Lecture d'un commentaire (4998)


Ex 10,1

Commentaire: Pour Maïmonide, il existe une distinction entre la nation et les individus. Ainsi, le libre arbitre des individus égyptien est préservé (les sages-femmes n'ont-elles pas refusé de tuer les enfants en Ex 1,17, Moïse n'a-t-il pas été recueilli par la fille de Pharaon en Ex 2,6). Et c'est bien Pharaon et son parti qui ont d'abord péché librement contre les hébreux, sans avoir subi aucune contrainte ni nécessité. Ils ont molestés les étrangers, se sont comportés de manière inique et ont décidé délibérément l'oppression (Ex 1,10). C'est donc pour les punir, dans la suite, que Dieu les empêche de s'amender. C'est là l'explication de la parole de Dieu: j'endurcirai le coeur de Pharaon. Dieu punit parfois un homme, en le privant de la liberté d'agir, l'homme le sachant, mais ne pouvant se vaincre et reprendre possession de son libre arbitre. Cette suspension atypique du libre arbitre est l'aboutissement d'un long processus dans lequel la liberté de choix s'autolimite et finit par provoquer sa propre inhibition. Tout se passe comme si la persévérance dans la brutalité forgeait une seconde nature, plongeant l'individu dans une sorte de compulsion, de sorte que le libre arbitre s'en trouve altéré et paralysé. Cette aliénation est présentée par Maïmonide selon la logique bien connue de la Bible et du Talmud: la rétribution mesure pour mesure. Dieu endurcit le coeur de Pharaon pendant les plaies en lui faisant payer l'endurcissement de son coeur pendant l'asservissement des hébreux. Le décret divin n'est que la traduction en termes théologiques d'un mécanisme psychologique inscrit (dès la Création) dans la nature humaine. La cruauté de Pharaon a incurvé le champ de son propre libre arbitre. A cinq reprises, Dieu a mis en garde Pharaon (pour les 7 premières plaies: les deux exception sont en Ex 8,12 les poux / moustiques ou vermine et en les pustules Ex 9,8). Mais c'est alors bien Pharaon qui n'a pas voulu prêter attention à Ses paroles. Ensuite, l'endurcissement devient irrévocable...


Source: La Haggada, Rivon Krygier