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Is 1,1

Commentaire: LE LIVRE D’ISAÏE
Le livre d’Isaïe et de ses disciples (voir le paragraphe suivant) est le plus important de tous les livres prophétiques. Jésus et ses apôtres le citent souvent. Les paroles d’Isaïe sont contenues dans les chapitres 1—39 du livre portant son nom. La seconde partie du livre (chapitres 40—66) rassemble les paroles d’autres prophètes qui écrivent cent cinquante ans plus tard.
LE LIVRE DE LA CONSOLATION
Le livre d’Isaïe s’est terminé sur la délivrance de Jérusalem. Durant les premiers siècles de la monarchie la Providence de Dieu s’était manifestée si souvent qu’elle semblait infaillible, et cette fois encore, c’était un miracle spectaculaire. Sennakérib s’était permis d’investir la Ville Sainte et de narguer le Dieu d’Israël, mais le lendemain il décampait de Judée pour gagner en toute hâte l’Égypte soulevée par un vent de révolte. Revenu chez lui, il se faisait poignarder par ses fils. Et pourtant, un siècle plus tard, Nabukodonozor s’emparait de Jérusalem, laissait le Temple en flammes et repartait à Babylone traînant derrière lui un troupeau lamentable de captifs. Tout avait basculé, et la foi était questionnée jusqu’en ses racines, car si Yahvé, le Dieu Sauveur, était resté impuissant, il n’était plus rien. Parmi les exilés de Babylone se trouve le prophète Ézékiel. Il affirme que les captifs, convertis par l’épreuve, reviendront au pays et reconstruiront la nation dans la justice. Mais fallait-il espérer, au terme de l’exil, le retour pur et simple des choses telles qu’on les avait connues sous le règne de David (ou plutôt : telles qu’on les imaginait avec l’auréole des temps passés) ? Qu’est ce que Dieu, si mystérieux, réservait à Israël ? C’est alors que se lève un prophète demeuré anonyme, non pas un de ceux qui prêchent et disputent, comme les grands prophètes antérieurs dont on écrivait après coup les oracles, mais un homme qui écrit ses poèmes et ses apostrophes. Il est demeuré anonyme, mais la tradition a glissé son livre dans les plis du manteau d’Isaïe où il forme les chapitres 40 à 55. Quatre pièces de ces poèmes ont attiré davantage l’attention, celles qu’on a appelées les “poèmes du serviteur”. Nous les trouverons en 42.1-9 ; 49.1-7 ; 50.4-11 ; 52.13-53.12. Mais ce ne sont pas des pièces détachées, noyées dans un ensemble qui leur serait étranger. Ce sont les moments forts d’une vision — ou d’une méditation, qui développe tout au long du livre le mystère des relations de Dieu avec son peuple. Le serviteur de Dieu, c’est Israël, sans aucun doute, mais Dieu a là un bien pauvre serviteur, un peuple qui, dans son ensemble, est bien incapable de voir et de comprendre. Pourtant il y a bien, dans ce peuple, de vrais fidèles, de vrais disciples à qui Dieu ouvre l’oreille pour qu’ils captent ce que lui voudrait qu’ils comprennent. Et puis Dieu sait se choisir parmi eux ses serviteurs, les prophètes, ceux qui marcheront devant et dont l’exemple fera avancer les autres. Le prophète a pris et repris cette image du “serviteur” ; au début, c’est sans aucun doute Israël tout entier, mais à la fin il est pris par son image, elle prend corps et elle devient le portrait du Christ, le Rédempteur C’est fini des images de la divinité que l’homme religieux s’est brossées depuis le début de son histoire, reportant sur Dieu tout ce qui en ce monde respire la force, la grandeur et la majesté. L’or, le marbre et le cèdre des temples… Les taureaux et les boucs consumés sur les brasiers des autels… Les tuniques brodées, les pectoraux rehaussés de pierres précieuses, les turbans et les tiares pour revêtir les prêtres… Dans le creuset de l’Exil le prophète reçoit de l’Esprit une révélation étrange. Le Dieu qui sauve est un Dieu qui aime, et il aime les humbles. Dieu fidèle, présent au milieu des déportés, préparant avec eux le salut du monde. Toute la souffrance du peuple de Dieu, toutes ses humiliations, c’était bien le prix de ses fautes, mais c’est encore plus le chemin que Dieu a choisi pour manifester sa tendresse et sa toute-puissance. Car, et c’est une des nouveautés de cette prophétie, le Dieu d’Israël est le sauveur de toutes les nations, mais il a voulu qu’Israël soit son serviteur pour mener à bien ce salut, et prenne sur lui le fardeau du monde. Cette révélation va à l’encontre de tout ce à quoi nous aspirons naturellement. Elle est si étrange que la plupart des Juifs revenus de Chaldée oublieront vite le message et n’auront d’autre projet que de restaurer l’ancien royaume de David. Lorsque Jésus proclamera le Royaume dans le droit fil du prophète de l’Exil, les Juifs dans leur majorité lui opposeront la Loi et le rituel du Temple. C’est une tentation permanente de confondre cité des hommes et Cité de Dieu, et les disciples de Jésus, quelques siècles plus tard, montreront le même aveuglement quand ils entretiendront le vieux rêve de la Chrétienté. Pourtant, avec le “deuxième Isaïe, comme on l’appelle habituellement, une voie nouvelle est ouverte sur laquelle s’engagera le Petit Reste annoncé par Amos et Isaïe. Cette voie sera celle des “Pauvres de Yahvé”qui, comme Marie, les apôtres et les disciples, sauront reconnaître en Jésus de Nazareth l’Envoyé de Dieu promis par les prophètes.


Source: Bible des peuples