Lecture d'un commentaire (9486)


Mt 26,30

Commentaire: On peut s'étonner de ce que les Évangélistes ont rapporté si diversement non seulement quant aux expressions, mais quant au fond même des choses, cette présomption de Pierre, qui, malgré les avertissements qui lui sont donnés, affirme qu'il est prêt à mourir avec le Seigneur ou pour défendre sa cause. Aussi est-on forcé d'admettre que cet Apôtre a renouvelé sa promesse présomptueuse en réponse à différentes parties du (rentes) de Jésus-Christ, et que Sauveur lui a décré par trois fois qu'avant chant du coq, il renierait trois fois. C'est ainsi qu'après sa résurrection il lui demande par trois fois s'il aimait, lui donne par trois fois précepte de paître ses brebis. Qu'ont en effet de sembb s paros ou s pensées rapportées par saint Mt avec cels dont saint Jn ( Jn 13,37 ) et saint Lc ( Lc 22,33 ) se servent pour exprimer réponse présomptueuse de Pierre? Saint Mc, au contraire ( Mc 14,29-31 ), rapporte ce fait à peu près dans les mêmes termes que saint Matthieu, avec cette différence que dans saint Marc, le Seigneur prédit d'une manière plus explicite ce qui devait arriver: «Je vous dis en vérité qu'aujourd'hui, dès cette nuit, avant que le coq ait chanté deux fois, vous me renoncerez trois fois». Aussi en est-il quelques-uns qui, n'y regardant pas de bien près, prétendent que saint Marc ne peut se concilier ici avec les autres Évangélistes. Car, disent-ils, Pierre a renié trois fois son Maître, et s'il a commencé après le premier chant du coq, le récit des trois Évangélistes n'est pas conforme à la vérité, puisqu'ils rapportent que le Seigneur a déclaré qu'avant que le coq chantât, Pierre le renierait trois fois. D'ailleurs, si les trois renon cements de saint Pierre ont eu lieu avant que le coq ait commencé à chanter, pourquoi Notre-Seigneur aurait-il dit d'après saint Marc: «Avant que le coq ait chanté deux fois, vous me renoncerez trois fois? ta Nous répondons que le triple renoncement de saint pierre ayant commencé avant le premier chant du coq, les évangélistes ont considéré non pas le moment où il devait être consommé, mais celui où il devait se produire et commencer, c'est-à-dire avant le chant du coq. On peut même dire, en considérant les dispositions intérieures de saint Pierre, que ce triple renoncement eut lieu avant le chant du coq, car avant cette heure, son âme était en proie à une crainte si grande qu'elle pouvait le conduire jusqu'à renoncer trois fois son maî tre. A plus forte raison, on ne doit pas s'étonner que ces trois renoncements successifs et dis tincts aient commencé avant le chant du coq, bien qu'ils n'aient pas été consommés avant le premier chant du coq. Car si l'on disait à quelqu'un: «Avant que le coq ait chanté, vous m'écrirez une lettre dans laquelle vous m'outragerez trois fois», cette prédiction ne se trouve rait pas fausse, si la lettre, commencée avant le premier chant du coq, était achevée après que le coq aurait chanté pour la première fois.


Source: Saint Augustin (Peronne-Vivès 1868)