Lecture d'un commentaire (4542)


Rm 15,7

Commentaire: Paul voit dans cette double attitude de Dieu vis-à-vis des Juifs et des “nations”, c’est-à-dire des non-Juifs, une manifestation des deux grandes qualités que toute la tradition prophétique lui attribue : la grâce et la fidélité. Ce que Paul dit ici dépasse sûrement le cas des Juifs et des non-Juifs et l’on peut en donner deux applications. D’abord, pour la communauté chrétienne. On sait, et Jésus l’a affirmé face aux Pharisiens, qu’aucun groupe élitiste n’est à lui seul l’Église de Jésus. Elle ne peut être dans la vérité que si constamment elle a comme deux moitiés ; d’une part ceux qui ont mûri dans la fidélité, héritant de la foi et des sacrifices de leurs parents, persévérant eux-mêmes dans la communauté. D’autre part ceux qui arrivent de l’extérieur ou qui ont eu une forte conversion personnelle. Cela crée bien sûr des conflits et demande à chacun des sacrifices, mais c’est là que Dieu se sent à l’aise pour travailler. Une autre application nous découvre un peu le mystère du salut universel. Si nous croyons que Dieu a fait de la création son jeu (un hindou dirait : sa danse), et qu’il a voulu exprimer dans le temps ce qu’il est et ce qu’il vit dans l’éternité, nous avons là une clé pour comprendre qu’il ne se soit révélé qu’à une minorité, alors qu’il sauvait l’humanité entière. Avec les premiers il fait l’expérience d’une relation mutuelle qui est déjà dans le temps ce qu’elle sera dans l’éternité : là il joue la fidélité. Dieu fait des promesses, nous lui répondons, nous lui lançons des défis, nous l’aimons bien, et l’éternité est déjà là toute entière, dans l’ombre. C’est cela même que le Verbe éternel a vécu en Galilée, une histoire qui n’a duré qu’un instant mais qui renfermait le tout de Dieu. Nous sommes mal placés pour dire ce que Dieu fait avec les non-chrétiens, ceux qui n’ont pas connu son Fils. Cependant Paul parle de grâce, et sous ce mot très élastique il met ici tout l’imprévu des faveurs divines. Il est probable que, dans notre passage à l’éternité de Dieu, il entre un élément fort important de bascule et de renversement ; il ne pouvait pas ramener à lui toute l’histoire humaine sans qu’au terme on ait l’impression que tout le monde est passé à côté du sujet et que la fête est purement et simplement ce que la passion et la générosité de Dieu en ont faite. Et la joie sera plus grande si l’humanité entière vibre, et pour toujours, de la surprise éprouvée par ceux à qui il n’avait pas été annoncé (Romains 15.21).


Source: Bible des peuples