Lecture d'un commentaire (5021)


Ex 1,12

Commentaire: Rabbi Akiva fit ce commentaire: c'est grâce aux mérites des femmes justes de cette génération que les Israélites furent libérés d'Egypte. Que firent-elles?
Les chefs de corvées dirent aux hébreux: si vous rentrer coucher chez vous,le temps de vous rassembler, vous perdez une à deux heures et ne parviendrez pas à produire le quota de travail exigé. Ils disaient: acquittez vous de votre tâche journalière (Ex 5,19). Les hebreux couchaient à même la terre. Et ils ne pouvaient plus être avec leurs femmes.
Alors, lorsque les femmes allaient chercher de l'eau, le Saint béni soit-Il faisait en sorte que de petits poissons soient entraînés dans leurs cruches. Ainsi elles emportaient pour moitié de l'eau et pour moitié des poissons, ce qui leur donnait de la nourriture. Elles allaient ensuite les porter à leurs maris, aux champs. Chacune d'elles lavait, frictionnait son époux avec de l'huile, lui donnait à manger puis se donnait à lui entre les grilles ainsi qu'il est dit: Si vous vous couchez entre les grilles... (Ps 67,14) . Tandis qu'elles tombaient enceintes, elles rentraient chez elles jusqu'au moment d'accoucher, puis se rendaient dans les champs pour donner le jour à leur enfant sous un pommier, comme il est dit: sous le pommier je t'ai éveillé; c'est là que ta mère t'a enfanté, là qu'elle t'a donné le jour (Ct 8,5).
Les tentatives d'empêcher les relations conjugales en retenant les maris sur les chantiers est déjouée à la fois par Dieu et par les femmes. La sollicitation sensuelle est ici perçue comme un acte de résistance, de résilience face à l'oppression. L'accablement et les humiliations de l'esclavage provoquent la dépression et le désespoir qui conduit inéluctablement à l'agonie. L'amour donne des ailes, la poésie donne des armes et il devient à nouveau possible de se tourner vers l'avenir: ne pas perdre le goût des nourritures terrestres et plus encore, être capable d'exalter leur saveur en pareille situation est l'expression même de la liberté. La pomme est l'ingrédient qui, entrant dans la composition de la Harosset, mêle la douceur à l'aigreur. On songe à la force de caractère d'Etty Hillesum (1914-1943) qui tint un journal intime de 1941 à 1943 avant d'être sauvagement assassinée à Auschwitz. La délivrance ne vint pas jusqu'à elle, mais la flamme de la résilience, l'éclat de la poésie même, en elle ne s'éteignit pas.


Source: La Haggada, Rivon Krygier