Lecture d'un commentaire (19209)
Esd 7,6
Commentaire: ESDRAS
La réinstallation complète de la Palestine eut lieu sous la direction d'Esdras, ou, comme les Écritures l'appellent parfois, de Malachie (33). Il n'avait pas assisté aux premières tentatives (34) de restauration du sanctuaire, car il ne pouvait quitter son vieux maître Baruch, trop âgé pour entreprendre le difficile voyage en Terre sainte. (35)
Malgré les efforts de persuasion d'Esdras, ce n'est qu'une partie relativement faible du peuple qui se joignit au cortège qui se dirigea vers l'ouest de la Palestine. C'est pourquoi l'esprit prophétique ne s'est pas manifesté pendant l'existence du second temple. Aggée, Zacharie et Malachie furent les derniers représentants de la prophétie. (36) Rien n'est plus surprenant que l'apathie des Lévites. Ils ne manifestèrent aucun désir de retourner en Palestine. Leur punition fut la perte de la dîme, qui fut ensuite donnée au prêtre, bien que les Lévites aient été les premiers à la réclamer. (37)
En rétablissant l'Etat juif en Palestine, Esdras nourrissait deux espoirs: préserver la pureté de la race juive et répandre l'étude de la Torah jusqu'à ce qu'elle devienne la propriété commune de l'ensemble du peuple. Pour contribuer à la réalisation de son premier objectif, il s'élève contre les mariages entre les Juifs et les nations environnantes (38). Lui-même avait soigneusement établi sa propre généalogie avant de consentir à quitter la Babylonie (Esd 7,1), (39) et afin de perpétuer la pureté des familles et des groupes restés en Orient, il emmena avec lui en Palestine tous les «inaptes» (40).
Dans la réalisation de son second espoir, la diffusion de la Torah, Esdras se montra si zélé et si efficace qu'on a dit de lui, à juste titre: «Si Moïse ne l'avait pas devancé, Esdras aurait reçu la Torah. (41) En un sens, il fut en effet un second Moïse. La Torah était tombée dans l'oubli et la négligence en son temps, et il la restaura et la rétablit dans l'esprit de son peuple. (42) C'est à lui que l'on doit principalement la division de la Torah en portions qui devaient être lues chaque année, sabbat après sabbat, dans les synagogues, (43) et c'est lui aussi qui eut l'idée de réécrire le Pentateuque en caractères «assyriens». (44) Pour servir encore plus son dessein, il ordonna d'établir partout des écoles supplémentaires pour les enfants, bien que les anciennes fussent suffisantes pour répondre à la demande. Il pensait que la rivalité entre les anciennes et les nouvelles institutions profiterait aux élèves. (45)
Esdras est à l'origine de ce qui est connue comme les «dix règles d'Esdras». Il s'agit des règles suivantes: 1. Lecture de la Torah les après-midi de sabbat. 2. Lecture de la Torah les lundis et jeudis. 3. Séances du tribunal les lundis et jeudis. 4. Faire la lessive le jeudi et non le vendredi. 5. Manger de l'ail le vendredi en raison de son action salutaire. (46) 6. Cuire le pain tôt le Mtn pour qu'il soit prêt pour les pauvres quand ils en demandent. 7. Les femmes doivent couvrir les parties inférieures de leur corps avec un vêtement appelé Sinar. (47) 8. Avant de prendre un bain rituel, les cheveux doivent être peignés. 9. Le bain rituel prescrit pour les impurs doit couvrir le cas de celui qui désire faire la prière ou étudier la loi. (48) 10. Permission aux colporteurs de vendre des cosmétiques aux femmes dans les villes. (49)
Esdras n'était pas seulement le grand maître de son peuple et son sage chef, il était aussi son avocat auprès des puissances célestes, avec lesquelles il entretenait des relations particulièrement intimes. Un jour, il adressa à Dieu une prière dans laquelle il se plaignait du malheur d'Israël et de la prospérité des nations païennes. L'ange Uriel lui apparut alors et l'instruisit de ce que le mal a son temps pour s'accomplir, comme les morts ont leur temps pour séjourner dans l'autre monde. Esdras ne se contenta pas de cette explication et, en réponse à sa question, sept visions prophétiques lui furent accordées et interprétées par l'ange à son intention. Ces visions décrivent le cours de l'histoire jusqu'à son époque et révèlent l'avenir à ses yeux. Dans la septième vision, il entendit d'un buisson d'épines, comme Moïse autrefois, une voix qui lui recommandait de garder dans son cur les secrets qui lui avaient été révélés. La même voix avait donné à Moïse une injonction semblable: «Tu publieras ces paroles, et tu garderas secrètes celles-là». C'est alors qu'on lui annonça son départ préMtré de la terre. Il demanda à Dieu que l'Esprit Saint descende sur lui avant sa mort, afin qu'il puisse rapporter tout ce qui s'était passé depuis la création du monde, tel qu'il était décrit dans la Torah, et guider les hommes sur le chemin qui mène à Dieu.
Dieu lui demanda alors d'emmener avec lui dans sa retraite les cinq scribes expérimentés, Sarga, Dabria, Séleucie, Ethan et Aziel, et de leur dicter des textes pendant quarante jours. Après une journée passée avec ces écrivains dans l'isolement, loin de la ville et des hommes, une voix l'avertit: «Esdras, ouvre la bouche et bois ce que je te donne à boire.» Il ouvrit la bouche, et on lui tendit un calice rempli à ras bord d'un liquide qui coulait comme de l'eau, mais dont la couleur ressemblait à du feu. Sa bouche s'ouvrit pour boire, et pendant quarante jours elle ne se referma pas. Pendant tout ce temps, les cinq scribes inscrivirent, «en signes qu'ils ne comprenaient pas», c'est-à-dire en caractères hébraïques nouvellement adoptés, tout ce qu'Esdras leur dictait, et cela fit quatre-vingt-quatorze livres. Au terme des quarante jours, Dieu parla ainsi à Esdras: «Tu publieras les vingt-quatre livres des Saintes Écritures, pour que les dignes et les indignes les lisent ; mais les soixante-dix derniers livres, tu les réserveras au peuple, pour que les sages de ton peuple les lisent. En raison de son activité littéraire, il est appelé «le scribe de la science de l'Être suprême pour l'éternité.» (50)
Après avoir accompli sa tâche, Esdras fut retiré de ce monde terrestre et entra dans la vie éternelle. Mais sa mort n'a pas eu lieu en Terre sainte. Elle l'atteignit au Khouzistan, en Perse, alors qu'il se rendait auprès du roi Artachshashta. (51)
A Raccia, en Mésopotamie, s'élevait encore au XIIe siècle la synagogue fondée par Esdras lors de son voyage de Babylonie en Palestine. (52)
Sur sa tombe, au-dessus de laquelle on voit souvent des colonnes de feu planer la nuit, (53) un miracle se produisit un jour. Un berger s'endormit à côté. Esdras lui apparut et lui demanda de dire aux Juifs qu'ils devaient transporter son cercueil en un autre lieu. Si le maître du nouveau lieu refusait de donner son accord, il devait être sommé de le faire, sous peine de voir périr tous les habitants de l'endroit. Dans un premier temps, le maître refusa d'autoriser les fouilles nécessaires. Ce n'est qu'après qu'un grand nombre d'habitants non juifs du lieu eurent été frappés soudainement qu'il consentit à ce que le cadavre y soit transporté. Dès que la tombe fut ouverte, la peste cessa.
Peu avant la mort d'Esdras, la ville de Babylone fut entièrement détruite par les Perses. Il ne restait plus qu'une portion de muraille imprenable par la force humaine. (54) Toutes les prophéties lancées par les prophètes contre la ville s'accomplirent. Aujourd'hui encore, il y a sur son emplacement un endroit qu'aucun animal ne peut franchir sans y répandre un peu de la terre de l'endroit. (55)
Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg