Lecture d'un commentaire (2945)


Lc 6,26

Commentaire: Malheureux vous qui riez aujourd’hui ! Il est clair que les trois premières malédictions s’adressent aux mêmes personnes. Jésus s’adresse à des pauvres qui sont l’immense majorité du peuple. Pauvres et exploités, à la limite entre subsistance et dépérissement. Dans le contexte de ce temps où la nourriture et les biens étaient en quantité strictement limitée, toute richesse apparaissait comme fondée sur quelque injustice ; on ne pouvait être riche qu’en privant les autres du strict nécessaire. Cependant cette troisième malédiction a un autre accent, elle vise la folie de ceux qui pensent avoir trouvé leur bonheur dans quelque paradis terrestre et se moquent volontiers, ou préfèrent ignorer aussi bien la fragilité de leur condition que les malheurs d’un grand nombre de leurs frères. Même si aujourd’hui l’on peut accumuler et gâcher quelques milliards sans prendre dans l’assiette des autres, il suffit d’avoir bien voulu s’informer pour savoir que les mêmes mécanismes économiques, et le même développement incontrôlé du progrès technique amènent pour certains une accumulation de richesses, pour les autres la marginalisation, la misère et le règne de la violence. Les peuples riches, sains, policés et écologiques ne sont pas plus près de l’Évangile que les lieux de misère. Les nantis, s’ils ont accepté de ne pas savoir, sont pris par un style de vie qui nécessairement les fait passer à côté de toutes les occasions, les heurts, les fragilités qui permettraient à Dieu de toucher leur cœur et d’entrer dans leur vie, et c’est pourquoi l’Église ne prospère que bien peu sur leurs terres. Inutile de préciser si la menace lancée contre eux est pour demain ou pour l’autre vie ; d’une part, Dieu a prévu que l’ordre du monde et les coups de la fortune amènent des retours de flamme et la tragédie imprévue est toujours à la porte ; mais plus encore, la vie satisfaite, heureuse selon les critères communs, n’est qu’un désastre à l’aune de l’éternité. Pour qui a mordu à l’Évangile, il est impossible aujourd’hui de supporter l’immense majorité des publicités de l’affiche ou de la télé, car toutes proclament également : heureux ceux qui jouissent de tel ou tel plaisir, de tel ou tel gadget ; heureux plus encore si ce qu’ils ont acheté est devenu pour le couple le centre de son bonheur.


Source: Bible des peuples