Lecture d'un commentaire (2126)


Gn 1,3

Commentaire: Nous avons dit dans le commentaire que ce premier chapitre était comme la préface du premier noyau de la Bible, lorsque Esdras après le retour de l’Exil a réuni les livres de Moïse et des Prophètes (Néhémie 8 ; 2Maccabées 2.13). Si nous comparons ce premier chapitre aux récits d’autres peuples anciens — nous pourrions parler de leurs cosmogonies (écrits relatifs à la formation de l’univers) ou de leurs mythes (contes qui expriment de façon imagée les croyances relatives à l’ordre du monde) — il sera facile de noter quelques points où le présent récit dit ce que les autres ne disent pas. Et tout d’abord l’insistance sur ces mots : Dieu dit : Les Écritures font loi, mais avant toute écriture une parole a été dite. Dans bien d’autres passages l’expression Dieu dit ne fait que montrer l’origine divine d’une loi, mais ici il y a plus : Dieu a parlé, il est sorti de son mystère. Quelle révélation décisive sur Celui ou Cela qui est l’Éternité ! Dès le départ on écarte les doutes de ceux qui demandent : Est-ce qu’il est conscient ? Est-ce qu’il nous connaît ? Peut-il communiquer avec sa création ? Est-ce qu’il attend de nous quelque chose ? Il n’y a pas beaucoup de philosophes qui se soient risqués à donner une réponse à ces questions. Or voilà que déjà dans ces textes anciens la foi juive et chrétienne prend position : Dieu sort de lui-même et s’adresse à nous attendant une réponse. Derrière l’univers, son immensité, ses ombres et ses lumières, Quelqu’un existe qui a déclenché une aventure de conséquences incalculables. Et le plus risqué de cette aventure a été d’engager un dialogue avec ses créatures. Quand nous parlons, ce n’est pas seulement pour donner des ordres ou pour demander quelque chose. Quand je parle, c’est comme si je frappais à la porte de l’autre pour qu’il voie que j’existe, pour le mettre à l’épreuve et pour voir si lui aussi existe vraiment. Et s’il m’écoute, je saurai que moi aussi j’existe et je compte pour quelque chose La révélation chrétienne ne sera donc pas d’abord une loi du Ciel que nous devrions suivre sous peine de châtiment ou d’échec : Dieu est le Tout Autre qui éveille en nous jusqu’à notre conscience et nous sort de notre solitude. C’est à partir de là que nous pourrons comprendre les pages très nombreuses qui sont témoin des appels de Dieu à ses prophètes : Moïse, Élie, Isaïe, Jérémie et bien d’autres. Tout appel de Dieu produit chez celui qui le reçoit une nouvelle conscience de soi et le rend capable de remplir la mission qu’il reçoit. Et c’est ainsi que toute l’histoire biblique sera de quelque façon l’œuvre de prophètes. Dieu est un Dieu qui parle. Il n’a pas attendu pour le faire qu’il y ait des créatures capables de l’entendre : il a parlé d’abord pour se dire lui-même. La Parole est en lui dès le commencement, elle est sa propre sagesse ; il ne la connaît qu’en lui donnant vie, face à lui (Jean 1.1), et puis il la ramène à lui pour qu’elle jouisse de sa propre plénitude.


Source: Bible des peuples