Lecture d'un commentaire (7368)


Mt 12,31

Commentaire: Nous lisons dans l'apôtre saint Jean ( 1Jn 5 ): «Il est un péché qui conduit à la mort; je ne dis pas que quelqu'un doive prier pour ce péché».Or, je dis que ce péché du frère qui engendre la mort, est le péché de celui qui, après avoir connu Dieu par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, attaque la sainte fraternité, ou qui, poussé par une ardente jalousie, se déclare contre la grâce elle-même à laquelle il doit sa réconciliation avec Dieu. L'énormité de ce crime est telle, qu'elle ne laisse plus de place à l'humilité de la prière, alors même que les remords de la conscience forcent le pécheur de reconnaître et d'avouer son crime. Il faut croire que cette disposition de l'âme, à cause de la grandeur du péché, produit déjà quelque chose de l'impénitence finale et de la damnation, et c'est peut-être là ce qu'on peut appeler pécher contre l'Esprit saint, c'est-à-dire par malice et par envie, attaquer la charité fraternelle après avoir reçu la grâce de l'Esprit saint. C'est ce péché qui, selon la déclaration du Seigneur, ne sera remis ni dans ce monde ni dans l'autre. Cette explication nous amène à exa miner si les Juifs commirent ce péché contre l'Esprit saint lorsqu'ils accusèrent Notre-Seigneur de chasser les démons au nom de Béelzébub, prince des démons, c'est-à-dire si nous devons regarder cette accusation comme dirigée personnellement contre le Seigneur, parce qu'il dit de lui-même dans un autre endroit: «S'ils ont appelé le père de famille Béelzébub, à combien plus forte raison ses serviteurs». Ou bien, comme ils ne parlaient de la sorte que par un excès de jalousie, et qu'ils n'avaient que de l'ingratitude pour de si grands bienfaits, ne peut-on pas croire que par l'excès même de leur jalousie ils ont péché contre l'Esprit saint, quoiqu'ils ne fussent pas encore chrétiens? Cette explication ne ressort pas des paroles du Seigneur, mais on peut dire cependant qu'il les avertit de recevoir la grâce qui leur est offerte, et après l'avoir reçue, de ne plus retomber dans le péché qu'ils avaient déjà commis. Ils avaient proféré contre le Fils de l'homme une parole pleine de méchanceté; elle aurait pu leur être pardonnée s'ils avaient voulu se convertir et croire en lui; mais si après avoir reçu l'Esprit saint ils avaient continué à porter envie à leurs frères, et à se déclarer contre la grâce qu'ils avaient reçue, ce péché ne leur sera pardonné ni dans ce monde ni dans l'autre. Et en effet, si le Sauveur les avait considérés comme déjà condamnés, sans nulle espérance de retour, il n'aurait pas conti nué de leur donner des conseils en ajoutant immédiatement: «Ou faites un arbre bon»,etc.


Source: Saint Augustin (Peronne-Vivès 1868)