ne point laisser croire qu'il n'avait que l'apparence et non la réalité d'une chair mortelle. Or, le premier sentiment qu'éprouve l'homme fidèle, c'est d'abord de ne pas vouloir de la douleur, surtout de celle qui peut le conduire à la mort, parce qu'il est revêtu d'une chair mortelle; mais si telle est la volonté de Dieu, il ne demande qu'à s'y conformer, parce qu'il est avant tout plein de foi. Car de même que nous devons nous gar der d'une confiance excessive, pour ne point paraître faire montre de notre force, nous devons également ne pas nous laisser aller à une défiance qui semblerait accuser d'impuissance le Dieu qui est notre soutien. Remarquons que cette circonstance nous est rapportée par saint Marc et par saint Luc; mais saint Jean ne nous dit point que Jésus ait prié son Père que ce calice s'éloignât de lui; ces premiers, en effet, ont insisté davantage, dans leur récit, sur ce qui concernait la nature humaine, et saint Jean sur ce qui faisait ressortir sa nature divine. Dans un autre sens, on peut dire que Jésus, voyant toutes les calamités qui devaient fondre sur les Juifs pour avoir demandé sa mort, s'écrie: «Mon Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi».


Source: Origène (Peronne-Vivès 1868)