Lecture d'un commentaire (9049)


Mt 24,23

Commentaire: Notre-Seigneur nous avertit ici que même les hommes livrés à toute sorte de crimes peuvent opérer certains miracles que les saints ne peuvent faire, sans qu'ils jouissent pour cela d'un plus grand crédit aux yeux de Dieu. En effet, les magiciens d'Egypte n'étaient pas plus agréables à Dieu que le peuple d'Israël, qui ne pouvait faire les prodiges qu'ils opéraient, bien que Moïse en ait opéré de plus éclatants par la puissance de Dieu. Or, Dieu n'a pas donné à tous les saints ce privilège, pour ne pas exposer les âmes faibles à tomber dans cette erreur que le don de faire des miracles est supérieur aux oeuvres de justice, qui seu les nous obtiennent la vie éternelle. Lors donc que les magiciens opèrent des prodiges sembla bles à ceux que font quelquefois les saints, c'est à des titres et par des motifs différents; les uns n'y cherchent que leur propre gloire, les autres que la gloire de Dieu; les premiers agissent alors en vertu d'un certain pouvoir que Dieu a laissé aux esprits de malice, conformément à leur nature, et par certains commerces qu'ils entretiennent avec ces esprits, ou en reconnaissance des services qu'ils leur rendent ( Ep 6,12 Col 2,15 ); les saints, au contraire, n'opèrent ces prodiges qu'au nom de cette puissance souveraine aux ordres de laquelle toute créature est soumise. Qu'un propriétaire soit obligé d'abandonner son cheval à un soldat, qu'il le livre au contraire à celui qui le lui achète, qu'il le donne ou qu'il le prête à qui bon lui sem ble, ce sont choses toutes différentes. Il arrive encore quelquefois que de mauvais soldats, par une violence que réprouve la discipline militaire, effraient certaines gens en se couvrant de l'autorité de leur chef pour leur extorquer ce que la loi ne les oblige pas de donner; de même il peut arriver souvent que de mauvais chrétiens, ou des schismatiques, ou des hérétiques, aient recours au nom de Jésus-Christ, aux paroles sacrées, ou aux sacrements de la religion chré tienne pour exiger certaines concessions des puissances infernales. Et lorsque ces puissances cèdent ainsi à l'ordre des méchants, elles ne le font que pour séduire les hommes, dont les éga rements font toute leur joies C'est donc par des procédés tout différents que les magiciens, les bons chrétiens et les mauvais opèrent des prodiges. Les magiciens les opèrent au moyen de pactes particuliers; les bons chrétiens, au nom de la justice divine; et les mauvais, au moyen des signes extérieurs de cette justice. Et il ne faut pas s'en étonner, car on peut croire sans ab surdité que tous les phénomènes extérieurs dont nous sommes témoins sont l'oeuvre des puis sances infernales qui sont répandues dans les airs.


Source: Saint Augustin (Peronne-Vivès 1868)