Lecture d'un commentaire (3503)


Ex 25,40

Commentaire: LA LITURGIE CÉLESTE
Ces longs chapitres consacrés d’abord à la description de tous les objets du culte que Moïse doit faire fabriquer dans son désert, ensuite à la réalisation de ces mêmes objets, ne sont sûrement pas ce qui nous attire le plus dans le livre de l’Exode. Et pourtant ils étaient de première importance pour celui qui a fait la dernière rédaction de ce livre. Il est facile de vérifier que le récit interrompu en 24.18 reprend directement en 31.18, et que le bloc des chapitres 25—31 se termine sur un rappel du sabbat dont la conclusion occupe les premiers versets du chapitre 35. Il est donc clair que les chapitres 25—31 et 35—40 ne font qu’un seul ensemble et qu’on les a insérés dans le livre, tel qu’il existait antérieurement. Dans la version ancienne de l’Exode, l’aboutissement du livre était la célébration de l’alliance perpétuelle entre Dieu et Israël avec, aussitôt après, le péché originel d’Israël, la fête du veau d’or. Mais le livre, tel qu’il est entré dans la Bible, a trouvé un nouvel achèvement : l’alliance de Dieu avec Israël trouvera son expression parfaite dans le culte qu’Israël rend à Yahvé dans son Temple. Nous avons indiqué brièvement dans le commentaire de 25.1, que toute cette vision de la Tente sanctuaire au désert avait comme deux fondements. D’une part on gardait le souvenir d’une tente abritant les objets sacrés du groupe nomade (pour Israël c’était essentiellement le coffret appelé arche) qui l’accompagnait dans ses déplacements. D’autre part, on voulait affirmer que le Temple de Jérusalem n’était que la reprise d’un grand sanctuaire mobile, la Tente, que Moïse lui-même avait fait réaliser dans les origines, à la mesure d’un peuple immense de 600 000 hommes… (En fait on avait quelque idée du grand pavillon royal, lié à un sanctuaire, qui accompagnait le Pharaon dans ses campagnes et c’est un peu à son image qu’on décrit la Demeure du désert). La Tente, c’était donc déjà le Temple, et ce devait être l’expression de la fidélité d’Israël à l’Alliance. Ces chapitres consacrés à tout le matériel du culte et qui régissent le domaine de Dieu, se placent donc logiquement là où on les a placés, avant toutes les autres lois que l’on trouvera dans le Lévitique et les Nombres. La Tente — ou, plus tard, le Temple — est le lieu où la liturgie se déroule selon les lois données par Dieu lui-même. C’est ce que signifie ce verset 25.40 : Veille à tout faire selon le plan que je t’ai montré sur la montagne. Et de même en 26.30 et 27.8. Ce n’est sûrement pas par hasard que les artisans de la Tente Sanctuaire sont appelés dans ce récit Bézaléel et Oholiab, des noms qui signifient : “À l’ombre de Dieu” et “Le Père est ma tente” En plusieurs endroits les prophètes font allusion à la Demeure de Dieu dans les hauteurs (Jérémie 25.30 ; Amos 9.6). En Ézékiel 37.27 il nous est dit que cette Demeure sera au-dessus du peuple au terme de ses épreuves. On retrouvera l’idée d’un culte terrestre à l’image de la liturgie céleste dans d’autres passages de la Bible : Sagesse 9.8 ; Siracide 24.9-11. Dans le Nouveau Testament le discours d’Etienne en fait mention (Actes 7.44). Il est bon de le rappeler si nous voulons comprendre ce que dit l’évangile de Jean sur le Temple qui est le corps — nous devrions dire : la personne — de Jésus (Jean 2.21). La lettre aux Hébreux évoque le Temple céleste où le Christ est entré porteur de son propre sang (9.11-12), et bientôt elle passe (10.19) à une autre image : le Temple est le corps du Christ. L’Apocalypse de Jean parlera encore de ce Temple céleste où se prononcent les jugements de Dieu sur l’histoire, à partir de 11.19 et jusqu’au chapitre 16. Au terme de l’histoire, le Temple disparaît de la scène, car dans l’état final, Dieu est tout en tous : 21.22. Tout ce rappel n’est peut-être pas inutile, vu que notre christianisme occidental a oublié cette longue tradition qui, au contraire, marque profondément la liturgie de l’Église grecque.


Source: Bible des peuples