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Ph 2,6

Commentaire: LE MYSTÈRE DE LA TRINITÉ
Ce qui est au cœur du texte de Paul, c’est un abaissement du Fils en Dieu même, et c’est cela qui illumine le plan de Dieu sur le monde. La venue du Christ fait homme n’a pas été nécessaire seulement pour réparer un péché non prévu au commencement, elle faisait partie de ce qui en Dieu reste le plus mystérieux. L’évangéliste Jean nous parlera de même de la Passion du Christ comme d’une élévation, avec des mots que les théologiens souvent se refusent à prendre au sérieux, ceux-ci par exemple : “Père, donne-moi la gloire que j’avais auprès de toi avant la création du monde”. Lorsque nous parlons du mystère de la Trinité, nous nous contentons trop souvent de mots, gardant inconsciemment l’image de trois personnes semblables qui, côte à côte, sont installées dans une commune nature ; et sans le dire, nous imaginons Dieu installé dans une éternité immuable et immobile, comme le voulait Aristote. La physique et la philosophie d’Aristote l’obligent à placer Dieu dans la catégorie des substances, et dans la substance parfaite il n’y a de place pour aucun mouvement : l’éternité nie le mouvement, la créativité, la vie. S’il existe un Dieu, dit Aristote, il ne peut connaître le monde. Les théologiens thomistes rectifieront ce langage, mais toujours ils garderont le fantasme de personnes immobiles. Ils ont raison en un sens, car le mouvement et le changement chez nous signifient qu’on perd quelque chose ou qu’il nous manquait quelque chose, ce qui ne peut être en Dieu. Mais si nous sommes créés à l’image de Dieu, mieux vaut imaginer Dieu comme celui qui vit, qui sent, qui continuellement invente l’art d’aimer, plutôt que de lui donner l’immobilité des pierres et des morts. Aristote a raison en en sens. Si Dieu est tout, comment pourrait-il vouloir quelque chose qui ne soit pas lui, et comment pourrait-il y avoir quelque chose en plus de lui ? Mais sa propre nature et sa propre règle sont celles de l’amour, et nous pouvons au moins soupçonner et accepter que dans l’amour il y a une faiblesse, laquelle plus tard se reflétera dans sa miséricorde. L’Amour-Dieu sans origine se projette, établit sa loi et son rythme en la personne du Fils ; l’Esprit commun n’est autre que la dynamique de l’Amour Dieu, laquelle se monnaiera bientôt à travers toute la création. Le Fils est né de Dieu, mais rien ne peut être ajouté à Dieu. Le Fils qui a tout reçu doit tout rendre pour être repris dans l’unité. C’est la loi de l’Être divin et c’est la loi de l’Amour Dieu. Le Fils se défait de ce qu’il a reçu, c’est à dire de sa condition divine, et c’est ainsi qu’il entre dans le temps. Son dépouillement devient alors source de richesse : le Verbe de Dieu, abaissé, devient le principe et le modèle d’une création. Son geste a permis qu’il y ait à côté de Dieu un univers où se manifeste sa faiblesse tout autant que sa splendeur, la faiblesse de ce qui n’a qu’un temps et qui doit être repris en Dieu. Par le Fils le monde a pu être créé, et par le Fils fait chair cet univers trouvera sa place en Dieu. Il reste que ce mystère scandalise notre raison. De là tous les efforts déployés par les biblistes pour détourner les textes de leur sens obvie, pour nier que les apôtres aient cru en Jésus Dieu, né de Dieu (voir en Romains 9.5) et ne garder qu’un Jésus Fils du Père en un sens plus ou moins flou, dont les faits et gestes laissent tranquille et impassible le Fils de Dieu éternel. Lorsque aujourd’hui l’on se demande comment Dieu se manifeste dans les autres religions, certains n’hésitent pas à dire que le Verbe, Sagesse de Dieu, est descendu sur les grands sages et prophètes comme il l’a fait sur la personne de Jésus. Y aurait-il donc plusieurs Fils de Dieu dans l’histoire humaine ? Nous osons affirmer que le Christ est unique et qu’il est l’unique intermédiaire parce que d’abord nous avons cru que le “devenir homme” du Verbe en Jésus ne fait qu’un avec son abaissement éternel en Dieu.


Source: Bible des peuples