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Dt 14,2

Commentaire: Les chapitres 14—16 établissent les bases qui assureront la cohésion de la société israélite. Pour commencer, les prohibitions d’ordre alimentaire. Ensuite les dîmes qui permettent d’entretenir un culte digne de Dieu. Puis vient l’année de la Rémission, laquelle mettra un frein aux processus qui vont séparant toujours davantage riches et pauvres. Enfin les fêtes qui seront pour tous les hommes de la nation l’occasion d’une rencontre à Jérusalem autour du Temple. Les prohibitions alimentaires seront un moyen de se séparer des autres peuples qui habitent la Palestine. Elles seront complétées par d’autres règles touchant ce qui est pur ou impur et marqueront peu à peu toute la trame de la vie quotidienne. Elles permettront ainsi au Juif, même émigré, de ne pas se fondre dans la masse des non-Juifs mais d’avoir toujours besoin de la solidarité avec ses “frères”. Les dîmes sont un engagement concret, un de ceux devant lequel de fort nombreux croyants reculent, prétextant d’un sens plus spirituel des réalités religieuses. Une partie des dîmes n’est pas entièrement donnée (14.22-27). On la dépense à Jérusalem, et il y a d’abondantes retombées sur le Temple et sur la ville. Ce n’est pas le cas de la dîme de tous les trois ans, destinée au pauvre et au lévite (28-29). N’oublions pas que le Deutéronome fait partie de la grande réforme qui mit fin aux sanctuaires de province pour donner l’exclusivité au temple de Jérusalem. Elle voulait éliminer de nombreux abus de fait et bien des compromissions religieuses, mais aussi elle déposséda tous les prêtres qui vivaient de ces sanctuaires. On ne leur retire pas le caractère sacré qu’ils se transmettent de père en fils, et la communauté se devra d’assurer leur maintien. L’année de la rémission est déjà ce que sera dans le Lévitique l’année sabbatique : une année de remise des dettes grâce à laquelle tout israélite gardera en Israël sa part d’héritage. Elle devra favoriser la réconciliation et la solidarité sociale. Quant aux trois fêtes, elles sont inséparablement acte religieux et manifestation nationale. C’est là que le peuple éprouve plus profondément son identité comme peuple de Dieu, et que la foi se réaffirme au souvenir des interventions de Dieu dans son histoire. Il est bien évident que toutes ces lois ne prennent leur sens que dans le cadre unique de l’histoire d’Israël. Elles ont dû présider à la réforme d’Ézékias dont le deuxième livre des Chroniques nous fait le plus grand éloge à propos de la Grande Pâque qu’il fit célébrer ( 2Chroniques 29—31). Elles ont inspiré de même la Réforme de Josias un siècle plus tard. Mais lorsque des chrétiens aujourd’hui s’inquiètent de l’effondrement moral de la société en des pays qui avaient une identité chrétienne, il n’est pas inutile pour eux de relire ces pages : on ne refait pas un pays sans lui imposer une mission, sans lui demander des sacrifices qui coûtent et sans créer des institutions de solidarité effective et de redistribution. Gandhi avait inscrit parmi les lois fondamentales de toute société ces deux adages : pas de politique sans morale, pas de culte sans sacrifices.


Source: Bible des peuples