Lecture d'un commentaire (19082)


Dt 34,5

Commentaire: LES DERNIÈRES HEURES DE MOISE
Lorsque Moïse eut fini de contempler le pays et l'avenir, il était à une heure de la mort. Une voix retentit du ciel et dit: «Ne fais pas d'efforts inutiles pour vivre.» Mais Moïse ne cessa de prier, disant à Dieu: «Seigneur du monde ! Laisse-moi rester de ce côté-ci du Jourdain avec les fils de Ruben et les fils de Gad, afin que je sois comme l'un d'eux, tandis que Josué, roi à la tête d'Israël, entrera dans le pays de l'autre côté du Jourdain.» Dieu répondit: Si Israël voit que tu ne fais pas de pèlerinage au sanctuaire, il dira: «Si Moïse, par qui la Torah et les lois nous ont été données, ne fait pas le pèlerinage au sanctuaire, combien moins avons-nous besoin de le faire ! Tu provoquerais alors la non observance de mes commandements. J'ai d'ailleurs écrit dans la Torah, par ton intermédiaire: «Au bout de sept ans, à l'époque fixée pour l'année de libération, lorsque tout Israël sera venu se présenter devant le Seigneur ton Dieu, au lieu qu'il choisira, tu liras cette loi devant tout Israël, en l'écoutant». Si tu vivais, tu réduirais à néant l'autorité de Josué aux yeux de tout Israël, car ils diraient: «Au lieu d'apprendre la Torah et de l'entendre de la bouche du disciple, allons plutôt vers le maître et apprenons de lui». Israël abandonnera alors Josué et ira vers toi, afin que tu provoques la rébellion contre Ma Torah, dans laquelle il est écrit que le roi lira devant tout Israël la Torah au moment fixé de l'année de libération.» (906)
Une heure s'étant écoulée, une voix retentit du ciel et dit: «Jusqu'à quand t'efforceras-tu en vain d'éviter la sentence ? Il ne te reste plus que deux heures de vie.» Le méchant Samaël, chef des mauvais esprits, avait attendu avec impatience le moment de la mort de Moïse, car il espérait s'emparer de son âme comme de celle de tous les autres mortels, et il répétait sans cesse: «Quand le moment sera-t-il venu où Michel pleurera et où je triompherai ?» Alors qu'il ne restait plus que deux heures avant la mort de Moïse, Michel, l'ange gardien d'Israël, se mit à pleurer, et Samaël jubilait, car le moment qu'il attendait depuis si longtemps était tout proche. Mais Michel dit à Samaël: «Ne te réjouis pas contre moi, mon ennemi ; quand je tomberai, je me relèverai ; quand je serai assis dans les ténèbres, le Seigneur sera pour moi une lumière. Même si je suis tombé à cause de la mort de Moïse, je me relèverai par Josué lorsqu'il conquerra les 130 rois de Palestine. Même si je suis assis dans les ténèbres à cause de la destruction du premier et du second Temple, le Seigneur sera ma lumière au jour du Messie».
Une heure s'étant écoulée, une voix retentit du ciel et dit: «Moïse, tu n'as plus qu'une heure à vivre !». Moïse dit alors: «Seigneur du monde ! Si tu ne me laisses pas entrer dans la terre d'Israël, laisse-moi au moins dans ce monde, afin que je vive et que je ne meure pas. Dieu répondit: «Si je ne te laisse pas mourir en ce monde, comment pourrai-je te faire revivre dans le monde futur ? De plus, tu démentirais la Torah, car J'y ai écrit par ton intermédiaire: «Il n'y a personne qui puisse délivrer de Ma main». Moïse continua à prier: «Seigneur du monde ! Si tu ne me permets pas d'entrer dans la terre d'Israël, que je vive comme les bêtes des champs, que je me nourrisse d'herbes et que je boive de l'eau, que je vive et que je voie le monde, que je sois comme l'un d'eux. Mais Dieu dit: «Que cela te suffise !» Moïse continua: «Si tu ne m'accordes pas cela, fais que je vive au moins dans ce monde comme un oiseau qui vole dans les quatre directions du monde et qui, chaque jour, cueille sa nourriture sur le sol, boit de l'eau dans les ruisseaux et, le soir venu, retourne à son nid. Mais même cette dernière prière fut rejetée, car Dieu dit: «Tu as déjà trop parlé.» (907)
Moïse éleva la voix en pleurant et dit: «Vers qui irai-je pour implorer ma miséricorde ?». Il alla vers toutes les œuvres de la création et dit: «Implorez pour moi la miséricorde.» Mais tous lui répondirent: Nous ne pouvons même pas implorer la miséricorde pour nous-mêmes, car Dieu «a fait toute chose belle en son temps», mais ensuite, «tout va dans un même lieu, tout est poussière, et tout retourne à la poussière», «car le ciel s'évanouit comme une fumée, et la terre se flétrit comme un vêtement».
Moïse, voyant qu'aucune des œuvres de la création ne pouvait lui venir en aide, dit: Il est «le rocher, Son œuvre est parfaite, car toutes Ses voies sont des jugements: C'est un Dieu fidèle et sans iniquité, juste et droit».
Moïse, voyant qu'il ne pouvait échapper à la mort, appela Josué et, en présence de tout Israël, lui adressa la parole en ces termes: «Voici, mon fils, le peuple que je livre entre tes mains est le peuple du Seigneur. Il est encore dans sa jeunesse, et donc inexpérimenté dans l'observation de Ses commandements ; garde-toi donc de lui parler durement, car il est l'enfant du Saint, qui l'a appelé: «Mon fils premier-né, Israël», et qui l'a aimé avant toutes les autres nations». Mais Dieu, Lui, dit aussitôt à Josué: «Josué, ton maître Moïse t'a transmis sa charge. Suis maintenant ses traces, prends une verge et frappe-le à la tête: 'Israël est un enfant, c'est pourquoi je l'aime', et 'ne te retiens pas de corriger l'enfant'«. (908)
Josué dit alors à Moïse «Ô Moïse, mon maître, qu'adviendra-t-il de moi ? Si je donne à l'un une part sur la montagne, il en voudra certainement une dans la vallée, et celui à qui je donnerai sa part dans la vallée souhaitera qu'elle soit sur la montagne.» Moïse le rassura en disant: «Ne crains rien, car Dieu m'a assuré qu'il y aurait la paix dans le partage du pays.» Puis Moïse dit: «Interroge-moi sur toutes les lois qui ne sont pas claires pour toi, car je vais t'être enlevé, et tu ne me reverras plus.» Josué répondit: «Quand t'ai-je quitté, ô mon maître, de nuit ou de jour, pour être dans l'incertitude sur ce que tu m'as enseigné ?» Moïse dit: «Si tu n'as pas de questions à me poser, viens ici, et je t'embrasserai.» Josué alla vers Moïse, qui l'embrassa, pleura sur son cou, et le bénit une seconde fois en disant: «Que tu sois en paix, et qu'Israël soit en paix avec toi.» (909)


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg