Lecture d'un commentaire (4985)


Ex 12,26

Commentaire: Questionnement du premier des quatre enfants, l enfant rebelle (ou mechant). Si l'on observe les pronoms possessifs, on notera le "vous" dans la question, qui marque une distanciation de l'enfant par rapport aux générations antérieures. Qu'il n'entend ainsi pas vraiment relayer cette mémoire... La posture supposée est ainsi un certain détachement: le fils se détourne, refuse d'endosser cette mémoire portée par le rituel. Dans sa réponse, le père évoque la plaie des premiers-nés en indiquant que ce sont "nos maisons" qui ont été épargnées, sous-entendant alors que le fils qui se désolidarise aujourd'hui n'aurait alors à l'époque pas été sauvé... La question est perçue ici non comme un questionnement mais plutôt comme une remise en question, et la réponse est cinglante. Toutefois, dans la Haggada, la présence même de l'enfant et le fait qu'il consente au dialogue donne à espérer qu'il peut prendre conscience de la pertinence de son patrimoine spirituel et de finalement reprendre le flambeau de leur vocation commune. Mais il est aussi possible de voir derrière cette révolte la critique d'un culte ou d'un rituel qui serait devenu lui-même aliénant: qu'est cette servitude que vous vous imposez (et que vous voulez m'infliger à votre tour) ? Malveillance de la question ou au contraire courage d'un cri de franchise ? Pour le parent, cette question doit appeler celle de savoir surmonter sa déception et traiter l'attitude dénigrante de l'enfant qui se désolidarise de lui... La Haggada donne pour consigne "d'agacer les dents" de l'enfant. Or cette expression se trouve en Jr 31,29 et Ez 18,2. Il s'agit d'une sensation d'acidité et d'aigreur, utilisée dans un adage populaire qui exprimait un sentiment d'injustice. Mais le message prophétique est qu'il est possible de conjurer cette malédiction en ne consommant pas le verjus mais en choisissant un raisin mûr, c'est-à-dire en adoptant un comportement mûr et responsable. Ici, pour l'enfant, il ne s'agirait donc pas de le punir mais de le dissuader en lui faisant goûter l'aigreur (sauce Harroset, dont le vocable est construit sur la racine en hébreux qui désigne l'agacement des dents, mais qui contient aussi des éléments doux et édulcorants). Voir pour ce type d'admonestation acide le propos de Mardochee à Esther (Est 4,8-16).


Source: La Haggada, Rivon Krygier