Lecture d'un commentaire (19219)


Est 2,21

Commentaire: LA CONSPIRATION
Un jour, la conversation suivante a eu lieu entre Assuérus et Esther. Le roi demanda à Esther: «De qui es-tu la fille ?»
Esther: «Et de qui es-tu le fils ?»
Assuérus: «Je suis roi et fils de roi».
Esther: «Je suis reine, fille de roi, descendante de la famille royale de Saül. Si tu es un vrai prince, comment as-tu pu mettre à mort Vasthi ?».
Assuérus: «Ce n'était pas pour satisfaire mon propre désir, mais sur les conseils des grands princes de Perse et de Médie».
Esther: «Tes prédécesseurs n'ont pas pris conseil auprès d'intelligences ordinaires, ils ont été guidés par des conseils prophétiques. Arioch amena Daniel à Nabuchodonosor, roi de Babylone, et Belschatsar convoqua lui aussi Daniel devant lui.»
Assuérus: «Y a-t-il encore des prophètes à l'étranger ?
Esther: «Cherche et tu trouveras». (87)
C'est ainsi que Mardochée se voit confier la place qu'occupaient à la cour les chambellans Bigthan et Teresh. Indignés qu'une place occupée par des sénateurs soit confiée à un barbare, les fonctionnaires évincés décidèrent de se venger du roi et de lui ôter la vie. Leur but était d'administrer du poison, ce qui semblait facile à réaliser, car ils étaient les majordomes royaux et pouvaient trouver de nombreuses occasions de faire tomber du poison dans une tasse d'eau avant de la remettre au roi. Ce plan, mené à bien, aurait satisfait leurs sentiments de vengeance, non seulement à l'égard du roi, mais aussi à l'égard de Mardochée. Il aurait permis de faire croire que la mort d'Assuérus était due à la circonstance, qu'il avait confié sa personne aux soins du Juif, comme sa vie avait été en sécurité sous Bigthan et Teresh. Ils discutèrent de leurs projets en présence de Mardochée, pensant à tort qu'il ne comprendrait pas la langue qu'ils parlaient, le tarsien, leur langue Mtrnelle. Ils ignoraient que Mardochée était membre du Sanhédrin et qu'à ce titre, il connaissait les soixante-dix langues du monde. C'est ainsi que leur propre langue les a menés à la ruine.
Cependant, Mardochée n'a pas eu besoin de faire appel à sa grande connaissance des langues ; il a obtenu ses inforMtons sur le complot des deux chambellans par des voies prophétiques. C'est ainsi qu'il apparut une nuit dans le palais. Par miracle, les gardes des portes ne l'avaient pas vu et il put entrer librement. C'est ainsi qu'il entendit la conversation entre les deux conspirateurs.
Mardochée avait plus d'une raison d'empêcher la mort d'Assuérus. Tout d'abord, il souhaitait s'assurer de l'amitié du roi pour les Juifs, et plus particulièrement de sa permission pour la reconstruction du Temple. Ensuite, il craignait que, si le roi était assassiné immédiatement après son accession à un poste élevé dans l'État, les païens n'attribuent la cause du désastre à ses liens avec les Juifs, à son mariage avec Esther et à la nomination de Mardochée à un poste élevé.
La confiance d'Esther dans la piété de Mardochée était si grande qu'elle n'hésita pas à ajouter foi au message qu'elle reçut de lui concernant le complot malveillant ourdi contre le roi. Elle croyait que Dieu exécuterait les souhaits de Mardochée. Même si Bigthan et Teresh n'avaient pas de projets du genre de ceux que leur attribuait son oncle, ils en concevraient maintenant pour que les paroles de Mardochée se réalisent. La confiance d'Esther se révéla aussitôt justifiée. Les conjurés eurent vent de leur trahison auprès du roi, et ils retirèrent à temps le poison qu'ils avaient déjà mis dans la coupe d'Assuérus. Mais pour que Mardochée ne fut pas accusé de mensonge, Dieu fit apparaître le poison là où il n'y en avait pas, et les conjurés furent convaincus de leur crime. (88) Le roi fit analyser l'eau qu'on lui avait fait boire, et il fut manifeste qu'elle contenait du poison. (89) D'autres preuves existaient d'ailleurs contre les deux conspirateurs. Il fut établi que tous deux s'étaient occupés en même temps de la personne du roi, bien que le règlement du palais assignât à l'un des heures de service déterminées, différentes de celles assignées à l'autre. Cela montrait clairement qu'ils avaient l'intention de perpétrer une sombre action en commun. (90)
Les deux conspirateurs cherchèrent à échapper à la légitime punition de leur acte ignoble en mettant fin à leurs jours. Mais leur intention fut contrariée et ils furent cloués sur la croix. (91)


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg