Lecture d'un commentaire (8312)


Mt 19,16

Commentaire: Si tous les commandements sont renfermés dans cette parole: «Vous aimerez le pro chain comme vous-même», et si, d'ailleurs, celui qui les accomplit tous est parfait, comment le Seigneur, enten dant ce jeune homme lui dire: «J'ai gardé tous ces commandements dès ma jeunesse», lui dit comme s'il n'avait pas encore atteint la perfection: «Si vous voulez être parfait ?»Peut-être que ces paroles: «Vous aimerez le prochain», n'ont pas été dites par le Seigneur, mais qu'elles ont été ajoutées par quelque copiste, chose d'autant plus probable, que saint Marc et saint Luc, qui rapportent ce même trait, ne font aucune mention de ces paroles. Voici une autre explication: Nous lisons dans l'Évangile selon les Hébreux, qu'après que le Seigneur eut dit ces paroles: «Allez et vendez tout ce que vous avez», ce jeune homme qui était riche, se gratta la tête d'hésitation, et ne goûta point ce langage. Alors le Seigneur lui dit: «Comment dites-vous: J'ai accompli tout ce qui est écrit dans la loi et dans les prophètes? Il est écrit dans la loi: Vous aimerez le prochain comme vous-même, et voilà qu'un grand nom bre de vos frères sont couverts de haillons mal propres, mourants de faim, tandis que votre maison regorge de richesses, et qu'il n'en sort rien absolument pour subvenir à leur détresse».Le Seigneur, voulant donc convaincre et éprouver ce riche, lui dit: «Si vous voulez être par fait, allez, vendez tout ce que vous avez, et donnez-le aux pauvres, c'est alors que l'on verra si vous aimez le prochain comme vous-même. Mais si la perfection consiste dans la réunion de toutes les vertus, comment suffit-il pour devenir parfait de vendre tout ce qu'on possède, et de le donner aux pauvres ?» Supposons un homme qui ait accompli ce généreux sacrifice, sera-t-il aussitôt sans colère, sans concupiscence, orné de toutes les vertus, exempt de tous les vices? Quelque esprit sage pourra dire que celui qui a donné ses biens aux pauvres se trouve aidé de leurs prières, et qu'il reçoit de leur abondance spirituelle de quoi subvenir à son indigence spi rituelle, et que c'est ainsi qu'il devient parfait, tout en conservant quelques passions qui tien nent à l'humanité. Ou bien encore, celui qui a pris la pauvreté en échange de la richesse afin de devenir parfait, en vertu de sa foi aux paroles de Jésus-Christ, recevra la grâce nécessaire pour devenir sage en Jésus-Christ, juste, chaste et sans aucune passion. Ce n'est pas, sans doute, qu'il atteindra le comble de la perfection du moment où il aura donné ses biens aux pauvres, mais, dès ce jour, la méditation des choses divines lui rendra peu à peu familières toutes les vertus. On peut encore donner une autre interprétation toute morale, en disant que les biens de chaque fidèle sont ses actes. Or, dans ce sens, Jésus-Christ ordonne de vendre tous les biens qui sont viciés pour quelque cause que ce soit, et de les donner à ceux qui pourront en tirer profit, et qui sont pauvres de tout bien; car de même que la paix que souhaitent les Apôtres, revient à eux, lorsqu'elle ne rencontre pas un fils de la paix ( Mt 10) .; ainsi tous les péchés reviennent à ceux qui les ont commis lorsqu'il ne se trouve personne qui puisse en faire sortir quelque bien. Dans ce sens, on ne peut douter que celui qui a vendu de la sorte tous ses biens, ne soit réellement parfait. Or, il est évident que celui qui agit de la sorte, a un trésor dans le ciel, et qu'il est devenu lui-même un homme céleste. Il a, en effet, dans le ciel qui lui appar tient, le trésor de la gloire de Dieu et les richesses inépuisables de la sagesse divine. Il pourra donc sui vre Jésus-Christ, puisqu'il n'en sera détourné par aucun bien possédé injustement.


Source: Origène (Peronne-Vivès 1868)