Lecture d'un commentaire (6539)


Mt 7,28

Commentaire: C'est ce nombre sept qui m'a donné la pensée de rapporter tous ces préceptes aux sept maximes qui forment l'exorde de ce discours, c'est-à-dire aux béatitudes. En effet, qu'un homme se mette en colère contre son frère, qu'il lui dise raca ou qu'il le traite de fou, c'est l'effet d'un grand orgueil contre lequel il n'y a qu'un remède, implorer de Dieu le pardon avec un esprit suppliant qui n'ait aucune enflure, aucun sentiment d'ostentation. « Bienheureux donc les pauvres d'esprit, parce que le royaume de Dieu leur appartient. » On se montre d'accord avec son adversaire, c'est-à-dire qu'on rend à la parole de Dieu le respect qui lui est dû en s'approchant pour ouvrir le testament du Père céleste non pas avec amertume et le désir de la chicane, mais avec la douceur qu'inspire la piété : « Bienheureux donc ceux qui sont doux parce qu'ils posséderont la terre. » Que celui qui sent l'attrait des voluptés sensuelles se révolter contre la droite volonté s'écrie : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de la mort de ce corps ? » (Rm 7, 24) et que par ses larmes il implore le secours de Dieu son consolateur. « Bienheureux donc ceux qui pleurent parce qu'ils seront consolés. » Que peut-on imaginer de plus dur que de triompher d'une habitude vicieuse en retranchant en soi les membres qui sont un obstacle à ce royaume des cieux, et cela sans être brisé par la douleur ; de supporter dans l'union conjugale toutes les choses qui n'ont pas le caractère de la fornication quoiqu'elles soient souverainement pénibles, de dire toujours la vérité, et de ne point l'appuyer sur des serments faits à tout propos, mais sur l'intégrité des moeurs ? Mais qui osera se dévouer à de si grands travaux, sans être enflammé de l'amour de la justice, et comme dévoré par la faim et par une soif ardente ? Bienheureux sont ceux qui ont faim et soif, parce qu'ils seront rassasiés. » Qui sera toujours prêt à supporter les outrages de ceux qui sont faibles, à donner à celui qui lui demande, à aimer ses ennemis, à faire du bien à ceux qui le haïssent, à prier pour ceux qui le persécutent, si ce n'est celui qui sera parfaitement miséricordieux ? « Bienheureux donc les miséricordieux, parce qu'ils obtiendront miséricorde. » Pour avoir l'oeil du coeur pur, il ne faut point se proposer pour fin de ses bonnes oeuvres le désir soit de plaire aux hommes, soit de pourvoir aux nécessités de la vie, ni condamner témérairement les intentions du prochain, et dans tout ce qu'on fait pour lui, il faut agir comme on voudrait qu'il agit à notre égard. « Bienheureux donc ceux qui ont le coeur pur, » etc. Il faut encore qu'à l'aide d'un coeur pur nous trouvions la voie étroite de la sagesse, que les séductions des esprits pervers veulent nous dérober. Si on parvient à les éviter, on est sûr d'arriver à la paix que donne la sagesse. « Bienheureux donc les pacifiques. » Mais soit qu'on admette cette liaison d'idées, soit qu'on en préfère un autre, c'est une obligation pour nous de mettre en pratique les préceptes que nous avons reçus du Seigneur, si nous voulons bâtir sur la pierre.


Source: Saint Augustin (Peronne-Vivès 1868)