Lecture d'un commentaire (2133)


Gn 1,31

Commentaire: Dieu vit que cela était bon. Ce était bon signifie avant tout : bien fait, cohérent, hiérarchisé, prêt pour recevoir l’humanité et digne de la majesté divine. Les Hébreux n’étaient guère sensibles à la beauté de la création ou, s’ils y étaient sensibles, ils ont oublié d’en parler. Hors du Cantique, de Job et de quelques Psaumes la Bible ne montre guère d’émotion devant la beauté du monde. D’autres peuples qui vivaient hors de cette révélation ont été plus sensibles à la présence de la divinité dans l’univers. Les grandes sagesses orientales sont très attentives à rester en harmonie avec les rythmes de l’univers, et, sans vouloir les comparer avec les cultes naturistes que les Israélites ont rencontrés en Canaan, il y avait sans doute un peu de cela dans les cultes cananéens, malgré leur corruption que la Bible dénonce. L’opposition était grande entre ces peuples qui, d’une certaine façon, divinisaient la nature, et Israël qui la regardait comme l’œuvre de Dieu et soumise à Dieu. Le livre de la Sagesse s’étonne de ce que les autres peuples confondent si souvent Dieu et la nature : “Comment ont-ils pu se laisser fasciner par cette beauté et ne pas voir, au-delà de la création le Créateur plus grand encore ? Car la grandeur et la beauté des créatures donnent une idée de celui qui leur a donné l’être” (Sagesse 16.3-5). Il ne faut donc pas trop nous étonner si le peuple de Dieu paraît ignorer les reflets de Dieu dans l’univers et si ce n’est pas la contemplation de la vie qui l’amène à chercher Dieu. On ne peut tout enseigner à la fois, et la priorité était d’inculquer l’autorité souveraine de Dieu. Pour cette raison, le chapitre de la création établit un ordre, et à partir de cet ordre une liturgie : le sabbat rappelle cette volonté de Dieu qui parfois nous paraît arbitraire. Le Reflet de Dieu On a souvent magnifié la sagesse du Créateur, ingénieur merveilleux, auteur des lois de la nature. Mais peut-être voit-on plus en profondeur sur les chemins de la beauté et de l’amour : Dieu artiste, danseur, amant et père. La création comme un reflet de Dieu : l’être infiniment riche s’exprime d’abord en son Verbe, et bientôt se reflète en une multitude d’êtres qui sont esprit comme lui-même est esprit, et qui sont libres et créateurs de beauté, un peu comme lui-même est liberté, créant à chaque instant des choses et des situations et des personnes neuves, belles et imprévisibles. Et de reflet en reflet, des esprits à la matière, la beauté et la créativité se font étoiles, êtres vivants et cœurs de chair. Si la création est avant tout un reflet de ce qui est en Dieu, nous n’avons plus de difficulté à croire, comme la Bible entière nous le fait sentir, qu’il y a eu d’abord la création d’un monde spirituel et que celui-ci est à l’origine de l’univers visible. Les liens qui unissent ces deux mondes sont tels en réalité que l’on ne peut pas opposer sans plus la matière et l’esprit : l’univers est un. C’est un fait que les Israélites voyaient surtout les esprits comme des messagers porteurs des décrets de Dieu ( Isaïe 37.36 ; Daniel 9.21 ; Zacharie 1—2 ; Hébreux 1.7), et c’est là le sens du mot anges ; mais cela ne nous empêche pas de les voir comme les dispensateurs de l’intelligence et de la beauté dans tous les domaines de la nature. Dieu n’a jamais empêché qui que ce soit de créer. Ces anges ou esprits cosmiques ont donné forme et figure à notre planète, ils se sont faits les artistes et les inspirateurs de l’évolution des êtres organisés. C’est bien là la vision qu’avaient des anges les Pères de l’Église de formation platonicienne, et le cardinal Newman, il y a cent cinquante ans, en était un chaud partisan.
UN MESSAGE PROPHÉTIQUE
Cette première page de la Bible pose les bases d’une vue chrétienne de l’existence. Mais nous disons aussi qu’elle a une valeur prophétique en ce sens que si maintenant nous la relisons après avoir reçu l’Évangile, ses vieilles paroles laissent transparaître des vérités nouvelles. Nous en donnons quelques exemples : La Genèse dit : Au commencement, parlant de la création qui apparaît hors de Dieu dans le temps, mais Jean nous montrera bien d’autres richesses de ce commencement ( Jean 1.1) qui pour Dieu ne passe pas. Car Dieu n’est pas soumis au temps : il vit dans cette plénitude permanente que nous appelons éternité. Là, il n’y a ni avant ni après, ni durée, ni fatigue, ni ennui. Au commencement Dieu se projette en son Fils qui est à la fois son image et sa Parole ( Colossiens 1.15 ; Hébreux 1.3). Mais dans ce même commencement Dieu crée hors de lui le monde, pour y distribuer les richesses qu’il contemple en son Fils. Et c’est alors que commencent l’univers et les esprits, l’espace et le temps. Cet univers est donc une expression du mystère profond de Dieu ; toute l’histoire humaine qui va y prendre place sera une “histoire sacrée” où Dieu réalisera un désir éternel : un débordement de l’amour et de la créativité. À son image et ressemblance. Nous sommes appelés à partager le mystère de Dieu au terme d’un chemin où nous devenons semblables à lui : ce chemin, nous dit le Nouveau Testament, est celui de l’amour : 1Corinthiens 13.13 ; 1Jean 3.1-6 ; 7.8. Qu’il domine. Si Adam représente toute la race humaine, le véritable Adam est le Christ. Dès le premier instant Dieu avait décidé que son Fils se ferait homme ( Éphésiens 1.14), et c’est en lui que Dieu a béni la race humaine en laquelle chacun de nous apparaît avec ses dons et son destin ( Éphésiens 1.1). C’est lui d’abord qui justifie les paroles du Psaume 8 “Qui est l’homme pour que tu t’en souviennes ? Tu l’as couronné de gloire” (voir 1Corinthiens 15.24 ; Hébreux 2.6). Et Dieu se reposa le septième jour. Ce n’est pas que Dieu regarde de loin sa création ( Jean 5.17). Nous devons plutôt comprendre que la création de Dieu et le travail humain aboutissent au jour sans fin où nous nous reposerons en Dieu, partageant sa plénitude (Hébreux 4.1-10).


Source: Bible des peuples