Lecture d'un commentaire (6820)


Mt 9,18

Commentaire: Saint Marc et saint Luc racontent le même fait, mais en suivant un ordre différent, et ils le placent après que Jésus eut traversé le lac, en quittant le pays des Gérazéniens, où il avait chassé les démons dans un troupeau de pourceaux. Selon le récit de saint Marc, ce fait ce serait passé après que Jésus eut de nouveau traversé le lac ; mais combien de temps après ? c'est ce qu'on ne peut savoir. Cependant s'il n'y avait eu aucun intervalle, il n'y aurait pas moyen de placer ce que raconte saint Matthieu du repas qui eut lieu dans sa maison, et c'est immédiatement après que le chef de la synagogue est venu trouver Jésus. Car si ce prince s'est présenté lorsque Jésus proposait la comparaison du drap neuf et du vin nouveau, on ne doit pouvoir placer aucune action, aucune parole intermédiaire. Or, dans la narration de saint Marc, on voit où l'on pourrait intercaler d'autres faits. Saint Luc lui-même n'est pas contraire à saint Matthieu, car la manière dont il commence son récit : Et voici qu'un homme qui s'appelait Jaïre, n'indique pas que ce soit immédiatement après ce qui précède, mais après ce que saint Matthieu raconte en ces termes du repas qu'il prenait avec les publicains : Pendant qu'il parlait de la sorte, un prince (c'est-à-dire Jaïre, chef de synagogue) s'approcha, et il l'adorait en lui disant : Seigneur, ma fille vient de mourir. Pour faire disparaître toute contradiction, il faut remarquer que les deux autres Évangélistes ne disent pas qu'elle est morte, mais sur le point de mourir, tellement qu'ils ajoutent que des envoyés vinrent apprendre au père que sa fille était morte, et qu'il n'eût point à tourmenter davantage le Seigneur. Il faut donc admettre que pour abréger, saint Matthieu s'est attaché surtout à rapporter la prière qui fut adressée au Sauveur de faire ce qu'il fit en effet, c'est-à-dire de ressusciter celle qui venait de mourir. Il ne s'est donc pas arrêté à de que le père dit à Jésus de sa fille, mais, ce qui est bien plus important, aux sentiments et aux désirs qui l'agitaient. En effet, cet homme avait tellement désespéré de l'état de sa fille, que ce qu'il désirait, c'est qu'elle fût rendue à la vie, tant il croyait peu qu'il dût retrouver vivante celle qu'il avait laissée si près de la mort. Les deux autres évangélistes ont donc rapporté les paroles de Jaïre ; saint Matthieu nous fait connaître surtout ses désirs, ses pensées. Évidemment si l'un de ces deux Évangélistes avait prêté au père ces paroles, que Jésus n'eût pas à se mettre en peine, parce que sa fille était morte, le langage que lui fait tenir saint Matthieu serait contradictoire. Mais rien ne dit que cet homme ait partagé les sentiments de ses serviteurs. Nous trouvons ici un des principes d'explication les plus importants : c'est que dans les paroles d'un homme nous ne devons chercher que ce qu'il a l'intention de dire, que la volonté dont ses paroles sont l'expression, et que ce n'est point mentir que de raconter en d'autres termes ce qu'il a voulu dire sans rapporter les expressions dont il s'est servi.


Source: Saint Augustin (Peronne-Vivès 1868)