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He 9,1

Commentaire: LE PRÊTRE UNIQUE ET LES PRÊTRES
Jésus est le Prêtre unique, et nous parlons de prêtres dans l’Église. Il faut y voir clair, surtout quand, un peu partout, le sacerdoce est en crise. Il y avait en latin un mot, “sacerdotes”, qui désignait aussi bien les groupes de prêtres au service des dieux romains que les prêtres du peuple juif. Lorsque l’Église a commencé, pas un instant elle n’a pensé à des prêtres de ce genre, personnages sacrés qui avaient le privilège de s’approcher de Dieu pour offrir des sacrifices. Seul le Christ était “sacerdos”, et l’Église n’avait que des “presbytres”, c’est-à-dire des anciens, le même titre que les Juifs utilisaient pour leurs responsables de communautés. Or voici qu’aujourd’hui, de presbytre est venu prêtre, et ce mot a retrouvé le sens de l’ancien “sacerdos” qu’on avait écarté. Ce n’est pas l’effet du hasard. Dès le quatrième siècle l’Église avait repris pour son compte ce terme sacerdos, l’homme du sacré et l’homme consacré. Pourquoi ce retour en arrière ? Pour une part, les temps avaient changé : on était passé de l’Église des catacombes à un christianisme reconnu par les autorités, avec des “peuples chrétiens” encadrés par un clergé organisé (voir le commentaire de Nombres*4). Mais il y avait aussi des raisons profondes. On savait que l’Église n’est pas une société humaine et que son organisation doit refléter l’ordre même qui est en Dieu. Les évêques devaient donc incarner l’autorité des apôtres choisis par Jésus. Ils étaient à leur tour témoins officiels du Christ et guidaient l’Église sans avoir à se plier aux volontés de la majorité ; en cela ils maintenaient dans l’Église le principe de la paternité (voir commentaire d’Éphésiens*3.14). Par ailleurs l’Église considérait l’ordination des prêtres et des évêques comme un sacrement : ils n’étaient pas des fonctionnaires qui assument un service pour un temps, et pour une partie de leur temps, gardant pour eux l’autre part de leur vie, comme pourrait le faire croire le terme “ministres”. Leur responsabilité dans l’Église était inséparable d’un attachement et d’une consécration de leur personne au Christ. Les ministres successeurs des apôtres étaient donc prêtres en un certain sens, mais il était difficile que ces deux termes fort opposés fassent bon ménage. Il leur fallait exercer une autorité spirituelle et ne pas accepter qu’elle soit soulignée par des marques extérieures que ni Jésus ni ses apôtres n’avaient acceptées. Ils devaient veiller à ce que leur autorité reconnue ne serve pas notre aspiration innée à avoir le dernier mot, ou à nous distinguer des autres, ou à nous faire servir. Il leur fallait être des maîtres de la foi, mais non pas décider pour les autres ; être des entraîneurs, et non les intermédiaires obligés entre Dieu et les baptisés. C’était là demander quelque chose d’impossible, si ce n’est par l’imitation du Christ prêtre : le renoncement à soi jusqu’à la mort. Ces chapitres nous remettent sous les yeux ce qu’a été le prêtre unique, très loin des liturgies de la terre. Par le fait même ils nous aident à reconnaître le sacerdoce du Christ dans tous les baptisés qui “ne font pas la messe”, à la mesure de leur engagement dans la vie de l’Église, que ce soit dans l’apostolat, la prédication, le service du prochain — ou tout simplement dans une vie silencieuse ou dans la souffrance.


Source: Bible des peuples