Lecture d'un commentaire (6945)


Mt 10,9

Commentaire: Après avoir dit à ses Apôtres : Ne possédez point d'or, le Sauveur ajoute immédiatement : L'ouvrier mérite qu'on le nourrisse ; paroles qui font connaître la raison pour laquelle il ne veut pas qu'ils aient ou qu'ils portent avec eux de l'or ou de l'argent. Ce n'est pas que l'un et l'autre ne soient nécessaires à l'entretien de la vie ; mais il veut, en les envoyant prêcher l'Évangile, que l'on comprenne bien que ce salaire leur est dû par les fidèles qu'ils allaient évangéliser, comme la solde est due à ceux qui combattent. Nous voyons encore ici que l'intention du Seigneur n'est pas de défendre à celui qui annonce l'Évangile d'avoir d'autres moyens de subsistance que les offrandes des fidèles, car alors saint Paul aurait été contre cette défense, lui qui vivait du travail de ses mains (Ac 20, 34 ; 1 Th 2, 9). Mais il leur donne simplement le pouvoir de recevoir ces offrandes comme une chose qui leur est due. Ne pas faire ce que le Seigneur commande, c'est une désobéissance formelle ; mais il est permis de ne pas user d'un pouvoir qu'il donne, et d'y renoncer comme à un droit qui nous est acquis. Le Sauveur veut donc établir que ceux qui annoncent l'Évangile ont le droit de vivre de l'Évangile, et il recommande à ses Apôtres d'être sans inquiétude lorsqu'ils ne posséderont ni ne porteront aucune des choses nécessaires à la vie, quelle que soit leur importance ; c'est pourquoi il ajoute : ni bâton, pour apprendre aux fidèles qu'ils doivent tout aux ministres de l'Évangile, pourvu qu'ils ne demandent rien de superflu. D'après l'évangéliste saint Marc, Notre-Seigneur leur défend de rien emporter avec eux pour le chemin, si ce n'est un bâton, et le bâton est l'emblème de ce pouvoir qu'il leur donne. Lorsque d'après saint Matthieu il défend de porter même des chaussures, il veut qu'ils soient libres de toute inquiétude, car on ne songe à s'en pourvoir que dans la crainte qu'on vienne à en manquer. Il faut entendre dans le même sens ce qu'il dit des deux tuniques ; il leur défend d'en porter d'autre que celle dont ils sont revêtus, pour se prémunir contre les nécessités du voyage, puisqu'ils ont le droit d'en recevoir au besoin. Dans saint Marc, Notre-Seigneur leur permet d'avoir pour chaussures des sandales, et cette chaussure a nécessairement une signification mystique ; comme elle laisse le pied découvert par dessus, tandis qu'elle le garantit par dessous, elle signifie que l'Évangile ne doit pas être tenu dans le secret, et qu'il ne doit pas s'appuyer sur des intérêts temporels. Il leur défend expressément dans le même endroit non-seulement de porter deux tuniques, mais même de s'en revêtir ; c'est pour les avertir de fuir toute duplicité, et d'être toujours simples dans leur conduite. Il est donc incontestable que le Seigneur a dit tout ce que les Évangélistes ont rapporté, tant au sens littéral, qu'au sens figuré ; mais qu'ils ont rapporté les uns une partie de son discours, les autres une autre. Maintenant que celui qui prétendrait que le Sauveur n'a pu, dans le même passage, parler tantôt au sens figuré, tantôt au sens propre, jette les yeux sur d'autres parties de l'Évangile, et il se convaincra que cette opinion est aussi téméraire qu'elle est peu éclairée. Car lorsque le Seigneur recommande de laisser ignorer à la main gauche ce que fait la main droite, il sera forcé de prendre dans un sens figuré les aumônes et tout ce qui fait la matière de ce commandement.


Source: Saint Augustin (Peronne-Vivès 1868)