Lecture d'un commentaire (19186)


2R 24,17

Commentaire: ZEDEKIAH
L'exécution d'un roi et la déportation d'un autre n'étaient que des préludes à la grande catastrophe nationale de l'époque de Sédécias, la destruction du Temple et l'exil de tout le peuple. Après que Nabuchodonosor eut banni Jojakin et une partie du peuple, sa compassion pour les Juifs s'éveilla et il demanda si d'autres fils de Josias vivaient encore. Il ne restait plus que Matthania. (1) Il fut rebaptisé Sédécias, dans l'espoir qu'il serait le père de fils pieux. En réalité, ce nom devint le présage des désastres qui allaient se produire à l'époque de ce roi.
Nabuchodonosor, qui avait investi Sédécias de la charge royale, lui demanda de lui prêter serment de fidélité. Sédécias s'apprêtait à jurer sur sa propre âme, mais le roi babylonien, non satisfait, apporta un rouleau de la loi et fit prêter serment à son vassal juif sur ce document. (2) Néanmoins, il ne resta pas longtemps fidèle à Nabuchodonosor. Ce ne fut pas non plus sa seule trahison envers son suzerain. Une fois, il avait surpris Nabuchodonosor en train de couper un morceau d'un lièvre vivant et de le manger, comme le font les barbares. Nabuchodonosor, péniblement embarrassé, supplia le roi juif de lui promettre sous serment de ne pas mentionner ce qu'il avait vu. Bien que Nabuchodonosor l'ait traité avec beaucoup d'amabilité et l'ait même fait souverain de cinq rois vassaux, il n'a pas mérité la confiance qu'on lui avait accordée. Pour flatter Sédécias, les cinq rois dirent un jour: «Si tout allait bien, tu occuperais le trône de Nabuchodonosor». Sédécias ne put s'empêcher de s'exclamer: «Oui, Nabuchodonosor, que j'ai vu un jour manger un lièvre vivant».
Les cinq rois se rendirent aussitôt auprès de Nabuchodonosor et lui rapportèrent les paroles de Sédécias. Le roi de Babylone se rendit à Daphné, près d'Antioche, pour châtier Sédécias. Il trouva à Daphné le sanhédrin de Jérusalem, qui s'était hâté de le recevoir. Nabuchodonosor accueillit le Sanhédrin avec courtoisie, ordonna à ses serviteurs d'apporter des chaises d'apparat pour tous les membres, et leur demanda de lui lire la Torah et de l'expliquer. Lorsqu'ils arrivèrent au passage du Nombres traitant de la rémission des vœux, le roi posa la question suivante: «Si un homme désire être libéré d'un vœu, quelle est la Mche à suivre ?» Le Sanhédrin répondit: «Il doit se rendre chez un savant, qui l'absoudra de son vœu.» Nabuchodonosor s'exclama alors: «Je crois bien que c'est vous qui avez libéré Sédécias du vœu qu'il avait fait à mon égard.» Et il ordonna aux membres du Sanhédrin de quitter leurs chaises d'apparat et de s'asseoir par terre. (3) Ils durent reconnaître qu'ils n'avaient pas agi conformément à la loi, car le vœu de Sédécias concernait un autre que lui, et sans l'assentiment de l'autre partie, à savoir Nabuchodonosor, le sanhédrin n'avait pas le pouvoir d'annuler le vœu. (4)
Sédécias fut dûment puni pour le grave crime de parjure. Lors de la prise de Jérusalem, il tenta de s'enfuir par une grotte qui s'étendait de sa maison à Jéricho. Dieu envoya un cerf dans le camp des Chaldéens et, dans leur poursuite de ce gibier, les soldats babyloniens atteignirent l'ouverture la plus éloignée de la grotte au moment même où Sédécias en sortait. (5) Le roi juif et ses dix fils furent amenés devant Nabuchodonosor, qui s'adressa à Sédécias en ces termes: «Si je devais te juger selon la loi de ton Dieu, tu mériterais la peine de mort, car tu as fait un faux serment au nom de Dieu ; de même, si je devais te juger selon la loi de l'État, tu mériterais la mort, car tu as manqué au devoir que tu as juré de remplir envers ton suzerain.
Sédécias demanda la grâce que son exécution ait lieu avant celle de ses enfants, et qu'on lui épargne la vue de leur sang. Ses enfants, en revanche, prièrent Nabuchodonosor de les tuer avant de tuer leur père, afin qu'ils n'aient pas à subir le déshonneur de voir leur père exécuté. Dans son manque de cœur, Nabuchodonosor avait résolu des choses bien pires que celles que Sédécias avait prévues. Sous les yeux de leur père, les enfants de Sédécias furent tués, puis Sédécias lui-même fut privé de la vue, ses yeux furent aveuglés. (6) Il avait été doté d'yeux d'une force surhumaine, c'étaient les yeux d'Adam, et les lances de fer qu'on leur avait enfoncées étaient impuissantes à détruire sa vue. La vision ne le quittait qu'à cause des larmes qu'il versait sur le sort de ses enfants. (7) Il se rendit alors compte de la justesse des paroles de Jérémie qui avait prophétisé son exil à Babylone. Même s'il devait y vivre jusqu'à sa mort, il ne verrait jamais ce pays de ses yeux. En raison de son apparente contradiction, Sédécias avait pensé que la prophétie n'était pas vraie. C'est pourquoi il n'avait pas écouté le conseil de Jérémie de faire la paix avec Nabuchodonosor. Or, tout s'est vérifié: il a été emmené captif en Babylonie, mais, aveugle comme il l'était, il n'a pas vu le pays de son exil. (8)


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg