Lecture d'un commentaire (19132)
2S 21,1
Commentaire: LES EPREUVES
Parmi les chagrins de David, il y a les épreuves qui s'abattirent sur la Palestine pendant son règne, et il les ressentit d'autant plus qu'il pensait les avoir provoqué par sa propre faute. Il y eut d'abord la famine, qui fut si désolante qu'elle est comptée parmi les dix plus graves qui doivent arriver depuis le temps d'Adam jusqu'à celui du Messie. (111) Pendant la première année où elle sévit, David fit faire une enquête pour découvrir si l'idolâtrie était pratiquée dans le pays et retenait la pluie. Ses soupçons se révélèrent sans fondement. La deuxième année, il examina les conditions morales de son royaume, car la débauche peut entraîner le même châtiment que l'idolâtrie. Là encore, il s'est trompé. La troisième année, il s'intéressa à l'administration de la charité. Peut-être le peuple s'était-il rendu coupable à cet égard, car les abus dans ce domaine étaient également sanctionnés par la famine. (112) Ses recherches étant de nouveau infructueuses, il se tourna vers Dieu pour lui demander la cause de la détresse publique. La réponse de Dieu fut la suivante: «Saül n'était-il pas un roi oint d'huile sainte, n'avait-il pas aboli l'idolâtrie, n'était-il pas le compagnon de Samuel au Paradis ? Et pourtant, alors que vous habitez tous le pays d'Israël, lui est 'hors du pays'«. David, accompagné des savants et des nobles de son royaume, se rendit aussitôt à Jabès en Galaad, déterra les dépouilles de Saül et de Jonathan et, en procession solennelle, les porta à travers toute la terre d'Israël jusqu'à l'héritage de la tribu de Benjamin. C'est là qu'ils furent enterrés. Les hommages d'affection rendus par le peuple d'Israël à son roi défunt excitèrent la compassion de Dieu, et la famine prit fin. (113)
Le péché contre Saül était maintenant effacé, mais il restait encore la culpabilité de Saül lui-même dans ses agissements avec les Gabaonites, qui l'accusaient d'avoir tué sept d'entre eux. David demanda à Dieu pourquoi il avait puni son peuple à cause des prosélytes. La réponse de Dieu fut la suivante: «Si tu n'approches pas ceux qui sont loin, tu éloigneras ceux qui sont près». Pour assouvir leur vengeance, les Gabaonites demandèrent la mort de sept membres de la famille de Saül. David chercha à les amadouer en leur expliquant qu'ils ne tireraient aucun profit de la mort de leurs victimes et il leur offrit de l'argent et de l'or à la place. Mais David eu beau traiter avec chacun d'eux individuellement, les Gabaonites ne cédèrent pas. Lorsqu'il se rendit compte de leur dureté de cur, il s'écria: «Dieu a donné trois qualités à Israël: ils sont compatissants, chastes et bienveillants à l'égard de leurs semblables. La première de ces qualités, les Gabaonites ne la possèdent pas, et c'est pourquoi ils doivent être exclus de la communion avec Israël». (114)
Les sept descendants de Saül à livrer aux Gabaonites furent déterminés en faisant passer toute sa postérité devant l'Arche de la Loi. Ceux qui furent arrêtés devant elle furent les victimes désignées. Mephibosheth aurait été l'un des malheureux, s'il n'avait pas été autorisé à passer sans contrôle, en réponse à la prière de David, (115) à qui il était cher, non seulement en tant que fils de son ami Jonathan, mais aussi en tant que maître qui l'avait instruit dans la Torah. (116)
Le sort cruel réservé aux descendants de Saül eut un effet salutaire. Tous les païens qui le virent et l'entendirent s'exclamèrent: «Il n'y a pas de Dieu semblable au Dieu d'Israël, il n'y a pas de nation semblable à la nation d'Israël ; les torts infligés aux malheureux prosélytes ont été expiés par les fils du roi.» L'enthousiasme des païens devant cette manifestation du sens de la justice juive fut si grand que cent cinquante mille d'entre eux se convertirent au judaïsme. (117)
Quant à David, son tort, en ce qui concerne la famine, est de ne pas avoir utilisé sa richesse privée pour améliorer les souffrances du peuple. Lorsque David revint victorieux du combat contre Goliath, les femmes d'Israël lui donnèrent leurs ornements d'or et d'argent. Il les mit de côté pour la construction du Temple, et même pendant les trois années de famine, ce fonds ne fut pas touché. Dieu dit: «Tu t'es abstenu de sauver des êtres humains de la mort, afin de garder ton argent pour le Temple. En vérité, le Temple ne sera pas construit par toi, mais par Salomon.» (118)
David est encore plus blâmable pour le recensement qu'il fit des Israélites au mépris de la loi du Pentateuque. Chargé par le roi de recenser le peuple, Joab s'efforça de le détourner de son projet. En vain. Furieux, David dit: «Ou tu es roi et je suis général, ou je suis roi et tu es général». Joab n'eu d'autre choix que d'obéir. Il choisit la tribu de Gad comme première tribu à recenser, car il pensait que les Gadites, indépendants et volontaires, entraveraient l'exécution de l'ordre royal et que David serait contraint de renoncer à son projet de recensement. Les Gadites déçurent les espérances de Joab, qui se tourna vers la tribu de Dan, espérant que si le châtiment de Dieu s'abattait, il frapperait les Danites idolâtres. N'aimant pas sa mission, Joab mit neuf mois à l'exécuter, alors qu'il aurait pu le faire en beaucoup moins de temps. Il n'exécuta pas non plus à la lettre les ordres du roi. Il avertit lui-même le peuple du recensement. S'il voyait le père d'une famille de cinq fils, il lui demandait d'en cacher quelques-uns. Suivant l'exemple de Moïse, il omit les Lévites dans le dénombrement, ainsi que la tribu de Benjamin, car il nourrit des appréhensions particulièrement graves à l'égard de cette tribu fortement décimée. (119) Finalement, David ne fut pas informé du nombre réel obtenu. Joab fit deux listes, avec l'intention de donner au roi une liste partielle s'il s'apercevait qu'il ne soupçonnait aucune ruse. (120)
Le prophète Gad vint trouver David et lui donna le choix entre la famine, l'oppression par des ennemis ou la peste, comme sanction pour le lourd crime du recensement populaire. David était dans la position d'un malade à qui l'on demande s'il préfère être enterré à côté de son père ou à côté de sa mère. Le roi réfléchit: Si je choisis les calamités de la guerre, le peuple dira: «Il s'en soucie peu, il a ses guerriers pour s'occuper» ; Si je choisis la famine, on dira: «Il s'en soucie peu, il a ses richesses pour lui». Je choisirai la peste, dont le fléau frappe tous les hommes de la même façon». (121) Bien que la peste n'ait sévi que très peu de temps, (122) elle a fait un grand nombre de victimes. La perte la plus grave fut la mort d'Abishaï, dont la piété et l'érudition pesaient autant qu'une armée de soixante-quinze mille hommes. (123)
David leva les yeux, et il vit les péchés d'Israël s'accumuler de la terre au ciel. Au même instant, un ange descendit et tua ses quatre fils, le prophète Gad et les vieillards qui l'accompagnaient. La terreur de David à cette vue, qui ne fit que s'accroître lorsque l'ange essuya son épée ruisselante sur les vêtements du roi, se fixa dans ses membres, qui, à partir de ce jour, ne cessèrent de trembler. (124)
Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg