Lecture d'un commentaire (7364)


Mt 12,31

Commentaire: Si tel était le sens de ces paroles, il ne serait question d'aucun autre blasphème, et le seul qui serait irrémissible serait le blasphème contre le Fils de l'homme, c'est-à-dire celui qui ne veut voir en lui qu'un homme. Mais comme il a commencé par dire: «Tout péché et tout blasphème sera remis aux hom mes», il est hors de doute que le blasphème contre le Père lui-même est compris dans cette proposition générale; et le seul blasphème qu'il déclare irrémissible est celui qui attaque l'Esprit saint. Est-ce que le Père lui-même a pris la forme d'un esclave, de manière que sous ce rapport l'Esprit saint lui soit supérieur? Et quel est celui qu'on ne pourrait convaincre d'avoir parlé contre l'Esprit saint avant qu'il devint chrétien et catholique? Est-ce que d'abord les païens, lorsqu'ils osent attribuer les miracles de Jésus-Christ à des opérations magiques, ne sont pas semblables à ceux qui lui reprochaient de chasser les démons au nom du prince des démons? Et les Juifs eux-mêmes, et tous les hérétiques qui confessent l'Esprit saint, mais qui nient sa présence perpétuelle dans le corps du Christ, qui est l'Église catholique, ressemblent aux pharisiens qui niaient que l'Esprit saint fût en Jésus-Christ. D'ailleurs, il y a eu des héréti ques, comme les Ariens, les Eunomiens et les Macédoniens, qui ont osé soutenir que l'Esprit saint n'était qu'une créature, ou qui ont nié son existence, jusqu'à prétendre que le Père seul était Dieu, et qu'on lui donnait tantôt le nom de Fils, tantôt le nom de l'Esprit saint; ce sont les Sabelliens. Les Photiniens soutiennent aussi que le Père seul est Dieu, que le Fils n'est qu'un homme, et ils nient complètement l'existence de la troisième personne, de l'Esprit saint. Il est donc évident que les païens, les hérétiques et les Juifs blasphèment contre l'Esprit saint. Faut-il donc les abandonner ou les considérer comme n'ayant plus d'espérance? Si le blasphème qu'ils ont proféré contre l'Esprit saint, ne doit pas leur être remis, c'est donc inutilement qu'on leur promet qu'ils recevront la rémission de leurs péchés dans le baptême, ou par leur entrée dans l'Église? Car Notre-Seigneur ne dit pas: Ce péché ne lui sera remis que dans le baptême, mais: «Il ne lui sera remis ni dans ce monde ni dans l'autre»,et ainsi il n'y aurait pour être exempts de ce crime énorme que ceux qui sont catholiques dès leur enfance. Et au chap. 15: Il en est quelques-uns qui prétendent que le blasphème contre l'Esprit saint est le péché exclusif de ceux qui, après avoir été purifiés dans l'Église par l'eau régénératrice, et après avoir reçu l'Esprit saint, répondent par l'ingratitude, à ce bienfait inestimable du Sauveur, et se plon gent de nouveau dans l'abîme du péché mortel, tels que les adultères, les homicides, ou les apostats du nom chrétien ou de l'Église catholique. Mais je ne sais quelle preuve on peut ap porter à l'appui d'un pareil sentiment, alors que l'Église ne ferme à aucun crime les portes de la pénitence, et que l'Apôtre nous avertit de reprendre les hérétiques eux-mêmes ( 2Tm 2 ), dans l'espérance que Dieu les amènera par la pénitence à la connaissance de la vérité. Enfin le Seigneur n'a pas dit: «Le fidèle catholique qui aura proféré une parole contre l'Esprit saint, mais: «Celui qui aura dit», c'est-à-dire: Quiconque aura dit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle ni dans l'autre.


Source: Saint Augustin (Peronne-Vivès 1868)