Lecture d'un commentaire (8161)


Mt 18,15

Commentaire: Il faut remarquer ici que cette conduite que nous recommande le Sauveur, ne doit pas être appliquée à toute espèce de péché. Car si un de nos frères vient à commettre un de ces péchés qui conduisent à la mort, et qu'il soit, par exemple, abominable et infâme, adultère, homicide ou efféminé, est-ce qu'il serait raisonnable de le réprimander seul à seul, et s'il se montrait docile à vos observations, de dire aussitôt: Je l'ai gagné? Ou bien s'il ne voulait pas vous écouter, serait-il convenable pour le chasser du sein de l'Église d'attendre que, malgré la réprimande faite devant les témoins et devant l'Église, il ait persévéré dans son crime? Il en est qui, considérant l'immense miséricorde de Jésus-Christ, prétendent que c'est aller contre cette miséricorde que de restreindre ces paroles aux seuls péchés plus légers, parce que Notre-Seigneur ne fait aucune distinction de péchés. D'autres, examinant plus attentive ment ces paroles, soutiennent qu'elles ne s'appliquent pas à toute sorte de péchés; car, disent-ils, celui qui se rend coupable de crimes énormes n'est plus notre frère, il n'en a plus que le nom, et l'Apôtre nous défend même de manger avec lui. Or, de même que ceux qui n'appliquent pas ce passage à toute espèce de péchés, favorisent la négligence, et l'invitent, pour ainsi dire, au péché; ainsi, celui qui enseigne que le fidèle qui n'est coupable que de fau tes légères et vénielles, doit être regardé comme un païen et un publicain après avoir subi la réprimande devant témoins ou devant l'Église, me paraît introduire une doctrine par trop sé vère. Car enfin nous ne pouvons pas prononcer que cet homme est tout à fait perdu, parce que d'abord, s'il a résisté à trois réprimandes, il peut se rendre à la quatrième; en second lieu, parce que souvent on ne lui rend pas selon ses oeuvres, mais au delà de ce que méritent ses fautes, ce qui est souvent avantageux en ce monde; enfin, Jésus-Christ n'a point dit absolu ment: Qu'il soit comme un païen et un publicain, mais: «Qu'il soit pour vous». Si donc après l'avoir repris trois fois d'une faute légère, il ne s'en corrige pas, nous devons le considérer comme un païen et un publicain, afin de le couvrir de confusion eu nous abstenant de le voir; mais que Dieu le juge aussi comme un païen et un publicain, ce n'est pas à nous de l'affirmer; c'est au jugement de Dieu lui-même.


Source: Origène (Peronne-Vivès 1868)